Rapport d'information n° 758 (2013-2014) de Mme Josette DURRIEU , fait au nom de la délégation à l'Assemblée du Conseil de l'Europe, déposé le 18 juillet 2014

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N° 758

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juillet 2014

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom des délégués élus par le Sénat (1), sur les travaux de la délégation française à l' Assemblée parlementaire du Conseil de l' Europe au cours de la troisième partie de la session ordinaire 2014 de cette assemblée, adressé à M. le Président du Sénat, en application de l'article 108 du Règlement,

Par Mme Josette DURRIEU,

Sénatrice.

(1) Cette délégation est composée de : MM. Jean-Marie Bockel, Éric Bocquet, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Fournier, Jean-Claude Frécon, Philippe Nachbar, délégués titulaires ; Mmes Maryvonne Blondin, Bernadette Bourzai, MM. Jacques Legendre, Jean-Pierre Michel, Yves Pozzo di Borgo et André Reichardt, délégués suppléants

INTRODUCTION

La troisième partie de la session ordinaire de 2014 de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, qui s'est tenue à Strasbourg du 23 au 27 juin, a été l'occasion d'élire le Secrétaire général de l'Organisation. M. Thorbjørn Jagland, en fonction depuis 2009, a été réélu pour un mandat de cinq ans - il s'agit d'une première depuis la création du Conseil de l'Europe -face à la candidate allemande, Mme Sabine Leutheusser-Schnarrenberger, par 156 voix contre 93.

Les résultats de partis ouvertement populistes et xénophobes aux élections au Parlement européen, le 25 mai 2014, ont été au centre des échanges entre les parlementaires qui n'ont pas manqué de s'en émouvoir lors de leurs interventions. Lors du déroulement de la session, le thème de l'immigration a fait l'objet de deux débats conjoints en séance, l'un sur les migrants et l'autre sur l'intégration, qui ont permis d'avoir de riches débats sur cette question devenue récurrente dans le discours politique en Europe.

L'Assemblée a abordé plusieurs questions institutionnelles visant à améliorer la lisibilité démocratique au niveau européen. Elle a ainsi analysé le bilan de sa propre réforme, réfléchi à un renforcement de l'indépendance de la Cour européenne des droits de l'Homme et également évoqué les défis qui se posent à la Banque de développement du Conseil de l'Europe. Elle s'est plus généralement préoccupée de la façon d'améliorer la démocratie européenne pour faire face aux enjeux d'une Europe fédérale et s'est inquiétée de l'avenir du service public en Europe, les administrations y étant en pleine mutation.

Elle s'est aussi attachée à la problématique des droits de l'Homme au travers de plusieurs conflits en cours : celui de l'Ukraine, qui a fait l'objet d'un débat d'actualité sur les conséquences politiques et humanitaires de la crise dans ce pays, mais aussi celui du Sahara occidental, moins médiatisé, et dont la résolution semble plus lointaine.

Elle a nourri les travaux de ses commissions par des débats avec des responsables politiques et des représentants de la société civile. Ainsi, la commission des questions politiques et de la démocratie a tenu une discussion ouverte avec M. Michel Rocard, ancien Premier ministre français, sur le sujet « Élections au Parlement européen : quelles conséquences ? » en présence de Mme Anne Brasseur, présidente de l'Assemblée. La commission des questions juridiques et des droits de l'Homme a tenu une audition sur le thème « Améliorer la protection des donneurs d'alerte » et a entendu M. Edward Snowden (par lien vidéo depuis Moscou).

Enfin, l'Assemblée a eu à coeur de prendre en compte les conséquences des évolutions techniques sur la protection des droits de l'Homme, en particulier ceux des enfants, comme lors du débat sur une justice pénale adaptée aux mineurs ou celui sur la violence véhiculée dans et par les medias.

Comme en témoigne ce rapport, la participation très active de la délégation française, lors de cette partie de session, a une nouvelle fois démontré tout l'attachement des parlementaires français à la défense des droits de l'Homme, de l'État de droit et de la démocratie.

I. ACTUALITÉS DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE

A. LA DÉLÉGATION ET SON BUREAU

La délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe comprend vingt-quatre députés (douze titulaires et douze suppléants) et douze sénateurs (six titulaires et six suppléants).

M. Damien Abad (Ain - UMP) a remplacé Mme Arlette Grosskost (Haut-Rhin - UMP) et Mme Marie-Jo Zimmermann (Moselle - UMP) est devenue titulaire.

Composition de la délégation en juin 2014

Membres titulaires

Chambre Parlement
national

Groupe Parlement
national

Groupe

APCE

Mme Danielle AUROI

Députée

GE

SOC

M. Gérard BAPT

Député

SRC

SOC

M. Jean-Marie BOCKEL

Sénateur

UDI-UC

PPE/DC

M. Éric BOCQUET

Sénateur

CRC

GUE

Mme Josette DURRIEU

Sénatrice

SOC

SOC

M. Bernard FOURNIER

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Jean-Claude FRÉCON

Sénateur

SOC

SOC

M. Denis JACQUAT

Député

UMP

PPE/DC

Mme Marietta KARAMANLI

Députée

SRC

SOC

M. Christophe LÉONARD

Député

SRC

SOC

M. Jean-Yves LE DÉAUT

Député

SRC

SOC

M. François LONCLE

Député

SRC

SOC

M. Thierry MARIANI

Député

UMP

PPE/DC

M. Jean-Claude MIGNON

Député

UMP

PPE/DC

M. Philippe NACHBAR

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. François ROCHEBLOINE

Député

NC

PPE/DC

M. René ROUQUET

Député

SRC

SOC

Mme Marie-Jo ZIMMERMANN

Députée

UMP

PPE/DC

Membres suppléants

Chambre Parlement
national

Groupe Parlement
national

Groupe

APCE

M. Damien ABAD

Mme Brigitte ALLAIN

Député

Députée

UMP

GE

PPE/DC

SOC

M. Christian BATAILLE

Député

SRC

SOC

M. Philippe BIES

Député

SRC

SOC

Mme Maryvonne BLONDIN

Sénatrice

SOC

SOC

Mme Bernadette BOURZAI

Sénatrice

SOC

SOC

Mme Pascale CROZON

Députée

SRC

SOC

Mme Marie-Louise FORT

Députée

UMP

PPE/DC

M. Pierre-Yves LE BORGN'

Député

SRC

SOC

M. Jacques LEGENDRE

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Jean-Pierre MICHEL

Sénateur

SOC

SOC

M. Yves POZZO DI BORGO

Sénateur

UDI-UC

PPE/DC

M. André REICHARDT

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Frédéric REISS

Député

UMP

PPE/DC

M. Rudy SALLES

Député

UDI

PPE/DC

M. André SCHNEIDER

Député

UMP

PPE/DC

M. Gérard TERRIER

Député

SRC

SOC

Mme Paola ZANETTI

Députée

SRC

SOC

Le Bureau de la délégation est composé de la façon suivante :

Président

M. René ROUQUET

Député

SRC

Président délégué

M. Jean-Claude MIGNON

Député

UMP

Première vice-présidente

Mme Josette DURRIEU

Sénatrice

SOC

Vice-présidents

Mme Brigitte ALLAIN

Députée

GE

M. Jean-Marie BOCKEL

Sénateur

UDI-UC

M. Jean-Claude FRÉCON

Sénateur

SOC

Mme Marietta KARAMANLI

Députée

SRC

M. Jacques LEGENDRE

Sénateur

UMP

M. François LONCLE

Député

SRC

M. François ROCHEBLOINE

Député

NC

M. André SCHNEIDER

Mme Marie-Jo ZIMMERMANN

Député

Députée

UMP

UMP

B. NOMINATIONS

M. René Rouquet (Val-de-Marne - SRC) , président de la délégation française , a présidé les séances publiques des mardi 24 juin après-midi et jeudi 26 juin après-midi. Il a été désigné par son groupe membre de la délégation pré-électorale et de la commission ad hoc pour l'observation des élections générales en Bosnie-Herzégovine (12 octobre 2014).

M. Damien Abad (Ain - UMP) a été désigné par son groupe membre de la commission ad hoc pour l'observation des élections législatives anticipées en Bulgarie (5 octobre 2014).

Mme Bernadette Bourzai (Corrèze - SOC) a été désignée par son groupe membre de la commission ad hoc pour l'observation de l'élection présidentielle en Turquie (10 août 2014). Elle a également été désignée par la commission sur l'égalité et la non-discrimination membre de la sous-commission ad hoc pour participer à la Conférence « À l'abri de la peur, à l'abri de la violence », co-organisée par le Conseil de l'Europe, la Chambre des députés italiens et le ministère italien des Affaires étrangères, à Rome, les 18 et 19 septembre 2014.

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées - SOC) a été désignée membre de la délégation pré-électorale (18 - 22 juillet 2014), en vue de l'observation de l'élection présidentielle en Turquie (10 août 2014), en tant que rapporteure de la commission de suivi sur la Turquie.

M. Denis Jacquat (Moselle - UMP) a été désigné par son groupe membre suppléant de la commission ad hoc pour l'observation des élections législatives anticipées en Bulgarie (5 octobre 2014).

Mme Marietta Karamanli (Sarthe - SRC) a été autorisée par le Bureau à effectuer des visites d'information au Maroc et en Tunisie, avant la fin de l'année 2014, en tant que rapporteure générale de l'Assemblée sur l'abolition de la peine de mort .

M. Jean-Yves Le Déaut (Meurthe-et-Moselle - SRC) a été désigné par la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias pour la représenter au Forum sur la gouvernance de l'Internet des Nations unies 2014, à Istanbul (Turquie), du 2 au 5 septembre 2014.

M. Thierry Mariani (Français établis hors de France - UMP) a été désigné par la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées rapporteur pour avis sur le thème « Les réseaux éducatifs et culturels des communautés à l'étranger ».

M. André Schneider (Bas-Rhin - UMP) a été désigné par la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias membre de la commission ad hoc pour participer au Forum mondial de la démocratie, du 3 au 5 novembre 2014, à Strasbourg.

M. Gérard Terrier (Moselle - SRC) a été désigné par la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias membre de la commission ad hoc pour participer au Forum mondial de la démocratie, du 3 au 5 novembre 2014, à Strasbourg .

C. RENCONTRES DE LA DÉLÉGATION FRANÇAISE

La Représentante permanente de la France auprès du Conseil de l'Europe, S.E. Mme Jocelyne Caballero, a reçu la délégation française, le 22 juin, pour un dîner de travail au cours duquel elle a abordé les principaux points inscrits à l'ordre du jour.

M. René Rouquet, président de la délégation française a reçu le mardi 24 juin Mme Nicole Gasnier, représentante de l'ONG « l'association des amis de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) ».

En sa qualité de vice-président de la délégation, M. Jean-Marie Bockel (Haut-Rhin - UDI-UC) a rencontré, le mercredi 25 juin, MM. Bassam Ishak, Président du Syriac National Council of Syria , membre de l'opposition syrienne en exil à Istanbul, et Fayih Yagizay, du HDP (parti démocratique des peuples de Turquie), ainsi que Mmes Nursel Kilic, de l'Association des femmes kurdes en Europe et représentante d'ONG auprès des Nations unies pour l'association Femmes solidaires, et Hélène Erin, porte-parole d'associations kurdes en Alsace.

II. INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE DÉROULEMENT DE LA PARTIE DE SESSION

A. ORDRE DU JOUR ET INTERVENTIONS DES PARLEMENTAIRES FRANÇAIS

Lundi 23 juin

- Rapport d'activité du Bureau et de la Commission Permanente - Observation de l'élection présidentielle (13 et 27 avril 2014) et des élections législatives anticipées (27 avril 2014) dans « l'ex-République yougoslave de Macédoine » et observation de l'élection présidentielle anticipée en Ukraine (25 mai 2014) : Mmes Maryvonne Blondin et Bernadette Bourzai, MM. René Rouquet et Pierre-Yves Le Borgn' ;

- Communication du Comité des Ministres à l'Assemblée parlementaire présentée par M. Elmar Mammadyarov, ministre des affaires étrangères de l'Azerbaïdjan, Président du Comité des Ministres : M. François Rochebloine ;

- Débat libre : Mme Josette Durrieu, MM. François Rochebloine et Bernard Fournier ;

Mardi 24 juin

- Élection du Secrétaire Général du Conseil de l'Europe ;

- Débat conjoint : Le « bateau cercueil » : actions et réactions et L'arrivée massive de flux migratoires mixtes sur les côtes italiennes : M. Thierry Mariani , en qualité de président de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées ;

- Discours de M. Ilham Aliyev, Président de l'Azerbaïdjan : M. François Rochebloine ;

- Violence véhiculée dans et par les médias : Mmes Maryvonne Blondin et Pascale Crozon, M. François Rochebloine ;

- Évaluation de la mise en oeuvre de la réforme de l'Assemblée parlementaire : M. Bernard Fournier ;

Mercredi 25 juin

- Vers une meilleure démocratie européenne : faire face aux enjeux d'une Europe fédérale : Mmes Josette Durrieu et Bernadette Bourzai, MM. François Rochebloine, Pierre-Yves Le Borgn' et Damien Abad ;

- Cérémonie de commémoration du Centenaire de la Première Guerre mondiale ;

- Contribution parlementaire à la résolution du conflit du Sahara occidental : Mme Josette Durrieu ;

- Débat conjoint : Identités et diversités au sein de sociétés interculturelles et Intégration des immigrés en Europe : la nécessité d'une politique volontaire, continue et globale : Mmes Maryvonne Blondin et Pascale Crozon, MM. Pierre-Yves Le Borgn', Jean-Claude Frécon, Damien Abad et Jean-Marie Bockel ;

Jeudi 26 juin

- Débat d'actualité : Les conséquences politiques et humaines de la crise en Ukraine : MM. René Rouquet et Bernard Fournier ;

- Discours de M. Petro Porochenko, Président de l'Ukraine : M. Bernard Fournier ;

- Les défis qui se posent à la Banque de développement du Conseil de l'Europe : M. René Rouquet ;

- La mutation de l'administration en Europe : le service public en péril ? : M. Frédéric Reiss ;

Vendredi 27 juin

- Renforcement de l'indépendance de la Cour européenne des droits de l'Homme : M. André Schneider ;

- Une justice pénale des mineurs adaptée aux enfants : de la rhétorique à la réalité.

B. TEXTES ADOPTÉS

Le Règlement de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe distingue trois types de textes : les avis, les recommandations et les résolutions :

- aux termes de l'article 24.1. a , une recommandation consiste en une proposition de l'Assemblée adressée au Comité des ministres, dont la mise en oeuvre échappe à la compétence de l'Assemblée mais relève des gouvernements ;

- définie à l'article 24.1. b , une résolution exprime une décision de l'Assemblée sur une question de fond, dont la mise en oeuvre relève de sa compétence, ou un point de vue qui n'engage que sa responsabilité ;

- les avis répondent aux demandes qui sont soumises à l'Assemblée par le Comité des Ministres concernant l'adhésion de nouveaux États membres au Conseil de l'Europe, mais aussi les projets de conventions, le budget ou la mise en oeuvre de la Charte sociale.

Texte et rapporteur(e)

Document(s) 1 ( * )

Commission des questions politiques et de la démocratie

Vers une meilleure démocratie européenne : faire face aux enjeux d'une Europe fédérale

Rapporteur : M. Andreas Gross (Suisse - SOC)

• Résolution n° 2003

Contribution parlementaire à la résolution du conflit du Sahara occidental

Rapporteure : Mme Liliane Maury Pasquier (Suisse - SOC)

• Résolution n° 2004

Commission des questions juridiques et des droits de l'Homme

Renforcement de l'indépendance de la Cour européenne des droits de l'Homme

Rapporteur : M. Boriss Cileviès (Lettonie - SOC)

• Résolution n° 2009

• Recommandation n° 2051

Commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias

Violence véhiculée dans et par les médias

Rapporteur : M. Roger Gale (Royaume-Uni - GDE)

• Résolution n° 2001

• Recommandation n° 2048

Identités et diversité au sein de sociétés interculturelles

Rapporteur : M. Carlos Costa Neves (Portugal - PPE/DC)

• Résolution n° 2005

• Recommandation n° 2049

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Le «bateau cercueil»: actions et réactions

Rapporteure : Mme Tineke Strik (Pays-Bas - SOC)

• Résolution n° 1999

• Recommandation n° 2046

L'arrivée de flux migratoires mixtes sur les côtes italiennes

Rapporteur : M. Christopher Chope (Royaume-Uni - GDE)

• Résolution n° 2000

• Recommandation n° 2047

Intégration des immigrés en Europe : la nécessité d'une politique volontaire, continue et globale

Rapporteure : Mme Marietta Karamanli (France - SOC)

• Résolution n° 2006

Commission des questions sociales, de la santé
et du développement durable

Les défis qui se posent à la Banque de développement du Conseil de l'Europe

Rapporteur : M. Tuur Elzinga (Pays-Bas - GUE)

• Résolution n° 2007

Une justice pénale des mineurs adaptée aux enfants : de la rhétorique à la réalité

Rapporteur : M. Stefan Schennach (Autriche - SOC)

• Résolution n° 2010

Commission du Règlement, des immunités
et des affaires institutionnelles

Évaluation de la mise en oeuvre de la réforme de l'Assemblée parlementaire

Rapporteure : Mme Liliana Palihovici (Moldavie - PPE/DC)

• Résolution n°2002

La mutation de l'administration en Europe : le service public en péril ?

Rapporter : M. Tiny Kox (Pays-Bas - GUE)

• Résolution n° 2008

• Recommandation n° 2050

Le texte intégral des rapports, avis, comptes rendus des débats
de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe,
ainsi que les textes adoptés, sont consultables sur le site : http://assembly.coe.int

III. LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN EUROPE ET DANS LE MONDE

A. DÉBAT LIBRE

La réforme du Règlement entrée en vigueur en janvier 2012 prévoit l'organisation d'un débat libre. Les parlementaires disposent de trois minutes pour intervenir sur un sujet qui n'est pas inscrit à l'ordre du jour.

L'Irak connaît actuellement de nombreux affrontements entre sunnites et chiites, au point que certains ont pu parler de quatrième guerre d'Irak. Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées - SOC) s'est inquiétée des conséquences de ce conflit qui cristallise la rivalité entre l'Arabie saoudite et l'Iran. S'ajoute à cela la montée en puissance de l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL), organisation djihadiste qui s'est proclamée État sur les territoires irakiens et syriens qu'elle occupe. Elle a constaté que le changement de régime par la force ne conduit pas nécessairement à la démocratie et peut au contraire générer le chaos, de nouvelles alliances se créant alors. Elle s'est ensuite interrogée sur la montée en puissance du terrorisme international, et en particulier celle des djihadistes, et en a conclu la nécessité d'organiser rapidement une conférence internationale sur la sécurité collective et la garantie des frontières.

M. François Rochebloine (Loire - UDI) a souhaité intervenir quant à lui sur l'élection du nouveau Secrétaire général du Conseil de l'Europe. Il a insisté sur la nécessité pour le Conseil de l'Europe de suivre au plus près les règles élémentaires d'une élection démocratique : la pluralité des candidats et la liberté d'expression des candidatures, sauf inéligibilité notoire tirée de l'âge, de l'indignité ou de l'incapacité. Il a noté à cet égard que le Comité des ministres avait été tenté de ne proposer aux suffrages de l'Assemblée parlementaire qu'une seule candidature, celle du Secrétaire général sortant, et qu'il a écarté une candidature manifestement recevable, celle d'un ancien président de l'Assemblée parlementaire, homme politique expérimenté, par ailleurs soutenu par son Gouvernement pourtant d'une autre opinion politique 2 ( * ) . Il a estimé que le Comité des Ministres avait ainsi empiété sur la compétence souveraine de l'Assemblée parlementaire et que l'irrecevabilité opposée n'était pas juridique mais politique. Enfin, il a évoqué un dernier critère nécessaire à une élection démocratique : la stricte égalité de traitement entre les candidats. Un candidat ne doit pas tirer un avantage indu de l'exercice de fonctions officielles, spécialement quand il se présente à sa réélection. Or, il a fait observer que le Secrétaire général sortant n'avait pas agi conformément à ce principe au cours des derniers mois de son mandat.

M. Bernard Fournier (Loire - UMP) a saisi l'occasion de ce débat libre pour aborder la situation des droits de l'Homme en Chine, 25 ans après les événements de la place Tiananmen. D'importantes forces de police ont été déployées en Chine pour cet anniversaire, près de 90 militants des droits de l'Homme ont été arrêtés, l'accès à Internet a été bloqué par les autorités chinoises et plusieurs journalistes, notamment étrangers, ont été menacés. M Bernard Fournier a déploré la brutalité de cette répression et a constaté que la décision du gouvernement chinois, en 1989, de refuser le dialogue a constitué le fondement et créé la nécessité d'une répression constante. La situation des droits de l'Homme en Chine reste, en effet, extrêmement préoccupante. Les arrestations et détentions arbitraires sont monnaie courante en Chine. Des centaines de milliers de personnes sont placées en détention administrative sans possibilité de recours auprès d'un tribunal indépendant. Les défenseurs des droits de l'Homme, en particulier dans les domaines économique, social et culturel, sont surveillés, harcelés, arrêtés. La peine de mort y est presque banale, la Chine exécutant plus de prisonniers que tous les autres pays de la planète réunis. Enfin, au Tibet, les droits religieux et culturels sont bafoués et les brutalités policières fréquentes.

B. CONTRIBUTION PARLEMENTAIRE À LA RÉSOLUTION DU CONFLIT DU SAHARA OCCIDENTAL

À la suite de la demande déposée en 2011 par le Parlement du Maroc pour obtenir le statut de partenaire pour la démocratie auprès de l'Assemblée parlementaire, avaient été soulevées la question du territoire contesté du Sahara occidental et celle du respect des droits de l'Homme dans le cadre du conflit en cours dans cette région. Le conflit du Sahara occidental, qui perdure depuis 1976 dans cette ancienne colonie espagnole, est traité dans le cadre des Nations unies. Depuis 1991, date du cessez-le-feu entre le Maroc et le Front Polisario, une opération de maintien de la paix y a été mise en place : la Mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (MINURSO). Cette situation soulève cependant des interrogations sur le plan des droits de l'Homme et de la gouvernance démocratique.

Le statut de partenaire pour la démocratie auprès de l'Assemblée parlementaire, accordé au Parlement marocain, constitue une reconnaissance des avancées réalisées par le Maroc en matière de droits de l'Homme, de démocratie et de l'État de droit, mais aussi une base institutionnelle à une résolution pacifique du conflit. Il reste cependant un certain nombre d'allégations de violations des droits de l'Homme au Sahara occidental, ainsi que dans les camps de Tindouf. La résolution, présentée au nom de la commission des questions politiques et de la démocratie par Mme Liliane Maury Pasquier (Suisse - SOC), invite plus particulièrement le Parlement du Maroc à continuer à développer une culture des droits de l'Homme au Sahara occidental et à s'ouvrir au dialogue avec tous les représentants de la société civile sahraouie, ainsi qu'avec les représentants du Front Polisario basés dans les camps de Tindouf, afin de développer la confiance mutuelle et faciliter les négociations.

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées - SOC) , s'exprimant au nom du groupe socialiste, a salué l'ambition affichée d'oeuvrer à la résolution d'un conflit gelé mais peu médiatisé. Le statu quo au Sahara occidental dure depuis 1991 et les parties en présence, le Front Polisario, le Maroc et l'Algérie, défendent toujours aujourd'hui des positions inconciliables. Le Front Polisario a fait valoir ses droits et a demandé un référendum sur l'indépendance, l'autonomie et l'intégration. En 1976, il a proclamé la République arabe sahraouie. Le Maroc, quant à lui, administre aujourd'hui de fait ce territoire. En 2007, il a proposé un plan de large autonomie pour le Sahara occidental. La mission de la MINURSO, qui maintient le cessez-le-feu depuis 1991, mène des actions de déminage et tente d'apporter une réponse, qu'elle ne trouve pas. La véritable explication à cela semble être le différend persistant qui oppose le Maroc à l'Algérie. Certains pays, membres du groupe des amis du Sahara occidental, dont la France, estiment que le plan de large autonomie pourrait être considéré comme un socle sérieux et crédible en vue d'une solution négociée. La clé du problème se trouve, selon elle, dans le dialogue entre le Maroc et l'Algérie.

Lors de la discussion sur le projet de résolution, sur lequel 14 amendements avaient été déposés, Mme Josette Durrieu a défendu l'équilibre général du texte présenté. Souhaitant éviter toute stigmatisation des parties au conflit, M. Jean-Marie Bockel a soutenu cette position. Seuls 3 amendements ont finalement été adoptés.

C. DÉBAT D'ACTUALITÉ SUR LES CONSÉQUENCES POLITIQUES ET HUMANITAIRES DE LA CRISE EN UKRAINE

Sur proposition du Bureau, l'Assemblée a, pour la troisième fois cette année, décidé de consacrer son débat d'actualité du jeudi sur l'Ukraine. Elle s'est inquiétée cette fois des conséquences politiques et humaines de la crise dans ce pays. Ce débat a été suivi par le discours de M. Petro Porochenko, nouveau Président ukrainien élu le 25 mai dernier à une large majorité, qui a présenté son plan de paix à cette occasion. Si la réforme constitutionnelle de l'Ukraine se poursuit avec l'organisation, d'ici la fin de l'année, d'élections législatives qui devraient garantir à tous les électeurs de pouvoir se rendre aux urnes, la violence du conflit a empiré. Les activités criminelles et les cas d'enlèvements ou de détentions augmentent rapidement. Des exemples de torture et des assassinats ont même été rapportés. La Russie affirme par ailleurs que 5 000 Ukrainiens ont déjà demandé le statut de réfugié en Russie et les données du service frontalier russe parlent de 140 000 personnes massées à la frontière. Le rapport du Commissaire des droits de l'Homme des Nations unies du 23 juin évoque, quant à lui, 46 000 personnes déplacées. 11 500 personnes, notamment des Tatars, ont en outre dû quitter la Crimée sans possibilité d'y retourner.

M. René Rouquet (Val-de-Marne - SRC) , président de la délégation française , a souligné l'espoir suscité par l'élection du Président Porochenko dans des conditions qui garantissent sa pleine légitimité. L'élection s'est en effet déroulée dans des conditions globalement satisfaisantes et avec un taux de participation élevé. Il convient désormais d'oeuvrer à la résolution du conflit, et en particulier de concilier le respect de l'unité de l'Ukraine et l'autonomie de l'Est du pays, notamment sur le plan linguistique et culturel. Il faut également lutter contre la corruption et, plus généralement, mettre en place un véritable État de droit, avec une justice indépendante et au service de l'intérêt de tous. C'est peut-être là que l'Assemblée et le Conseil de l'Europe ont un rôle à jouer après s'être montré relativement effacés pendant la crise ukrainienne, avec quelques actions utiles mais très marginales, telles que l'envoi d'un conseiller à la Rada. Les sanctions contre la délégation russe, tout à fait légitimes au regard de l'ampleur de la violation des principes de base du droit international en Crimée, ont de façon plus que prévisible conduit au retrait de celle-ci de l'APCE. La collaboration avec les autres organisations paneuropéennes que sont l'Union européenne et l'OSCE est plus que jamais nécessaire.

M. Bernard Fournier (Loire - UMP) s'est félicité de l'intense activité diplomatique des derniers jours. Il a constaté lui aussi que la légitimité électorale du nouveau Président ukrainien lui permet d'engager un dialogue véritable avec l'ensemble de ses compatriotes, en particulier ceux de l'Est, et de réfléchir collectivement à l'avenir institutionnel de l'Ukraine. Le défi est de taille car il s'agit à la fois de préserver l'intégrité territoriale du pays et de respecter la grande diversité de sa société. Les cérémonies du 70 ème anniversaire du Débarquement en Normandie, le 6 juin dernier, ont permis aux Présidents Porochenko et Poutine de rétablir le dialogue entre l'Ukraine et la Russie. Un groupe de contact trilatéral Ukraine-Russie-OSCE pour un plan de paix pour l'Est de l'Ukraine a alors été mis en place, en lien avec la décision de négociations russo-ukrainiennes. Dès le lendemain, Petro Porochenko proposait un plan de paix pour le Donbass en trois points : l'amnistie pour les combattants qui déposent les armes, pourvu qu'ils n'aient pas de sang sur les mains ; la mise en place de corridors pour évacuer les mercenaires russes souhaitant rentrer dans leur pays ; le dialogue avec les citoyens ukrainiens pacifiques. Il a également présenté ses engagements envers les habitants des régions de Donetsk et de Lougansk : décentralisation du pouvoir, élections locales anticipées, liberté de l'usage de la langue russe, respect des spécificités régionales, plan de reconstruction économique élaboré conjointement avec l'Union européenne, etc. Bien sûr, le poids de la Russie dans la décision des chefs séparatistes ukrainiens a été déterminant, le plan de paix du Président Porochenko ayant reçu le soutien de principe du Kremlin. Pour consolider l'avenir, deux conditions devront être réunies : d'une part, l'organisation d'élections législatives anticipées, la composition actuelle de la Rada ne reflétant plus la réalité du paysage politique ukrainien, et, d'autre part, la conclusion d'un accord anticorruption au niveau national.

Le débat a ensuite été suivi par le discours de M. Petro Porochenko, Président de l'Ukraine, qui a pu développer les principaux points de son plan de paix que sont le retrait des troupes russes de la zone frontalière, la fermeture de la frontière et un cessez-le-feu, et rappeler ses engagements envers le Donbass, notamment sur la restauration de son économie.

M. Bernard Fournier (Loire - UMP) a interrogé le Président ukrainien sur le problème de la corruption, et plus particulièrement sur le plan anti-corruption qui devrait être mis en place dans le cadre du plan de paix.

M. Petro Porochenko lui a répondu qu'il faudrait non seulement modifier la législation, mais aussi obtenir des résultats concrets. Il a constaté que la corruption ne peut sévir dans un pays qu'à partir du moment où les personnes corrompues sont protégées par quelqu'un de haut placé. Le phénomène est rendu possible par l'absence de toute volonté politique de lutter contre la corruption. Or, la situation, aujourd'hui, a changé, ces hautes protections sont tombées.

D. VIOLENCE VÉHICULÉE DANS ET PAR LES MÉDIAS

Les médias sont omniprésents dans la vie quotidienne. La violence qu'ils peuvent véhiculer n'est pas sans conséquence sur le comportement des individus et des sociétés dans leur ensemble, même s'il reste difficile d'établir un lien de causalité direct entre l'exposition d'une personne à un produit ou un service de médias à caractère violent et un acte d'agression ou de violence ensuite commis par cette personne. Le développement d'Internet relance aujourd'hui le débat et invite les autorités à adapter leur corpus législatif.

C'est pourquoi la commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias, par l'intermédiaire de son rapporteur, Sir Roger Gale (Royaume-Uni - GDE), a adopté une série de recommandations incitant les États membres du Conseil de l'Europe à une gestion active de ce problème.

Mme Maryvonne Blondin (Finistère - SOC), rapporteure pour avis de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable , a cependant fait remarquer que le projet de résolution ne donnait pas suffisamment d'importance au groupe le plus vulnérable dans l'environnement médiatique, à savoir les enfants. Le seul outil juridique contraignant sur ce point est aujourd'hui la Convention européenne sur la télévision transfrontière, en particulier avec son article 7. Or, les enfants sont de plus en plus exposés. Ils sont les premiers utilisateurs des nouveaux outils technologiques, dont ils savent se servir de plus en plus tôt, comme le montrent les études récentes, par exemple celles menées par l'Union internationale des télécommunications. De nombreux dangers les menacent, que ce soit le grooming , cette prise de contact par Internet à des fins sexuelles, ou encore les vidéos pornographiques et le cyber-harcèlement. Les défis lancés sur Facebook atteignent dorénavant des niveaux d'absurdité et de dangerosité jamais égalés et doivent aussi faire l'objet de toutes les attentions.

M. François Rochebloine (Loire - UDI) a évoqué sa crainte que les seules recommandations juridiques ne suffisent pas. En effet, l'émission d'images de violence échappe de plus en plus facilement au contrôle des autorités publiques grâce aux échanges par Internet. Leur filtrage au prétexte d'un contenu violent doit dans le même temps être manié avec précaution, devenant sinon une justification trop facile aux gouvernements autoritaires pour porter atteinte à la liberté d'expression et de communication. Le développement de la violence dans les médias est aussi, selon lui, la traduction d'une crise plus large du vivre ensemble. Les fusillades dans les universités américaines ne sont pas sans lien avec la tradition constitutionnelle américaine qui fait de la possession libre d'une arme à feu une liberté individuelle fondamentale. Quand la mentalité collective ne met pas de borne à la possession d'instruments de la violence, il devient impossible de limiter efficacement la représentation médiatique de cette violence et l'on assiste à un « processus d'accoutumance et de désensibilisation » généralisé. Enfin, il faut aussi s'intéresser aux grandes entreprises de jeux vidéo qu'il faut mettre devant leurs responsabilités dans la déstructuration mentale d'une partie de la population et notamment des jeunes. En fait, c'est la difficulté croissante d'aboutir à des relations sociales équilibrées, à une régulation acceptée des activités économiques, qui crée la situation dont la violence infligée aux enfants par les médias est l'un des aboutissements. Il faut certes traiter les effets, mais en considérant d'abord leurs causes.

Mme Pascale Crozon (Rhône - SRC) a noté que, pour l'essentiel, le rapport recommande la mise en oeuvre de solutions déjà en pratique en France depuis de nombreuses années avec, en particulier, un organe de régulation, l'éducation à l'image et la normalisation d'une signalétique adaptée. Ces éléments n'ont cependant pas suffisamment protégé les enfants. Contrairement aux adultes, l'enfant ne choisit pas toujours librement, en pleine conscience, les images auxquelles il va être exposé, ni de regarder des images violentes. Il n'est pas nécessairement armé pour les comprendre, en connaître le contexte et le sens qui font de cette image une information. Il n'a pas toujours une conscience parfaite des images qui relèvent de la réalité et de la fiction. L'équilibre n'est pas toujours simple à trouver entre le respect dû aux contenus, qui relève de libertés fondamentales telles que la liberté de création, la liberté d'expression et le droit à l'information, et la nécessité de réguler l'accès à ces contenus dans l'objectif prioritaire de protéger les enfants. Il n'est pas plus aisé de faire la part de ce qui relève du champ de la régulation et de ce qui relève du champ de l'éducation, c'est-à-dire de la responsabilité parentale. C'est d'autant plus compliqué à l'ère des nouveaux médias. C'est là que la régulation classique, par l'interdiction de diffusion à certains horaires ou l'avertissement parental, rencontre ses limites. Les outils de filtrage parental existent pourtant. En France, ils doivent être obligatoirement proposés par chaque fournisseur d'accès. Néanmoins, ils sont peu utilisés : quels que soient les moyens réglementaires ou technologiques mis en oeuvre, rien n'est possible sans l'implication des parents. C'est pourquoi il est utile de responsabiliser l'ensemble des acteurs et de les inciter à travailler les uns avec les autres.

E. UNE JUSTICE PÉNALE DES MINEURS ADAPTÉE AUX ENFANTS : DE LA RHÉTORIQUE À LA RÉALITÉ

M. Stefan Schennach (Autriche - SOC) a proposé au nom de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable un rapport consacré au traitement de la délinquance juvénile. En effet, les organes de suivi des Nations unies et du Conseil de l'Europe ont mis en cause l'application faite des normes relatives aux droits humains dans le domaine de la justice pénale et de la détention des mineurs. Les recommandations faites visent à assurer un plein respect des droits de l'enfant. Dans cet esprit, il est notamment proposé de développer la prévention de la délinquance juvénile, de relever l'âge minimum de responsabilité pénale et d'encourager les mesures alternatives non privatives de liberté. La commission des questions juridiques et des droits de l'Homme a été saisie pour avis de ce rapport. La rapporteure, Mme Kristien Van Vaerenbergh (Belgique - NI), s'est clairement prononcée contre l'approche proposée par la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable . Elle lui a notamment reproché de ne pas faire de distinction suffisante entre infraction non violente et infraction violente, ni entre les diverses catégories d'âge, et de négliger les droits des victimes. La commission des questions juridiques et des droits de l'Homme a déposé en ce sens plusieurs amendements, tous rejetés lors de la discussion du texte.

IV. LES NOUVEAUX ENJEUX DE L'IMMIGRATION

A. DÉBAT JOINT SUR L'INTÉGRATION

1. Identités et diversité au sein des sociétés interculturelles

La commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias a dressé le constat que les sociétés modernes sont devenues interculturelles : la mondialisation et Internet ont rendu accessibles la plupart des cultures. Les migrations transfrontières ont par ailleurs accru la diversité ethnique dans les pays européens. Les identités individuelles et collectives empruntent ainsi désormais volontiers à différentes cultures. Mais cette proximité engendre aussi un rejet qu'illustre la montée des partis politiques antidémocratiques et xénophobes en Europe. C'est la raison pour laquelle le rapport présenté par M. Carlos Costa Neves (Portugal - PPE/DC) appelle aujourd'hui à élaborer une stratégie globale de l'intégration. Il s'agit désormais de faire évoluer le discours et l'action politiques afin de sensibiliser le public, renforcer la cohésion entre les différents acteurs, lutter contre le racisme, instaurer une véritable diversité au sein des sociétés et mettre en place une économie interculturelle.

M. Pierre-Yves Le Borgn' (Français établis hors de France - SOC) s'est inquiété du succès des formations politiques ouvertement racistes et xénophobes lors des récentes élections européennes. L'Europe est un continent de migrations et, si les barrières culturelles reculent aujourd'hui grâce à l'accélération de la mondialisation, le mouvement vers l'interculturalité, en soi, n'est pas nouveau. Il a remarqué que ce qui est nouveau, en revanche, c'est la défiance de plus en plus affichée à son égard. Cette diversité culturelle est pourtant la réalité d'aujourd'hui et elle est, plus encore, l'avenir. Elle n'est pas un danger, mais au contraire une richesse pour les pays et pour chacun d'entre nous individuellement. L'égalité s'apprend par l'éducation. L'apprentissage de la diversité et du dialogue interculturel doit être intégré au coeur des programmes nationaux d'enseignement. Il faut par ailleurs valoriser et soutenir toutes les initiatives interculturelles, souvent locales et modestes.

M. Jean-Claude Frécon (Loire - SOC ) a salué l'appel contenu dans les projets de résolution et de recommandation à promouvoir la diversité culturelle, aussi nécessaire au genre humain que la biodiversité à l'ordre du vivant. Il a considéré cette démarche comme bienvenue, car peu naturelle. Beaucoup cherchent au contraire à ériger leurs références culturelles, sociales ou religieuses en normes impératives, ce qui accrédite la thèse selon laquelle les conflits entre cultures et civilisations seraient inéluctables. Il a rappelé que l'année 2001 avait vu, en même temps que les attentats du 11 septembre, l'adoption de deux textes importants, visant à réaffirmer l'impératif de diversité culturelle dans nos sociétés. Lors de la conférence des ministres francophones de la culture, la déclaration de Cotonou a affirmé que « la diversité culturelle constitue l'un des enjeux majeurs du XXI e siècle ». Par ailleurs, la Déclaration universelle sur la diversité culturelle de l'Unesco a reconnu pour la première fois la diversité culturelle comme « héritage commun de l'humanité ». Pour autant, cette diversité est un processus évolutif. La diversité culturelle est d'ailleurs moins menacée par l'intolérance, souvent inspirée par la crise, donc conjoncturelle, que par une tendance forte à l'uniformisation des modes de vie. Celle-ci s'observe dans la disparition de langues et de dialectes, dans l'inquiétude de populations quant à la sauvegarde de leurs traditions et par l'intensification de la prééminence culturelle des États-Unis, ou encore dans la consommation de produits quasi standardisés sur l'ensemble de la planète. De ce point de vue, la diversité culturelle, à la défense de laquelle la France est particulièrement attachée dans les négociations économiques internationales, est un rempart contre une uniformité culturelle excessive. Il est important de réaffirmer que le dialogue interculturel constitue le meilleur gage de paix.

2. L'intégration des immigrés : l'Europe en échec ?

Mme Marietta Karamanli (Sarthe - SRC) , rapporteure de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées , a ouvert le débat en présentant le rapport et la proposition de résolution de la commission. L'intégration désigne un mouvement double au terme duquel les immigrés et les sociétés d'accueil ont pour objectif d'inclure progressivement par la langue, le droit et la culture dans le corps social, ceux qui le rejoignent. Évaluer l'intégration et considérer qu'elle a réussi ou échoué est un exercice difficile car celle-ci prend du temps, varie aussi en fonction de la taille du pays et évolue dans le temps. Elle est, par définition, un processus dont la mesure est difficile à manier. Il est donc préférable de dire qu'elle nécessite pour réussir diverses actions sur plusieurs axes d'amélioration. Des écarts significatifs ont été constatés dans trois domaines : le droit au travail, l'éducation et la participation démocratique. L'idée principale des recommandations présentées est de considérer que, dans les politiques d'intégration actuelles, il existe des marges non exploitées et qu'il convient d'explorer les moyens de les utiliser et d'agir concrètement, en particulier grâce à un travail commun entre les gouvernements, les pouvoirs locaux et les organisations non gouvernementales.

M. Damien Abad (Ain - UMP) a partagé le constat d'échec dressé par la rapporteure. Il a cependant contesté les solutions proposées : après avoir insisté sur le rôle démultiplicateur de la crise économique, extrêmement forte en Europe et qui compromet les conditions d'accueil faites aux migrants, il a mis en doute l'opportunité d'un droit de vote aux élections locales ouvert aux immigrés. Il a ensuite développé tout l'intérêt d'une migration régulière, choisie, qui constitue une véritable richesse pour les sociétés d'accueil européennes. Il a à cet égard évoqué l'hypothèse d'une réforme des accords de Schengen. Il a noté que, si le droit à une vie familiale doit être respecté, il faut aussi que les personnes qui accueillent leur famille soient en mesure de leur garantir un niveau de vie décent et de les accompagner dans le processus d'intégration. La connaissance de la langue du pays d'accueil permet d'aller vers les autres, de sortir de la logique de ghettoïsation et d'acquérir une indépendance indispensable à une intégration réussie. La langue sert aussi à transmettre les valeurs, de la démocratie, de l'État de droit et des droits de l'Homme. C'est pour cela qu'il importe de ne pas créer des sociétés de communautés les unes à côté des autres, mais de construire une véritable société européenne multiculturelle et d'engager les réformes nécessaires pour accueillir peut-être moins mais certainement mieux.

M. Jean-Marie Bockel (Haut-Rhin - UDI-UC) a rappelé que les populations immigrées sont plus vulnérables et stigmatisées que les autres. Il a souhaité revenir sur le cas de la France dont l'identité s'est construite, pour partie, à travers les immigrations successives. Des millions de personnes dont les parents ne sont pas nés en France y habitent actuellement. Un contrat d'accueil et d'intégration est aujourd'hui proposé à toute personne immigrée. Or il y a aujourd'hui clairement un sentiment d'échec partagé par l'ensemble de la société française. Des défis restent à relever : celui des flux migratoires, à résoudre avec les pays d'émigration, celui que constituent les dérives intégristes et communautaristes. Dans un contexte économique et social difficile déjà évoqué par les précédents orateurs, des réponses doivent être apportées. Le Conseil de l'Europe peut jouer en cela un rôle important, car c'est précisément à ce niveau que des solutions peuvent être élaborées conjointement, pour ensuite faire passer des messages aux États et à l'Union européenne et formuler des préconisations. Le simple fait de discuter ensemble peut contribuer à apporter durablement une réponse à ce sujet. Les migrations constituent à la fois un défi et un atout.

Au terme intégration, Mme Pascale Crozon (Rhône - SRC ) a préféré celui « d'inclusion sociale » tout en partageant, elle aussi, le constat d'échec de la rapporteure. Elle a rappelé les conséquences de ce dernier : la ségrégation territoriale, qui s'accompagne d'une dégradation du logement, de la disparition des commerces de proximité et des services publics, c'est-à-dire de la qualité de vie. C'est aussi l'exploitation de la misère, terreau fertile à la délinquance, à l'économie parallèle ou aux discours de repli communautaire. Ce sont les discriminations fondées non plus uniquement sur une appartenance ethnique ou religieuse, mais aussi sur le lieu de résidence. C'est enfin la peur de la relégation et du déclassement qui engendre la peur de l'autre et nourrit le racisme. En s'attaquant aux conséquences et non aux causes sociales de cet échec, les politiques migratoires mises en oeuvre par les États ont aggravé bien plus encore la situation, tout en banalisant les discours d'exclusion. La réduction du débat migratoire au seul prisme de l'immigration irrégulière, les restrictions apportées aux droits fondamentaux et à la prise en charge sociale, n'ont pas tari les flux migratoires. Elles ont, en revanche, précarisé les étrangers en situation régulière, que l'insécurité administrative écarte un peu plus encore de l'emploi, du logement ou du crédit. La réponse à apporter à la vague populiste qui a fait vaciller de nombreux pays aux dernières élections européennes est aujourd'hui dans la contractualisation de droits et de devoirs entre un migrant et sa société d'accueil.

M. René Rouquet (Val-de-Marne - SRC) , président de la délégation française , a souhaité partager son expérience d'élu d'une ville française dont la population compte plus d'un quart d'immigrés. Il a à cet égard rappelé le rôle clé de l'éducation, en prenant pour exemple le dispositif « ouvrir l'école aux parents pour réussir l'intégration » qui a pour objectif de permettre aux parents d'élèves d'origine étrangère de mieux connaître l'école, mais aussi la langue française, afin d'aider et d'accompagner au mieux leurs enfants. Cette initiative importante permet aux femmes immigrées d'être valorisées au sein même de la famille, car elles sont souvent les premières concernées par le suivi des enfants et de leur scolarité. Il a ensuite évoqué la feuille de route du Gouvernement français sur la politique d'égalité républicaine présentée en février dernier. Les objectifs de cette dernière sont clairs : l'accès de tous au droit commun doit être garanti, en particulier dans l'emploi, et la lutte contre les discriminations doit être prise en compte à tous les niveaux de l'action publique.

B. DÉBAT JOINT SUR LES MIGRANTS

1. Le « bateau cercueil » : actions et réactions

Le 26 mars 2011, une barque chargée de 72 migrants quittait la Libye en guerre. Seuls neuf d'entre eux ont pu rejoindre en vie la terre ferme après être restés près de 15 jours au large des côtes italiennes. Personne n'a cependant porté secours à ce bateau, malgré les signaux de détresse enregistrés par le Centre italien de coordination de sauvetage maritime, qui l'a localisé. Un certain nombre de contacts directs entre ce bateau en détresse et d'autres navires ont apparemment eu lieu, y compris avec un hélicoptère militaire, qui a fourni des biscuits et de l'eau au bateau, mais n'est jamais revenu, avec deux bateaux de pêche, qui ont refusé tout deux de lui prêter assistance, et avec un gros vaisseau militaire tout proche du bateau, qui a ignoré ses signaux de détresse évidents. Un rapport du Conseil de l'Europe, publié à la fin mars 2012, pointait déjà de nombreuses erreurs et manquements. Plusieurs questions demeurent cependant sans réponse et Mme Tineke Strik (Pays-Bas - Soc) a tenu à les analyser au nom de la commission des migrations, réfugiés et des personnes déplacées, afin que soient désormais prises les mesures nécessaires pour qu'aucune vie humaine ne soit perdue en raison de lacunes juridiques, politiques ou de pratiques insuffisantes en matière de sauvetage en mer et de débarquement.

2. L'arrivée massive de migrants irréguliers sur les côtes italiennes suite aux tensions dans les pays du Sud de la Méditerranée

Ce rapport sur le « bateau cercueil » renvoie à une problématique plus large évoqué dans le second rapport de ce débat joint. M. Christopher Chope (Royaume-Uni - GDE) s'est ainsi intéressé à l'accroissement exponentiel des migrants se présentant sur les côtes italiennes et à la gestion de ces flux migratoires. Depuis le printemps 2011, l'Italie est en effet devenue une destination de transit à la suite du « printemps arabe ». Syriens, Érythréens, Somaliens, Égyptiens, etc. partent pour la plupart de la Lybie, arrivent en Italie pour ensuite s'établir dans un autre État membre de l'Union européenne. L'urgence s'installe et il faut désormais songer à des réponses structurelles à cet afflux massif. Pour cela, la solidarité européenne envers l'Italie, la Grèce et l'Espagne doit s'exercer avec plus de force qu'elle ne le fait actuellement.

Lors des débats, de nombreux orateurs ont souligné quelques contradictions entre les deux rapports, en particulier la distinction opérée par le second rapport entre immigration régulière et clandestins. M. Thierry Mariani (Français établis hors de France - UMP) , président de la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées , a préféré insister sur la complémentarité des deux rapports, qui renvoient tous deux à une révision du règlement de Dublin. Ce règlement détermine l'État membre de l'Union européenne responsable de l'examen d'une demande d'asile. Les deux rapports évoquent en effet chacun un aspect particulier du problème et ont d'ailleurs tous deux été approuvés par la commission.

V. LES QUESTIONS INSTITUTIONNELLES EN EUROPE

A. ÉVALUATION DE LA MISE EN oeUVRE DE LA RÉFORME DE L'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE

La commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles a présenté une première évaluation de la réforme de l'Assemblée parlementaire entreprise en 2011, engagée à l'initiative de M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne - PPE/DC). Les activités du Conseil de l'Europe avaient dû alors être recentrées sur ses fondamentaux dans un contexte de restrictions budgétaires, la crise économique et financière conduisant nombre d'États membres à réduire leur participation dans les organisations de coopération européenne depuis 2008. Les objectifs affichés de la réforme étaient de rendre l'Assemblée à la fois plus pertinente sur le plan politique, plus efficace et plus visible. Mme Liliana Palihovici, (République de Moldova - PPE/DC) a dressé un tableau positif de cette mise en oeuvre tout en proposant plusieurs modifications du Règlement afin d'améliorer davantage la transparence dans le fonctionnement de l'Assemblée ou susciter davantage d'intérêt des parlements nationaux pour les travaux de l'Assemblée, tout en obtenant de leur part une meilleure prise en compte des décisions de l'Assemblée.

M. Bernard Fournier (Loire - UMP) est revenu sur les nouvelles propositions de modifications du Règlement. Il a jugé favorablement les mesures visant à encourager la participation d'un plus grand nombre de parlementaires aux fonctions de rapporteur et de membre du bureau des commissions et sous-commissions, comme la limitation du nombre de rapports pour un même parlementaire, l'interdiction du cumul des fonctions de rapporteur d'une commission avec celles de président d'une commission ou d'un groupe politique, ou encore l'instauration d'un délai d'attente à la fin d'une présidence ou d'une vice-présidence. Il a en revanche estimé moins opportun de modifier les modalités de publication des discours non prononcés en addendum aux comptes rendus des séances ou encore de créer une commission plénière, se substituant à la sous-commission existante, sur l'élection des juges à la Cour européenne des droits de l'Homme. Sur ces deux points, il a d'ailleurs déposé des amendements, qui ont été rejetés par l'Assemblée.

B. RENFORCEMENT DE L'INDÉPENDANCE DE LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME

L'autorité et la crédibilité de toute institution judiciaire sont conditionnées par l'indépendance et l'impartialité des juges qui la composent. La Cour européenne des droits de l'Homme n'échappe pas à ce principe. En évaluant les juridictions nationales, elle a elle-même élaboré une jurisprudence soumettant l'effectivité de l'indépendance des juges à la réunion d'un ensemble de critères quant à leur mode de désignation et la durée de leur mandat, l'existence d'une protection contre les pressions extérieures et le point de savoir s'il y a ou non apparence d'indépendance. Or l'indépendance et l'impartialité des juges et des agents du greffe de la Cour ont parfois été mises en cause.

La commission des questions juridiques et des droits de l'Homme a examiné les mesures supplémentaires qui peuvent être prises pour renforcer l'indépendance de la Cour. Celles-ci consistent à ratifier, pour les États membres qui ne l'ont pas encore fait, le Sixième Protocole additionnel à l'Accord général sur les privilèges et immunités du Conseil de l'Europe et à revoir les dispositions des régimes de sécurité sociale et de pension de retraite des juges. Par la voix de son rapporteur, M. Boriss Cileviès (Lettonie - SOC), la commission a insisté sur la nécessité pour les États membres de veiller à ce que les anciens juges de la Cour bénéficient d'un emploi satisfaisant une fois leur mandat achevé. Plus globalement, la commission a souligné que l'indépendance et l'autorité de la Cour dépendent de la volonté politique et de la détermination de tous les États membres à lui fournir les moyens financiers lui permettant d'accomplir efficacement sa mission de protection des droits de l'Homme

M. André Schneider (Bas-Rhin - UMP) , s'exprimant au nom du groupe PPE/DC, a rappelé qu'à l'heure où l'Union européenne devrait prochainement adhérer à la Convention européenne des droits de l'Homme, il est essentiel de préserver cette grande réussite du Conseil de l'Europe qu'est la Cour de Strasbourg. Il a également convenu que l'indépendance des juges commence au plan matériel. Il a ensuite insisté sur le rôle clé du greffe de la Cour, celle-ci ayant rendu 93 396 décisions et arrêts en 2013. Il a conclu que la Cour souffre à l'évidence des contraintes budgétaires très fortes du Conseil de l'Europe, ses moyens étant infiniment plus faibles que de la Cour de justice de l'Union européenne, même si la Cour bénéficie d'une priorité financière au sein du Conseil de l'Europe.

C. LES DÉFIS QUI SE POSENT À LA BANQUE DE DÉVELOPPEMENT DU CONSEIL DE L'EUROPE

La Banque de Développement du Conseil de l'Europe est une institution à vocation sociale fondée en 1956. Cette banque multilatérale de développement a été initialement créée pour financer sous forme de prêts des projets à destination des réfugiés. Son champ d'action s'est peu à peu élargi à la réalisation de projets d'investissement ayant pour objet le renforcement de l'intégration sociale, la gestion de l'environnement, le soutien aux infrastructures publiques à vocation sociale et aux micro-, petites et moyennes entreprises. Le rapporteur, M. Tuur Elzinga (Pays-Bas - GUE), s'est félicité, au nom de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, des capacités d'adaptation démontrée par la Banque face aux nouvelles contraintes réglementaires, et cela dans un environnement économique instable. Le rapport encourage la Banque à renforcer encore ses liens avec le Conseil de l'Europe afin d'améliorer son impact, notamment en ce qui concerne les activités de niche comme les projets relatifs aux équipements et services pénitentiaires et les projets de petite ampleur dans le secteur de la santé. Il identifie comme prioritaires des secteurs comme les services publics, judiciaires, et ceux touchant à la santé, les logements sociaux et les centres d'asile, ainsi que les pays d'Europe du Sud-Est n'appartenant pas à l'Union européenne. La gouvernance et la qualité des projets doivent par ailleurs être améliorées.

M. René Rouquet (Val-de-Marne - SRC) a souhaité rappeler que, bien que méconnue, la Banque du Conseil de l'Europe est au coeur des missions du Conseil de l'Europe et des débats de l'Assemblée. L'objectif initial qui lui avait été assigné au moment de sa création, en 1956, à savoir porter secours aux réfugiés, retrouve aujourd'hui toute son acuité et son urgence. En ces temps de crise économique, son soutien au renforcement de l'intégration sociale est aussi très important, alors que la cohésion de nos sociétés menace parfois de se déliter et que les investissements publics tendent à baisser. Il a tout particulièrement approuvé les propositions tendant à renforcer les liens entre la Banque et le Commissaire aux droits de l'Homme et à mélanger prêts et dons pour le soutien à des projets de nature à avoir un fort impact social, ainsi que l'idée selon laquelle la Banque pourrait renforcer les capacités d'absorption des fonds structurels européens dans un certain nombre de secteurs prioritaires. Il a cependant rappelé que la dimension financière est nécessaire, mais non suffisante, à la résolution de tous les problèmes et a avancé l'idée que l'année prochaine, à la même époque, un bilan des suites données aux recommandations soit présenté devant l'Assemblée. Ceci pourrait également contribuer à une interaction renforcée entre la Banque et l'Assemblée.

D. VERS UNE MEILLEURE DÉMOCRATIE EUROPÉENNE : FAIRE FACE AUX ENJEUX D'UNE EUROPE FÉDÉRALE

L'abstention constatée lors des dernières élections européennes, le 25 mai 2014, illustre la nécessité de reconquérir la confiance des citoyens européens. Il s'agit pour l'Union européenne de combler le déficit démocratique dont elle souffre actuellement. Elle a pour cela le choix entre plusieurs options, en particulier celle d'une Europe fédérale munie d'une démocratie fédérale. En effet, le fédéralisme repose sur un équilibre entre pouvoirs différenciés en permettant l'unité dans la diversité. La commission des questions politiques et de la démocratie, par la voix de M. Andreas Gross (Suisse - SOC), plaide ainsi en faveur d'un gouvernement décentralisé européen et invite toutes les institutions concernées à une réflexion sur le sujet, notamment à la façon de transformer l'Union européenne en Union fédérale à base juridique constante.

M. Pierre-Yves Le Borgn' (Français établis hors de France - SOC) a contesté ce diagnostic. Selon lui, la grave crise que traverse l'Union européenne n'a pas pour origine une crise institutionnelle, mais la récession économique qui frappe l'Europe depuis 2008. L'échec des politiques européennes en faveur de l'emploi a conduit les citoyens européens à une forme de défiance envers l'Union européenne. La logique libérale mise en oeuvre par l'Union européenne dans le domaine des services publics ou pour les instruments de protection sociale n'a pas été comprise par les citoyens. Ceux-ci se heurtent plus globalement au manque de lisibilité des actes législatifs européens. L'action publique doit en effet être efficace, compréhensible et simple pour être acceptée. Elle doit reposer sur le suffrage universel et le principe de responsabilité pour être légitime. Aucune décision ne peut ni ne doit être prise sans contrôle ni transparence. M. Pierre-Yves Le Borgn s'est prononcé en faveur d'un fédéralisme qui adjoindrait un gouvernement économique, contrôlé par le Parlement européen, en contrepoids à la Banque centrale européenne, comme cela se pratique aux États-Unis, pays dont la réalité fédérale et le succès sont indéniables. La logique fédérale permettrait aussi, selon lui, de promouvoir un socle de droits sociaux et environnementaux, par exemple un salaire minimum européen, décliné ensuite nationalement.

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées - SOC) a rappelé les évolutions de l'Union européenne : adossée au lendemain de la guerre à l'hégémonie américaine, elle a ensuite été incorporée au capitalisme financier. À la suite de multiples crises, elle est aujourd'hui menacée d'éclatement. La question essentielle n'est pas d'ordre institutionnel : souverainisme ou fédéralisme, c'est là un faux débat. Le problème réside dans la crise de légitimité démocratique que connaît l'Europe actuelle. Aujourd'hui, les États nations n'ont plus ni les moyens ni la volonté de renouveler le contrat social. Mme Josette Durrieu s'est interrogée sur la vocation de l'Union européenne de le faire à leur place. Elle a souhaité que tous relèvent le défi en cherchant et réinventant une nouvelle Europe. C'est en effet désormais une question de survie, face à la Chine, à l'Inde ou à l'Indonésie, et plus largement l'Asie dans son ensemble. Il s'agit d'assurer la protection des populations d'Europe, sa sécurité aux frontières, la souveraineté et l'intégrité des États.

S'il a pleinement légitimé l'Assemblée parlementaire comme cadre propice à des échanges sereins sur le fonctionnement des institutions de l'Union européenne, M. François Rochebloine (Loire - UDI) a cependant douté qu'une simple analyse entre les différents systèmes fédéraux suffise à apporter une réponse réaliste à la question posée. Si les grands leaders démocrates-chrétiens de l'après-guerre, Robert Schuman, Alcide de Gasperi, Konrad Adenauer ont pu lancer le projet européen, c'est qu'avant de discuter des institutions, ils avaient un projet politique global pour l'Europe : reconstituer, dans la paix retrouvée, une communauté de destin économique, culturel et politique. Selon M. François Rochebloine, on a du mal à retrouver un tel élan aujourd'hui car l'Union européenne s'est laissée prendre au piège du débat institutionnel. Or celui-ci doit être second par rapport au but politique poursuivi à travers l'intégration européenne. Il faut à la fois proclamer sans désemparer que le fédéralisme est la seule solution politique possible à terme pour l'Europe et montrer, par des actes concrets, qu'il en est ainsi parce que seule une étroite concertation entre États membres permettra de redonner à l'ensemble européen l'unité dont il a besoin pour tenir sa place dans le monde. M. François Rochebloine a conclu qu'alors, peut-être, l'idée de plusieurs niveaux possibles d'intégration européenne deviendra-t-elle recevable, parce qu'il sera clair qu'elle ne fige pas l'évolution ultérieure de l'Union européenne, parce que le souci de l'avenir inspirera véritablement la démarche de tous les démocrates raisonnables.

Mme Bernadette Bourzai (Corrèze - SOC) s'est interrogée sur le caractère véritablement opérationnel du rapport dans un contexte où l'Union européenne traverse une crise profonde et multiforme. En effet, il promeut le fédéralisme, à un moment où l'on assiste à une résurgence des États nations, voire des nationalismes en Europe. Non seulement la crise des dettes souveraines et de l'euro a été traitée sur un mode intergouvernemental, qui a fait la part belle au Conseil européen au détriment des institutions communautaires intégrées, mais les citoyens européens eux-mêmes ne se sont guère prononcés en faveur de la supranationalité aux élections européennes du 25 mai dernier. Il apparaît ainsi que ni les gouvernements ni les peuples ne veulent aujourd'hui d'une Europe fédérale. Par ailleurs, débattre de l'avenir institutionnel de l'Union européenne dans une Assemblée parlementaire dont 19 États ne sont pas membres de l'Union paraît difficile. Pour autant, l'Union européenne a effectivement besoin d'un nouvel élan. Ce grand projet a inscrit des réalisations majeures à son bilan : un espace de paix, une communauté de droit, un marché unique, une dimension citoyenne concrète, mais insuffisante, une méthode de fonctionnement originale au service d'un projet intégré, etc. L'Europe s'est souvent construite dans les crises. Les réponses qu'elle y a apportées témoignent de son dynamisme et de ses capacités de relance comme on a pu le voir récemment encore lors de la crise financière et monétaire qui a failli emporter la monnaie unique. Les États membres se sont parfois détournés du projet européen : ils n'ont pas fourni les efforts nécessaires pour garantir le succès de la stratégie de Lisbonne ou des critères de convergence. C'est pourquoi, comme a pu le rappeler Michel Rocard lors de son intervention en commission, il faut absolument réorienter la construction européenne, d'où l'intérêt du présent débat.

M. Damien Abad (Ain - UMP) a identifié deux enjeux à ne pas confondre : le fédéralisme et la démocratie. Il a noté que le débat entre fédéralisme et intergouvernemental en Europe semble aujourd'hui dépassé. En effet, dans toute décision européenne, qu'elle soit prise par le Parlement, par le Conseil ou proposée par la Commission européenne, il y a des éléments de fédéralisme et des éléments d'intergouvernemental. Aucune décision n'est prise sans majorité au Conseil ni sans éléments de fédéralisme. M. Abad a ensuite noté que le fédéralisme est beaucoup plus compliqué à 28 qu'à 16, 9 ou 12. C'est pourquoi des mécanismes comme les coopérations renforcées ont été instaurés, afin d'aller plus loin sur certains sujets. Il faut ainsi plus d'intégration européenne, notamment en matière budgétaire et fiscale, et donc un véritable fédéralisme budgétaire, avec un vrai budget de l'Union et un vrai gouvernement, notamment de la zone euro. En ce qui concerne la démocratie, M. Abad a mis en avant le fait que, pour la première fois, le nouveau président de la Commission européenne sera choisi par les parlementaires européens, ce qui constitue une avancée démocratique majeure. En conclusion, il a alerté l'Europe du danger de s'enfermer dans des débats institutionnels. En effet, c'est en incarnant une vision, par exemple par l'intermédiaire de quelques hommes clés, que l'Europe se fera.

E. LA MUTATION DE L'ADMINISTRATION EN EUROPE : LE SERVICE PUBLIC EN PÉRIL ?

Depuis le début des années 1990, de nouvelles méthodes de gestion inspirées du secteur privé ont été mises en place dans les administrations : privatisation et externalisation des services publics ont ainsi changé le visage de l'administration en Europe. La crise financière de 2008 et les restrictions budgétaires qu'elle a entraînées ont accéléré ces réformes, au point que la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles, par l'intermédiaire de son rapporteur, M. Tiny Kox (Pays-Bas - GUE), s'est inquiétée. Elle a rappelé qu'une fonction publique de qualité est pourtant une condition préalable essentielle pour une démocratie forte et pour la prééminence du droit. En matière de cohésion sociale et d'emploi, le rôle et la contribution des administrations publiques sont sans équivalent, c'est pourquoi l'Assemblée a traditionnellement encouragé les États membres du Conseil de l'Europe à étudier soigneusement toutes les conséquences que cette mutation pourrait entraîner. Elle a choisi de réitérer cette demande en conseillant de conduire une évaluation des mesures prises dans le domaine de l'administration et des services publics et d'examiner si elles sont véritablement conformes au concept politique de cohésion sociale, qui est au coeur de la mission du Conseil de l'Europe.

M. Frédéric Reiss (Bas-Rhin - UMP) a rappelé que, dans un monde où la révolution numérique accélère le temps, la mutation de l'administration était aussi inévitable que souhaitable. Au prisme de la cohésion sociale, il a ajouté des considérations relatives aux services rendus dans les territoires et aux coûts. L'ouverture à la concurrence des industries dites « de réseaux » comme les transports, les télécommunications ou la poste, a produit plutôt des résultats positifs, quels que soient les critères utilisés. Certes, des différences importantes existent d'un État à l'autre. Pour autant, la recherche d'un service public au meilleur coût est une tendance dominante et qui semble plutôt positive. Il est en même temps important de garder une fonction publique de qualité, probablement moins nombreuse et recentrée sur les missions essentielles de l'État. Cette évolution se heurte cependant aux limites inhérentes à l'exercice des activités purement régaliennes comme la police. Il faut également éviter de faire un usage systématique d'une logique quantitative inadéquate dans certains domaines de l'action publique, en matière diplomatique par exemple. De manière générale, une dérive peut résider dans le fait qu'un organe appelé à assumer une mission de service public passe une partie substantielle de son temps à se justifier plutôt qu'à remplir cette mission. M. Frédéric Reiss a cité le cas des agences et indicateurs chargés d'apprécier l'efficacité de l'action de l'État.

VI. L'ACTUALITÉ DU CONSEIL DE L'EUROPE EN DÉBAT

A. RAPPORT D'ACTIVITÉ DU BUREAU ET DE LA COMMISSION PERMANENTE

L'ouverture de chaque partie de session est traditionnellement consacrée à l'examen du rapport d'activité du Bureau et de la Commission permanente.

Le rapporteur, M. Jordi Xuclà (Espagne - ADLE), a introduit son propos en rappelant le caractère inacceptable du refus d'accorder un visa à M. René Rouquet 3 ( * ) , président de la délégation française, par les autorités d'Azerbaïdjan, qui président actuellement le Comité des Ministres. Il a ensuite évoqué l'activité de l'Assemblée au cours de la dernière période qui s'est concentrée une nouvelle fois sur la situation en Ukraine. Il a rappelé que l'annexion de la Crimée constituait clairement une violation du droit international, mais a invité la délégation russe au dialogue. Depuis la résolution d'avril la privant de toute participation au vote, celle-ci a en effet décidé de ne plus participer à aucun des travaux de l'Assemblée, jusqu'à ce qu'elle recouvre tous les droits dont elle disposait.

L'Assemblée a ainsi, durant cette période, organisé des missions afin d'observer le déroulement des élections en Ukraine mais aussi dans « l'ex-République yougoslave de Macédoine ». M. Jordi Xuclà a aussi évoqué les prochaines missions d'observation électorale qui se tiendront le 10 août en Turquie, puis en Bosnie-Herzégovine, et, en novembre, en Moldavie.

M. René Rouquet (Val-de-Marne - SRC) , président de la délégation française, est revenu sur le refus de visa des autorités d'Azerbaïdjan qui l'ont empêché d'assister à la dernière réunion de Bureau et de la Commission permanente à Bakou. Il a déclaré qu'il s'agissait là d'une grave violation des principes de base du fonctionnement du Conseil de l'Europe qui ne doit pas constituer un précédent. Il a ensuite évoqué sa participation à la mission d'observation des élections présidentielles à Kiev et sa région. Il a fait part de ses propres observations sur le terrain en soulignant plusieurs points significatifs : la participation, le professionnalisme dans l'organisation des bureaux de vote et, enfin, la forte présence de la jeunesse ukrainienne, que ce soit comme électeurs ou dans les équipes d'organisateurs, signe d'une conscience politique importante. M. René Rouquet a conclu en rappelant que le Président Porochenko a désormais plusieurs défis à relever. Le premier concerne la sécurisation du Donbass, le deuxième le changement du système, c'est-à-dire la reconstruction politique du pays, et la lutte contre la corruption.

Mme Maryvonne Blondin (Finistère - SOC) , membre elle-aussi de la mission d'observation de l'élection présidentielle, a rappelé que ces élections constituaient un enjeu considérable, alors que le pays était désorganisé, amputé d'une partie de son territoire après l'annexion de la Crimée par la Russie et en proie à des violences sécessionnistes à l'Est, encouragées, si ce n'est initiées, par une puissance étrangère. Dans ces conditions, la nette victoire, dès le premier tour, de M. Petro Porochenko représente une indéniable victoire pour le peuple ukrainien et un signe positif. L'Ukraine, contrairement à plusieurs États issus de l'Union soviétique, est une véritable démocratie. La vitalité de la démocratie ukrainienne a ainsi mis en échec l'opération de déstabilisation de l'Ukraine menée par la Russie. Bien sûr, la situation est loin d'être réglée dans l'Est du pays et il est sans doute trop tôt pour affirmer que l'Ukraine est sortie de la crise, mais les résultats de l'élection présidentielle constituent indéniablement la meilleure base pour un nouveau départ.

Mme Bernadette Bourzai (Corrèze - SOC) a également participé, du 22 au 26 mai dernier, à l'observation des élections présidentielles en Ukraine, plus précisément à Kiev et dans sa région. Elle a tout particulièrement admiré la manière dont les citoyens ukrainiens se sont investis pour organiser l'élection comme pour participer au scrutin qui contraste avec l'absentéisme constaté le même jour lors des élections européennes, en particulier en France. Elle a cependant noté que l'élection avait été fortement perturbée dans la région du Donbass, à peine 20 % des bureaux de vote y étant en réalité ouverts du fait des menaces et intimidations des séparatistes. Elle a estimé que le fait que M. Petro Porochenko soit arrivé en tête aussi bien dans les régions de l'Ouest que dans celles de l'Est était une première étape sur le chemin de la réconciliation entre ces deux régions. Elle a ajouté que si le devenir des relations entre la Russie et l'Ukraine est l'un des éléments de sortie de crise, le reste de la communauté internationale, en particulier l'Europe, a aussi un rôle à jouer, M. Petro Porochenko ayant confirmé, dès son élection, sa volonté d'intégration européenne.

M. Pierre-Yves Le Borgn' (Français établis hors de France - SOC) a évoqué la mission d'observation de l'élection présidentielle et les élections législatives anticipées des 13 et 27 avril derniers en Macédoine. De retour lui-même de ce pays, il a pu y mesurer l'ampleur de l'impasse politique actuelle à Skopje et le profond défi qui se pose à lui en termes de démocratie et d'État de droit. Il a souhaité rappeler que la démocratie ne se résume pas à l'organisation d'élections où se présenteraient une pluralité de candidats et de formations politiques, mais que c'est d'abord un état d'esprit et des garanties concourant tous les jours à un débat serein, contradictoire et respectueux des options de chacun. Or, il a noté à ce sujet que le parti au pouvoir avait mobilisé les moyens de l'État au service de sa campagne électorale, que les fonctionnaires avaient fait l'objet d'intimidations pour assister aux manifestations et même d'un chantage à l'emploi pour eux, leur famille et leurs proches. La démocratie repose par ailleurs sur une presse libre, indépendante et impertinente. M. Pierre-Yves Le Borgn' a indiqué que, si la Macédoine ne manque pas de médias, la plupart d'entre eux sont contrôlés par le parti au pouvoir et le gouvernement en est le premier annonceur. Il en découle une présentation biaisée des débats, favorable à ce parti et à charge contre l'opposition, ainsi qu'une absence d'audace dans l'analyse, quand ce n'est pas une large autocensure. M. Pierre-Yves Le Borgn' a conclu en regrettant la décision des députés de l'opposition élus le 27 avril de démissionner, la place de l'opposition étant au Parlement. Il a conclu son propos en rappelant que le Conseil de l'Europe, son Assemblée parlementaire et la Commission de Venise seraient aux côtés de la Macédoine pour la reconquête des libertés et de l'État de droit le jour où elle le décidera.

B. LA PRÉSIDENCE AZERBAÏDJANAISE DU COMITÉ DES MINISTRES

1. Communication du Comité des Ministres à l'Assemblée parlementaire

Dans son allocution devant l'Assemblée, M. Elmar Mammadyarov, ministre des Affaires étrangères de l'Azerbaïdjan, a présenté les perspectives de la présidence azerbaïdjanaise quant à la protection des droits de l'Homme, de la démocratie et de la prééminence du droit. La lutte contre la corruption devrait ainsi constituer sa première priorité. M. Elmar Mammadyarov s'est félicité à cet égard du fait que le projet de convention sur la manipulation de compétitions sportives pourrait être adopté lors de cette présidence, alors même que l'Azerbaïdjan organisera les premiers Jeux européens en 2015. Il a ensuite rappelé que l'Azerbaïdjan avait fait de la promotion du dialogue interreligieux et interculturel l'une des priorités de sa politique étrangère et continuerait dans cette voie au Conseil de l'Europe, en organisant plusieurs événements dans le domaine culturel. En ce qui concerne la cohésion sociale, il a déclaré que la Présidence azerbaïdjanaise s'efforcerait de compléter les mesures du Conseil de l'Europe afin d'assurer l'accès de chacun aux droits sociaux, sans discrimination aucune. Sera ainsi organisée, en septembre prochain, une conférence destinée à passer en revue la stratégie de cohésion sociale du Conseil de l'Europe et le plan d'action de celui-ci, en particulier en matière d'éducation. Pour conclure sur les perspectives de la Présidence azerbaïdjanaise, M. Elmar Mammadyarov a rappelé que ces priorités étaient partagées par les deux présidences à venir, celles de la Belgique et de la Bosnie-Herzégovine. Il a par ailleurs déclaré que la scène internationale retiendrait bien sûr toute l'attention du Comité des Ministres, en particulier le conflit en Ukraine, mais aussi celui en Géorgie ou encore la situation de la peine de mort en Europe. Enfin, il a annoncé que, début juin, le Comité des Ministres avait décidé d'accepter la demande du Kosovo de devenir membre de la Commission de Venise.

M. François Rochebloine (Loire - UDI) a souhaité interroger M. Elmar Mammadyarov sur les mesures prises par le Comité des Ministres suite à l'annulation de visa de M. René Rouquet, président de la délégation française, qui l'a empêché de se rendre à la réunion du Bureau et de la Commission permanente à Bakou.

M. Elmar Mammadyarov a répondu à M. François Rochebloine en sa qualité de ministre des Affaires étrangères de l'Azerbaïdjan. Il a déclaré que M. René Rouquet avait enfreint la loi sur les frontières de l'Azerbaïdjan en se rendant illégalement sur un territoire azerbaïdjanais occupé, le Haut-Karabagh, et figurait de ce fait sur une liste de personnes interdites de séjour en Azerbaïdjan, pratique largement répandue dans les relations internationales.

2. Intervention de M. Ilham Aliyev, Président de l'Azerbaïdjan

Lors de son intervention, M. Ilham Aliyev, Président de l'Azerbaïdjan, a détaillé les circonstances du conflit qui oppose son pays à l'Arménie. Il a reconnu qu'il s'agissait d'un « conflit gelé » et qu'il fallait le résoudre, sans pour autant montrer une quelconque volonté d'apaisement. Il a notamment rappelé que le droit international avait reconnu que le Haut-Karabagh fait partie de l'Azerbaïdjan et a insisté sur la responsabilité de l'Arménie dans la prolongation du conflit. Il a ainsi ajouté que « ce conflit doit être résolu le plus rapidement possible, afin de mettre un terme à toutes les souffrances, y compris celles du peuple arménien, qui subit des décisions des autorités arméniennes menant le pays vers un effondrement et une catastrophe ». Il a cependant conclu son propos par une note positive : « L'Azerbaïdjan est un membre actif de la communauté internationale. Le pays se modernise et fait face à l'avenir avec beaucoup d'optimisme ».

M. François Rochebloine (Loire - UDI) a souhaité interroger M. Ilham Aliyev sur la capacité de l'Azerbaïdjan à respecter les libertés fondamentales internationalement reconnues et consacrées notamment par la Convention européenne des droits de l'Homme à la suite des sévices arbitraires infligés à Mme Leyla Yunus, éminente personnalité engagée dans la défense des droits de l'Homme en Azerbaïdjan.

M. Ilham Aliyev a contesté le caractère violent de l'arrestation de Mme Leyla Yunus, accusant au contraire celle-ci d'avoir fait subir aux policiers de mauvais traitements, en les attaquant verbalement et physiquement. Il a ensuite détaillé les circonstances de cette arrestation : Mme Leyla Yunus aurait ainsi tenté de s'enfuir alors qu'elle devait déposer dans une affaire liée à une enquête pénale, ce qu'elle aurait refusé pendant plusieurs semaines.

C. ÉLECTION DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L'EUROPE

Cette troisième partie de session a été marquée par l'élection pour cinq ans du nouveau Secrétaire général. M. Thorbjørn Jagland, Secrétaire général sortant, a remporté celle-ci par 156 voix contre 93 pour Mme Sabine Leutheusser-Schnarrenberger.

Cette élection n'opposait que deux candidats sur les trois initialement déclarés. M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne - UMP) ancien président de l'Assemblée parlementaire et candidat du groupe PPE/DC, avait vu sa candidature non retenue par le Comité des Ministres. À l'ouverture de cette partie de session, il s'était exprimé pour regretter cette élimination par le Comité des Ministres, qui prenait ainsi, selon lui, le risque de rouvrir une crise institutionnelle comme cinq ans auparavant. Il avait cependant rappelé la nécessité de voter afin que cette élection ne soit pas différée et que l'avenir de l'Organisation soit assuré. Il avait ainsi conclu en encourageant « tous ceux qui s'interrogent à participer à cette élection pour que le futur Secrétaire général, quel qu'il soit, bénéficie d'une totale légitimité sur la scène internationale ».

ANNEXES

Liste des textes adoptés par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, lors de sa troisième partie de session 2014 à Strasbourg, du 23 au 27 juin

Ces textes peuvent être consultés directement via leurs liens respectifs. Ils sont également disponibles, ainsi que les rapports qui en sont à l'origine et d'autres documents de l'Assemblée parlementaire, sur le site Internet de l'Assemblée ( http://assembly.coe.int/nw/Home-FR.asp ? Travaux ? session ? documents ? textes adoptés ? puis tapez le numéro dans la zone de recherche).

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* 1 Pour consulter les textes voir l'annexe en fin de rapport.

* 2 M. Jean-Claude Mignon, député(UMP) de Seine-et-Marne et alors président de l'APCE, a été présenté par le Gouvernement français comme candidat de la France. Sa candidature n'a pas été retenue par le Comité des ministres

* 3 Les autorités azerbaïdjanaises ont délivré un visa à M René Rouquet le 8 avril puis une semaine avant le Bureau de Bakou de mai, elles ont envoyé un courrier à M René rouquet lui indiquant que son visa lui était retiré parce qu'il s'était rendu au Haut-Karabagh, information qu'il avait donnée dans sa demande de visa.

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