N° 754

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 juillet 2014

RAPPORT D'ACTIVITÉ

FAIT

au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes(1), pour les années 2013 et 2014 , déposé en application de l'article 6 septies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires

Par Mme Brigitte GONTHIER-MAURIN,

Sénatrice.

(1) Cette délégation est composée de : Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente , M. Roland Courteau, Mmes Christiane Demontès, Joëlle Garriaud-Maylam, M. Alain Gournac, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Chantal Jouanno, Françoise Laborde, Gisèle Printz, vice-présidents ; Mmes Caroline Cayeux, Danielle Michel, secrétaires ; Mmes Maryvonne Blondin, Nicole Bonnefoy, Corinne Bouchoux, M. Christian Bourquin, Mmes Bernadette Bourzai, Marie Thérèse Bruguière, Françoise Cartron, Laurence Cohen, Hélène Conway-Mouret, MM. Gérard Cornu, Daniel Dubois, Mmes Marie-Annick Duchêne, M. Alain Fouché, Mmes Catherine Génisson, Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Jean-François Husson, Mmes Christiane Kammermann, Claudine Lepage, Valérie Létard, Michelle Meunier, Sophie Primas, Esther Sittler et Catherine Troendlé.

AVANT-PROPOS

Ce rapport présente le bilan des activités de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes entre janvier 2013 et juillet 2014.

Ces activités se répartissent entre :

- les activités législatives et de contrôle,

- des manifestations internationales,

- la participation à des réunions, entretiens, colloques et manifestations diverses.

En 2014 s'est ajoutée, le 27 mai, la contribution de la délégation à la première Journée nationale de la Résistance au Sénat, qui s'est traduite par l'organisation d'un colloque mettant à l'honneur les femmes résistantes. Ce colloque avait été précédé d'une cérémonie en hommage aux sénatrices résistantes.

LES ACTIVITÉS LÉGISLATIVES ET DE CONTRÔLE

L'article 6 septies de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, qui a institué la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, lui confie une triple fonction : une fonction législative, une fonction de contrôle et une fonction d'information.

A. LES TRAVAUX SUR LES PROJETS ET PROPOSITIONS DE LOI

L'article 6 septies de l'ordonnance précitée dispose, dans son paragraphe III : « En outre, les délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes peuvent être saisies sur les projets ou propositions de loi par :

- le bureau de l'une ou l'autre assemblée, soit à son initiative, soit à la demande d'un président de groupe ;

- une commission permanente ou spéciale, à son initiative ou sur demande de la délégation » .

Du 1 er janvier 2013 au 31 juillet 2014, la délégation aux droits des femmes a ainsi apporté sa contribution à la discussion de neuf textes sur des thèmes déterminants en matière de droits des femmes.

1. Travaux sur saisine de la commission compétente
a) « Sécurisation de l'emploi : sécuriser aussi l'emploi des femmes »1 ( * )

La délégation aux droits des femmes a été saisie le 19 mars 2013 par la commission des Affaires sociales sur le projet de loi relatif à la sécurisation de l'emploi et a désigné Mme Catherine Génisson (Soc, Pas-de-Calais) comme rapporteure de ce texte.

Dans un délai très court (quinze jours), la rapporteure a entendu des sociologues, des chercheurs, des juristes et l'ensemble des organisations syndicales signataires et non signataires de l'Accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 (ANI), avec le double objectif de recueillir l'avis des intéressés sur l'ensemble du projet de loi, mais surtout d'analyser l'impact des modifications introduites par les dispositions du projet de loi sur l'emploi des femmes.

Les dispositions du projet de loi ont été analysées à la lumière du principe selon lequel les femmes ne doivent pas servir de monnaie d'échange à la « flexi-sécurité » dans l'entreprise.

La délégation a formulé seize recommandations visant notamment à :

- décourager le recours excessif aux contrats à temps partiel, en prévoyant une majoration des cotisations sociales patronales dans les entreprises de plus de vingt salariés dont le nombre de salariés à temps partiel est au moins égal à 20 % du nombre total de salariés dans l'entreprise ;

- dissuader les employeurs de recourir aux heures complémentaires et aux « compléments d'heures » en prévoyant que toute heure complémentaire soit considérée comme une heure supplémentaire ; en conséquence, que toute heure supplémentaire prévue par avenant soit systématiquement majorée et que soit modifié le b de l'article L. 3123-25 prévu à l'alinéa 25 de l'article 8 du projet de loi.

Le texte, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 9 avril 2013, a été modifié par le Sénat le 20 avril 2013.

La commission mixte paritaire s'est réunie le 23 avril 2013.

Le texte a été adopté par l'Assemblée nationale le 24 avril 2013 et définitivement adopté par le Sénat le 14 mai 2013.

La loi relative à la sécurisation de l'emploi (n° 2013-504 du 14 juin 2013) est parue au Journal officiel du 16 juin 2013. Décision du Conseil constitutionnel n° 2013-672 DC du 13 juin 2013 (partiellement conforme).

b) « Élection des sénatrices et des sénateurs : vers plus d'égalité ? »2 ( * )

La délégation aux droits des femmes a été saisie le 10 avril 2013 par la commission des Lois sur le projet de loi relatif à l'élection des sénateurs.

Après avoir recueilli le point de vue et les suggestions des représentants des partis politiques représentés au Sénat ainsi que celui des responsables d'associations militant en faveur de la parité politique, soit un total de onze personnalités auditionnées par Mme Laurence Cohen, rapporteure de la délégation, la délégation a approuvé l'extension du scrutin proportionnel aux départements comportant trois sièges.

Elle a en effet considéré ce système, par nature, plus favorable à la parité, dès lors qu'il est assorti d'obligations quant à la composition paritaire des listes.

La délégation n'a toutefois pas surestimé les effets susceptibles de résulter de cette réforme.

Aussi a-t-elle formulé huit recommandations destinées à conforter la parité au Sénat en prévoyant que le candidat et son remplaçant devaient être de sexe différent dans les circonscriptions où l'élection continuerait de se dérouler au scrutin majoritaire, en améliorant la parité du collège sénatorial et en incitant les partis politiques à respecter une parité globale dans la désignation des têtes de listes.

La délégation a également souhaité qu'une prochaine révision constitutionnelle renforce la valeur juridique du principe d'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.

Deux recommandations ont donné lieu au dépôt d'amendements adoptés par le Sénat.

Il s'agit des recommandations n° 4 (« La délégation demande que, dans les départements où les élections sénatoriales ont lieu au scrutin majoritaire, l'article L. 299 du code électoral prévoie que le candidat et son remplaçant soient de sexe différent ») et n° 7 (« La délégation recommande de compléter l'article L. 289 du code électoral relatif à l'élection à la proportionnelle des délégués et des suppléants qui composent le collège sénatorial, pour préciser que, sur chacune des listes, l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un et que chaque liste doit être composée alternativement d'un candidat de chaque sexe ») .

À l'issue de l'examen du texte, respectivement adopté au Sénat le 18 juin 2013 et à l'Assemblée nationale le 23 juillet 2013, la loi relative à l'élection des sénateurs (n° 2013-702 du 2 août 2013) est parue au Journal officiel du 3 août 2013.

c) « Traite des êtres humains et violences faites aux femmes : priorités nationales, lutte internationale »3 ( * )

La délégation aux droits des femmes a été saisie le 10 avril 2013 par la commission des Lois sur deux chapitres du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France :

- le chapitre premier qui transpose la directive 2011/36/UE du 5 avril 2011 relative à la traite des êtres humains ;

- le chapitre XI qui adapte la législation française à la Convention du Conseil de l'Europe sur la violence à l'égard des femmes et la violence domestique signée à Istanbul , le 11 mai 2011.

La traite des êtres humains et les violences faites aux femmes sont deux sujets bien souvent imbriqués et dont les ramifications internationales nécessitent à la fois une intense coopération policière et judiciaire et une réponse pénale adaptée en droit interne. Tel est l'objet du projet de loi.

Les modifications du droit français induites par celui-ci du fait de ces textes internationaux, d'ampleur assez modeste car le système juridique français est pour l'essentiel déjà conforme à nos engagements internationaux, ont pour effet, en assouplissant et en élargissant la définition des faits en cause, de faciliter leur établissement par les services judiciaires, et par voie de conséquence d'améliorer leur prévention et leur répression. Ces mesures d'adaptation ont aussi pour objet de faciliter la coopération internationale, déterminante sur ces sujets.

La délégation a entendu la Direction générale de la police nationale, la Direction générale de la gendarmerie nationale et deux associations ayant l'expérience de l'aide aux victimes (« Voix de femmes » et dispositif national Accueil-Sécurisé, Ac-Sé). Elle a également sollicité par écrit la Direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice.

La délégation aux droits des femmes du Sénat a assorti ce rapport, adopté le 16 mai 2013, de seize recommandations qui ont pour but d'améliorer l'efficacité de lutte contre la traite, tant sur un plan national qu'international : détecter et protéger les victimes, autant que possible prévenir les infractions et mettre leurs auteurs hors d'état de nuire.

S'agissant plus particulièrement des mariages forcés , la délégation :

- a souhaité une identification précise des États de destination des mariages forcés et l'engagement avec eux de négociations ;

- a proposé que le fait de tromperie au départ à l'étranger puisse être constaté a posteriori dès lors que la victime, initialement consentante au mariage et au départ, a subi sur le territoire de l' État d'arrivée une autre des infractions prévues par la convention d'Istanbul ;

- a recommandé que soit réprimé l'empêchement au retour sur le territoire français ;

- s'est déclarée favorable à l'interdiction de sortie du territoire d'un mineur qui serait exposé au risque de mariage forcé ;

- a recommandé que nos postes diplomatiques situés dans des pays de destination de mariages forcés soient sensibilisés et dotés de guides de bonnes pratiques dans ce domaine en vue de la protection et du retour des victimes.

Parmi ces seize recommandations figure le souhait d'une soumission rapide, à l'approbation du Parlement français, de la convention d'Istanbul , afin de garantir son entrée en vigueur.

Le texte, adopté par l'Assemblée nationale le 15 mai 2013, a été modifié par le Sénat le 27 mai 2013.

La commission mixte paritaire s'est réunie le 16 juillet 2013. Le texte a été adopté définitivement par le Sénat le 25 juillet 2013.

La loi portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France (n° 2013-711 du 5 août 2013) est parue au Journal officiel du 6 août 2013 (rectificatif paru au Journal officiel du 12 octobre 2013).

d) « À la recherche d'un nouvel équilibre hommes-femmes dans l'enseignement supérieur et la recherche »4 ( * )

La délégation aux droits des femmes a été saisie le 5 juin 2013 par la commission de la Culture, de l'éducation et de la communication sur le projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche.

Elle a examiné ce projet de loi en s'attachant plus particulièrement à la contribution qu'il pourrait apporter à l'amélioration de la place des femmes dans ce secteur.

La délégation est partie d'un constat : les filles sont plus nombreuses que les garçons à suivre des études supérieures; mais elles n'effectuent pas les mêmes choix d'orientation et se concentrent sur des filières qui ne sont pas les plus porteuses en termes d'insertion professionnelle. En outre, leur proportion diminue aux différentes étapes des parcours universitaires : les femmes qui constituent 57 % des étudiants à l'Université ne représentent plus que 47 % des doctorants, 42,4 % des maîtres de conférences, 22,6 % des professeurs d'université et 15 % des présidents d'université.

Le projet de loi procède à un rééquilibrage dans la gouvernance de l'enseignement supérieur et de la recherche et introduit dans le code de l'éducation des dispositions favorisant la parité dans la composition des conseils d'administration et des conseils académiques des universités ainsi que des établissements d'enseignement supérieur.

La délégation a formulé vingt-deux recommandations pour compléter ces mesures et assurer leur prise en compte dans les décrets statutaires des établissements auxquels ils doivent s'appliquer. Elle a recommandé, notamment, que les établissements d'enseignement supérieur spécialisés, auxquels ils n'ont pas juridiquement vocation à s'appliquer, ne soient pas dispensés de toute obligation de parité dans la composition de leurs instances de direction.

Elle a formulé également plusieurs recommandations pour assurer un meilleur équilibre entre les sexes dans les établissements d'enseignement supérieur, et pour mieux prendre en compte les interruptions de carrière liées à la maternité dans les parcours professionnels des enseignantes-chercheures.

Enfin, elle a formulé quatre recommandations relatives à la prévention et à la répression des violences de genre et du harcèlement sexuel.

Le texte, adopté par l'Assemblée nationale le 28 mai 2013, a été modifié le 21 juin par le Sénat et transmis à la commission mixte paritaire qui s'est réunie le 26 juin 2013. Il a été définitivement adopté par le Sénat le 3 juillet 2013 et par l'Assemblée nationale le 9 juillet 2013.

La loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche (n° 2013-660 du 22 juillet 2013) est parue au Journal officiel du 23 juillet 2013 (rectificatif paru au Journal officiel du 14 novembre 2013).

e) « Projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes : premier jalon vers une approche intégrée »5 ( * )

La délégation aux droits des femmes a été saisie le 25 juin 2013 par la commission des Lois sur le projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes et a désignée Mme Brigitte Gonthier-Maurin (CRC, Hauts-de-Seine) comme rapporteure de ce texte.

La délégation s'est efforcée de tirer parti au mieux du temps qui lui était imparti en auditionnant, entre le 4 et le 12 juillet 2013, une quarantaine de personnes (représentantes d'associations de défense des femmes, responsables des politiques d'égalité des principales organisations syndicales) ainsi que des personnalités qualifiées et, notamment, Brigitte Grésy, inspectrice générale des affaires sociales, Réjane Sénac, chercheure et présidente de la commission parité du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, Ernestine Ronai, responsable de l'Observatoire des violences de Seine-Saint-Denis et coordinatrice nationale de la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences (MIPROF), ainsi que Sylvie Pierre-Brossolette, membre du Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Ce rapport est assorti de trente-cinq recommandations .

Le texte, déposé le 3 juillet 2013 sur le bureau du Sénat, a été adopté en première lecture le 17 septembre 2013 et transmis à l'Assemblée nationale le lendemain.

En première lecture au Sénat, seize des recommandations ont pu être retranscrites sous forme d'amendements, dont neuf ont été adoptés parmi lesquelles :

- l'inscription à l'article 1 er de l'accès aux mandats électoraux et aux fonctions électives qui n'y figurait pas, alors même que cet article énumère les principaux domaines d'activité de la politique pour l'égalité entre les femmes et les hommes ;

- l'exclusion du recours à la médiation pénale (art. 8). Estimant que cette procédure était inadéquate, puisqu'elle revient à mettre face à face, dans une situation faussement égalitaire, l'auteur des violences et la victime, la délégation a considéré qu'elle ne pouvait que contribuer au renforcement des phénomènes d'emprise ;

- la gratuité de la délivrance des titres de séjour pour les femmes bénéficiaires de l'ordonnance de protection, ainsi que le renouvellement du titre de séjour pendant toute la durée de la procédure pénale ;

- la mise en place par le CSA d'indicateurs chiffrés de l'évolution de l'égalité entre les hommes et les femmes dans les services privés de télévision, ces indicateurs devant porter à la fois sur le contenu des programmes et sur la présence des femmes à l'antenne ainsi que sur les rôles qui leur sont attribués.

Modifié par l'Assemblée nationale le 28 janvier 2014, le texte a été transmis au Sénat le même jour.

Le texte modifié a été examiné par le Sénat en deuxième lecture et adopté avec modifications le 17 avril 2014.

Cette deuxième lecture a été l'occasion de rétablir des dispositions supprimées par l'Assemblée nationale, relatives à la représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les conseils d'administration ou de surveillance des entreprises publiques concernées (article 19 ter et 22 ter A).

Le 22 avril 2014, le texte a été transmis à l'Assemblée nationale qui l'a examiné en deuxième lecture le 26 juin ; la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire est prévue au Sénat le 23 juillet 2014.

f) « Retraite des femmes : tout se joue avant 60 ans »6 ( * )

La délégation aux droits des femmes a été saisie le 18 septembre 2013 par la commission des Affaires sociales sur le projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraite.

Le rapport souligne les inégalités qui caractérisent les retraites des femmes, qu'il s'agisse de leur montant, très inférieur à celui des retraites des hommes, de l'âge moyen de liquidation, souvent plus élevé pour les femmes, ou de la surreprésentation des femmes parmi les personnes recevant le minimum contributif.

Il constate également l'insuffisance des droits propres des femmes et rappelle que les inégalités en matière de retraite sont le reflet des inégalités au travail et, plus particulièrement, des inégalités de salaires . Il déplore, dans le même esprit, que les femmes demeurent présentes dans des secteurs professionnels insuffisamment valorisés et que la pénibilité spécifique des emplois féminins ne soit pas systématiquement prise en compte.

Le rapport montre, s'il était besoin, que ces inégalités au travail sont aussi liées au fait que les femmes connaissent souvent des carrières hachées et des périodes à temps partiel, notamment du fait de la maternité, qui se répercutent sur le niveau des retraites.

Il conclut donc à onze recommandations qui réaffirment la priorité devant s'attacher au développement des droits propres des femmes et qui concernent la pénibilité , le temps partiel , la prise en compte des carrières courtes et la réflexion à venir sur les droits familiaux et conjugaux .

Certaines de ces recommandations se sont traduites par des amendements :

- faisant référence dans l'article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale non pas à l'égalité entre hommes et femmes mais à l'égalité des pensions entre hommes et femmes ;

- assimilant à un facteur de pénibilité les conditions de travail comportant des horaires fractionnés et une amplitude horaire quotidienne importante ;

- prévoyant une représentation équilibrée des hommes et des femmes dans les délégations appelées à participer à l'actualisation des critères de pénibilité ;

- étendant le rapport au Parlement sur l'évolution des facteurs de pénibilité, prévu à l'initiative des députés, aux conditions de pénibilité auxquelles sont plus particulièrement exposées les femmes ;

- invitant le Gouvernement à remettre au Parlement un rapport étudiant les conséquences de la détermination du salaire de référence non pas sur les 25 meilleures années, mais sur les 100 meilleurs trimestres, afin de prendre en compte le cas des personnes ayant eu des carrières incomplètes.

Le texte, adopté par l'Assemblée nationale le 15 octobre 2013 en première lecture, a été rejeté par le Sénat le 5 novembre 2013. La commission mixte paritaire s'est réunie le 6 novembre 2013.

Le Sénat a rejeté ce texte en nouvelle lecture le 16 décembre 2013. L'Assemblée nationale l'a adopté en lecture définitive le 18 décembre 2013.

La loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites (n° 2014-40 du 20 janvier 2014) est parue au Journal officiel du 21 janvier 2014 (décision du Conseil constitutionnel n° 2013-683 du 16 janvier 2014).

g) « Prostitution : la plus vieille violence du monde faite aux femmes »7 ( * )

La délégation aux droits des femmes a été saisie le 5 février 2014 par la commission spéciale sur la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel.

Le texte, déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2013, a été adopté le 4 décembre 2013 et transmis au Sénat le même jour.

La proposition de loi d'origine résultait de travaux ambitieux de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale conduits en 2012-2013, auxquels la délégation du Sénat avait été associée.

Elle a ainsi participé à trois déplacements avec la délégation de l'Assemblée nationale, entre novembre 2012 et février 2013 8 ( * ) .

Parmi ces déplacements, notons plus particulièrement la table ronde organisée le 28 janvier 2013 à la mairie du XVIII ème arrondissement de Paris avec les acteurs des « groupes locaux de traitement de la délinquance » (GLTD), en présence de M. Daniel Vaillant, député-maire. À cette occasion a été évoquée la problématique de la lutte contre le proxénétisme à partir des actions engagées dans le secteur « Château-Rouge/Goutte d'Or » (participaient à ce déplacement Mmes Claudine Lepage, Maryvonne Blondin et M. Jean-Pierre Godefroy).

Par ailleurs, la délégation a procédé, entre janvier et mars 2013 9 ( * ) , à trois auditions dont les enseignements se sont ajoutés à ceux qu'elle a recueillis lorsqu'elle a engagé ses travaux sur la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale, dès la fin de l'année 2013.

La délégation a ainsi auditionné, le 14 novembre 2013, Mmes Catherine Coutelle et Maud Olivier, députées 10 ( * ) , respectivement présidente de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale et rapporteure de la proposition de loi pour la commission spéciale de l'Assemblée nationale et par ailleurs cosignataires de la proposition de loi d'origine. Cette audition a été organisée avant même le début des débats de l'Assemblée nationale en séance publique.

Le 19 décembre 2013, la délégation a entendu M. Jean-Pierre Godefroy et Mme Chantal Jouanno, co-auteurs du rapport S ituation sanitaire et sociale des personnes prostituées : inverser le regard 11 ( * ) .

Ces travaux se sont poursuivis après la mise en place de la commission spéciale au Sénat, en janvier 2014.

Parmi toutes les questions posées par la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, la délégation a souhaité centrer son analyse du système prostitutionnel sur les acheteurs , sans lesquels la prostitution n'existerait pas : comme l'a très justement relevé l'historienne Florence Montreynaud, auteure de Amours à vendre. Les dessous de la prostitution 12 ( * ) , la prostitution est avant tout un problème d'hommes .

« S'il n'y avait pas tant d'acheteurs, on ne trafiquerait pas sur cette marchandise » : Louise Michel rappelle cette évidence avec force dans ses Mémoires.

Les interrogations de la délégation se sont donc centrées sur :

- les motivations des acheteurs de services sexuels ;

- et les moyens de prévenir le développement de ce phénomène 13 ( * ) lié à la traite, porteur de violences contre les femmes , au moyen de l'éducation à l'égalité entre hommes et femmes et à la lutte contre les stéréotypes sexistes , dès le plus jeune âge.

Douze auditions et deux déplacements ont ainsi été effectués. Les témoignages entendus par la délégation se sont ajoutés aux auditions de la commission spéciale, auxquelles Mme Gonthier-Maurin, présidente de la délégation, a été associée.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin s'est rendue au lycée Gaspard Monge de Savigny-sur-Orge, le 21 mars 2014, pour participer aux actions d'information à l'égalité organisées par le Mouvement du Nid-France.

Elle a également assisté, le 26 mars 2014, au collège Jean Vilar de Villetaneuse, à un atelier de sensibilisation à l'égalité, à l'invitation de Mme Ernestine Ronai, responsable de l'Observatoire des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis.

La présidente de la délégation a eu à cette occasion des échanges avec l'infirmière scolaire, la conseillère principale d'éducation, la coordinatrice des centres de planification à la Direction de la santé de la mairie de Saint-Denis ainsi qu'avec une conseillère conjugale et familiale au Service de protection maternelle et infantile du département.

Dans la logique de prévention de la prostitution et de sensibilisation de la jeunesse aux réalités de ce fléau , qui sous-tendait l'approche choisie par la délégation pour ce rapport d'information, la délégation s'est également intéressée aux liens entre prostitution et pornographie et s'est interrogée sur l'apparente banalisation de cette dernière auprès des jeunes. Les images pornographiques véhiculant un modèle de sexualité inégalitaire caractérisé par la domination de l'homme et la soumission de la femme , la délégation a souhaité recueillir des informations sur l'influence de la pornographie sur la construction de la personnalité des jeunes et, à terme, sur les conséquences de cette influence sur les relations entre hommes et femmes.

Dans le rapport intitulé Prostitution : la plus vieille violence du monde faite aux femmes , la délégation a considéré :

- que la prostitution est avant tout une violence qui s'exerce contre les femmes et dont les enfants sont également des victimes ;

- qu'aucune pulsion sexuelle n'autorise à acheter des services sexuels ;

- que la prostitution ne saurait être assimilée à une activité professionnelle ;

- qu'il est inacceptable de justifier la prostitution par la liberté sexuelle et que celle-ci ne saurait en aucun cas passer par la marchandisation d'un corps ;

- que la liberté sexuelle suppose le désir partagé de partenaires consentants et égaux ;

- et que c'est en réalité la question, beaucoup plus large, de l'égalité entre hommes et femmes que pose le débat sur la prostitution .

Selon la délégation, la prostitution est la manifestation la plus inacceptable de l'inégalité entre hommes et femmes, car elle repose sur l'idée que les hommes auraient le droit de disposer du corps des femmes pour satisfaire des pulsions sexuelles considérées à la fois comme licites et irrépressibles .

La délégation a estimé que la proposition de loi avait pour objet de contribuer à définir quelle société est souhaitable pour notre pays : une société où l'on peut acheter des services sexuels pour assouvir de prétendus « besoins sexuels », ou une société d'égalité entre hommes et femmes dans laquelle se rencontrent des désirs partagés et libres, dénués de violence.

La délégation a formulé onze recommandations relatives à la pénalisation de l'achat d'actes sexuels et à l'abrogation du délit de racolage, au parcours de sortie de prostitution et à l'accompagnement des associations qui y participeront, ainsi qu'à l'organisation de modules d'éducation à la sexualité et de formation à l'égalité afin d'intégrer l'éducation à l'égalité entre hommes et femmes dans tous les programmes d'enseignement. Elle a également demandé la généralisation des ABCD de l'égalité.

La commission spéciale du Sénat s'est réunie le 8 juillet pour établir le texte de la proposition de loi qui sera soumis au Sénat en séance publique 14 ( * ) .

2. Interventions hors saisine
a) Projet de loi organique n° 165 (2012-2013) relatif à l'élection des conseillers municipaux, des délégués communautaires et des conseillers départementaux, et projet de loi n° 166 (2012-2013) relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral

La présidente de la délégation est intervenue en séance publique sur ces deux textes le 15 janvier 2013.

Elle a rappelé que le projet de loi proposait de faire élire dans chaque canton, deux candidats de sexe différent qui se présenteraient en binôme et seraient solidaires dans l'élection, tout en divisant par deux le nombre actuel de cantons pour maintenir inchangé l'effectif actuel des conseils généraux.

Elle a estimé que de telles dispositions permettraient certes d'atteindre l'objectif de parité inscrit dans la Constitution, tout en relevant qu'une fois élus, les deux conseillers départementaux redeviendraient indépendants l'un de l'autre. Elle a fait état d'interrogations de la délégation sur les conséquences de ce système sur l'exercice des mandats et le redécoupage de la carte cantonale qu'il induit.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin a ensuite précisé que la délégation approuvait sans réserve la transposition dans les départements des dispositions de la loi du 31 janvier 2007, qui ont permis d'assurer la quasi parité des exécutifs régionaux.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin a alors abordé le dispositif proposant d'élire, par un système de « fléchage », les conseillers communautaires simultanément à celle des conseillers municipaux : ce système permettrait de ne pas laisser les organes dirigeants des EPCI à fiscalité propre en dehors de toute logique paritaire, alors que les femmes en sont trop souvent exclues. Elle a toutefois fait valoir que ce dispositif ne serait pertinent que dans les communes d'une certaine importance.

b) Le débat en séance publique sur la convention du Conseil de l'Europe sur la violence à l'égard des femmes et la violence domestique signée à Istanbul (5 mai 2014)

Le 5 mai 2014, le Sénat a examiné en séance publique le projet de loi autorisant la ratification de la Convention du Conseil de l'Europe sur la violence à l'égard des femmes et la violence domestique signée à Istanbul.

La présidente de la délégation a souhaité que le projet de loi soit examiné en séance publique, sans qu'il soit recouru à la procédure simplifiée, contrairement au choix fait par l'Assemblée nationale.

La délégation aux droits des femmes a en effet considéré que la gravité du sujet traité par cet instrument international justifiait un vrai débat, auquel le Sénat a d'ailleurs consacré deux heures.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, au titre de la délégation aux droits des femmes, s'était vu attribuer par la Conférence des présidents un temps de parole spécifique de 10 minutes, à sa demande, dans la discussion générale.

La délégation a été représentée dans la discussion générale par six oratrices 15 ( * ) sur les huit inscrites (Mme Joëlle Garriaud-Maylam intervenait toutefois en tant que rapporteure de la commission des Affaires étrangères). Si l'on ajoute l'intervention sur l'article unique de M. Roland Courteau, particulièrement impliqué dans tous les domaines relevant de la lutte contre les violences faites aux femmes, la délégation a véritablement pris une part très active à ce débat.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin a souhaité relever le lien entre les types de violence traitées par la convention d'Istanbul et les préoccupations de la délégation aux droits des femmes, extrêmement sensibilisée au continuum des violences subies par les femmes, partout dans le monde : harcèlement, violences conjugales, violences sexuelles, mutilations génitales, mariage forcé et crimes dits d'honneur. Elle a toutefois déploré, comme Mme Laurence Cohen, que la prostitution , qui relève pourtant incontestablement des violences faites aux femmes, ne soit pas abordée par la convention.

La présidente de la délégation a également souligné que le préambule de la convention reconnaissait les violences, notamment sexuelles, dont les femmes sont victimes du fait des conflits armés , ce qui rejoint une autre préoccupation de la délégation qui a consacré un rapport d'information spécifique en décembre 2013 au thème des viols de guerre.

Parmi les sujets traités par la convention d'Istanbul, Mme Gonthier-Maurin a insisté sur le fléau que représentent les violences conjugales , rappelant que celles-ci tuent sur notre territoire une femme tous les deux jours et demi.

Quant aux mariages forcés , qui menaceraient, selon le Haut conseil à l'intégration, environ 70 000 jeunes femmes et jeunes filles en France, qu'il s'agisse de jeunes Françaises mariées de force dans le pays d'origine de leurs parents ou de jeunes binationales, la présidente de la délégation a noté que les consulats français traitaient chaque année entre 12 et 15 cas de mariages forcés.

Autre raison d'être favorable à la ratification de cette convention, selon Mme Brigitte Gonthier-Maurin : ce texte considère l'égalité entre hommes et femmes comme un « élément clé de la prévention de la violence à l'égard des femmes ». Là encore, cette convention rejoint une conviction de la délégation aux droits des femmes qui constate régulièrement le lien étroit et fort entre les inégalités entre hommes et femmes et les violences faites aux femmes.

Elle a relevé avec intérêt que l'article 14 de la convention invitait les pays membres à intégrer ce sujet de l'égalité dans leurs programmes d'enseignement et à sensibiliser les élèves au respect mutuel et à la « résolution non violente des conflits dans les relations interpersonnelles », qui constitue une autre préoccupation forte de la délégation, convaincue que la sensibilisation à l'égalité et au respect doit impérativement être renforcée dans le cadre scolaire, dès le plus jeune âge. Mme Gonthier-Maurin a regretté que le débat sur les « ABCD de l'égalité » ait réduit à une polémique inappropriée sur le « genre » un projet destiné avant tout à changer le regard des enseignants sur les filles et les garçons et à favoriser l'apprentissage du respect entre filles et garçons à l'école...


* 1 Rapport d'information (n° 490, 2012-2013) fait, au nom de la délégation aux droits des femmes, par Mme Catherine Génisson sur les dispositions du projet de loi n° 489 (2012-2013) relatif à la sécurisation de l'emploi (n° 489, 2012-2013).

* 2 Rapport d'information (n° 533, 2012-2013) fait, au nom de la délégation aux droits des femmes, par Mme Laurence Cohen sur les dispositions du projet de loi n° 377 (2012-2013) relatif à l'élection des sénateurs.

* 3 Rapport d'information (n° 583, 2012-2013) fait par Mme Maryvonne Blondin sur les dispositions du projet de loi n° 582 (2012-2013) portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France.

* 4 Rapport d'information (n° 655, 2012-2013) fait, au nom de la délégation aux droits des femmes, par Mme Françoise Laborde sur les dispositions du projet de loi n° 614 (2012-2013) relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche.

* 5 Rapport d'information (n° 788, 2012-2013) fait, au nom de la délégation aux droits des femmes, par Mme Brigitte Gonthier-Maurin sur les dispositions du projet de loi n° 717 (2012-2013) pour l'égalité entre les femmes et les hommes.

* 6 Rapport d'information (n° 90, 2013-2014) fait, au nom de la délégation aux droits des femmes, par Mme Laurence Rossignol sur les dispositions du projet de loi n° 71 (2013-2014) garantissant l'avenir et la justice du système de retraite.

* 7 Rapport d'information (n° 590, 2013-2014) fait par Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure, sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, renforçant la lutte contre le système prostitutionnel (n° 207, 2013-2014).

* 8 En Suède en novembre 2012, à la mairie du XVIII ème à Paris en janvier 2013 puis à la préfecture de Strasbourg en février 2013 (à ce dernier ont participé Mmes Brigitte Gonthier-Maurin et Esther Sittler).

* 9 Mme Danièle Bousquet et M. Guy Geoffroy, auteurs du rapport d'information de l'Assemblée nationale Prostitution : l'exigence de responsabilité - En finir avec le mythe du « plus vieux métier du monde » ; le secrétaire général du Mouvement du Nid-France accompagné de la porte-parole du Collectif Abolition 2012 ; et le chef de l'Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH).

* 10 L'intégralité de l'audition de Mmes Catherine Coutelle et Maud Olivier est consultable en ligne :

www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20131111/femmes.html

* 11 L'intégralité de l'audition de M. Jean-Pierre Godefroy et de Mme Chantal Jouanno est consultable en ligne : www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20131216/femmes.html

* 12 Paris, Glénat, 1993. L'auteure a été auditionnée par la délégation le 27 février 2014.

* 13 Yves Charpenel, magistrat et président de la Fondation Scelles, lors de son audition par la commission spéciale du Sénat le 30 avril 2014, a évoqué de manière éclairante le titre du dernier rapport de la fondation : Une menace qui grandit, qui se réfère à ce qu'il a qualifié d'« industrialisation » des modes de prostitution.

* 14 A l'heure où le présent rapport est mis sous presse, l'ordre du jour du Sénat ne prévoit pas l'examen de cette proposition de loi.

* 15 Outre la rapporteure, ces oratrices étaient Mmes Gonthier-Maurin, Laborde, Cohen, Blondin et Kammermann. Les autres intervenantes étaient Mmes Dini et Benbassa.

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