N° 534
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014
Enregistré à la Présidence du Sénat le 14 mai 2014 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des affaires européennes (1) sur la coopération énergétique franco-allemande ,
Par M. Jean BIZET,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Simon Sutour, président ; MM. Alain Bertrand, Michel Billout, Jean Bizet, Mme Bernadette Bourzai, M. Jean-Paul Emorine, Mme Fabienne Keller, M. Philippe Leroy, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Georges Patient, Roland Ries, vice-présidents ; MM. Christophe Béchu, André Gattolin, Richard Yung, secrétaires ; MM. Nicolas Alfonsi, Dominique Bailly, Pierre Bernard-Reymond, Éric Bocquet, Mme Françoise Boog, Yannick Botrel, Gérard César, Mme Karine Claireaux, MM. Robert del Picchia, Michel Delebarre, Yann Gaillard, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Jean-François Humbert, Mme Sophie Joissains, MM. Jean-René Lecerf, Jean-Jacques Lozach, Mme Colette Mélot, MM. Aymeri de Montesquiou, Bernard Piras, Alain Richard, Mme Catherine Tasca. |
SYNTHÈSE
La coopération énergétique franco-allemande s'étant focalisée jusqu'à présent sur la transition vers les énergies renouvelables, votre rapporteur a pris le parti d'examiner la thématique de la transition énergétique en distinguant la dimension purement technique du sujet - celle précisément qui a fait l'objet d'une initiative franco-allemande ces dernières années - et l'aspect macro-économique, jusqu'ici délaissé par la réflexion conjointe engagée entre ces deux États membres fondateurs de l'Union européenne. Cette présentation séparée permet de distinguer clairement les domaines où il convient de transformer en programmes concrets l'essai des déclarations d'intention et les domaines où tout reste à faire en matière de coopération franco-allemande. Néanmoins, l'Union européenne doit simultanément conduire la transition énergétique sur le plan technique et la gérer sur le plan économique.
Les difficultés rencontrées jusqu'à présent par la transition énergétique tiennent à plusieurs raisons, qui tirent toute leur origine de l'intermittence subie :
- des composantes étroitement complémentaires sont parvenues aujourd'hui à des niveaux de maturité extrêmement divers, ce qui gêne leur mise en oeuvre. Ainsi, la production d'énergie renouvelable intermittente, l'utilisation maximale de cette énergie au moment où elle est produite et le stockage de l'excédent forment en réalité un tout, alors que seules certaines techniques permettant d'obtenir de l'énergie renouvelable intermittente sont actuellement parvenues à une maturité permettant d'envisager leur utilisation à grande échelle, mais au prix d'un système énergétique boiteux ;
- en l'absence de capacité de stockage digne de ce nom et faute de « réseaux intelligents » à même de caler partiellement la consommation d'énergie sur la production, les lignes à haute tension subissent des variations qui n'avaient pas été anticipées lors de leur conception ;
- combinée avec l'attribution à guichets ouverts de tarifs garantis au profit des producteurs d'électricité renouvelable intermittente, leur accès prioritaire au marché de gros se traduit notamment par des apports massifs d'électricité lorsque le vent souffle et que le soleil est radieux, si bien que le prix peut y devenir nul, voire négatif !
- les conséquences de la production intermittente d'électricité renouvelable sont ainsi répercutées sur les producteurs traditionnels, avec un risque croissant de défaillances pouvant compromettre une fourniture d'énergie suffisante lorsque le temps est couvert et le vent ne souffle pas, sauf à mettre sur pied un marché de capacités disponibles, qui pour l'heure n'existe pas.
- le principe même des énergies naturelles renouvelables consiste à investir beaucoup aujourd'hui pour disposer demain d'une énergie au coût marginal nul ou négligeable. Or, le marché valorise les fournitures précisément au coût marginal. Pour l'heure, la seule solution mise en oeuvre revient à garantir le prix de vente de l'électricité ainsi obtenue, quelle que soit son utilité pour les consommateurs. Modestes au départ, les sommes en cause deviennent intenables même pour la très prospère économie allemande.
Le moment est donc venu pour les deux principaux producteurs d'énergie renouvelable au sein de l'Union européenne - l'Allemagne et la France, qui sont aussi les principaux producteurs d'énergie toutes catégories confondues, ainsi que ses deux principaux consommateurs - de conduire une réflexion leur permettant d'élaborer des schémas cohérents d'investissements faisant appel à des ensembles de techniques matures mais non exposées à une obsolescence trop rapide. Pour être véritablement efficace, cette coopération devra impérativement comporter tout un volet consacré à la gestion économique du système énergétique, pour préserver les marchés des perturbations aberrantes dont les consommateurs ne tirent aucun avantage, alors qu'elles compromettent la survie d'opérateurs indispensables à la fourniture d'électricité, tout en incitant à l'usage maximum du charbon et du lignite, sources d'énergie contraires par excellence à toute préoccupation environnementale portant sur la pureté de l'air ou le réchauffement climatique.