N° 382
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015
Enregistré à la Présidence du Sénat le 1 er avril 2015 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des finances (1) sur l' enquête de la Cour des comptes relative aux soutiens à la filière forêt - bois ,
Par MM. Alain HOUPERT et Yannick BOTREL,
Sénateurs.
(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Jean Germain, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Eblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Alain Houpert, Jean-François Husson, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel, Richard Yung . |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
En application de l'article 58, paragraphe 2° de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), la commission des finances a confié à la Cour des comptes, par un courrier en date du 20 novembre 2013, une enquête sur les soutiens à la filière forêt-bois .
Ce travail a été demandé à la Cour des comptes à la fin de l'année 2013 parce que la France n'est pas la puissance forestière qu'elle pourrait être .
Ensuite, parce que le déficit commercial de la filière forêt-bois représente 10 % du déficit total de notre balance commerciale , soit environ 6 milliards d'euros par an . Une telle situation résulte du choix d'un modèle économique de pays en développement qui témoigne d'un déplacement de la valeur ajoutée vers les marchés étrangers , en raison de déséquilibres entre l'exportation de bois brut (les grumes notamment) et l'importation de produits transformés, comme les meubles et les papiers ou cartons.
Et, enfin, parce que la structuration de cette filière stratégique de l'amont à l'aval ne semble pas optimale , et tout ceci en dépit de nombreux dispositifs publics de soutien et de dotations budgétaires importantes aux opérateurs de la filière, tels que le Centre national de la propriété forestière (CNPF) ou l'Office national des forêts (ONF). Au total, pas moins de 910 millions d'euros par an seraient consacrés à la filière.
Il devait donc s'agir, pour la commission des finances, sur la base du rapport de la Cour des comptes, de formuler des préconisations permettant d' optimiser la mobilisation de la ressource bois et sa valorisation commerciale , en améliorant le fonctionnement la filière, en articulant plus efficacement son amont et son aval et en réorientant, le cas échéant, les dispositifs publics de soutien, ceci afin d'accroître la performance et la lisibilité des politiques publiques conduites en la matière.
Vos rapporteurs spéciaux s'inscrivent, à cet égard, dans la continuité des travaux conduits sur l'ONF en 2009, sur la base d'une enquête confiée à la Cour des Comptes, par notre ancien collègue Joël Bourdin, alors rapporteur spécial 1 ( * ) . Ils relèvent que les faiblesses identifiées il y a six ans subsistent et ne sont malheureusement pas toutes en voie d'être résolues.
L'enquête de la Cour des comptes conduite en 2014 a été remise le 9 novembre 2014. Selon l'usage, les travaux de la Cour des comptes ont donné lieu, mercredi 1 er avril 2015, à une audition pour « suite à donner » au Sénat, dont le compte rendu est annexé au présent rapport.
Cette audition a donc mis en présence les magistrats chargés de l'enquête, en l'espèce Mmes Evelyne Ratte, présidente de la septième Chambre, Michèle Pappalardo, conseillère maître et Sandrine Rocard, conseillère référendaire ainsi que le ministère de l'agriculture, de l'agro-alimentaire et de la forêt , en la personne de M. Hervé Durand, directeur général adjoint des politiques agricoles, agroalimentaires et des territoires, le ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique , avec M. Pierre Angot, sous-directeur de la chimie, des matériaux et des éco-industries à la direction générale des entreprises, et, enfin, le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie , à travers M. Pascal Dupuis, chef du service climat et efficacité énergétique à la direction générale de l'énergie et du climat.
I. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX
1. Une forêt française morcelée et largement composée d'espèces d'arbres qui offrent peu de débouchés
La forêt couvre 31 % du territoire français métropolitain , ce qui fait de la France le quatrième pays le plus boisé d'Europe. La forêt française est diverse et en son sein cohabitent des forêts très différentes : le million d'hectares du sud-est, garrigue de chênes verts, n'a rien à voir avec le million d'hectares de pins maritimes du sud-ouest, qui est lui-même très éloigné des surface de taillis du Massif Central. Au total, la filière forêt-bois française emploie environ 440 000 personnes et réalise un chiffre d'affaires de 60 milliards d'euros par an , soit près de 3 % du PIB (données 2012).
Les forêts publiques , appartenant à l'État et aux collectivités territoriales, sont gérées et exploitées par l'Office national des forêts (ONF). Bien qu'elles n'occupent que 25 % de la surface forestière totale , elles fournissent 36 % du bois commercialisé .
Les 75 % restants relèvent de forêts privées , détenues par 3,3 millions de propriétaires forestiers, traduisant, comme le relève la Cour des comptes, un « extrême morcellement ». Il s'agit du premier facteur de sous-exploitation des forêts privées , auquel peut s'ajouter une conjoncture économique difficile associé à la volatilité du prix du bois. Les propriétés sont souvent de taille trop modeste pour pouvoir être exploitées de manière rentable 2 ( * ) . La Cour des comptes souligne que des propriétés plus grandes le pourraient, mais que les revenus qui y sont attachés demeurent trop faibles par rapport aux investissements nécessaires - compte tenu du cours du bois - et trop espacés dans le temps pour mobiliser l'intérêt de leur propriétaire.
L'expérience montre que la part des propriétaires qui récoltent du bois croît avec la taille de la propriété . En 2011, un quart des propriétaires de forêts de plus de quatre hectares déclarent ne pas gérer leurs bois, une moitié de ces forêts ne sont exploitées que pour les besoins personnels de leurs propriétaires et un quart seulement, plutôt de grande taille, sont gérées dans un souci de mise en valeur et de rentabilité économique.
Il résulte de ce contexte que 46,5 % de l'accroissement biologique annuel moyen des arbres en forêt privée a fait l'objet d'une récolte de bois pendant la période 2005-2010, en tenant compte des chablis issus de la tempête Klaus (le taux tombe à 40,5 % sans tenir compte de ces chablis). En forêt domaniale et dans les forêts des collectivités, respectivement 74,7 % et 63,3 % ont été prélevés pendant la même période. Au total, moins de la moitié (48 %) de la production biologique annuelle de l'ensemble des forêts françaises (86,4 millions de m 3 ) a ainsi été prélevée en moyenne chaque année (de 2000 à 2011). Il convient donc de bien distinguer la mobilisation commerciale du bois de l'accroissement biologique des forêts.
Le constat d'une sous-exploitation de la forêt française est récurrent depuis près de quarante ans et le rapport Meo-Bétolaud date de 1978 (rapport). Il préconisait une augmentation de 12 millions de m 3 dans les dix ans. Il a été suivi par les rapports Duroure en 1982, Bianco en 1998, Juillot en 2003, Puech 3 ( * ) en 2009, qui vise à nouveau à augmenter la récolte annuelle de 12 millions de m 3 à court terme puis de 21 millions de m 3 d'ici 2020, puis Attali 4 ( * ) et Caullet 5 ( * ) en 2013. Les taux de prélèvement de bois comparés en forêt publique et en forêt privée montrent que les marges de manoeuvre concernent surtout la forêt privée.
Par ailleurs, les forêts de feuillus, au sein desquels les chênes sont prédominants, occupent les deux tiers de la forêt française. Or il est constaté un recul constant des débouchés pour ces espèces d'arbres. La composition de la production biologique française de bois (60 % de feuillus, 40 % de résineux) offre peu de débouchés parce que la majorité de nos espèces d'arbres ne correspond pas à la demande en bois des marchés les plus porteurs , comme celui de la construction. En 2010, dernière année pour laquelle des statistiques détaillées sont disponibles, 39,9 millions de m 3 de bois ont été commercialisés, dont 66 % de résineux (cette proportion passe à 75 % pour les grumes). La composition de la forêt française représente donc un autre facteur de sous-exploitation, car il accroît le manque d'incitation à une gestion dynamique.
2. Une politique forestière sans stratégie, sans pilote et sans résultats
La Cour des comptes dénombre cinq ministères - chargés respectivement de l'agriculture et de la forêt ; de l'industrie ; de l'écologie et de l'énergie ; du logement ; du budget et des finances- mettant en oeuvre une ou plusieurs politiques qui concernent la filière forêt-bois , même si l'action du ministère chargé de l'agriculture, dont le périmètre inclut la première transformation du bois, est historiquement prépondérante. Celle du ministère chargé de l'industrie est croissante et met l'accent sur une logique de filière industrielle. Avec l'appui de l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), le ministère chargé de l'énergie conçoit et gère la politique en faveur des énergies renouvelables, dont le bois énergie, et traite des questions climatiques. La direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN), sous l'autorité conjointe de ce ministère ainsi que de celui chargé du logement, s'est engagée dans la filière bois depuis le Grenelle de l'environnement. Le ministère chargé de l'écologie porte enfin les problématiques environnementales, très présentes en forêt. Le financement de la filière, y compris par des mesures fiscales, intéresse également le ministère chargé des finances.
Comme l'observe la Cour des comptes, chaque ministère adopte « une vision des enjeux et des objectifs prioritaires pour la filière façonnée par ses compétences ministérielles : mobiliser davantage de bois en forêt, préserver la biodiversité au sein des forêts, mieux approvisionner les industries du bois, augmenter la part du bois dans les constructions, développer l'usage du bois en tant qu'énergie renouvelable, etc. ». Il en ressort que la forêt est ainsi souvent abordée sous des angles partiels et peut donner lieu à des divergences de vue. La Cour des comptes indique avoir relevé les griefs adressés par les ministères chargés de l'industrie et de l'agriculture au ministère chargé de l'écologie et de l'énergie de privilégier la dimension écologique de la forêt au détriment de son rôle économique, et d'être à l'origine d'une politique de subventionnement excessive des chaufferies à bois. Le ministère chargé de l'industrie considère que le choix du ministère chargé de l'agriculture de valoriser le feuillu, notamment en construction, est une erreur, ce dernier ne pouvant être compétitif par rapport au résineux, à qualités identiques.
L'existence de rencontres entre ministères sur des sujets ciblés ne suffit pas à pallier l'absence d'un lieu de concertation et de décision interministérielle sur ces sujets , ni même d'un dialogue construit entre les ministères sur la filière. Il manque donc un pilote et une stratégie cohérente pour la filière. La signature par quatre ministres , le 16 décembre 2014, du contrat de filière du comité stratégique de la filière bois (CSF) 6 ( * ) représente tout de même une avancée timide dans la concertation interministérielle. Cette démarche est postérieure à l'enquête de la Cour des comptes, mais cette dernière avait relevé l'existence d'une autre initiative interministérielle : le plan national d'action pour l'avenir des industries de transformation du bois signé en octobre 2013 par les ministres chargés de la forêt et de l'industrie. Mais alors, bien que le ministère chargé de la construction et du logement ait souhaité adhérer à cette démarche de filière, le ministère chargé de l'écologie et de l'énergie aurait manifesté peu d'intérêt pour ce plan.
L'absence de pilote au niveau gouvernemental est aggravée par l'existence d' instances de concertation multiples entre l'État et les professionnels et autres parties prenantes de la filière : outre le conseil supérieur de la forêt, des produits forestiers et de la transformation du bois, créé en 2002, il existe les comités stratégiques de filière « chimie-matériaux » et « éco-industries » rattachés au Conseil national de l'industrie ainsi que le plus récent comité stratégique de filière (CSF) « industries du bois », créé le 14 janvier 2014. Ainsi que le déplore la Cour des comptes, la gouvernance qui s'est mise en place en 2014 avec ce CSF, suite à la prise de conscience gouvernementale d'une lacune dans ce domaine, n'évite pas l'écueil d'une partition entre l'amont forestier et l'aval industriel de la filière, sous l'influence respective des ministères chargés de l'agriculture et de l'industrie : « une grande vigilance sera nécessaire pour rendre cohérents le contrat de filière et le programme national de la forêt et du bois, élaborés par des instances et selon des calendriers disjoints, mais dont les périmètres doivent nécessairement se recouper, sauf à vider de son sens la notion de filière forêt-bois ». L' Allemagne offre à l'inverse l'exemple d'une concertation opérationnelle réussie entre les acteurs publics et privés de l'amont comme de l'aval de la filière
Vos rapporteurs spéciaux déplorent également l'existence de plusieurs établissements publics sous tutelle du ministère chargé de l'agriculture chargés de la mise en valeur des forêts privées. Il s'agit là du problème des responsabilités concurrentes des chambres d'agriculture (qui, en vertu de l'article L. 322-1 du code forestier « ont compétence pour contribuer à la mise en valeur des bois et forêts ») et du Centre national de la propriété forestière ou CNPF (appuyé sur ses délégations régionales, les centres régionaux de la propriété forestière ou CRPF). Le ministère chargé de l'agriculture indique que ce recouvrement « résulte d'une situation qui s'explique historiquement par la proportion importante de la forêt paysanne en 1960, mais qui n'est plus aujourd'hui une situation dominante ». Pour contribuer à une information réciproque de ces organismes agricoles et forestiers, des participations croisées au sein de leurs instances de gouvernance ont été établies. Le code rural dispose aussi que les actions menées par les chambres sont mises en oeuvre « en liaison avec les CRPF ». Dans la pratique, la Cour des comptes souligne que « les interventions des chambres d'agriculture en matière de développement forestier sont très variables selon les zones, parfois de même nature que celle des CRPF, avec ou sans coordination avec ces derniers, parfois inexistantes » et que « le CNPF, dont le pilotage interne et par l'État est peu directif, pose également la question de l'évaluation de l'efficacité de ses actions ».
Du côté des organisations professionnelles , le paysage est tout aussi insatisfaisant, en raison d'un maquis institutionnel dense et peu cohérent : les interprofessions France Bois Forêt 7 ( * ) (FBF) et le comité professionnel de développement des industries françaises de l'ameublement et du bois 8 ( * ) (CODIFAB) cohabitent ainsi avec le comité interprofessionnel du bois énergie (CIBE) et avec d'autres organisations professionnelles comme France bois industries entreprises 9 ( * ) (FBIE), la fédération nationale du bois 10 ( * ) (FNB), l'union des industries du bois (UIB), le comité interprofessionnel du bois énergie (CIBE) et le syndicat des énergies renouvelables (SER). L'enchevêtrement de ces structures 11 ( * ) est le produit de l'histoire bien plus que celui d'une volonté politique en tant que telle.
Les périmètres des CVO et de la taxe affectée se sont « construits en fonction de la volonté des différentes organisations représentatives des professionnels de la forêt et du bois de rejoindre l'un ou l'autre des deux modes de financement ». Pourtant, bien que les périmètres aient été modifiés dans le but de limiter les doublons, des industriels de la première ou de la deuxième transformation peuvent relever, selon l'activité considérée, des deux systèmes de financement. Ainsi que le remarque la Cour des comptes, « la frontière entre ces deux systèmes est donc poreuse ».
Ce tableau, déjà complexe, est aggravé par l'existence d'interprofessions régionales, dont la place au sein du paysage interprofessionnel national n'est pas stabilisée. En dépit de l'article L. 632-1 du code rural et de la pêche maritime, qui dispose que « lorsqu'une organisation interprofessionnelle nationale est reconnue, les organisations interprofessionnelles régionales constituent des comités de cette organisation interprofessionnelle nationale et sont représentées au sein de cette dernière », les organisations régionales ne s'inscrivent pas toujours dans ce cadre national. Ainsi, le 25 août 2011, le Gouvernement a répondu négativement à la demande des professionnels aquitains d'être reconnus en tant qu'organisation interprofessionnelle au motif qu'il ne peut être reconnu qu'une organisation interprofessionnelle par produit ou groupe de produits. Parmi ces structures régionales peuvent être mentionnées France bois régions (FBR), le syndicat des sylviculteurs du sud-ouest (SYSSO) la fédération des industries du bois d'Aquitaine (FIBA) et le récent comité de développement forêt-bois Aquitaine (CODEFA), créé en 2012. D'après la Cour des comptes, « seuls les propriétaires forestiers privés aquitains restent pour la plupart aujourd'hui à l'écart des démarches interprofessionnelles et s'y sont même opposés ».
3. Un opérateur public, l'ONF, insuffisamment tourné vers la mobilisation de la ressource bois
Créé en 1966, l'Office national des forêts (ONF) est un établissement public industriel et commercial (ÉPIC) dont la situation financière reste fragile .
En vertu d'un statut dérogatoire, il peut employer des agents fonctionnaires qui représentent les deux tiers de son personnel (9 400 agents au total en 2014). Doté d'un budget annuel d'environ 850 millions d'euros , l'ONF assure la gestion des 4,7 millions d'hectares de forêts publiques, soit environ 25 % de l'ensemble de la surface forestière de notre pays.
Ses missions sont regroupées en quatre activités : gestion des forêts domaniales, gestion des forêts des collectivités, mise en oeuvre de missions d'intérêt général et réalisation de prestations de service.
Un contrat pluriannuel, le contrat d'objectifs et de performances (COP), passé entre l'État et l'ONF, détermine les orientations de gestion et les programmes d'actions de l'établissement, les moyens de leur mise en oeuvre, les obligations de service public procédant du régime forestier, les missions d'intérêt général qui sont confiées à l'ONF, ainsi que l'évaluation des moyens nécessaires à leur accomplissement. Le premier COP couvrait la période 2007-2011 et le second porte sur 2012-2016, ce dernier ayant été co-signé par le président de la Fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR) aux côtés de l'État et de l'ONF, exprimant l'association de cette fédération à la gouvernance de l'établissement.
La situation financière difficile de l'office est connue. Sans certaines interventions de l'État, comme sur l'exercice 2012, l'ONF n'aurait pas été en mesure de payer ses agents. En 2015, l'État apportera un versement compensateur de 140,4 millions d'euros , soit 20 millions d'euros de plus que ce que prévoit le COP . Et il ne s'agit que de la dotation en loi de finances initiale, des subventions d'équilibre exceptionnelles étant souvent versées à l'ONF en cours d'exercice.
4. Un modèle économique de pays en développement, qui conduit à un déficit commercial de la filière de 6 milliards d'euros par an
La filière forêt-bois française rappelle le modèle économique des pays en développement . En effet, de manière caricaturale, ces derniers ont longtemps subi des échanges inégaux dans le commerce mondial : exportateurs de matières premières, ils réimportaient des produits transformés à plus haute valeur ajoutée. Sur la base d'observations empiriques, les économistes Raúl Prebisch et Hans Singer ont, à ce sujet, bâti dans les années 1950 le concept de « dégradation des termes de l'échange », selon lequel les prix des produits manufacturés s'accroissent et enrichissent les pays développés tandis que les prix des matières premières ont tendance à baisser ou à progresser beaucoup plus lentement, ne contribuant pas au développement des pays en développement. Une telle stratégie n'est pas facteur d'une croissance dynamique.
C'est pourtant ce modèle économique que la France privilégie concernant sa filière forêt-bois . Celle-ci témoigne donc d'un déplacement de la valeur ajoutée vers les marchés étrangers, en raison de déséquilibres entre l'exportation de bois brut (les grumes notamment) et l'importation de produits transformés, comme les meubles et les papiers ou cartons.
Il en ressort que la filière forêt-bois contribue chaque année au déficit de la balance commerciale française, à hauteur d'environ 10 %, soit six milliards d'euros 12 ( * ) , même si la situation tend, en apparence seulement, à s'améliorer (- 5,7 milliards d'euros en 2014). Ainsi que l'explique la Cour des comptes, cette légère contraction du déficit commercial de la filière depuis 2011 « traduit le recul des échanges commerciaux d'une filière qui reste structurellement déficitaire, les exportations portant surtout sur des produits bruts ou peu transformés, tandis que les importations concernent plutôt les biens de consommation ou intermédiaires ». Cette amélioration conjoncturelle, qui n'est qu'un recul en trompe-l'oeil, ne doit pas dissimuler le problème d'un déficit structurel annuel de l'ordre de six milliards d'euros.
Par ailleurs, la contribution à ce solde déficitaire est inégale entre l'amont et l'aval de la filière (395 millions d'euros pour l'amont contre 5,2 milliards d'euros pour l'aval) et présente un contraste selon les secteurs considérés : près des deux tiers du déficit de la filière s'expliquent par les soldes des secteurs de l'ameublement (- 2 milliards d'euros en 2013) et des papiers et cartons (- 1,6 milliard d'euros en 2013). Ce constat illustre la problématique des situations économiques différentes de l'amont et l'aval de la filière bois.
5. Des soutiens publics à la filière forêt-bois nombreux et peu cohérents
La filière forêt-bois doit faire face à de multiples enjeux dont la cohérence n'est pas naturelle, notamment entre ceux de l'amont et ceux de l'aval 13 ( * ) . Elle est, en effet, traversée par des intérêts divergents entre l'amont et l'aval et des conflits d'usage entre activités.
Les différents maillons de la filière bénéficient de soutiens financiers d'origine et de nature très diverses, qui s'élèvent au total à 910 millions d'euros par an selon la Cour des comptes, sans compter les soutiens non spécifiques à la filière. La filière bénéficie aussi de soutiens de nature non financière , à travers l'action d'établissements publics et l'appui de centres techniques industriels eux-mêmes largement financés par des soutiens publics.
Les soutiens publics à la filière forêt-bois
Source : Cour des comptes
Bien que « le levier budgétaire soit devenu inopérant faute de crédits suffisants », l'État , à travers ses dépenses budgétaires 14 ( * ) et fiscales (autour notamment du programme 149 « Forêt » de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales »), ses recettes fiscales fléchées et les financements de ses établissements publics, apporte la plus large part de ces soutiens : 84 % soit environ 770 millions d'euros . Le secteur du bois énergie bénéficie de près de 36 % des soutiens provenant de l'État et de ses établissements publics.
Les collectivités territoriales sont la deuxième source de financement de la filière. Elles apportent moins de 10 % des soutiens totaux (environ 80 millions d'euros, répartis pour moitié entre les régions et les départements), mais leurs apports sont beaucoup plus significatifs pour l'aval de la filière, dont elles soutiennent le développement économique de façon prioritaire.
Les fonds européens (fonds européen agricole pour le développement rural - FEADER, fonds européen de développement régional - FEDER et fonds social européen - FSE) constituent un financement d'appoint pour la filière (environ 50 millions d'euros par an 15 ( * ) ), tout comme les fonds d'origine interprofessionnelle (environ 20 millions d'euros pour les CVO et la taxe affectée au CODIFAB).
Le groupe Caisse des dépôts et consignations (CDC) intervient auprès de l'amont forestier, de la filière industrielle du bois et sur le bois énergie au travers de ses différentes filiales et de différentes. La CDC assure également la gestion d'un fonds commun de placement à risque (FCPR), le fonds stratégique bois 16 ( * ) , créé en novembre 2009 suite au rapport Puech. Mais la Cour des comptes estime que la présence du groupe CDC « n'est toutefois pas le fait d'une stratégie préalable et chaque entité agit isolément dans son secteur d'activité, les orientations et les perspectives d'évolution de chacune restant définies dans le cadre de logiques et d'objectifs qui leur sont propre s ». Cette faible coordination ne permet donc pas à la filière de bénéficier pleinement des actions de la CDC.
Bpifrance finance pour sa part, depuis 2011 (au travers d'Oséo de 2011 à 2013), les prêts participatifs au développement bois (PPD-bois), en faveur des entreprises du secteur engageant un programme de développement, d'extension d'activité, de mise aux normes, d'innovation non technologique, d'internationalisation ou de croissance externe. Au 31 décembre 2013, 91 projets, dans quinze régions, avaient été financés par un PPD bois, pour un montant global de 13 millions d'euros.
Le programme d'investissements d'avenir (PIA) n'a pas identifié la filière bois-forêt en tant que telle parmi les 35 actions financées mais celle-ci bénéficie cependant de divers engagements financiers au titre de plusieurs de ces actions (centres d'excellence, énergie, financement des entreprises, emploi et égalité des chances, ou, encore, économie sociale et solidaire). Ces concours financiers intéressant la filière bois-forêt sont évalués par la Cour des comptes à 68 millions d'euros au total.
Au total, la Cour des comptes estime que les soutiens à la filière se sont empilés sans lien entre eux et sans hiérarchisation des priorités de financement, du fait d'une gouvernance non unifiée. Vos rapporteurs spéciaux regrettent ce phénomène de saupoudrage des soutiens publics, nombreux, diversifiés et peu cohérents . Un tel phénomène découle en grande partie des faiblesses relevées en matière de pilotage.
6. L'amont caractérisé par des mesures fiscales patrimoniales
Alors que les dépenses budgétaires consacrées à la filière ont connu une baisse importante, souvent au détriment de l'amont, les dépenses fiscales sont plus stables . Elles sont estimées à 124 millions d'euros en 2013 par la Cour des comptes même si le coût total de la fiscalité forestière est évalué, au sein du rapport annuel de performances du programme 149 pour le même exercice, à 167 millions d'euros. Hors coût fiscal du forfait forestier (70 millions d'euros), qui relève plus d'une modalité de calcul de l'impôt sur le revenu que d'une véritable mesure fiscale selon la Cour des comptes, le coût total de la fiscalité forestière est ramené à seulement 54 millions d'euros .
Le périmètre des deux mesures fiscales les plus coûteuses en réalité - les exonérations au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et des droits de mutation à titre gratuit (DMTG) - n'est pas strictement forestier, ce qui conduit à une surestimation importante de ces dépenses. Le coût de ces deux mesures fiscales patrimoniales 17 ( * ) est évalué par la Cour des comptes à 20 millions d'euros pour chacune.
La Cour des comptes rappelle les deux justifications principales - pleinement légitimes aux yeux de vos rapporteurs spéciaux - qui sont à l'origine de l'exonération au titre des DMTG - sur laquelle a été calquée ensuite l'exonération au titre de l'ISF : d'une part, le temps long qui caractérise la production forestière et le faible rendement de la forêt et, d'autre part, le fait d'éviter que, pour payer les droits de succession, il soit procédé à des coupes de bois abusives en forêt pour payer les droits de succession, ce qui contrevient au principe de gestion durable 18 ( * ) . Il est certain que l'exonération de DMTG présente au moins l'intérêt d'un effet protecteur au regard du morcellement forestier. La Cour des comptes juge que ces deux dispositifs ne concourent pas suffisamment à l'objectif de valorisation économique des forêts .
La Cour des comptes porte des appréciations plus positives sur le dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement en forêt (DEFI), composée de quatre volets 19 ( * ) , pour lesquels la dépense fiscale totale est plus réduite puisqu'elle s'élève à près de 7 millions d'euros en 2014. Le DEFI a été modifié par la loi de finances rectificative pour 2013 mais cette réforme ne s'applique qu'aux revenus 2014 et ne peut donc pas encore être évaluée. Dans ce contexte, la direction de la législation fiscale a communiqué un chiffrage actualisé sur le coût de la réduction d'impôt DEFI en 2014, obtenue au titre des revenus 2013.
Coût de la réduction d'impôt « DEFI » en 2014 au titre des revenus 2013
Source : direction de la législation fiscale
En revanche, la complexité 20 ( * ) et la faible diffusion du compte d'investissement forestier et d'assurance (CIFA), créé par la loi de finances rectificative pour 2013, sont relevées par la Cour des comptes. Son coût serait donc quasi-nul. Un autre dispositif représente un coût annuel de l'ordre de 2 millions d'euros, il s'agit de la majoration des dotations aux amortissements en faveur des entreprises de la filière bois, prévue à l'article 39 AA quater du code général des impôts.
En outre, la Cour des comptes souligne un effet de substitution partiel entre les mesures budgétaires et les mesures fiscales , surtout dans le domaine du soutien à l'investissement : sans être à la hauteur des baisses des aides directes à l'investissement forestier, le DEFI couvre ainsi un périmètre de travaux sylvicoles semblable en dépit de conditions d'accès très différentes.
7. La dispersion dommageable des soutiens à l'aval
La Cour des comptes identifie des soutiens nombreux et de nature très diverse apportés à l'aval de la filière, qui recouvre il est vrai des activités hétérogènes.
Vos rapporteurs spéciaux retiennent de l'enquête la vulnérabilité de la filière industrielle du bois, qui représente 90 % du déficit commercial structurel de l'ensemble de la filière forêt-bois (plus de 5 milliards d'euros par an). Elle est composée d'environ 60 000 entreprises des première et deuxième transformations du bois qui emploient directement près de 220 000 personnes, dont près de 71 000 salariés dans le sciage et le travail du bois (charpentes, menuiserie, placages, panneaux et emballage), segment d'activité le plus important, avant l'industrie du papier et carton.
Ainsi, les soutiens à l'usage du bois dans la construction sont modestes, alors qu'il s'agit du principal débouché en France pour le bois matériau et ses dérivés 21 ( * ) . La Cour des comptes déplore également des actions insuffisantes au profit du secteur de l' ameublement , qui contribue significativement au déficit du commerce extérieur de la filière (2 milliards d'euros par an).
À l'inverse, la filière bois énergie se développe nettement (46 % de l'énergie d'origine renouvelable en France en 2009).
Le soutien repose notamment sur le crédit d'impôt développement durable (CIDD), créé en 2005, rattaché au programme 174 « Énergie, climat et après mines » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et renommé crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) en 2015 22 ( * ) . Le CITE vise à permettre une diffusion large des équipements énergétiques 23 ( * ) pouvant contribuer à l'atteinte des objectifs de la France en matière d'économies d'énergie et d'énergies renouvelables. Son coût pour les seuls équipements bois représentait 270 millions d'euros en 2009, 130 millions d'euros en 2012 et serait de l'ordre de 100 millions d'euros en 2014 24 ( * ) . Ce coût est à mettre en regard du coût total de la mesure : 620 millions d'euros en 2014 et 890 millions d'euros en 2015.
Un second dispositif de soutien public est incarné par le fonds chaleur , rattaché au programme 174 « Énergie, climat et après mines » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », et qui, pour 100 millions d'euros par an environ, finance divers investissements au terme de procédures d'appels à projet 25 ( * ) .
De même, il convient de relever l'essor au sein de la filière bois énergie de l'activité de production d'électricité . Le soutien à la production d'électricité à partir de bois s'est élevé à 124 millions d'euros en 2013 et à 46,6 millions d'euros par an, en moyenne, sur la période 2006-2013. Il s'agit de la charge annuelle de la contribution au service public de l'électricité constatée par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) pour les installations sous tarif d'achat ou sous appel d'offres 26 ( * ) .
Il faut noter que le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte réforme certains de ces mécanismes de soutien en vue d'accélérer le développement des énergies renouvelables 27 ( * ) . Il prévoit, en particulier, la création d'un nouveau dispositif de soutien à la production d'énergies renouvelables à partir de biomasse , appelé complément de rémunération. Ce dispositif, complémentaire du régime de l'obligation d'achat, concerne les tarifs d'achat d'énergie pour les installations de grande taille 28 ( * ) et prendrait la forme d'une prime versée aux producteurs vendant directement de l'énergie sur le marché de l'électricité. La ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a, par ailleurs, annoncé la création d'un fonds de financement de la transition énergétique et de croissance verte , qui serait doté de 1,5 milliard d'euros sur trois ans et dont les actions ne se réduiraient pas à la filière bois. Un tel fonds ne figure pas dans le projet de loi de transition énergétique, qui se contente de prévoir un fonds de garantie pour la rénovation énergétique dans le but de faciliter le financement des travaux d'amélioration de la performance énergétique des logements.
* 1 « L'ONF à la croisée des chemins », rapport n° 54, 2009-2010 fait par Joël Bourdin au nom de la commission des finances.
* 2 Les handicaps de la gestion isolée d'une petite parcelle sont en effet multiples : complexité des investissements tels que la création de desserte ; faible attractivité des lots de bois de faible volume et des chantiers de petite surface vis-à-vis des entrepreneurs de travaux et des exploitants forestiers ; inéligibilité aux aides à l'investissement forestier... Les petits propriétaires forestiers ne sont pas en cause dans la faible mobilisation de la ressource, surtout que leurs bois sont souvent des terres agricoles abandonnées parce que pauvres ou inadaptées à l'exploitation. Chaque propriétaire ne peut donc pas être considéré comme un professionnel potentiel de la filière.
* 3 « Mise en valeur de la forêt française et développement de la filière bois », rapport de Jean Puech au Président de la République, avril 2009.
* 4 « Vers une filière intégrée de la forêt et du bois », rapport interministériel de Christophe Attali, Guy Fradin, Charles Dereix, Patrick Lavarde et Catherine de Menthière, avril 2013.
* 5 « Bois et Forêts de France : nouveaux défis », rapport au Premier ministre de Jean-Yves Caullet, député, juin 2013.
* 6 Ce contrat de filière a ainsi été signé par Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité, Alain Rousset, président de l'association des régions de France et Luc Charmasson, président de France Bois Industries Entreprises (FBIE) et vice-président du CSF.
* 7 L'interprofession FBF, créée en 2005, réunit les organismes représentatifs des secteurs de la forêt et de la production de bois, de la première transformation du bois et du négoce et de l'emballage en bois. Grâce à sa reconnaissance par l'État, elle collecte des contributions volontaires obligatoires (CVO) auprès des membres des secteurs qui la constituent, proportionnelles au produit des ventes de bois ou au chiffre d'affaires réalisé. Compte tenu de l'amélioration du recouvrement, la CVO collectée annuellement a fortement augmenté depuis 2006 et s'élève à 6,5 millions d'euros en 2013.
* 8 Le CODIFAB est l'unique organisme collecteur d'une taxe affectée, créée en 1971, assise à l'origine sur le seul chiffre d'affaires des industries de l'ameublement, afin de financer des actions collectives au profit du secteur de l'ameublement. Après la création de France Bois Forêt, l'article 109 de la loi de finances pour 2007 a étendu la taxe affectée existante à l'ensemble des industries du bois. Les panneaux et contreplaqués ont été inclus en 2007, le bois dans la construction en 2009. Le produit de la taxe a atteint 108 millions d'euros sur la période 2006-2013, soit 13,5 millions d'euros par an en moyenne.
* 9 La FBIE, association créée le 1 er décembre 2010, regroupe les organisations professionnelles (unions, fédérations et syndicats) de l'aval de la filière, en réunissant les secteurs industriels des premières et deuxièmes transformations et les entreprises utilisatrices du matériau bois.
* 10 La FNB réunit des scieurs et des exploitants forestiers. Elle adhère à la fois à FBF et à FBIE. Elle n'a pas souhaité intégrer l'UIB, ni signer le contrat de filière du comité stratégique de la filière bois.
* 11 Vos rapporteurs spéciaux ont pu recueillir les observations des responsables de plusieurs de ces structures : MM. Luc Charmasson, président de FBIE et vice-président du comité stratégique de filière, Henri Griffon, président du CODIFAB, Philippe Siat, président de la FNB, Laurent Denormandie, président de FBF, Antoine d'Amécourt, président de Forestiers privés de France et du CNPF et Luc Bouvarel, directeur général de Forestiers privés de France.
* 12 6,7 milliards d'euros en 2010 et 2011, 6,1 milliards d'euros en 2012 et 5,8 milliards d'euros en 2013. Les données 2013 ont été corrigées en 2015. C'est pourquoi la Cour des comptes indique dans son rapport un déficit de 5,6 milliards d'euros en 2013.
* 13 L'amont, caractérisé par des logiques économiques et financières de long terme et par des préoccupations écologiques (biodiversité, paysage, protection des sols ou de la ressource en eau), doit faire face au morcellement des forêts et à des bois où dominent des espèces d'arbres ne correspondant pas à la demande actuelle. Il conduit à des récoltes dont l'usage se répartit entre le bois énergie (37 %, dont 80 % ne sont pas commercialisés car autoconsommés), le bois d'oeuvre (36 %) et le bois destiné à l'industrie des panneaux et du papier (21 %). L'aval, éclaté entre ces trois différents débouchés de la filière ainsi qu'entre les industries de première transformation et de deuxième transformation du bois, doit répondre à des exigences de compétitivité industrielle, de rentabilité économique de court terme et recourt de manière marquée aux importations.
* 14 Pour la direction du budget, citée par la Cour des comptes, le levier budgétaire doit être considéré « comme un levier subsidiaire en faveur des propriétaires forestiers ». Le programme 149 « Forêt » représentait ainsi 273 millions d'euros d'AE consommés en 2013, dont 90 % sont destinés au financement de l'ONF et du CNPF. Il convient de relever la création par la loi de finances initiale pour 2014 du 29 décembre 2013 d'un fonds stratégique pour la forêt et le bois, visant à rétablir une cohérence d'intervention dans ce secteur. Ce fonds repose sur une dotation budgétaire et est ciblé sur les investissements forestiers. La loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt prévoit aussi son financement par les compensations financières réglées par les bénéficiaires d'autorisation de défrichement qui auront choisi ce mode de compensation. Tout défrichement donne, en effet, désormais droit à une compensation en reboisement ou en nature. Le produit attendu de ces compensations financières pour défrichement est estimé à 18 millions d'euros par an.
* 15 Les actions conduites en France au bénéfice de la filière bois, avec des financements au titre du FEDER ou du FSE, représentent un coût total de 526 millions d'euros en 2007-2013, cofinancé à hauteur de 133 millions d'euros par les fonds européens, soit 124,6 millions d'euros pour le FEDER (94 %) et 8,5 millions d'euros pour le FSE (6 %). 1 127 projets ont ainsi pu être financés.
* 16 Doté de 20 millions d'euros, le fonds stratégique bois vise à renforcer les fonds propres des PME et PMI de la première et deuxième transformation de la filière bois, afin de faire émerger un tissu d'entreprises plus robustes et mieux organisées pour structurer la filière et répondre à la demande en produits bois. Il regroupe à parts égales quatre souscripteurs : l'ONF, Bpifrance (auparavant CDC Entreprises), le Crédit agricole et le groupe Eiffage. Neuf investissements ont été soutenus par le fonds à hauteur de 15,4 millions d'euros, auxquels se sont ajoutés 17 millions d'euros de co-financements, ce qui a permis la mise en place de 160 millions d'euros d'investissements.
* 17 Du fait de ces mesures, n'est retenu dans l'actif taxé au titre de l'ISF ou dans l'actif faisant l'objet d'une succession ou d'une donation que le quart de la valeur des forêts. Pour bénéficier de ces mesures, le propriétaire doit produire un certificat du directeur départemental des territoires et de la mer (DDTM) attestant que les forêts sont susceptibles de présenter l'une des garanties de gestion durable prévues par le code forestier et s'engager, par écrit, à appliquer pendant trente ans aux bois et forêts objets de l'exonération l'une de ces garanties de gestion durable.
* 18 Cette deuxième justification - éviter les coupes - est moins recevable dans la mesure où un des problèmes de la filière est l'insuffisante mobilisation du bois en forêt privée.
* 19 Le volet « travaux », qui consiste à aider l'investissement en forêt, est le plus utilisé, pour une dépense fiscale limitée (2,9 millions d'euros). Le volet « acquisition », qui encourage l'agrandissement des propriétés forestières, ne permet pas de porter un jugement sur l'efficacité du DEFI pour la dynamisation de la gestion forestière du fait de la méconnaissance de l'usage qui a été fait des parcelles ainsi acquises. La Cour des comptes note que l'absence d'évaluation de ces deux volets du DEFI n'a pourtant pas empêché de les modifier à plusieurs reprises. Le volet « contrat » du DEFI destiné à encourager la conclusion de contrats de gestion pour les petites propriétés souffre, quant à lui, d'un taux d'aide trop faible pour être utilisé. Enfin, l'absence de développement de l'assurance contre les tempêtes en forêt a obéré le développement du volet « assurance » du DEFI, qui consiste notamment à prendre en charge une part des cotisations du propriétaire forestier.
* 20 La Cour des comptes appelle l'attention sur la fragilité de cette nouvelle mesure fiscale, qui n'améliore pas la lisibilité de la fiscalité forestière en raison de sa complexité. Elle introduit une nouvelle défiscalisation qui ne bénéficie qu'à une faible part des propriétaires (les redevables de l'ISF ou des DMTG), dans le but d'encourager l'assurance alors qu'une mesure de prise en charge à 76 % des cotisations d'assurance existe déjà avec le volet « assurance » du DEFI.
* 21 65 % des sciages et 50 % des panneaux de bois sont consacrés à la construction.
* 22 Le CIDD est devenu le CITE suite à l'article 3 de la loi de finances pour 2015, qui a prévu de porter le taux unique de réduction d'impôt à 30 % pour toutes les catégories de dépenses engagées pour la rénovation énergétique des logements, y compris pour les appareils de chauffage au bois et autre biomasses, et de supprimer l'obligation de réaliser un bouquet de travaux.
* 23 Entre 450 000 et 500 000 de ces appareils performants sont vendus chaque année aux particuliers.
* 24 Ce coût diminue suite à la baisse du taux du CIDD et à la suppression du CIDD pour le logement neuf.
* 25 Ces crédits ne sont pas inscrits au budget de l'État, dans la mesure où la gestion du fonds est déléguée à l'ADEME, dont les ressources proviennent surtout de taxes affectées. Le fonds alloue des aides aux entreprises et aux collectivités pour l'équipement en systèmes de production de chaleur utilisant les énergies renouvelables ou valorisant la chaleur de récupération. Quatre sources de production d'énergie sont couvertes : le bois, le biogaz, la géothermie et l'énergie solaire. La biomasse est la principale filière à en bénéficier. Ce fonds a permis de soutenir près de 1 860 installations d'énergies renouvelables et de réseaux de chaleur sur la période 2009-2011 (373 en biomasse, 181 en géothermie, 1030 en solaire, 269 en réseaux de chaleur). Pour la période 2009-2013 il a été doté d'une enveloppe de 1,12 milliard d'euros. Dans le cadre du contrat de filière entre le Gouvernement et les organisations professionnelles du bois du 17 décembre 2014, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a annoncé que 30 millions d'euros issus du fonds chaleur de l'ADEME seront dédiés à l'exploitation forestière.
* 26 Le bilan des quatre appels d'offres qui se sont succédé depuis 2003 est qualifié de « contrasté » par la Cour des compte. En effet, les projets sont « conçus de manière non coordonnée, induisant un recours à la même ressource forestière pour alimenter des projets différents et une demande supérieure aux capacités d'un bassin d'approvisionnement, non compatible avec la dispersion des forêts et les coûts logistiques. Le matériau bois tend à être considéré comme une ressource inerte, à l'exploitation aisément programmable, en application de moteurs purement économiques, sans tenir compte des impératifs de gestion durable ». Cette politique de soutien public aux projets d'installations utilisant le bois-énergie pour produire de la chaleur et de l'électricité fait de plus courir un risque de déséquilibre sur les marchés locaux d'approvisionnement en bois : « le lancement de certaines installations de taille trop importante crée dans certaines régions de France des tensions susceptibles de se répercuter dans les prix de la biomasse et donc dans le coût de l'électricité et d'accroître le risque pour les porteurs de projet ».
* 27 Le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte fixe, en outre, un objectif de développement des énergies renouvelables de 32 % de la consommation d'énergie en 2030. Dans l'étude d'impact, cet objectif est décomposé en : 40 % pour la production d'électricité, 38 % pour la consommation finale de chaleur et 15 % pour la consommation finale de carburants. Dans ce cadre, le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie s'est engagé à un doublement de la dotation du fonds chaleur à l'horizon 2017.
* 28 Un décret précisant les installations éligibles est en cours de préparation.