B. UNE PROTECTION DES ENTREPRISES FRANÇAISES À RENFORCER

Il a été souligné à plusieurs reprises au cours des auditions que l'absence de confidentialité des avis juridiques rendus au sein de l'entreprise constituait aujourd'hui un véritable désavantage compétitif pour le droit français et les juristes d'entreprise.

En effet, si les salariés d'une société sont tenus au respect du secret professionnel, celui-ci n'est pas opposable aux investigations judiciaires. Seule la confidentialité des échanges entre une entreprise et son avocat est garantie. Les juristes d'entreprise, dont la profession est pourtant de conseiller leur employeur pour toute question d'ordre juridique, n'en bénéficient pas et sont traités, de ce point de vue, comme n'importe quel autre salarié.

Or, dans d'autres pays, leurs homologues se sont vus reconnaître le bénéfice d'un « privilège légal » ( legal privilege ), qui permet d'assurer la confidentialité de leurs échanges avec leur employeur et de l'opposer aux investigations judiciaires ou à certaines procédures civiles d'obtention de preuves, comme la procédure américaine de discovery 5 ( * ) . Cette confidentialité trouve sa source soit, comme en Belgique, dans le statut propre des juristes d'entreprise, soit dans leur qualité d'avocat ( lawyer aux États-Unis ou sollicitor au Royaume-Uni), qui n'est pas jugé incompatible avec le fait qu'ils soient uniquement salariés de l'entreprise.

La difficulté naît de la confrontation des systèmes juridiques, lorsqu'un juge américain autorise l'engagement d'une procédure de discovery contre une entreprise française et que celle-ci ne peut opposer la confidentialité, au regard du droit français, des échanges qu'elle a eu avec ses juristes. Cette entreprise est donc désavantagée du point de vue du droit étranger par rapport à ses concurrentes.

Or, les grands groupes internationaux tirent les conséquences de ce désavantage en délocalisant leur service juridique dans un État qui confère aux intéressés un privilège de confidentialité ou en nommant en qualité de juristes d'entreprise des professionnels étrangers, avocats d'un autre droit que le droit français, qui peuvent faire bénéficier de ce privilège.

Il existe certes dans notre droit une loi dite de « blocage » qui réprime pénalement le fait de tenter d'obtenir, en vue de constituer des preuves dans le cadre d'une procédure administrative ou judiciaire, des documents ou des renseignements économiques, par d'autres voies que celles reconnues par les traités internationaux ou celles applicables en France 6 ( * ) . Mais, outre qu'elle est peu appliquée et parfois écartée par les juridictions étrangères, elle n'apporte aucune protection particulière aux documents et avis des juristes d'entreprise sollicités selon une procédure conforme à ce qu'exige les traités internationaux ou la réglementation française.


* 5 La procédure de discovery est une procédure d'investigation ou d'instruction préalable à un procès civil ou commercial conduite à la demande d'une des parties, le cas échéant sous habilitation judiciaire, pour constituer les preuves requises en vue de la tenue du procès, en puisant si nécessaire dans les documents détenus par l'autre partie.

* 6 Loi n° 68-678 du 26 juillet 1968 relative à la communication de documents et renseignements d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères.

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