CONCLUSION
La volonté maintes fois réaffirmée du Monténégro de rejoindre l'Union européenne mais aussi l'OTAN se confronte aujourd'hui à la réalité des négociations d'adhésion qui s'avèrent, dans les deux cas, aussi longues que complexes. La priorité accordée par l'Union européenne à la consolidation de l'État de droit s'est traduite par une procédure exigeante. La clôture des chapitres 23 et 24 est soumise à la validation de 83 critères intermédiaires, soit autant que ceux auxquels a dû satisfaire la Croatie pour l'ensemble des chapitres.
Ce souci du détail ne constitue pas un traitement particulier destiné au seul Monténégro. Les négociations qui viennent de s'ouvrir avec la Serbie répondent aux mêmes exigences. Il s'agit surtout pour l'Union européenne, instruit des cas bulgare et roumain, d'éviter l'adhésion d'un État encore en décalage avec les pratiques de ses partenaires et la mise en place ensuite d'un mécanisme de coopération et de vérification, d'autant plus vexant pour le nouvel adhérent.
Une telle complexité n'est bien évidemment pas totalement en phase avec le message politique qu'entend faire passer le gouvernement monténégrin, insistant sur son ancrage européen et sur ses avantages face aux autres pays candidats des Balkans occidentaux. La procédure révèle plutôt l'ampleur du chantier de l'intégration de l'acquis communautaire, d'autant plus important que le pays ne dispose pas logiquement des capacités administrative suffisantes. Les défis induits par l'adhésion sont donc de taille, qu'ils soient juridiques, économiques et bien sûr politiques. L'ampleur de ceux-ci ne saurait pour autant remettre en cause la perspective européenne du Monténégro, à l'heure où celui-ci a effectué des choix diplomatiques courageux à l'égard de la Russie, son principal partenaire économique.
EXAMEN PAR LA COMMISSION
La commission des affaires européennes s'est réunie le mardi 1 er juillet 2014 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes, le débat suivant s'est engagé.
M. André Gattolin . - L'élargissement met constamment en lumière le décalage entre la lourdeur des procédures d'adhésion, leur technicité et leur longueur et l'absence de réelle formation des cadres des pays qui sont censés adapter l'acquis communautaire. L'Union européenne devrait participer à la formation des élites locales ! Vous concluez sur l'absence de tradition démocratique au Monténégro. Je remarque que ce constat s'applique à la plupart des pays d'Europe de l'Est. Le même modèle semble se reproduire : à l'effondrement des régimes communistes et à une certaine tradition administrative succède une pratique du pouvoir de type oligarchique pour ne pas dire mafieuse, conduite par d'anciens cadres des partis uniques, enrichis par les vagues de privatisation et porte-voix de l'ultra-libéralisme. Ce fut notamment le cas en République tchèque.
Le problème de la taille du pays n'est également pas anodin. Dans un autre ordre d'idée, le Groenland est appelé à négocier avec l'Union européenne et d'autres partenaires économiques pour la gestion d'importants contrats miniers. Sur 57 000 habitants, seuls 500 ont accompli des études supérieures. Ce qui n'est pas sans poser problème dès lors qu'il s'agit de faire émerger une élite apte à étudier ces contrats.
Je dirai également un mot sur l'adaptation de l'acquis communautaire. Oui l'Union européenne favorise la consolidation de l'État de droit chez les pays candidats. Vous avez parlé des amendements constitutionnels récemment adoptés en ce sens au Monténégro. Cela va effectivement dans le bon sens. Mais la question de la mise en pratique de celle-ci demeure. Et celle-ci ne pourra être assurée que par une élite formée. Or cet apprentissage prend du temps, une à deux générations.
Je m'interroge enfin sur le poids d'un si petit État appelé après son adhésion à exercer des responsabilités au sein du Conseil.
Mme Colette Mélot . - Comme vous l'avez dit dans le rapport, l'adhésion est in fine logique dès lors que le Monténégro satisfait à tous les critères. Je suis tout de même étonnée par l'utilisation depuis 2002 de l'euro comme monnaie ! Le parallèle avec les micro-États comme Andorre ne me semble pas opportun tant leurs situations diffèrent de celle du Monténégro.
M. Jean-René Lecerf . - Je suis assez gêné devant ces micro-États appelés à intégrer l'Union européenne. Micro-États en raison de leur population : 620 000 habitants c'est la moitié de la population de la communauté urbaine de Lille, par leur superficie, ou par leur budget. Le PIB monténégrin équivaut au tiers de l'amende qui vient d'être infligée au groupe BNP Paribas ! L'adhésion risque in fine de déséquilibrer un système déjà fragile.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - Regardons près de nous le Luxembourg pour voir que la taille d'un pays importe peu ! Je vois plutôt d'un bon oeil l'adhésion de ces États à l'Union européenne. N'oublions pas que les négociations d'adhésion permettent de tirer vers le haut ces pays, en les poussant à se mettre en conformité avec les procédures et les usages au sein de l'Union européenne. J'espère que cela sera notamment le cas pour prévenir les phénomènes de corruption constatés dans ce pays. J'ai rencontré récemment des parlementaires monténégrins dans le cadre d'un séminaire de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN. Tous me disaient combien la perspective d'adhésion à l'Union européenne permettait de faire passer des réformes qui n'auraient pu aboutir dans un autre contexte.
Un mot sur l'OTAN tant il m'apparaît indispensable de ne pas faire vivre au Monténégro ce qu'a connu récemment la Géorgie. Ce petit pays, qui est un des premiers contributeurs à l'effort de guerre en Afghanistan, s'est vu refuser l'adhésion alors qu'elle lui est promise depuis le sommet de Bucarest en 2008. Il s'agit d'un signal négatif adressé à Tbilissi mais aussi aux autres candidats.
M. Simon Sutour , président . - Je partage les inquiétudes d'André Gattolin sur la formation des élites dans ces petits États. Mon département, le Gard, compte 100 000 habitants de plus que le Monténégro ! Je n'imagine pas que puissent lui être attribuées des fonctions régaliennes et qu'il soit appelé à intégrer l'Union européenne ! Reste néanmoins une vocation pour tous les pays issus de l'ex-Yougoslavie à intégrer l'Union européenne, qui ont tant de valeurs en partage et une langue commune qui les relie, même si je peux comprendre les réserves de Jean-René Lecerf. On peut effectivement être surpris par l'utilisation de l'euro. L'explication qui m'a été donnée est que l'euro a succédé au Deutsche Mark qui était très utilisé en raison de la forte fréquentation de touristes allemands. Nous devons, je le répète, nouer des contacts réguliers avec les autorités de ces pays qui siègent déjà en tant que pays candidats dans certaines réunions européennes, à l'image de la COSAC, et qui seront nos futurs partenaires.
À l'issue de ce débat, la commission a autorisé, à l'unanimité, la publication du rapport.