M. Bruno Retailleau, sénateur et président du conseil général de la Vendée
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M. Michel Savin, président . - Nous recevons notre collègue M. Bruno Retailleau, en tant que président du conseil général de la Vendée. La Vendée est impliquée dans de grands événements sportifs : voile, vélo. Quelles politiques avez-vous mises en place en faveur du sport professionnel ?
M. Bruno Retailleau, sénateur, président du conseil général de la Vendée . - La Vendée est un département très sportif : un tiers des Vendéens sont licenciés. Notre département ne comprend pas de grandes villes, n'abrite pas de grandes équipes de football, mais il organise le Vendée Globe et reçoit le Tour de France environ tous les six ans.
Nous sommes, avec la Bretagne, la grande terre du vélo : 5 000 licenciés. Thomas Voeckler habite à Mouilleron-le-Captif, dans la commune de notre collègue Philippe Darniche. Il a débuté dans la section cycliste d'un lycée vendéen. Il a continué dans une équipe amateur, Vendée U. L'équipe professionnelle Europcar recrute 80 % de ses cyclistes dans cette équipe, qui transmet à ses membres les vraies valeurs de la discipline. Europcar n'ayant pas les moyens d'acheter des stars, il lui faut donc les fabriquer. Chaque année, la Vendée est le théâtre de 375 épreuves cyclistes, soit plus d'une par jour.
La Vendée est le département qui compte le plus grand nombre d'associations, notamment sportives, par rapport au nombre d'habitants. Si l'on superpose une carte de l'emploi et une carte des associations et du bénévolat, on remarque une coïncidence parfaite. Le département consacre 3 millions d'euros aux associations sportives, dont quarante-huit équipes qui jouent au niveau national, et il investit 2 millions d'euros dans les équipements sportifs ; grâce à quoi nous atteignons un taux d'équipement de soixante pour mille habitants. Nos efforts sont concentrés sur le sport amateur ; nous aidons les équipes, les comités départementaux et les communes qui construisent des équipements sportifs. Nous consacrons également 9 millions d'euros au soutien de l'équipe Europcar.
Tous les quatre ans, nous organisons le Vendée Globe. La Vendée est un grand pôle de nautisme. Bénéteau et Jeanneau sont vendéens. Nous venons également d'achever le Vendéspace , intégralement financé par le département : c'est une salle culturelle où l'on peut faire du sport. L'inverse du schéma courant des salles à vocation multiple, qui sont en fait des salles de sport où l'on organise des spectacles. La technologie constellation permet de maîtriser le temps de réverbération ; l'acoustique étant également prise en compte pour cette polyvalence. Sept comités y sont résidents. Nous accueillons aussi bien la Golden League , des rencontres de basketball féminin, Tony Parker et des joueurs de la NBA, que Roberto Alagna ou le groupe Texas. Le premier tour de la Coupe Davis, qui met aux prises l'Australie et la France, aura lieu chez nous. De nombreux bénévoles apportent un concours essentiel au fonctionnement de cette salle. Sans eux, les coûts de gestion seraient très élevés. Pour la première saison, 150 000 vendéens ont fréquenté cette salle.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Votre département intervient comme partenaire, avec Europcar, comme organisateur, avec le Vendée Globe, et comme co-animateur d'événements importants, avec le Vendéspace . Qu'en retire-t-il, en termes de communication et d'animation économique du territoire ?
M. Bruno Retailleau . - Certaines choses ont un prix, d'autres, comme les valeurs du sport sont inestimables. Celles-ci sont mises à l'honneur par les nombreuses associations sportives que compte la Vendée, ce qui est hautement bénéfique dans notre société de plus en plus fragmentée et individualiste. En tant que président du département, il est de mon devoir de faire vivre ces valeurs collectives et de rassembler ces énergies. La démocratie est née en Grèce, où Athéna incarnait à la fois le civisme et les valeurs de l'exercice physique !
Les entreprises qui sponsorisent des équipes ou des événements font leurs calculs. Le Vendée Globe coûte 4 millions d'euros par édition au conseil général et en rapporte directement une quarantaine au département. À ceci s'ajoutent plus de 190 millions d'euros de retombées médiatiques : 738 heures de diffusion télévisuelle, dont 442 à l'étranger, ce qui est considérable. L'investissement est très rentable et la fierté ressentie dans le département n'est, elle, pas mesurable.
M. Alain Néri . - Il n'y a peut-être pas chez vous d'équipe de haut niveau, sauf en basketball, où une de vos équipes a joué au plus haut niveau. Vous aidez les clubs amateurs qui jouent dans les compétitions nationales. Dans plusieurs régions, le développement du sport de haut niveau se heurte à de gros problèmes. Il s'agit pourtant d'un tremplin essentiel pour de nombreux jeunes. D'importantes subventions sont octroyées, souvent sur le budget de la communication, aux clubs les plus importants. Mais pour un club de football de première division, un million d'euros, ce n'est pas grand-chose, alors que pour des clubs plus petits, c'est considérable. Les frais de déplacement et d'hébergement peuvent rapidement dépasser leurs capacités. Or, pour une entreprise, il est souvent plus intéressant de disposer d'une loge pour voir jouer un club de première division que d'aider des clubs CFA. Et les aides publiques sont ponctionnées par le sport professionnel de haut niveau. Que reste-t-il alors ? De surcroît, les spectateurs qui assistent le vendredi ou le samedi aux rencontres professionnelles ne se déplacent pas une nouvelle fois le dimanche pour les matchs amateurs. La formule que vous avez retenue devrait donc être généralisée, à mon avis.
M. Michel Savin, président . - Je rappelle que notre mission a pour objet le sport professionnel.
M. Jean-Jacques Lozach . - À entendre votre discours passionné, il serait dommage de priver les départements de la clause de compétence générale, donc de possibilités d'action dans le tourisme et le sport !
M. Bruno Retailleau . - Je me suis parfois désolidarisé de ma famille politique et j'ai voté contre plusieurs textes, y compris sous l'ancien gouvernement, pour cette raison !
M. Jean-Jacques Lozach . - Le Vendée Globe est une illustration de l'implication des collectivités territoriales dans le sport professionnel. Pouvez-vous nous rappeler son histoire ? Que s'est-il passé lors de la liquidation de la société de Philippe Jeantot ? Votre financement s'élève-t-il à 4 millions par an ou tous les quatre ans ?
M. Bruno Retailleau . - Tous les quatre ans.
M. Philippe Darniche . - J'ai proposé que nous étudiions le cas de la Vendée car il illustre la situation de nombreux départements qui n'ont pas d'équipes de premier plan. La modularité du Vendéspace est exemplaire : il peut accueillir des événements de 25 sports différents. Les retombées au plan local sont immédiates. Un hôtel a été construit à proximité ; d'autres initiatives fleurissent.
M. Bruno Retailleau . - Nous n'avons pas d'équipes en Ligue 1 de football mais nous avons tout de même deux sociétés anonymes à objet sportif : Europcar et une équipe de football en CFA 2 au Poiré-sur-Vie, que nous aidons, respectivement, à hauteur de 900 000 et 250 000 euros. Nous sommes loin des plafonnements. Nous soutenons tous les clubs selon un barème élaboré avec le Comité départemental olympique et sportif (CDOS), qui module la subvention en fonction de l'effort de formation.
Au conseil général, le directeur des sports est aussi celui de la communication et les budgets ne sont pas différenciés, à mon grand regret, car nous sommes montrés du doigt pour nos dépenses de communication, alors qu'il s'agit surtout de soutien au sport.
Quand Philippe Jeantot a lancé le Vendée Globe en 1988, personne n'y croyait. Il a couru la première édition sur le bateau Crédit Agricole . Mais les grands sportifs ne sont pas toujours des gestionnaires aguerris et sa société a déposé le bilan en 2003. Le département a racheté la marque. Nous avons créé une société d'économie mixte (SEM) : le département en possède 54 %, la ville des Sables d'Olonne 20 %, la région 8 % et une trentaine de sociétés vendéennes, parfois des petites et moyennes entreprises (PME), en détiennent ensemble 20 %. Nous sommes devenus organisateurs. Nous aidons souvent les skippers à trouver des sponsors car ils n'ont pas d'agents et ne sont pas experts en marketing. Le profil du loup de mer évolue toutefois : les navigateurs qui se lancent dans la course sont à la fois des athlètes de haut niveau, capables d'endurer le froid des cinquantièmes rugissants, et des ingénieurs, météorologues, techniciens. Le métier évolue, nous nous adaptons à ce nouvel éco-système. Le tour du monde de Bertrand de Broc a été possible grâce au fund-raising. Nous associons les écoles de voile : les skippers sont sur leur bateau pendant les trois mois qui précèdent le départ et le public vient les rencontrer. Il est souvent silencieux, recueilli devant ces héros.
M. Michel Savin, président . - Le Vendéspace pourrait-il recevoir un club résident ? Certaines équipes, en ascension, comme celle de Nanterre, champion de France de basketball, n'ont pas de lieu à elles. Où jouera Challans si le club monte au plus haut niveau ? Quel sera le rôle du département ?
M. Bruno Retailleau . - Nous avons hésité à recourir à une délégation de service public pour gérer le Vendéspace ; finalement nous avons choisi la régie directe, sensiblement plus coûteuse, 700 000 euros de plus. C'est un choix politique, je l'assume, il nous prémunit contre toute dérive commerciale et garantit la prééminence du mouvement sportif. Le cabinet extérieur, qui a réalisé pour nous une étude comparative, a confirmé la pertinence de cette solution.
Le lieu n'a pas vocation à accueillir un club résident. Challans a été relégué. Il lui arrive de jouer des matchs importants au Vendéspace . Le danger avec l'installation d'un club résident est de supprimer la polyvalence du complexe. Cet équipement départemental a vocation à accueillir des événements professionnels, certes, mais ils servent de catalyseurs au sport amateur dans la région.
M. Michel Savin, président . - Que se passera-t-il si Challans remonte en Pro A ?
M. Bruno Retailleau . - Nous accompagnerons le club. Voyez le club de Poiré-sur-Vie qui a failli remonter en Ligue 2 de football. La fédération française de football avait des exigences : mais la loi pose des limites à nos aides. Il était certes possible de conclure un bail emphytéotique. Quoi qu'il en soit, si Challans a besoin de nous, nous serons au rendez-vous, sans doute ne sera-t-il pas club résident du Vendéspace , mais la discussion reste ouverte, nous en parlerons le moment venu.
M. Michel Savin, président . - Europcar a-t-il émis des demandes d'équipement spécifiques ?
M. Bruno Retailleau . - Le Vendéspace est né d'un projet de vélodrome indoor , autour de Félicia Ballanger, championne de vélo sur piste.
Europcar n'a pas de demandes d'équipement de route. Malgré les bons résultats et l'engouement populaire que suscite l'équipe, la direction se bat en permanence. J'ai mis Jean-René Bernaudeau en contact avec des chefs d'entreprise.
M. Jean-Jacques Lozach . - Quel a été le coût du Vendéspace ?
M. Bruno Retailleau . - 50 millions d'euros.
M. Philippe Darniche . - L'indice de satisfaction du public est très élevé. Qu'il s'agisse de sport ou de spectacles culturels, l'enthousiasme est colossal.
M. Bruno Retailleau . - Le public vote avec ses pieds : 150 000 visiteurs en un an.
Mme Françoise Boog . - En tant qu'Alsacienne je suis, moi aussi, fière de Thomas Voeckler, un enfant du pays. Les retombées du rallye d'Alsace sont importantes, de l'ordre de 18 millions d'euros. Cet événement sportif n'est pas soutenu par les crédits de la direction des sports mais par ceux de l'action économique.
M. Bruno Retailleau . - Loin de moi l'idée d'accaparer Thomas Voeckler. Quant au Vendée Globe, il pourrait être soutenu, en effet, par des crédits destinés au tourisme.
M. Michel Savin, président . - Je vous remercie.