AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Le droit d'auteur peut être défini par le fait d'accorder, par le droit exclusif d'autoriser ou d'interdire, une garantie contre la concurrence déloyale et la contrefaçon pour les éditeurs et les producteurs, une reconnaissance de la création d'oeuvre originale pour les auteurs, ainsi que des droits voisins pour les prestations des artistes et interprètes. Le terme d'auteur est d'ailleurs issu du mot latin auctor dérivé du verbe augeo, qui signifie augmenter ou garantir.
Le numérique a profondément modifié les pratiques culturelles et, partant, déstabilisé les modalités d'application des droits d'auteur comme de financement de la création. A contrario , il a également permis une circulation des oeuvres dans un espace géographique infini et avec une rapidité jamais égalée. Visionnaire, Paul Valéry prédisait « des changements prochains et très profonds dans l'antique industrie du Beau » et d'abord dans la transmission des oeuvres, qui « acquerront une sorte d'ubiquité » . Il ajoutait : « je ne sais si jamais philosophe a rêvé d'une société pour la distribution de réalités sensibles à domicile » . La réalité lui donne aujourd'hui raison. Elle entraîne également des bouleversements, qui ne sont pas sans conséquences sur l'écosystème culturel.
Alors que l'Europe s'est emparée du débat sur l'adaptation des droits d'auteur aux nouveaux modes de consommation numérique des oeuvres, sur fond de création d'un marché européen unique du numérique, les inquiétudes des ayants droit face à la dématérialisation croissante des contenus , dès lors moins facilement traçables, à la remise en cause , par les nouvelles technologies, du modèle de financement de la culture et à la diversification continue des modalités du piratage, ne cessent de croître.
Avec la création de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) par deux lois successivement votées en 2009 et 2010, le gouvernement d'alors avait cru imaginer la solution au piratage, alors dominé par les réseaux « peer to peer ». Hélas, le bilan est loin d'être à la hauteur des intentions du législateur . Il faut dire que la Hadopi, née dans la douleur, n'a jamais fait l'objet d'un consensus, ni politique, ni social. Là réside-t-elle la cause de son échec relatif et, surtout, de sa mise à l'écart progressive des politiques de lutte contre la contrefaçon sur Internet ? Serait-ce plutôt les évolutions technologiques qui auraient rendu l'instrument obsolète ? Au contraire, bien pensé, le mécanisme n'aurait-il souffert que de l'opprobre général ?
En remontant aux origines de la Hadopi et en dressant un bilan de son action , votre mission d'information a essayé de répondre à ces questions et d' imaginer un avenir pour une institution décriée . Au fil des auditions menées, comme de ses déplacements à Bruxelles et dans les locaux de la Hadopi, il lui est en effet apparu combien le débat entre les « pour » et les « contre » était par trop simpliste.
La protection des artistes et des oeuvres, comme l'objectif d'un meilleur accès de tous à la culture, méritent mieux qu'une opposition stérile. Ces enjeux obligent moralement les élus à une réflexion sur ce que sera la vie culturelle de demain, dans le respect d'un juste équilibre entre les intérêts des auteurs, des industriels et des citoyens . Dans ce cadre, une Hadopi rénovée, plus crédible et plus efficace , a un rôle à jouer, aux côtés d'autres outils et d'autres partenaires. Ni solution ultime ni ratage absolu , la réalité de la Hadopi est plus complexe. À l'issue de ses travaux, votre mission d'information en est convaincue.