B. UNE MISE EN PLACE DES ORGANES DE GOUVERNANCE COMPLEXE
1. La structuration des écoles prévue par les textes normatifs
Après la phase d'accréditation, la transformation des structures administratives afin de donner corps aux ÉSPÉ a mobilisé les équipes locales et les services centraux.
Les lois du 8 juillet 2013 pour la refondation de l'école de la République et du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur, complétées par le décret n° 2013-782 du 28 août 2013 ont défini avec précision les modalités de gouvernance des ÉSPÉ. Conformément à l'article L. 721-3 du code de l'éducation, trois instances partagent la responsabilité du fonctionnement des écoles : le conseil de l'école qui administre, le directeur qui dirige et le conseil d'orientation scientifique et pédagogique qui apporte son expertise.
a) Le conseil de l'école
Le conseil de l'école adopte le budget de l'ÉSPÉ, approuve les contrats pour les affaires intéressant l'école et soumet la répartition des emplois au conseil d'administration de l'établissement intégrateur. Il est également consulté sur les recrutements de l'école. C'est enfin à lui que revient l'adoption des règles relatives aux examens et les modalités de contrôle des connaissances.
L'effectif du conseil, constitué à parité d'hommes et de femmes, ne peut dépasser trente membres. Le mandat des membres du conseil de l'école est de cinq ans, sauf pour les représentants des usagers qui sont élus pour deux ans, ce qui reflète la rotation rapide des étudiants formés au sein des écoles. Le mandat des membres du conseil de l'école prend fin lorsqu'ils ont perdu la qualité au titre de laquelle ils ont été élus ou nommés.
Les représentants des enseignants, dont la moitié au moins sont des représentants des enseignants-chercheurs, doivent être en nombre au moins égal à celui des représentants des autres personnels et des usagers. L'article D. 721-1 du code de l'éducation précise plus avant cette répartition. Deux représentants sont ainsi élus pour représenter chacune des catégories de personnels suivantes : les professeurs d'université, les maîtres de conférences, les autres enseignants et formateurs relevant de l'enseignement supérieur, les personnels relevant du ministère de l'éducation nationale en poste dans un de ses établissements ou services, les autres personnels. Quatre ou six membres sont élus pour représenter les usagers (étudiants, fonctionnaires stagiaires, personnels en formation continue).
Le conseil de l'école comprend également un ou plusieurs représentants de l'établissement public dont relève l'école. Enfin, 30 % au moins de ses membres sont des personnalités extérieures , dont :
- au moins un représentant d'une collectivité territoriale ;
- au moins cinq personnalités désignées par le recteur ;
- des personnalités désignées par les établissements publics d'enseignement supérieur partenaires, pour élargir la représentation au-delà de l'université intégratrice ;
- des personnalités désignées par les autres membres du conseil élus ou désignés.
Le président du conseil de l'école est élu parmi les personnalités extérieures désignées par le recteur . En cas de partage égal des voix lors d'une séance du conseil de l'école, le président a voix prépondérante. Il est important que par l'intermédiaire des personnalités qu'il désigne, le recteur, qui représente le futur employeur qu'est l'éducation nationale, puisse peser sur la gouvernance de l'ÉSPÉ.
b) Le directeur
L'ÉSPÉ est dirigée par un directeur nommé pour un mandat de cinq ans par arrêté conjoint des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de l'éducation nationale, sur proposition du conseil de l'école.
Le directeur de l'école dispose d' amples pouvoirs :
- il prépare les délibérations du conseil de l'école et assure leur exécution ;
- il a autorité sur l'ensemble des personnels de l'ÉSPÉ ;
- il a qualité pour signer, au nom de l'établissement intégrateur, les conventions relatives à l'organisation des enseignements 18 ( * ) ;
- il prépare le document d'orientation politique et budgétaire de l'ÉSPÉ ;
- il propose, au président de l'établissement intégrateur, la composition des jurys d'examen pour les formations soumises à examen dispensées par l'ÉSPÉ.
Les rôles distincts du président de l'université intégratrice, du président du conseil de l'école et du directeur se complètent pour concourir à une mission commune, ainsi que l'a rappelé à la mission d'information la conférence des présidents d'université (CPU) lors de son audition du 28 janvier 2014. Mais c'est bien le directeur qui constitue la clef de voûte de la gouvernance de l'ÉSPÉ . C'est à lui qu'il revient de négocier et de composer avec les trois acteurs de la formation : l'ÉSPÉ et ses personnels, les universités partenaires et leurs UFR, les services académiques. Le directeur occupe un poste stratégique , à la fois comme garant opérationnel de l'accréditation et comme pilote du projet.
c) Le conseil d'orientation scientifique et pédagogique
L'ÉSPÉ comporte également un conseil d'orientation scientifique et pédagogique (COSP) qui contribue à la réflexion sur les grandes orientations relatives à la politique partenariale et aux activités de formation et de recherche de l'école.
La composition du COSP est paritaire. L'article D. 721-3 du code de l'éducation ne fixe pas de nombre maximal de membres. Il précise que la moitié des membres sont des représentants de l'établissement intégrateur et des établissements partenaires, le reste étant composé de personnalités extérieures désignées pour moitié par le recteur et pour moitié par le conseil de l'école.
Le mandat des membres du COSP suit les règles applicables aux membres du conseil de l'école. Les fonctions de membre du conseil de l'école et du COSP sont incompatibles.
2. L'installation achevée des conseils et des directeurs malgré un calendrier contraint
a) Une mobilisation évidente dans la période transitoire sous l'impulsion des recteurs et des administrateurs provisoires
La mise en place des nouvelles institutions et de leurs organes de gouvernance a dû être menée de front avec la poursuite de la réflexion sur les maquettes des masters MEEF et le suivi des élèves de M1 entrés dans le nouveau dispositif. Votre rapporteur salue l'engagement et le sens des responsabilités de chaque partie prenante qui ont permis d'achever l'installation des nouvelles structures dessinées par le législateur pour prendre en charge la formation des enseignants.
Dans un paysage universitaire en pleine recomposition, ce processus ne pouvait être que complexe, mais il s'est globalement déroulé sans remous excessifs au vu de l'ampleur de la tâche de conciliation entre des organisations et des personnes dont les cultures, les intérêts et les projets ne coïncidaient pas nécessairement . Il a abouti à des organisations viables susceptibles de réguler, de piloter et de gérer les parcours de formation. Les foyers de tension et d'inquiétude qui demeurent ici ou là portent moins sur la structure interne et la gouvernance propre de l'ÉSPÉ que sur les relations, notamment financières, avec l'université intégratrice.
L'article 83 de la loi du 8 juillet 2013 de refondation de l'école de la République rassemble les dispositions transitoires qui ont cadré le calendrier et les modalités d'installation des organes de gouvernance. La date de création des ÉSPÉ, concomitante de leur accréditation, a été fixée au 1 er septembre 2013. Les conseils d'école et les COSP devaient ensuite être installés définitivement dans un délai de trois mois. Dans l'intervalle, il leur était permis de siéger valablement sans les représentants des personnels et des usagers. Ce point a suscité de grandes réticences chez les organisations syndicales.
La nomination des directeurs de l'école s'est effectuée après l'installation des conseils. Conformément à l'article 83 précité, les fonctions de directeur ont été exercées dans chaque ÉSPÉ, jusqu'à la publication de l'arrêté de nomination, par un administrateur provisoire nommé par le recteur sur proposition du président de l'établissement intégrateur.
L'article 5 du décret n° 2013-782 du 28 août 2013 précité a donné un rôle éminent au recteur dans la phase transitoire . C'est à lui qu'est revenu la responsabilité de :
- constituer une commission chargée de l'élaboration des statuts de l'école où devaient être représentés tous les établissements partenaires ;
- arrêter la composition du conseil de l'école et du COSP dans le respect des contraintes législatives et réglementaires, sur proposition de l'établissement intégrateur et après l'avis des établissements partenaires. Il s'agissait notamment en ce qui concerne le conseil d'école de fixer le nombre de membres, le nombre de représentants des usagers (4 ou 6), le nombre de représentants de l'établissement intégrateur, le nombre de personnalités extérieures dans chacun des quatre collèges prévus.
- établir les listes électorales par collège.
D'après l'enquête réalisée par le bureau de liaison du réseau des ÉSPÉ entre décembre 2013 et janvier 2014, sur trente administrateurs provisoires, quatorze étaient directeurs de l'IUFM de leur académie et quatre directeurs-adjoints. Près de la moitié étaient déjà porteurs du projet d'ÉSPÉ au sein de leur académie. Deux tiers d'entre eux auraient été directement les auteurs des statuts, même si la plupart du temps les statuts ont bien été validés par une commission des statuts mise en place par le recteur.
b) Des difficultés surmontées dans la constitution des conseils d'école
Les élections aux conseils d'école se sont déroulées dans les ÉSPÉ au cours du mois de novembre et au début du mois de décembre 2013. Les difficultés principales ont été de tenir le calendrier très contraint, de définir les corps électoraux et de respecter la parité dans un conseil qui prévoit onze collèges séparés pour un total de moins de trente membres.
(1) La définition des corps électoraux
Les listes d'électeurs ont dû être établies dans des délais très courts, alors même que la multiplicité des collèges et, bien souvent, des établissements partenaires rendait l'opération très délicate . Les organisations syndicales se sont inquiétées d'une certaine précipitation et d'imprécisions dans les textes réglementaires, susceptibles éventuellement d'entacher la fiabilité du scrutin.
Règles de détermination des personnels et
des usagers électeurs et éligibles
Article D. 721-5 du code de l'éducation « Sont électeurs et éligibles dans les collèges mentionnés à l'article D. 721-1 : 1° Les enseignants-chercheurs et personnels assimilés qui participent aux activités de l'école mentionnées à l'article L. 721-2 pour une durée équivalente à au moins quarante-huit heures de leurs obligations de service annuelles de travaux dirigés ; 2° Les autres enseignants et formateurs qui participent aux activités de l'école mentionnées à l'article L. 721-2 pour une durée équivalente à au moins quarante-huit heures de leurs obligations de service annuelles d'enseignement ; 3° Les autres personnels qui participent aux activités de l'école mentionnées à l'article L. 721-2 pour au moins un quart de leurs obligations de service de référence ; 4° Les usagers dans les conditions fixées par l'article D. 719-14. » Article D. 719-14 du code de l'éducation « Sont électeurs dans les collèges des usagers les personnes régulièrement inscrites en vue de la préparation d'un diplôme ou d'un concours, ayant la qualité d'étudiants. Sont également électeurs dans ces collèges les personnes bénéficiant de la formation continue, sous réserve qu'elles soient régulièrement inscrites en vue de la préparation d'un diplôme ou d'un concours. Sont également électeurs les auditeurs, sous réserve qu'ils soient régulièrement inscrits à ce titre, qu'ils suivent les mêmes formations que les étudiants et qu'ils en fassent la demande. Les étudiants recrutés en application de l'article L. 811-2 sont électeurs dans ces collèges dans l'établissement dans lequel ils sont inscrits. Chaque usager ne peut être électeur que dans une unité de formation et de recherche, sauf s'il est inscrit dans une unité, un institut ou une école figurant sur une liste établie par décret lui permettant de voter dans une autre unité. » |
Ont notamment évoquées des interprétations divergentes entre académies ou des incertitudes sur :
- le critère des quarante-huit heures d'enseignement à l'ÉSPÉ pour les collèges d'enseignants et de formateurs (art. D. 721-5 dans l'encadré ci-dessus) qui était tantôt apprécié sur la base des emplois du temps de l'année précédente, tantôt en considérant l'emploi du temps prévisionnel de l'année en cours ;
- la prise en compte de l'ensemble des intervenants, y compris vacataires, qui effectuent au moins quarante-huit heures de service ;
- la participation au vote des étudiants de master 2 MEEF ;
- l'impossibilité de constituer des sous-collèges, notamment parmi les usagers ;
- le positionnement des personnels relevant de l'éducation nationale qui sont également des usagers au titre de la formation continue ;
- le positionnement des inspecteurs de l'éducation nationale qui assuraient également des formations à l'ÉSPÉ ;
- l'inscription d'office sur les listes électorales dès lors que les critères sont satisfaits, dans la mesure où certaines catégories d'usagers doivent par exception faire une demande d'inscription (art. D. 719-14 dans l'encadré ci-dessus).
Toutefois, votre rapporteur constate que la direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESIP) a su répondre aux interrogations en apportant les précisions nécessaires et que les élections se sont déroulées partout avec des taux de participation satisfaisants, hormis dans le collège des usagers. La légitimité des élections aux conseils d'école paraît donc incontestable.
(2) La mise en oeuvre de la parité
Si le principe de la parité entre les femmes et les hommes n'est pas contesté, force est toutefois de constater que ses modalités d'application dans la constitution des conseils se sont révélées très contraignantes et ont conduit à des situations parfois épineuses . En effet, l'article D. 721-4 du code de l'éducation a retenu un triple mécanisme :
- l'établissement de listes alternées par sexe pour chaque collège de représentants élus ;
- des corrections sur les derniers sièges pourvus en faveur du sexe le moins représenté. Par exemple, si les femmes sont majoritaires parmi les premiers élus de la liste et si le dernier élu de la liste est aussi une femme, alors ce dernier siège est automatiquement attribué à l'homme suivant sur la liste ;
- un rétablissement de la parité globale au sein du conseil d'école grâce aux nominations de personnalités extérieures si les mesures précédentes ne suffisent pas.
Ainsi que l'indique le Snesup-FSU, le décret électoral « dans un milieu professionnel très féminisé a conduit à de véritables casse-têtes, notamment pour le collège des professeurs. D'une façon générale, ce texte réduit la représentativité des femmes élues dans les conseils d'école. » Dans la mesure où la parité est in fine réalisée grâce aux membres nommés, le dispositif mis en oeuvre en vient à justifier « une autre quasi parité entre élus et nommés, au profit de ces derniers », d'où une certaine tension avec les principes de la démocratie universitaire. 19 ( * )
Règles de mise en oeuvre de la parité au sein des conseils Article D. 721-4 du code de l'éducation « Le conseil de l'école supérieure du professorat et de l'éducation et le conseil d'orientation scientifique et pédagogique comprennent autant de femmes que d'hommes dans les conditions suivantes : Pour l'application du deuxième alinéa de l'article L. 721-3 et conformément aux dispositions de l'article L. 719-1, les listes de candidats pour l'élection au conseil de l'école sont composées alternativement d'un candidat de chaque sexe. Lorsque la répartition des sièges entre les listes, au sein de chaque collège mentionné à l'article D. 721-1, n'aboutit pas à l'élection d'un nombre égal de candidats de chaque sexe, il est procédé ainsi pour rétablir la parité : 1° Le dernier siège revenant à un candidat du sexe majoritairement représenté est attribué au candidat suivant de liste qui est déclaré élu ; cette opération est répétée, si nécessaire, avec le siège précédemment attribué à un candidat du même sexe, jusqu'à ce que la parité soit atteinte ; 2° Si un siège devant être attribué au suivant de liste en application du 1° revient simultanément à plusieurs listes ayant obtenu le même nombre de suffrages, il est procédé à un tirage au sort pour déterminer celle des listes dont le dernier élu est remplacé par le suivant de liste. Si nécessaire, la parité entre les femmes et les hommes est rétablie au sein de chaque conseil par la désignation des personnalités prévues au d du 3° de l'article D. 721-1 pour le conseil d'école et par la désignation des personnalités extérieures prévues au 2° de l'article D. 721-3 pour le conseil d'orientation scientifique et pédagogique. » |
(3) Une composition typique du conseil d'école
Les résultats de l'enquête du réseau des directeurs d'ÉSPÉ permettent de dresser une composition type des conseils d'école :
- 10 représentants élus des personnels ;
- 4 représentants élus des usagers ;
- 3 représentants de l'université intégratrice ;
- 2 représentants des collectivités territoriales ;
- 5 personnalités extérieures désignées par le recteur ;
- 3 représentants des établissements partenaires (les personnalités désignées par les partenaires doivent seulement être extérieures à l'ÉSPÉ proprement dite) ;
- 3 personnalités extérieures désignées par l'université intégratrice et le conseil d'école.
En choisissant de fixer à quatre plutôt qu'à six comme le décret le leur permettait le nombre de représentants des usagers, les recteurs ont donc fait le choix d'accorder la majorité au sein du conseil d'école aux membres nommés (16 voix) plutôt qu'aux membres élus (14 voix) . La rectrice de Toulouse a défendu cette décision auprès de la mission en soulignant qu'elle avait pour but d'assurer une gouvernance claire et fonctionnelle de l'école, avec l'accord des universités, dans un contexte encore tendu et propice aux querelles idéologiques.
Votre rapporteur se félicite que, d'après la Ligue de l'enseignement, les mouvements d'éducation populaire aient obtenu un siège en tant que partenaires de l'école au sein des conseils d'école dans plusieurs académies, comme celles de Grenoble, de Lyon, de Montpellier ou de Nantes. 20 ( * )
c) La désignation généralement fluide des directeurs d'ÉSPÉ
La dernière étape d'installation administrative de l'ÉSPÉ résidait dans la nomination des directeurs par les ministres de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur. Elle s'est achevée 21 ( * ) le 4 mars 2014 avec la nomination du directeur de l'ÉSPÉ de l'académie de Rouen. Le processus de nomination s'est déroulé généralement avec fluidité , à l'exception de quelques cas particuliers sur lesquels la mission est revenue.
D'après l'enquête réalisée par le bureau de liaison du réseau des ÉSPÉ, sur les trente administrateurs provisoires, dix-sept ont été candidats au poste de directeur de ÉSPÉ. Dans les trois quarts des académies, le conseil d'école n'a proposé qu'un seul nom aux ministres de tutelle. Hormis quelques académies, l'avis du conseil d'école a généralement été suivi.
Parmi les académies que la mission a étudiées plus précisément, on peut citer comme cas typiques la nomination comme directeurs des anciens administrateurs provisoires dans les ÉSPÉ des académies d'Aix-Marseille, de Clermont-Ferrand, de Créteil, de Dijon, de Lyon, de Paris et de Toulouse. Ce choix classique n'est pas surprenant puisqu'il assure la continuité des équipes et du travail au cours d'une année pilote où beaucoup restait à caler et à ajuster dans l'organisation administrative, budgétaire et pédagogique.
Néanmoins, là où d'autres choix ont été faits, le relais a été pris sans coup férir et la continuité du service public d'éducation n'a jamais été menacé lorsque le directeur n'avait pas auparavant assumé les fonctions d'administrateurs provisoires. En outre, la fonction d'administrateur provisoire s'apparente à celle de chef de projet, alors que le directeur doit gérer stratégiquement et opérationnellement l'école pendant cinq ans. Les fonctions et les missions étant différentes, l'opportunité de choisir des personnes différentes ne pouvait pas être a priori écartée .
Deux cas plus complexes se sont présentés :
- dans l'académie de Versailles, les ministres, comme c'en était leur prérogative, n'ont pas retenu la candidature de l'ancien administrateur provisoire, arrivé en tête des suffrages lors du vote du conseil de l'école, mais celle de la candidate suivante, par ailleurs ancienne rectrice et membre de l'IGAENR ;
- dans l'académie de Bordeaux, les ministres ont bien nommé le candidat en tête du vote du conseil d'école, mais il s'agissait d'un candidat extérieur à l'académie. L'autre candidat, qui était l'ancien coporteur du projet d'ÉSPÉ et non l'administratrice provisoire, avait reçu un appui fort du corps enseignant.
Les auditions que la mission a menées pour examiner ces situations locales l'amènent à des conclusions tout à fait rassurantes. Les nouveaux directeurs ont confirmé à la mission que l'ancienne administration provisoire leur avait transmis l'intégralité des dossiers, leur permettant de s'inscrire pleinement dans le cadre du projet défini. L'essentiel est que grâce à la confiance des universités intégratrice ou partenaires et du recteur dont ils bénéficient, les nouveaux directeurs puissent achever la mise en place des masters MEEF dans de bonnes conditions.
d) L'apparition dans les statuts d'instances complémentaires adaptées à la situation locale
Les deux conseils prévus par le législateur seront au coeur du pilotage de l'ÉSPÉ. Cependant, il convient aussi de noter qu'en fonction des circonstances locales, il a été fait le choix dans certaines ÉSPÉ de prévoir dans les statuts des instances complémentaires.
Par exemple, l'ÉSPÉ de l'académie de Lyon a mis en place un directoire réunissant le directeur, le recteur et les quatre présidents des universités intégratrices ou partenaires. Le président du conseil d'école est invité à participer à ses réunions avec voix consultative. L'idée est de préparer les débats et les décisions en amont en identifiant clairement les difficultés pour les déminer.
Précisément, l'article 16 des statuts donne mission au directoire de suivre le projet d'école tel qu'il a été défini par le dossier d'accréditation, de veiller à la poursuite des objectifs nationaux et des attentes institutionnelles, d'exercer une fonction de concertation et d'harmonisation entre les différents partenaires, d'examiner en tant que de besoin la situation budgétaire de l'ÉSPÉ et l'utilisation des moyens qui lui sont affectés et d'émettre des recommandations pour garantir une politique commune de formation.
On peut également citer le cas de l'ÉSPÉ de l'académie de Paris qui a mis en place un comité interuniversitaire de suivi . Les articles 20 à 22 des statuts en précisent la composition et les compétences. Le comité de suivi est composé du vice-chancelier des universités de Paris, des présidents des établissements porteur et partenaires, du directeur de l'école et du directeur de l'académie de Paris. En cas de difficulté ou de nécessité d'arbitrage entre les établissements, il se réunit en session extraordinaire sous l'autorité du recteur. En lien avec le conseil de l'école et le COSP, il doit :
- vérifier la cohérence et l'évolution de l'offre de formation initiale et continue coordonnée par l'école et son adossement à la recherche, en liaison avec les établissements ;
- examiner l'utilisation des moyens consolidés apportés aux formations de l'école par l'ensemble des partenaires et s'assurer de leur adéquation avec les missions qui lui sont confiées. À ce titre, il donne un avis sur le contrat d'objectifs et de moyens.
L'ÉSPÉ de l'académie de Versailles doit également se construire entre cinq universités appartenant à des communautés différentes. Les articles 16 à 18 de ses statuts prévoient la mise en place d'un conseil de pilotage stratégique rassemblant le recteur, le directeur de l'école, les présidents ou directeurs de tous les établissements partenaires, les présidents du conseil d'école et du COSP.
Se réunissant deux fois par an au moins sous la présidence du recteur, cette instance complémentaire de gouvernance a pour objet de veiller au bon déroulement de l'activité partenariale entre les partenaires de l'ÉSPÉ. Elle peut se saisir de tout sujet intéressant la formation aux métiers de l'éducation dans l'académie y compris dans ses aspects financiers et organiques. Elle s'assure de la cohérence du projet de l'ÉSPÉ avec les enjeux stratégiques et les politiques de formation de chacun des partenaires.
Ces innovations statutaires sont issues du processus de gestation du projet d'ÉSPÉ dans des académies dotées d'un paysage universitaire et recherche particulièrement denses . Elles témoignent de la souplesse du cadre législatif et réglementaire, des capacités d'impulsion politique des recteurs et des facultés d'adaptation des acteurs de la formation des enseignants, ainsi que de leur volonté de concertation et de dialogue.
* 18 L'exécution de ces conventions dépend de leur approbation par le président de l'établissement intégrateur et validées par un vote du conseil d'administration du même établissement.
* 19 V. Charbonnier & G. Jean, Former des maîtres , supplément au mensuel du Snesup n° 620, p. 17.
* 20 Audition du 4 février 2014.
* 21 En métropole. Restait à cette date encore à nommer le directeur de l'ESPE de l'académie de Guyane.