M. Stanislas Bourron, sous-directeur des compétences et des institutions locales à la direction générale des collectivités locales du ministère de l'intérieur
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M. Michel Savin, président . - Monsieur Bourron, pouvez-vous nous dresser l'état des lieux des relations entre les collectivités territoriales et le milieu sportif professionnel ?
M. Stanislas Bourron . - La direction générale des collectivités locales (DGCL) s'intéresse à la compétence sportive des collectivités, le code des sports prévoyant leur capacité à intervenir sur ces questions. À ce titre, elle suit également ces sujets sous l'angle de des règles d'intervention financière des collectivités locales vis-à-vis du monde sportif professionnel. Un certain nombre de dispositions très spécifiques concernent les sociétés sportives. Aujourd'hui, la question est de savoir qui peut intervenir et aider le monde sportif dans cet univers.
Le sujet a été notamment abordé lors des débats à propos de la loi du 16 décembre 2010, qui envisageait de déterminer des compétences exclusives ou partagées, selon les cas. Le sport avait, à cette occasion, fait l'objet de grandes discussions pour savoir si les collectivités devaient toutes, comme aujourd'hui, pouvoir continuer à intervenir - régions, départements, blocs communaux, intercommunalités et communes.
Le gouvernement de l'époque avait dans l'idée de restreindre les possibilités d'intervention à l'un ou l'autre des niveaux de collectivité. Les interventions du monde sportif, amateurs mais surtout professionnel, et les échanges avec les élus ont rapidement démontré que cette piste ne rencontrait pas d'adhésion.
Le choix a été fait de maintenir la possibilité pour les trois niveaux de collectivités locales d'aider le monde sportif sous toutes ses formes, du sport amateur jusqu'au sport professionnel, selon des règles très particulières.
Cette situation peut soulever quelques difficultés. On peut en effet parvenir à des financements croisés, et éprouver des difficultés pour identifier le partenaire privilégié de la structure sportive professionnelle, qui peut aussi jouer sur le fait qu'il existe plusieurs co-financeurs, comme prévu dans les textes.
Le droit, depuis 1999, a strictement encadré les possibilités d'intervention des collectivités en matière de sport professionnel. On peut appliquer un certain nombre de dérogations aux règles d'intervention économique classiques applicables à des entreprises ou à des associations, tant sur le montant des subventions qui peuvent être accordées que sur leurs critères. Elles doivent notamment répondre à un certain nombre de motifs d'intérêt général, qui doivent avoir été déterminés par le règlement. Certains critères sont plus contraignants, comme ceux portant sur les conditions de garantie ou d'aides directes aux activités économiques.
Tout ceci répond à une logique toujours d'actualité : éviter un engagement trop massif des collectivités à l'égard du sport professionnel, assez demandeur d'un engagement financier public important, qu'il s'agisse des équipements ou du soutien aux clubs, qui peuvent représenter des sommes assez importantes.
Est-ce satisfaisant ? Si vous nous auditionnez aujourd'hui, c'est peut-être que vous avez une vision plus modérée de la qualité de notre régime juridique actuel.
Par ailleurs, une mission d'évaluation, dont le rapport a été publié cette année, s'est intéressée à la question de la politique sportive et, notamment, aux relations entre les collectivités et les financements publics du sport professionnel.
L'arrivée de l'Euro 2016 nécessite également une modernisation des équipements sportifs de grande ampleur, qui a fait apparaître les difficultés que l'on rencontre, tant dans les montages que dans le fonctionnement quotidien de ces structures et des sociétés sportives qui les occupent.
Un autre élément d'actualité, très prégnant pour la DGCL, réside dans la question des normes, sujet récurrent mais qui, dans l'univers sportif, a pris une forte ampleur ces dernières années. Cette question concerne l'ensemble du champ, à travers des règlements fédéraux et internationaux - qualité, types d'équipements, conditions dans lesquelles ceux-ci ont été construits ou aménagés. Ces sujets retombent sur les collectivités, qui restent pour l'essentiel propriétaires des équipements publics dans lesquels évoluent les différentes équipes sportives. Ces décisions, prises en dehors des collectivités, vont de fait s'imposer à elles. Si elles ne les appliquent pas, ces dernières peuvent perdre la possibilité de voir leur équipe accéder à un certain nombre de niveaux sportifs, ou limiter leur évolution.
Ceci a fait l'objet d'un travail avec le ministère des sports. Le Conseil national des sports, où siège la DGCL, a souhaité inscrire cette question à son ordre du jour, afin d'avoir une approche plus rigoureuse des règlements fédéraux.
D'autre part, la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) demeure attentive à ces problématiques, qui représentent des montants d'investissements importants pour les collectivités.
La DGCL et les deux ministères dont elle dépend suivent ces questions avec attention. Il n'en reste pas moins que nous ne sommes pas dans une politique dédiée, le ministère des sports devant jouer tout son rôle dans l'animation et la vie du mouvement sportif national.
Nous veillons à préserver les marges de manoeuvre et les garanties nécessaires pour que les collectivités ne soient pas placées dans une situation d'asymétrie avec le monde sportif, ce qui serait malvenu.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Pouvez-vous nous éclairer sur le montant des sommes allouées par les collectivités au sport professionnel, qu'il s'agisse des subventions d'équipements ou des subventions versées au titre des contrats de partenariat entre les collectivités et les clubs ?
M. Stanislas Bourron . - Je ne connais pas la réponse. Nous ne disposons pas de chiffrage des subventions de fonctionnement. Nous avons bien évidemment connaissance, concernant les dossiers complexes et lourds qui remontent jusqu'à Paris, des subventions d'investissement qui peuvent être versées, mais nous n'assurons pas le suivi statistique de l'ensemble des subventions versées par les communes ou les intercommunalités en matière d'équipements sportifs ou de subventions de fonctionnement. C'est un travail qui est techniquement possible, mais qui exigerait la remontée automatique des informations de l'ensemble des budgets des collectivités, dont nous ne disposons pas aujourd'hui.
Néanmoins, d'après les différents travaux qui ont pu être menés, les taux de subvention d'un certain nombre d'équipes va de 60 à 100 % de la masse salariale. Ces taux, qui ont été indiqués dans le rapport de la Cour des comptes de 2009, font apparaître que le montant d'interventions publiques peut être très important, selon les types d'activité, mais aussi selon la taille et le type d'équipes dont on parle - sociétés sportives importantes ou associations d'ampleur plus limitée...
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Aujourd'hui, les aides versées par les collectivités sont plafonnées, que ce soit au titre de l'achat des prestations ou au titre des missions d'intérêt général qui peuvent être rendues par les clubs sportifs. Ces plafonds vous paraissent ils pertinents ? Doivent-ils, selon vous, être les même dans toutes les disciplines ?
M. Stanislas Bourron . - Le plafond de 2,3 millions d'euros, pour les missions d'intérêt général, est très encadré. Le fait qu'un secteur d'activité ait déterminé un plafond maximum d'intervention est assez original. Cela me semble assez inédit. Cela signifie que le législateur a souhaité demeurer attentif. Ces sommes, selon le code du sport, ne concernent que des missions d'intérêt général, elles-mêmes listées.
Le droit, à mon sens est assez satisfaisant. Nous n'avons pas de remontées spécifiques demandant une évolution, à la hausse ou à la baisse. Nous avons cependant parfois quelques interrogations sur les conditions concrètes d'application de ce droit.
Le plafond peut toutefois être ponctuellement dépassé, du fait des subventions croisées, ce qui n'est pas normal. Ceci peut toutefois se régler grâce à quelques améliorations organisationnelles, notamment en obligeant les sociétés sportives à présenter l'état réel des dossiers déposés et des subventions obtenues, afin que chaque collectivité puisse se prononcer en toute connaissance de cause, sur la base d'éléments précis.
On sait aussi que toutes ces subventions n'ont pas pour destination finale les missions d'intérêt général prévues par les textes. Il s'agit parfois de subventions de fonctionnement plus globales, qui ne sont pas toujours dédiées à une opération spécifique.
Il n'est par ailleurs pas simple d'effectuer un contrôle sur la subvention en tant que telle. Je pense en particulier au contrôle de légalité, qui exigerait de vérifier, pour chaque subvention, le dossier de demande, afin de s'assurer qu'il répond bien aux critères du règlement. L'exercice est complexe. La question porte plus, à notre sens, sur les conditions dans lesquelles on peut arriver à faire respecter ces dispositions que sur une évolution à propos de laquelle nous n'avons, à ce jour, pas eu de demandes majeure.
On peut, il est vrai, envisager de faire varier ces montants selon les types de sport. On peut aussi prendre en compte l'importance de la commune ou de l'équipe au niveau national, les capacités d'animation d'une grande équipe de football n'étant pas de même nature que celle d'une équipe professionnelle de plus petite ampleur, et pouvant amener des soutiens plus importants.
Le risque, en faisant sauter le plafond, est que les subventions ne soient plus utilisées aux fins prévues par les textes.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - On sait que la mise à disposition d'infrastructures sportives à des clubs résidents doit se faire moyennant redevances. Celles-ci, souvent minorées, ont bien des fois données lieu à litige. Est-il opportun de définir des critères pour fixer ces redevances ? Si oui, lesquels ?
M. Stanislas Bourron . - Il me semble qu'il s'agit d'un problème qui ne concerne pas que le monde sportif. Cette question se rencontre dans la plupart des sujets liés à l'occupation du domaine public, voire à propos des délégations de services publics (DSP).
On sait qu'il existe un enjeu de valorisation du domaine public pour les collectivités, pour qui il s'agit de ne pas « plomber » une activité économique par une redevance insupportable. Ceci peut donc expliquer les raisons pour lesquelles le contrôle des redevances est généralement assez faible.
S'agissant de l'univers sportif, je n'ai pas évoqué la circulaire de 2002, rédigée en collaboration avec le ministère des sports, concernant les concours financiers des collectivités locales au monde sportif, qui était peut-être insuffisante sur ce point. Depuis lors, le code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) est venu rappeler les conditions dans lesquelles les redevances pour occupation du domaine public doivent être établies.
La difficulté réside dans les conditions dans lesquelles ces dispositions sont mises en oeuvre. Le CGPPP n'est pas très ancien ; néanmoins, il a déjà pris en compte ce que les jurisprudences ont pu dire sur la question des redevances. On n'assiste donc pas à une défaillance des bases juridiques : on se trouve face à un équilibre économique précaire, la redevance entrant dans des échanges plus larges, destinés à la déterminer. Je ne prétends pas que ce soit satisfaisant, je constate ce qui se passe.
Il conviendrait que les dispositions liées à la redevance soient appliquées de façon plus stricte. On sait que l'équilibre entre sociétés sportives et collectivités est souvent complexe. Il n'est pas toujours simple d'arriver à identifier précisément quels avantages retirés par la société sportive permettraient de faire varier la redevance.
On constate aussi que le contrôle du juge est assez faible. Il existe une grande marge de manoeuvres, sauf à constater une redevance quasi nulle pour un équipement très important ou surdimensionné. C'est plus rare en ce sens, il est vrai.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Beaucoup de collectivités locales ou de clubs veulent s'équiper de grandes salles destinées à la pratique du sport, dans la perspective de l'Euro 2016. Quel regard portez-vous sur ces infrastructures sportives - Plan Grand Stade, Aréna - et sur les différents montages juridiques et financiers opérés aujourd'hui ? Quelle est votre vision de la situation à travers l'expérience du Mans ou de Grenoble ?
M. Stanislas Bourron . - Nous sommes très attentifs à tous ces dossiers, la loi de 2011 ayant ouvert un certain nombre de possibilités pour les stades dédiés à l'Euro 2016. C'est ce type d'équipement extrêmement coûteux qui a déclenché le plus d'innovations juridiques de la part des collectivités.
Notre souci est de veiller attentivement au respect des règles de commande publique. L'exercice ne se passe pas si mal, mais les contraintes qui pèsent sur les finances publiques des collectivités ont pu amener à rechercher des contrats de partenariat ou des délégations de service public (DSP) externalisant une partie du coût. Ces montages ont été créés à cette fin, et sont tout à fait légitimes.
La maîtrise d'ouvrage publique de ces gros équipements prenant en charge la totalité de l'investissement est beaucoup plus rare et a tendance à se raréfier. Les montages privé-public sont nécessairement plus complexes et peuvent se révéler plus coûteux s'ils ont été mal préparés. Notre souci est donc de rappeler les règles et les grands principes liés à ce type de contrats. Les DSP doivent ainsi comporter un risque d'exploitation, sous peine d'être considérées comme des marchés. On ne peut donc avoir une DSP dans laquelle l'opérateur ne craint rien quoi qu'il arrive, où la collective locale prend tout en charge. Ceci ne peut fonctionner.
Certains contrats de partenariat peuvent également avoir des coûts qui s'accroissent et qui sont, en volumétrie globale, très importants pour la collectivité. Notre souci est donc de réaliser un travail d'analyse préalable, avec les collectivités qui le sollicitent, concernant les conditions du montage, puis, au moment du contrôle de légalité, si besoin est, de faire valoir les règles applicables, en traiter au mieux les opérations de mise en oeuvre. Beaucoup de contentieux ont été déclenchés localement à propos du stade de Lyon, après l'intervention de la puissance publique. Le soutien de l'État et des collectivités est donc indispensable à la bonne mise en oeuvre des opérations.
Ces outils sont aujourd'hui indispensables, étant donné les volumes financiers à mobiliser sur des opérations de cette nature. On imagine mal qu'une opération puisse se faire en maîtrise d'ouvrage directe, simplement financées par un tour de table de collectivités publiques. La difficulté est d'éviter de tomber dans des montages qui mettent la collectivité locale en situation de difficulté, voire de fragilité juridique, en exposant potentiellement les élus à un risque pénal, si le montage juridique n'est pas conforme.
La pression des grands opérateurs sportifs qui veulent bénéficier de ces équipements est importante. Il faut donc parvenir à trouver le juste équilibre entre le besoin de faire évoluer ces équipements et le respect des règles aujourd'hui applicables.
Les difficultés qu'on a pu rencontrer sont sans doute le fruit d'un déséquilibre dans le choix qui a été fait, ou d'une mauvaise appréciation de la situation. Ces contrats comportent un engagement dans le temps et des clauses de résiliation extrêmement chères. Dès qu'on entre dans un partenariat public-privé (PPP), la collectivité prend donc un risque et doit vraiment réaliser un travail en amont pour éviter de s'engager à long terme dans des choix qui pourraient se retourner contre elle.
M. Michel Savin, président . - Existe-t-il d'autres systèmes que l'on pourrait préconiser aux collectivités ? Celles-ci prennent en effet parfois seules les risques, et se retrouvent confrontées à des aléas sportifs ou économiques, et doivent gérer un équipement sans club résident, ce qui coûte très cher.
M. Stanislas Bourron . - Nous n'avons franchement pas, aujourd'hui, de feuille de route précise à ce sujet. J'ai évoqué le fait qu'une mission a été lancée pour évaluer la politique sportive et l'intervention des collectivités publiques en la matière. Votre propre mission va contribuer à apporter des éléments à ce sujet, et l'on va sans doute s'acheminer vers des évolutions législatives ou réglementaires.
À ce stade, nous n'avons pas de mandat pour faire évoluer ce point. Mon sentiment est qu'il faut éviter de recourir - ce qui a pu être le cas dans un certain nombre de situations - à des outils juridiques afin de leur faire accomplir des choses pour lesquelles ils ne sont pas faits.
Quelle que soit la situation locale, si les choses ne se sont pas passées comme elles auraient dû, c'est qu'on a voulu aller plus loin avec un outil juridique qui n'était pas adapté. Cela se retourne généralement contre la collectivité, ce qui lui est préjudiciable.
Faut-il aller jusqu'à interdire certains types d'outils aux collectivités pour des opérations d'infrastructure sportive ? Je ne sais pas... Faut-il fixer une participation maximale de fonds publics ? Cela nous semble être une position assez dure, la puissance publique intervenant de façon importante sur ces équipements.
Ne doit-on pas aller, demain, vers un modèle bien plus privatisé, où les équipements publics d'ampleur nationale seront totalement financés par les clubs concernés ? Même si on arrivait à cette solution extrême, qui peut exister dans certains pays étrangers, les collectivités locales seraient nécessairement sollicitées. À Lyon, il a fallu intervenir du fait de l'existence d'un maillage global - aménagement urbain, transports, insertion économique, réflexion globale sur l'aménagement du territoire. Cela ne peut se faire de façon exogène vis-à-vis du fonctionnement des collectivités publiques. Un système totalement privatisé exigerait de toute façon un partenariat étroit entre l'opérateur privé et la collectivité publique, qui lui est nécessairement associée, du fait de ses compétences de base.
Par ailleurs, on voit aussi évoluer les modèles de ces infrastructures. Le temps du simple stade semble, pour l'univers sportif de haut niveau, de plus en plus éloigné. On voit arriver des modèles bien plus complexes, comme les arénas, très développées, à l'étranger. Le sport tient une certaine place dans cette logique, mais cela devient un équipement sportif, culturel, et économique très important. On profite en fait de l'attractivité du site pour installer autour un certain nombre de services annexes, voire des bureaux ou des logements, l'équipement sportif devenant un lieu de développement de la ville et d'aménagement urbain.
Il ne me semble pas envisageable que les collectivités locales, dont c'est une des missions premières, ne soient pas en première ligne dans la définition de tels projets et dans leur accompagnement. L'intervention publique garde là tout son sens, au-delà du problème du strict financement de l'équipement sportif et du montant sur lequel on intervient.
C'est peut-être cette complexité qui a amené à durcir les mécanismes juridiques. Aujourd'hui, les DSP et les contrats de partenariat sont des outils qui permettent, si l'on s'y tient, de répondre aux besoins. On doit éviter trop d'ingéniosité, comme on peut encore parfois en rencontrer.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Le ministère des sports prépare une loi pour le début 2014. La DGCL y est-elle associée ? Si c'est le cas, va-t-elle faire en sorte de permettre aux collectivités territoriales de participer au développement du sport professionnel, en protégeant mieux les partenaires ? On nous a parlé de rapports de force au détriment des collectivités.
M. Stanislas Bourron . - Oui, nous sommes associés à la loi que doit présenter le ministère des sports, qui nous a saisis d'orientations. Je ne sais si ce texte sera voté début 2014 ; à ce stade, on en est encore à des orientations sur lesquelles va devoir se développer un travail interministériel. Les réflexions du ministère répondent pour partie aux interrogations que vous pouvez avoir. J'ai relevé parmi elles quelques éléments.
Le premier rejoint la question des risques de concurrence d'équipements sportifs. Il s'agit là d'une logique de schémas. Nous sommes plus dubitatifs pour ce qui est des logiques « régionalisantes », consistant à préconiser l'endroit où tel ou tel équipement serait le mieux situé. Ceci poserait par ailleurs des problèmes constitutionnels de libre administration...
La planification de ces équipements doit se faire dans le cadre d'un échange entre les différents niveaux - sauf à changer complétement les règles du jeu. Dans la mesure où tout le monde est en mesure d'intervenir, ou de subventionner des équipements, il convient de participer et d'échanger. Certains schémas peuvent comporter des politiques de développement sportif, qui constituent des moyens de subventionnement différents.
On n'a guère avancé s'agissant du croisement des subventions, mais cela pose la question de savoir si l'on doit limiter la possibilité de financements croisés de ces projets en identifiant un partenaire privilégié. Pourquoi pas ? On peut envisager une logique de chef de file. Cela soulève également la question des compétences de chacun : tant qu'une collectivité est compétente, elle peut toujours intervenir financièrement. Enfin, on va aussi travailler sur les conditions d'agrément des installations sportives.
Un autre élément peut vous intéresser : il s'agit de la question des centres de ressources, d'expertise et de performances sportives (CREPS). Le ministère des sports souhaiterait voir évoluer ce modèle, avec une forme de décentralisation des équipements et des agents, dans une logique proche de celle des établissements publics locaux d'enseignement (ÉPLE), décentralisant aux régions les 16 CREPS qui subsistent aujourd'hui. Cette réflexion avance. Je ne sais quel sera le support, si support il doit y avoir.
Quant à l'adhésion des collectivités territoriales aux fédérations sportives, cette possibilité, qui a peut-être déjà été écartée, me laisse dubitatif à titre personnel. Comment une collectivité locale, personne morale, pourrait-elle être présente dans une fédération sportive ?
Cela répond à l'idée de mieux faire valoir le point de vue des collectivités locales en amont, dès la fédération, ce qui est intéressant vis-à-vis de la problématique des normes, dont on voit bien qu'elles pèsent beaucoup sur les collectivités.
Ceci ne réglera pas pour autant le problème, car c'est au niveau international que se décide une partie de ces normes, les fédérations françaises n'ayant qu'un rôle de déclinaison. Je ne crois pas que le projet de loi puisse prévoir que les collectivités publiques françaises siègent dans ces fédérations. C'est là une limite.
Il y a parfois aussi un certain mélange des genres. Vous évoquiez la difficulté à se faire entendre de certaines sociétés sportives. Il n'est guère aisé, lorsqu'on est trop impliqué, de se comporter en partenaire à part égale.
Mme Françoise Cartron . - Certaines fédérations imposent aux petites communes des normes ahurissantes et déconnectées des réalités, qu'il faut mettre en oeuvre en trois mois, comme un passage souterrain pour accéder au terrain de jeu, par exemple ! C'est ce qui explique le souhait des élus locaux de faire entendre leur voix.
M. Stanislas Bourron . - C'est pour nous une préoccupation quotidienne, qu'il n'est pas toujours simple de faire entendre - mais j'ai bon espoir. Le ministère des sports réorganise ses mécanismes depuis quelques mois, en laissant aux élus une place plus importante dans le cadre du Conseil national des sports et de la Commission d'examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs (Cerfres). Cette dernière voit passer tous les règlements sportifs fédéraux. Elle est maintenant présidée par un élu et doit, à notre sens, permettre de stopper les évolutions les plus problématiques.
On dispose depuis quelque temps d'un mécano permettant d'intervenir en amont, ainsi que vous le souhaitiez, sans entrer dans la fédération. Il est en effet désormais possible de faire valoir l'impossibilité de réaliser certains travaux, soit au regard de leur volume, soit au regard des délais demandés. Il faut que les élus désignés pour siéger dans ces instances soient les parfaits représentants des collectivités dont ils émanent, afin d'imposer leurs points de vue.
Il peut parfois exister des conflits entre certaines logiques d'amélioration des équipements sportifs ou des savoir-faire, et les contraintes matérielles qui nous rattrapent tous, particulièrement en ce moment.
Les collectivités locales appelées à siéger dans ces instances doivent être très attentives : elles pourront ainsi limiter - voire supprimer - les dérapages qu'on a pu identifier.
M. Michel Savin, président . - Quels points notre mission pourrait-elle mettre en avant ?
M. Stanislas Bourron . - Votre mission, dans son principe, et dans les thématiques que vous avez souhaité aborder, touche à des thèmes importants. Il serait intéressant qu'elle puisse, sans risque, ni contentieux, parvenir à fournir un cadrage aux collectivités et aux opérateurs sportifs, afin de faire évoluer les infrastructures. Peut-être faut-il aussi établir des recommandations prudentielles ?
La libre administration, constitutionnellement reconnue pour les collectivités, nous amène cependant à être réservés à propos de mesures trop contraignantes - interdiction de subventions, délimitations drastiques... Le droit ne l'interdit pas, mais il faudrait éviter de tomber dans des situations contestables. Les collectivités doivent, si elles sont compétentes, pouvoir intervenir avec une relative marge de manoeuvres, le législateur pouvant les contraindre, mais dans une mesure répondant à l'intérêt général.
Difficile, donc, d'échapper à toute intervention. Cela pourrait régler beaucoup de débats, mais semble compliqué - sauf à considérer que les collectivités n'ont plus à intervenir en matière sportive. Je pense que notre pays aurait quelque difficulté à survivre à une telle évolution.