INTRODUCTION
Après le gel des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales en 2013, puis leur diminution de 1,5 milliard d'euros en 2014, le Gouvernement a annoncé une nouvelle baisse de 11 milliards d'euros à l'horizon 2017.
En application de l'article 23 de la loi de finances pour 2015, la contribution des collectivités territoriales au redressement des finances publiques s'élève à 3,67 milliards d'euros. L'enveloppe de la DGF en 2015 est fixée à 36,607 milliards. La répartition de l'effort financier entre les différents types de collectivités territoriales a été définie selon des règles identiques à celles ayant prévalu en 2014, au prorata des recettes locales.
Part de chaque niveau de collectivités dans les recettes totales
(en milliards d'euros)
Recettes totales |
Proportion des recettes totales |
|
Bloc communal |
129,62 |
56% |
Départements |
71,82 |
31% |
Régions |
28,23 |
12% |
TOTAL |
229,67 |
100% |
Source : commission des finances du Sénat, à partir des données de l'Observatoire des finances locales 2014
Cette répartition s'établit de la façon suivante :
- le bloc communal contribue à hauteur de 56,4 % , soit 2,071 milliards d'euros ;
- les départements contribuent à hauteur de 31,4 %, soit 1,148 milliard d'euros ;
- enfin la diminution supportée par les régions s'établit à 12,2 %, soit 451 millions d'euros.
Répartition entre niveaux de collectivités territoriales
de la réduction des dotations
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, à partir du projet de loi de finances pour 2015
Un tel contexte financier représente bien évidemment un défi pour les collectivités territoriales. Si le redressement des finances publiques nécessite que chacun y participe, il convient de s'interroger sur les conséquences et la soutenabilité des mesures ainsi mises en oeuvre.
Compte tenu de l'ampleur de la baisse des dotations de l'État, de nombreux travaux ont été engagés pour mettre en évidence l'impact de cette diminution pour les collectivités territoriales (partie I) : après l'alerte lancée par vos rapporteurs en novembre 2014, plusieurs études et missions ont été menées pour évaluer les conséquences de l'évolution de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et définir la réforme qui semble désormais incontournable.
Ainsi qu'ils l'avaient annoncé, vos rapporteurs ont souhaité étudier la façon dont les collectivités territoriales s'adaptent au nouveau contexte financier. Ils ont organisé une consultation auprès des élus locaux, dont les réponses ont été analysées par l'Institut français d'opinion publique (Ifop). Les résultats de cette enquête mettent en évidence les difficultés auxquelles sont confrontées les collectivités territoriales et confirment les inquiétudes relatives à la chute des dépenses d'investissement (partie II) .
I. LE CONTEXTE DE L'ÉTUDE : L'ÉVIDENCE D'UNE NÉCESSAIRE RÉFORME
A. LES TRAVAUX DU SÉNAT
1. Tome I du rapport sur les finances locales à l'horizon 2017 : l'alerte lancée par vos rapporteurs
Dans le rapport n° 95 (2014-2015) publié le 12 novembre 2014, vos rapporteurs ont mis en évidence les difficultés financières rencontrées depuis plusieurs années par les collectivités territoriales. Ainsi, en 2013, 10 % à 15 % des communes de plus de 10 000 habitants et des départements affichaient d'ores et déjà un encours de dette représentant plus de quinze années d'épargne brute, c'est-à-dire qu'elles étaient techniquement en situation d'insolvabilité .
L'étude menée par le cabinet Michel Klopfer montre qu'il est impossible de poursuivre une évolution « au fil de l'eau » sur la période 2013-2018. En effet, au regard des ratios financiers utilisés (taux d'épargne brute 2 ( * ) et capacité de désendettement 3 ( * ) ), la situation serait particulièrement problématique pour les communes de plus de 10 000 habitants et pour les départements. Le nombre de collectivités très vulnérables 4 ( * ) , s'agissant tant du taux d'épargne brut (inférieur à 7 %) que de la capacité d'autofinancement (supérieure à quinze ans) serait en quasi triplement.
Sans ajustement, la baisse globale de 12,5 milliards de la DGF ferait de l'impasse financière la situation de « droit commun » des collectivités françaises . Cette contribution des collectivités territoriales au redressement des finances publiques représente 43 % de l'épargne brute totale dégagée sur les budgets des collectivités au 31 décembre 2013 (28 milliards d'euros).
Ramener les dépenses de gestion des collectivités à l'inflation ne peut suffire à faire face à cette situation. Une baisse de 30 % des investissements locaux apparaît malheureusement incontournable et les collectivités devront probablement aller plus loin et prendre d'autres décisions, notamment fiscales, pour réaliser l'ajustement qui est demandé à l'horizon 2017 .
Lors de la présentation du tome I, les rapporteurs ont annoncé qu'ils allaient étudier « la façon dont les élus locaux vont concrètement prendre leurs décisions pour s'adapter au nouveau contexte » afin de mettre en perspective les décisions du terrain avec les projections financières.
2. Questions cribles thématiques sur la dotation globale de fonctionnement : le constat partagé d'un système inéquitable
Le jeudi 11 juin 2015, au Sénat, une séance de questions cribles thématiques a été consacrée à la dotation globale de fonctionnement .
Elle a permis de rappeler les inégalités constatées par tous dans sa répartition. Ont été ainsi évoqués :
- la sédimentation de réformes successives , qui aujourd'hui conduisent à ce que « la moitié des montants de la dotation globale de fonctionnement demeurent figés pour des raisons historiques », comme l'a indiqué le secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale ;
- l'éligibilité de 34 803 communes, soit 95 % d'entre elles, à la dotation de solidarité rurale (DSR), dotation de péréquation ;
- le caractère « illisible », « inefficace », inadapté et injuste des critères de répartition de la DGF . Le secrétaire d'État a d'ailleurs répondu à une question de votre rapporteur, M. Jacques Mézard, en reconnaissant que « oui, la DGF actuelle est injuste » ;
- la situation du bloc communal, « le plus sollicité par les citoyens » et « le plus touché ». D'ailleurs le secrétaire d'État a indiqué que la réforme doit viser en premier « le bloc communal, qui représente 22 milliards sur les 36 de la dotation globale de fonctionnement : c'est là où les inégalités sont les plus fortes » ;
- la difficulté des collectivités territoriales qui doivent faire face à une baisse de 6 % de leurs recettes, dans la mesure où les dépenses sont « constituées à 60 % de frais de personnel » et qu'elles ne maîtrisent « ni la hausse du point d'indice ni l'évolution du glissement vieillesse-technicité, pas plus que les charges nouvelles décidées par l'État . » ;
- le souhait d'une « baisse péréquatrice » ;
Le secrétaire d'État auprès du ministre chargé des finances et des comptes publics, chargé du budget, a indiqué que le Gouvernement a « les moyens de procéder à toutes les simulations nécessaires . Parmi elles, le calcul - je parle bien du calcul, et non du versement - à l'échelle de l'intercommunalité . Il y a des communes riches dans des intercommunalités pauvres, d'où des prélèvements qui ne se justifient pas. Avec de la volonté, nous pouvons aboutir dès la prochaine loi de finances » .
Ce débat a permis de prendre acte de la volonté du Gouvernement de réformer une DGF devenue obsolète et injuste, en donnant la priorité au bloc communal .
* 2 Il mesure le solde entre recettes et dépenses de fonctionnement, ramené aux recettes de fonctionnement. Indicateur des marges de manoeuvre de la section de fonctionnement, l'épargne brute est le seul moyen propre et récurrent dont dispose la collectivité pour rembourser sa dette.
* 3 Elle mesure l'encours de la dette rapporté en nombre d'années théoriques nécessaires à une collectivité pour amortir son stock de dette, à condition qu'elle y consacre l'intégralité de son épargne brute. Le seuil d'insolvabilité pour une collectivité est fixé à quinze ans. Au-delà de douze ans, la collectivité se situe dans une zone d'alerte.
* 4 61 % des communes de 10 000 à 50 000 habitants auraient une épargne brute inférieure à 7 % et 53 % d'entre elles dépasseraient le seuil d'insolvabilité.