B. LA POLITIQUE DES TRANSPORTS
1. Les trois grandes priorités de la Commission européenne
Dans un nouveau Livre blanc sur l'avenir des transports (après celui de 2001), publié en mars 2011, la précédente Commission européenne avait présenté la stratégie qu'elle proposait aux horizons 2030 et 2050. Ce livre blanc était centré sur les défis de l'environnement et de la compétitivité. La Commission préconisait une politique active de « décarbonisation » en vue de diminuer les émissions de gaz à effet de serre de 60 % sur la période 1990-2050. Le Livre blanc avait défini dix grands objectifs et déterminé une stratégie reposant sur trois piliers :
- l'achèvement du marché unique des transports plus libéralisé, notamment sur le rail et la route ;
- la recherche et l'innovation ;
- la mise en service d'un réseau européen de transport à développer, notamment dans le domaine ferroviaire grâce à un financement adéquat, via l'internalisation des coûts externes et la généralisation du principe pollueur-payeur. Ces objectifs étaient accompagnés d'une liste de 40 mesures détaillées. Depuis 2011, la Commission européenne a lancé une série de consultations publiques et pris des initiatives législatives s'inscrivant dans les orientations fixées par le Livre blanc de 2011.
Interrogée par la délégation de la commission des affaires européennes, Mme Violeta Bulc, commissaire chargée des transports a mise en avant trois grandes priorités que la nouvelle Commission, présidée par Jean-Claude Juncker, souhaite approfondir :
- la numérisation ;
- la « décarbonisation » ;
- l'internationalisation des positions européennes dans le domaine des transports.
La numérisation a un impact majeur sur l'ensemble de l'économie. Cet impact ne fera que croître. Selon la commissaire, le domaine des transports représente un gros potentiel pour le développement du numérique. Ce processus sera créateur d'emplois, en particulier dans les petites et moyennes entreprises qui sont jusqu'à présent mal intégrées en raison des caractéristiques du secteur. Il s'agira de développer une approche globale pour permettre les interconnexions au-delà des frontières modales. La stratégie numérique présentée par la Commission, le 6 mai dernier, revêt de ce point de vue un grand intérêt. En outre, la mise à disposition d'une nouvelle norme - un « nouveau GSM » pour les transports - pourrait contribuer à l'interopérabilité et à l'affirmation de l'Europe dans ce domaine. Le cadre réglementaire devra permettre une approche unifiée pour la tarification avec la création de chambres de compensation sur le modèle de ce qui existe dans les télécommunications. Le droit de la concurrence devra aussi apporter toute sa contribution.
La « décarbonisation » passe par le développement de carburants alternatifs fondés sur les énergies renouvelables. Ils doivent être intégrés dans tous les types de transport. L'Union européenne est responsable de 25 % des émissions de CO 2 . Selon la commissaire, continuer le mouvement de baisse de ces émissions entrepris depuis plusieurs années, aura un effet stimulant pour la croissance. L'industrie doit être entraînée dans la poursuite de cet objectif, dont elle doit être un partenaire. L'électrification revêt par ailleurs un potentiel important dans le domaine routier, à condition de régler certaines questions comme la durabilité des piles ou le stockage.
Enfin, l'Union européenne doit veiller à l'internationalisation des solutions qu'elle préconise. Elle doit impérativement exporter ses concepts et sa vision des évolutions à long terme dans le domaine des transports car la concurrence se développe désormais à l'échelle internationale.
Ces trois grandes priorités seront déclinées par « paquets législatifs » et par mode de transport dans les prochains mois. Une consultation sur le transport aérien doit se poursuivre jusqu'au 10 juin. Le positionnement des acteurs européens sur le marché unique constitue l'un des enjeux majeurs de la réflexion en cours. L'Europe est pionnière pour les drones commerciaux. Mais elle risque de perdre sa première position au profit de la Chine. Il est donc nécessaire de définir une stratégie européenne pour les drones. De même, une stratégie devra être arrêtée pour soutenir l'aviation générale. Les accords internationaux pourraient jouer un rôle important dans le domaine du transport aérien. La Commission européenne souhaitera en particulier avoir un mandat pour engager des négociations avec la Chine.
Le « paquet routier » sera traité en 2016, une consultation étant organisée dans cette perspective. L'ouverture des marchés, les enjeux sociaux, la numérisation et l'euro-vignette devraient être au coeur des débats. Sur le volet social, la commissaire a fait valoir qu'il ne serait pas possible d'avoir des salaires minimums égalisés. En revanche, la Commission entend mieux expliquer les règles européennes en matière de cabotage, qui sont interprétées de façon différente par les États membres.
Seront ensuite abordés le « paquet maritime et la navigation intérieure en 2017, l'interopérabilité et les « villes intelligentes » en 2018.
2. Le quatrième paquet ferroviaire
La délégation a souhaité faire un point sur les négociations en cours concernant le quatrième « paquet ferroviaire » et sur les principales questions restant en discussion.
La commission des affaires européennes a examiné, le 17 juillet 2013, le rapport sur les enjeux du 4 e paquet ferroviaire présenté par notre ancien collègue Roland Ries. Elle a également adopté une proposition de résolution européenne, devenue résolution du Sénat le 19 octobre 35 ( * ) .
Cette résolution portait sur six propositions législatives, regroupés en deux « volets » :
• le volet « technique » comporte
trois propositions de directives tendant à homogénéiser la
gestion du trafic sur l'ensemble du territoire de l'Union, à simplifier
les procédures d'homologation, à clarifier les
responsabilités respectives de l'Agence ferroviaire européenne et
des organismes nationaux ;
• le volet « politique » tend
principalement a parachevé la libéralisation des transports de
passagers, en ouvrant à la concurrence les transports nationaux
dès 2019 et en n'imposant la passation de marchés pour
l'exécution des missions de service public ; afin de de rendre
effective l'ouverture à la concurrence, une réforme la
gouvernance devrait ériger une «
muraille de
Chine
» entre l'opérateur historique de transports
ferroviaires et les gestionnaires de l'infrastructure.
Le volet technique n'a que faiblement évolué depuis sa présentation. La principale amodiation réduit à la marge les compétences attribuées à l'Agence ferroviaire européenne, la compétence exclusive proposée par la Commission européenne ayant été refusée.
Dans la mouture anticipée par la présidence italienne, le pilier politique satisfait largement la résolution du Sénat. La discussion sur ce volet n'a été abordée pour la première fois que le 8 octobre 2014 par le Conseil des transports, vers la fin de la présidence italienne. Présenté le 2 décembre 2014, le « Rapport de progrès » de la présidence a fortement réduit la portée du projet élaboré par la Commission européenne. En effet, le ministre italien des transports a indiqué qu'il n'était pas question de porter atteinte aux structures actuelles : « Il faut partir des holdings existants et tenir compte des réformes en cours dans les États ». Il a ainsi donné satisfaction à la Deutsche Bahn et à la SNCF. Le « Rapport de progrès » a cependant éludé le rôle des autorités régulatrices de transport, ainsi que la reprise du personnel par un nouvel opérateur dans le cadre d'une délégation de service public.
Mme Violeta Bulc a indiqué à la délégation qu'il n'y avait pas encore d'accord politique pour une approche globale. Les compromis ont été trouvés pour le volet technique mais des difficultés sont encore à régler pour le volet politique. La Commission a accepté des compromis notamment sur les structures de holding. Mais elle restera vigilante sur l'organisation des structures. La commissaire a souhaité que le paquet global puisse être inscrit à l'ordre du jour du Conseil en octobre.
3. Le mécanisme d'interconnexion pour l'Europe (MIE)
Le mécanisme d'interconnexion pour l'Europe (MIE) fait l'objet d'une évaluation qui sera disponible mi-juillet. 11,9 milliards d'euros ont été distribués dans le cadre d'un premier appel à projets qui a concerné 700 projets. Ce programme doit permettre de promouvoir un meilleur équilibre entre les régions, notamment au profit de celles qui ne sont pas encore connectées aux réseaux européens. Deux nouveaux appels à projets seront lancés fin 2015 - début 2016.
Interrogée par la délégation sur la voiture « intelligente » et sur son impact pour les constructeurs européens, Mme Violeta Bulc a indiqué que la Commission européenne avait rencontré les parties prenantes. Pour la Commission, il y a complémentarité des démarches : « décarbonisation » et électrification, d'un côté ; numérisation et développement de la voiture « intelligente » de l'autre. L'industrie européenne semble prête ; en revanche, il faudra du temps pour que les consommateurs intègrent ces évolutions. Il faut encourager les coopérations et les initiatives communes. La Commission agira pour promouvoir un environnement standardisé qui diminuera les coûts. Mme Violeta Bulc travaille avec son collègue Günther Oettinger en charge du numérique sur les fonctionnalités « intelligentes » des voitures. Cette question sera traitée dans le « paquet routier »
* 35 Résolution européenne sur les enjeux du quatrième paquet ferroviaire du 19 octobre 2013.