MM. Jean-Marc Todeschini et Dominique Bailly, auteurs d'un rapport d'information fait au nom de la commission des finances et de la commission de la culture sur le financement public des grandes infrastructures sportives
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M. Michel Savin, président . - Messieurs Jean-Marc Todeschini et Dominique Bailly vont à présent nous présenter le rapport d'information qu'ils ont rédigé au nom de la commission des finances et de la commission de la culture sur le financement public des grandes infrastructures sportives.
M. Jean-Marc Todeschini . - Le rapport que nous avons établi est issu des travaux de contrôle que j'ai pu mener, en tant que rapporteur spécial de la commission des finances, sur la question du financement public des grands équipements sportifs - notamment par le Centre national pour le développement du sport (CNDS) - et la construction et la rénovation des stades de l'Euro 2016 de football.
Dominique Bailly a, quant à lui, mis en place dans sa commune d'Orchies un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) pour la construction d'une salle de basketball. Il a donc une expertise certaine des écueils que peuvent rencontrer les collectivités territoriales en matière de financement.
J'approuve ce qu'a affirmé Claudy Lebreton lors de l'audition précédente : les collectivités territoriales subissent effectivement des pressions et c'est de ce fait que nous sommes partis pour élaborer notre rapport. Nous nous sommes également appuyés sur divers travaux tels que les rapports de David Douillet et de Bernard Depierre, députés, et la vaste étude de la Cour des comptes sur les clubs sportifs professionnels et les collectivités territoriales.
Nous avons, avec Dominique Bailly, mené de nombreuses auditions et effectué plusieurs déplacements.
Le constat a été souvent dressé mais on ne peut que le répéter : les clubs d'élite des principaux sports pratiqués en France évoluent dans des stades et des salles de capacités relativement limitées. Ainsi pour le football, la capacité moyenne des stades de Ligue 1 s'établit à un peu plus de 29 000 places - contre, par exemple, plus de 38 000 en Premier League anglaise - et en Pro A de basketball, une salle moyenne accueille 4 500 spectateurs.
On peut également remarquer que le plus grand stade - le Stade de France - et la plus grande aréna - le Palais omnisport de Paris-Bercy (POPB) - construits en France n'ont pas de club résident. Valérie Fourneyron, ministre des sports, a engagé l'an passé un bras de fer avec le consortium de gestion du Stade de France, pour suspendre la compensation financière versée au titre d'absence de club résident. Quant au POPB, ses dirigeants considèrent une telle absence comme un atout, les 35 événements sportifs annuels étant envisagés comme des événements parmi d'autres.
Un rapide examen du statut des stades et des salles des clubs d'élite confirme la prédominance du modèle public en France : 19 des 20 stades de Ligue 1, 12 des 14 stades du Top 14 et la totalité des 18 salles utilisées en Pro A de basketball appartiennent à des collectivités. S'il existe une diversité un peu plus forte pour ce qui concerne les modes d'exploitation, le modèle dominant étant celui de l'exploitation par la collectivité elle-même, le club résident n'est, dans un tel schéma, qu'un simple locataire acquittant une redevance.
Il résulte de ce qui précède que les propriétaires d'enceintes sportives utilisées par des clubs professionnels - c'est-à-dire presque toujours des collectivités - se retrouvent à la croisée de pressions de diverses origines pour agrandir ou améliorer à leurs frais cet équipement.
Des pressions peuvent évidemment s'exercer à l'occasion de l'organisation en France de grandes compétitions internationales. Il faut souligner que les cahiers des charges des organisateurs de ces compétitions sont de plus en plus fournis. Le préfet Lambert, que nous avons entendu, a relevé que le cahier des charges de la Coupe du monde de 1998 comptait 15 pages, contre 500 pour celui de l'Euro 2016. Les exigences relatives aux stades d'accueil sont beaucoup plus fortes que par le passé. Il est vrai que les villes peuvent choisir de ne pas postuler.
On a atteint de tels niveaux que l'Union des associations européennes de football (UEFA) a décidé qu'après l'Euro 2016, l'Euro 2020 n'aurait pas lieu dans un seul pays, mais dans plusieurs villes européennes dotées d'infrastructures opérationnelles. Il sera en effet de plus en plus difficile de trouver un pays acceptant d'investir seul des montants nécessaires à une telle opération.
Hors des grands événements, les fédérations et les ligues, nationales ou européennes, ont également des exigences croissantes. Certes en France, les fédérations et les ligues ne peuvent imposer en matière d'équipements sportifs des règles dictées par des impératifs d'ordre commercial, mais on voit fleurir les licences club ou les labels stades fondés sur des critères commerciaux. À défaut de conditionner l'engagement des clubs en compétition, le respect de certaines de ces normes conditionne l'attribution d'une partie des droits TV, ce qui engendre une véritable pression.
En Europe, les organisateurs ont moins de scrupules et peuvent conditionner l'inscription de clubs au respect des normes commerciales ou télévisuelles dans l'enceinte d'accueil. Pour l'année sportive en cours, il est particulièrement significatif que les trois champions nationaux 2013 n'évoluent pas dans des lieux conformes au cahier des charges européen.
Ainsi en basketball, Nanterre devra quitter le palais des sports municipal pour se rendre à la Halle Carpentier, à Paris, afin de jouer l'Euroligue, cette salle ayant dû elle-même subir des réaménagements.
En handball, le PSG Hand évoluera également à la Halle Carpentier et non à Coubertin, sa salle habituelle pour disputer les autres compétitions.
En volleyball, la salle Robert-Grenon du Tours-Volley ne respecte pas davantage le cahier des charges de la Ligue des champions. Les tourangeaux bénéficieront néanmoins d'une dispense pour la saison en cours, mais ont été invités à trouver une autre solution dès l'année prochaine s'ils devaient de nouveau se qualifier.
Enfin, les pressions subies par les collectivités peuvent être simplement locales, le club étant en droit de faire valoir ses propres besoins de développement, avec un écho médiatique dans la presse régionale qui met la pression sur les élus et les collectivités territoriales.
M. Dominique Bailly . - Ces pressions s'illustrent parfaitement dans le cas du stade de football de Montpellier, celui-ci ayant vécu des évolutions importantes, qui ont amené à engager des dépenses en vue de l'améliorer.
En effet, au cours des deux dernières décennies, une modification des plans du stade a été réalisée à l'occasion de la Coupe du monde de football de 1998. La capacité du stade a été portée de 23 500 places - dont 7 500 debout - à 35 500 places, toutes assises. De plus, un centre de presse et un salon officiel ont été créés. Le coût de ces travaux s'est élevé à environ 20 millions d'euros.
De nouveaux travaux plus modestes, d'un montant total de quatre millions d'euros destinés à accueillir la Coupe du monde de rugby de 2007, ont également été menés. Ces travaux ont inclus l'installation d'une nouvelle pelouse, la rénovation des vestiaires, de l'éclairage et de la sonorisation.
Des travaux de réfection ont à nouveau eu lieu pour plus de trois millions d'euros, incluant en particulier le changement de l'ensemble des sièges du stade dont les dossiers n'étaient pas aux normes de l'UEFA, à l'occasion de la qualification du club de football de Montpellier pour l'édition 2012-2013 de la Ligue des champions.
Enfin, bien que la ville ne doive pas accueillir de matchs de l'Euro 2016 de football, l'agglomération a annoncé d'importants travaux, d'un montant de l'ordre de 50 millions d'euros, afin de faire de la Mosson un équipement haut de gamme doté de nouvelles places de stationnement et d'une meilleure accessibilité pour les personnes handicapées.
Comme nous allons le voir, certaines initiatives ont été prises, afin de répondre au décalage entre l'état des infrastructures françaises destinées à accueillir le sport d'élite et les meilleurs standards européens en la matière.
L'État n'est pas complétement absent, mais ce n'est pas à son niveau qu'a lieu l'impulsion. Ainsi, le plan football lancé en vue de l'Euro 2016 ne consiste pas en une véritable planification de l'État, mais plutôt en un engagement de soutien juridique et financier aux initiatives locales.
Concrètement, ce plan s'est traduit par un engagement d'appui financier à hauteur de 160 millions d'euros, portés par le CNDS. Il a d'ailleurs été nécessaire de prendre des dispositions législatives et réglementaires spécifiques, afin que les stades exploités sous le régime du bail emphytéotique administratif (BEA) ou portés par un acteur privé soient éligibles à ce soutien.
Un plan similaire devait concerner le handball dans la perspective de l'organisation du championnat du monde de 2017, mais le financement adéquat n'ayant pas pu être trouvé, il a été suspendu.
Il faut souligner que l'octroi de ces aides est conditionné à la décision de la Commission européenne, à laquelle a été notifié le régime d'aide du plan football au titre des aides d'État. Malgré des échanges fournis entre le Gouvernement et la Commission, cette dernière n'a toujours pas rendu sa décision quant à la compatibilité de ces aides avec le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
Le cas des stades de l'Euro 2016 pourrait donc éclaircir le droit communautaire en la matière, avec cette difficulté que, bien qu'effectuées à l'occasion d'un événement international, les améliorations en partie financées par le CNDS profiteront ensuite à des clubs professionnels, c'est à dire à des sociétés commerciales.
Pour en venir aux initiatives les plus récentes, on constate que la règle de la propriété publique de l'équipement demeure, avec l'exception toutefois bien connue de l'Olympique Lyonnais (OL).
On remarque toutefois une plus grande diversité pour ce qui concerne les modèles d'exploitation : au Havre, un club occupant gère le nouveau stade par le truchement d'une filiale, et le nombre de partenariats public-privé tend à s'étendre, comme au Mans, à Lille, à Marseille, à Dunkerque, Bordeaux ou Nice...
Néanmoins, dans tous les cas, et même dans les schémas les plus privés, un fort soutien public apparaît indispensable pour mener les projets à bien.
À Lyon, où nous nous sommes rendus, le maître d'ouvrage du projet est l'OL, qui compte exploiter l'infrastructure pour son propre compte. Sans soutien public, le projet n'aurait toutefois sans doute jamais vu le jour. Ce soutien, qui s'est révélé indispensable pour mettre définitivement le futur stade sur les rails, s'est manifesté :
- sur le plan juridique, par l'insertion d'un article au sein de la loi du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques déclarant d'intérêt général les enceintes sportives ;
- sur un plan juridique et financier, par l'octroi d'une subvention du CNDS de 20 millions d'euros pour un projet privé ;
- enfin, sur un plan strictement financier, par l'octroi d'une garantie de 40 millions d'euros du conseil général du Rhône, ainsi que d'un prêt obligataire de 20 millions d'euros de la Caisse des dépôts et consignations.
Enfin, la fédération française de rugby (FFR) ambitionne de se doter d'un stade de 82 000 places, comportant un toit rétractable et une pelouse amovible. Ce stade serait situé à Ris-Orangis, dans le département de l'Essonne, et son coût serait d'environ 600 millions d'euros. Le plan de financement reste à définir, mais la fédération souhaiterait des apports uniquement privés. Par rapport aux projets de clubs, la FFR ne subit pas l'aléa sportif. Néanmoins, le nombre d'événements qu'elle pourra assurer elle-même est moins important que celui de clubs engagés dans des championnats réguliers.
La FFR indique ainsi faire reposer l'équilibre financier de son ouvrage sur une hypothèse de 17 à 20 événements par an, dont cinq à six rencontres du XV de France. Ce stade ne serait pas uniquement réservé au rugby, la fédération souhaitant au contraire un équipement multimodal, capable d'accueillir d'autres sports, ainsi que des concerts.
M. Jean-Marc Todeschini . - Je suis convaincu que ce dernier projet ne verra pas le jour avant longtemps. Il n'est pas possible d'avoir aujourd'hui deux grands stades à Paris. Certes, ses promoteurs insistent sur le fait qu'il se fera sans argent public, mais les investissements publics vont exploser si l'on veut y amener les infrastructures.
M. Lebreton a affirmé être d'accord pour que les clubs soient propriétaires de leurs infrastructures : certaines collectivités, pour des raisons historiques, estiment qu'il est hors de question de se séparer de leurs installations, comme Saint-Etienne, par exemple.
Nous avons essayé de proposer des pistes de financement, comme en Allemagne et en Angleterre, où les clubs sont propriétaires de leur outil de travail et de leurs investissements. Dans l'hexagone, les clubs n'investissent que dans les salaires et pratiquement pas dans l'outil de travail.
Malgré quelques propositions d'ordre législatif ou réglementaire, il s'agit donc plutôt de publier un recueil de bonnes pratiques et de souligner les pièges à éviter.
L'idée-force des propositions est bien que chacun des acteurs impliqués sur ces dossiers soit à sa place, et assume pleinement ses responsabilités sans se défausser sur les autres, qu'il s'agisse des collectivités, des clubs professionnels, de l'État, ou des organisateurs de compétitions sportives.
Le plus important nous a paru que les collectivités territoriales calibrent leur projet. Il est absolument crucial de ne pas se laisser saisir par la folie des grandeurs, en se lançant dans une opération de construction ou de forte rénovation d'un grand équipement sportif. Ce qui, formulé ainsi, semble aller de soi, est en fait beaucoup plus difficile à tenir, sous l'effet des multiples pressions subies par les élus locaux, que j'ai déjà énumérées. Une ou deux années de résultats exceptionnels du club résident peuvent également forcer une décision précipitée et aboutir à la réalisation d'une enceinte surdimensionnée par rapport aux besoins réels à moyen et à long termes.
Les stades de football d'Istres, aujourd'hui en Ligue 2, de Grenoble et du Mans, ces deux derniers étant engagés en championnat de France amateurs, constituent des exemples d'infrastructures formatées pour la Ligue 1, voire pour l'Europe, dont les collectivités propriétaires doivent assumer la charge, alors même que les clubs résidents ne peuvent plus attirer le public.
Les collectivités décisionnaires doivent donc prendre une décision froide, dégagée des événements et des succès immédiats, fondée sur de réels besoins de long terme.
À cet égard nous avons relevé avec intérêt que, dans le cadre de leurs projets privés, les établissements financiers avec qui l'OL a contracté des emprunts ont demandé à son président, Jean-Michel Aulas, de lui fournir un plan de financement fondé sur un scénario de présence de l'OL en Ligue 2 pendant trois ans.
Il s'agit d'une démarche intéressante qui devrait guider tout projet, public ou privé : la lourdeur de ces investissements de long terme et la « glorieuse incertitude du sport » devraient conduire les futurs propriétaires à évaluer sérieusement la rentabilité de la nouvelle enceinte dans un scénario résolument pessimiste. Si, dans ce cas, la perte de la collectivité était trop élevée, il serait préférable de réduire la taille du projet. En tout état de cause, les conséquences financières d'un tel scénario devraient figurer clairement dans le débat public, préalablement à la décision finale.
Le stade du Havre est à l'équilibre en Ligue 2. S'il remonte en Ligue 1, il sera bénéficiaire.
L'idéal serait qu'un échelon territorial soit le modérateur : région ou communauté urbaine, en fonction des équipes réparties sur le territoire.
De plus, dans tous les cas, les collectivités gagnent à partager leurs expériences et les meilleures pratiques, plutôt qu'à prendre ce type de décisions lourdes de manière isolée. Une association comme l'Association nationale des élus en charge du sport (ANDES) peut fournir le cadre de ces échanges.
Dernier point sur ce sujet, à propos des partenariats public-privé (PPP). À l'issue de nos travaux, nous ne condamnons pas en bloc un modèle. Les PPP peuvent et doivent même, selon la loi, permettre la réalisation de projets dont la complexité dépasse la compétence de la maîtrise d'ouvrage publique. De plus, ils offrent des facilités de financement en étalant la charge financière de la collectivité dans le temps. Enfin, l'exploitant est un véritable professionnel, dont l'intérêt sera d'optimiser la gestion de l'équipement.
Nous tenons simplement à attirer l'attention de chacun sur ces limites, voire sur les dangers du modèle. En plaçant un intermédiaire entre la collectivité et le club, on peut rendre plus complexes les relations entre acteurs et empêcher le club de prendre lui-même en charge son destin au fil des ans mais, en étalant la charge dans le temps, le PPP peut inciter des collectivités à s'engager dans un projet trop grand, au risque de subir de graves déconvenues si le club résident périclite.
J'ajoute qu'on a tendance, dans ces cas-là, à présenter des scénarios idylliques aux collectivités territoriales. Or, on sait tous que trois grands stades du même secteur ne pourront jamais faire 36 concerts par an chacun. Nous avons donc trouvé les scénarios bien trop optimistes dans le cadre de ces PPP.
M. Dominique Bailly . - En parlant de la responsabilité de chacun, nous avions notamment à l'esprit l'évolution des rapports entre les clubs et les collectivités.
Certes, nous l'avons dit, il n'existe pas de modèle idéal. Par exemple, nos travaux nous ont menés à Saint-Etienne, où l'agglomération Saint-Etienne Métropole pilote la rénovation de Geoffroy-Guichard, stade dont nous comprenons qu'il fait partie intégrante du patrimoine public local. Dans un cas comme celui-ci, les pouvoirs publics assument la dépense devant les citoyens, charge à eux de maîtriser la taille et l'évolution du projet. En outre, le club n'a pas exprimé de souhait de modifier ses relations avec le propriétaire de son stade.
Toutefois, il nous semble que, dans de nombreux cas, l'implication des clubs dans l'exploitation voire dans la propriété de leur stade serait une façon utile de les responsabiliser, de sorte que chacun soit bien à sa place.
Nous avons parlé de Lyon, à la fois exemple et contre-exemple tant les difficultés de ce club, pourtant très structuré, risquent de ne pas inciter beaucoup d'autres à s'engager dans une maîtrise d'ouvrage privée. Il existe cependant d'autres solutions, comme le BEA ou des conventions d'occupation attribuant la gestion du stade ou de la salle au club résident.
Nous avons étudié un tel modèle de près au Havre. Le club a été associé dès l'origine au projet de nouveau stade, décidé et financé par l'agglomération havraise (CODAH). Le Havre athletic club (HAC) en assure l'exploitation au travers d'une filiale, et a même payé quelques améliorations, comme la cuisine centrale qu'il a souhaité disposer dans l'enceinte, qui livre plus de 2 000 repas par jours dans les restaurants scolaires et permet de dégager des ressources financières autres que la billetterie classique. La société de gestion règle donc les charges d'entretien du locataire et verse une redevance de l'ordre d'un million d'euros par an à l'agglomération, en essayant de dégager ce revenu sur les activités extra-sportives.
Dans une telle optique, il pourrait être souhaitable de faciliter des transferts de droits ou de propriété, en permettant aux collectivités territoriales de soutenir financièrement les clubs pour réaliser un projet privé, ou acquérir en tout ou partie un équipement public.
Dans tous les cas, le principe de responsabilité impose de faire payer le juste prix de la location au club résident. La chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d'Azur a récemment mis en lumière le cas de la ville de Marseille, à la fois pour le choix d'un PPP que la chambre n'a pas jugé optimal, et pour le très faible montant de la redevance réclamée à l'Olympique de Marseille (OM), soit 50 000 euros par an au lieu de 8 millions d'euros, selon la chambre. Il est clair que ce type de situation se rencontre dans d'autres lieux.
L'État doit, à notre sens, rester à sa place. Dans le cas ordinaire d'infrastructures au sein desquelles évoluent des clubs professionnels, il doit limiter son action au co-financement des seules enceintes destinées à l'accueil de grands événements internationaux organisés en France, dans l'attente de la levée définitive du risque communautaire.
En outre, il devrait assumer lui-même ses engagements financiers, et ne pas les faire porter par le CNDS. Pour l'Euro 2016, le coup est déjà parti et les réalités budgétaires sont bien connues.
Un mot enfin sur l'État propriétaire du Stade de France. Nous nous félicitons bien sûr de la conclusion du récent accord avec le Stade de France, qui met fin, pour au moins quatre ans, au système de pénalités pour absence de club résident, que le Sénat a critiqué à de nombreuses reprises par le passé.
Pour l'avenir, nous ne pouvons que constater que si l'Île-de-France comptait sur son sol deux stades de plus de 80 000 places sans club résident, le risque serait grand qu'ils ne se livrent une concurrence féroce en organisant les mêmes événements et, au bout du compte, que l'un des ouvrages périclite, ce qui coûterait très cher à la puissance publique.
La meilleure démarche nous semble donc l'encouragement par l'État d'un accord durable entre le Stade de France et la FFR, qui respecterait au mieux l'intérêt des parties.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Bien que vous ne prôniez pas un mode juridique plutôt qu'un autre pour construire une infrastructure sportive, vous semblez estimer que le PPP peut être dangereux. Pouvez-vous être plus explicite - car on sait que certains PPP, tels que celui de Lille, fonctionnent bien - et nous donner des précisons sur ce qui s'est passé au Mans ?
L'infrastructure sportive est aujourd'hui essentielle pour les clubs professionnels. C'est à travers elle que l'on pourra développer un modèle économique, tel que le modèle allemand, qu'on nous présente comme le plus vertueux au plan européen, voire mondial.
Avez-vous pu vous pencher sur les capacités respectives des différents dispositifs que vous nous avez présentés - PPP, maîtrise d'ouvrage directe, etc. - à générer du chiffre d'affaires ?
On peut penser de prime abord que le modèle lyonnais, s'il arrive à amortir l'équipement, pourra se démarquer des autres clubs, grâce à des rentrées financières assez conséquentes. C'est le pari d'Arsenal, en Angleterre, qui s'est privé durant quelques années de joueurs de renom, au grand dam des supporters, pour financer son infrastructure.
M. Alain Néri . - Comment évaluez-vous les risques liés à l'évolution des crédits du CNDS ? À une certaine époque, on avait envisagé une répartition entre part nationale et part régionale. Si l'on s'engage dans des dépenses somptuaires, je crains qu'il ne reste pas grand-chose pour la part régionale et les infrastructures des petits clubs.
Nous sommes tous attachés à l'éthique sportive, mais ne risque-t-on pas de voir les clubs essayer d'introduire les ligues fermées dans le sport professionnel pour éviter l'aléa sportif ?
M. Jean-Marc Todeschini . - Les PPP ne nous ont pas semblé sécurisants pour les collectivités territoriales. Ils peuvent être tentants, mais il faut avoir une taille suffisante et les villes moyennes n'ont pas les moyens de s'engager dans ce dispositif. Je ne sais pas si l'Olympique Lyonnais va dégager des bénéfices lui permettant d'investir dans le recrutement de joueurs. Le club va devoir rembourser ses emprunts quel que soit l'aléa sportif.
La ministre a obtenu la garantie que les dépenses du Centre national pour le développement du sport (CNDS) liées aux stades de l'Euro 2016 seraient compensées à l'euro près dans son budget. Nous proposerons un amendement visant à prolonger d'un an le prélèvement spécial sur la Française des jeux (FDJ).
La ministre a également mis fin à tous les autres financements, et en particulier au système des grandes salles, qui ne relèvent pas de la mission du CNDS. On repart sur des financements plus sains, et on conforte le CNDS dans sa mission de soutien au sport pour tous. Je pense que l'on est sur la bonne voie.
Comme le Stade de France, le grand stade projeté par la fédération française de rugby n'aura pas de club résident, mais il bénéficiera de l'activité de l'équipe de France et sera moins soumis à l'aléa sportif. Il sera même en mesure d'accueillir la finale de la coupe d'Europe de football. Il devrait y avoir une vraie concurrence entre les deux grands stades. Cela dit, le stade de la FFR n'en n'est encore qu'à l'état de projet.
Parmi les personnes que nous avons interrogées sur l'aléa sportif, certaines prônent des ligues semi fermées, qui garantirait à un club accédant à une division supérieure de ne pas redescendre avant trois années. Même si ce n'est pas la conception du sport que nous préférons, nous pensons qu'il faudrait peut-être réduire le nombre de descentes, afin de sécuriser davantage les clubs. Quoi qu'il en soit, je ne suis pas favorable à ce que l'on suive l'exemple de l'Allemagne, où les habitudes et les comportements ne sont pas les mêmes qu'en France.
M. Dominique Bailly . - Même si cela peut fonctionner dans certains cas, nous nous interrogeons sur le PPP, car un investissement public sur trente ans est considérable et doit être engagé par des entités importantes telles que la communauté urbaine de Lille. A contrario , le dispositif mis en place au Havre nous semble présenter un intérêt certain.
Nous ne sommes pas favorables aux ligues fermées qui suppriment l'aléa sportif. On peut cependant limiter le nombre de descentes annuelles.
S'agissant du CNDS, nous préconisons que l'État prenne ses responsabilités pour les dépenses liées à des manifestations internationales. La mission du CNDS est de se consacrer à l'activité sportive quotidienne dans les territoires.
M. Jean-Marc Todeschini . - Le Mans nous avait été présenté comme une solution idéale, l'aléa sportif n'étant pas pris en compte par la collectivité, mais par les investisseurs. Or, si le club dépose le bilan, ce sera bien la collectivité territoriale qui supportera la charge.
M. Ambroise Dupont . - Vous avez répondu en partie à mes questions à propos du choix que nous avons opéré il y a une douzaine d'années en autorisant les collectivités territoriales à financer le sport professionnel.
Mes réserves portaient à l'époque sur les évolutions du financement public. Or, aujourd'hui, le financement public dans le sport professionnel est de plus en plus important, ce qui soulève un certain nombre de questions.
Vous avez évoqué l'exemple du Havre, qui est certes intéressant, mais également la place de l'État dans le développement du sport professionnel. Je pense que l'État doit garder la main s'agissant des grands équipements, au moins en tant que chef de file.
Mme Michelle Demessine . - L'aléa n'est pas propre au sport ; l'activité touristique est elle aussi sujette à beaucoup d'aléas. Nous devons nous en accommoder et nous y adapter : une collectivité ne pourra exiger un même montant de loyer d'un club relégué dans une division inférieure.
La situation financière du CNDS n'est pas imputable au financement des stades de l'Euro 2016, prévu et compensé par une augmentation du pourcentage prélevé sur la FDJ, augmentation qu'il conviendrait peut être de prolonger. Il s'agissait d'une dotation supplémentaire, qui est aujourd'hui gelée et attend d'être dépensée.
Les PPP ne sont ni une panacée, ni un système à diaboliser. Certaines déplorent le fait que le PPP impose de régler des dividendes à la société, mais les stades ne vont pas produire beaucoup de dividendes, précisément à cause de l'aléa sportif. Pour qu'un PPP réussisse, il faut que la structure ait les moyens de le porter, car. Un PPP demande une ingénierie énorme et mobilise énormément de monde, côté collectivité et côté entreprise : à Lille, pendant cinq ans, 50 personnes de la communauté urbaine ont travaillé uniquement sur le stade et ceci dans tous les domaines. Le PPP est surtout valable pour les stades multifonctionnels et je vous présenterai les choses lors de notre déplacement à Lille.
M. Jean-Jacques Lozach . - Je partage les conclusions du rapport, qui sont un appel à la sagesse et à la raison dans une période financièrement délicate.
Le financement du sport professionnel par les collectivités est interdit en France depuis la loi Pasqua de 1995 et celles-ci interviennent par le biais des équipements, de la formation ou de la communication.
L'État n'étant pas en pointe sur le financement des équipements sportifs, si ce n'est par le truchement du CNDS, et les régions et départements étant dans la situation financière que l'on sait, les clubs professionnels risquent de ne trouver comme interlocuteurs que les communes et les agglomérations. Il va donc falloir changer la culture des clubs concernés et se rapprocher sans doute du modèle allemand dont on parle sans arrêt.
Fort heureusement, la question ne se pose pas pour tous les grands équipements sportifs : lorsque la fédération française de tennis a voulu rénover Roland-Garros, elle n'a pas demandé de financement public. De même, la France vient d'obtenir l'organisation de la Ryder Cup pour 2018 et je ne pense pas qu'un seul euro d'argent public soit investi dans la rénovation du golf de Saint-Quentin-en-Yvelines.
Mme Michelle Demessine . - La puissance publique est toujours sollicitée, par exemple pour financer l'accessibilité aux stades sans laquelle ils ne pourraient fonctionner. C'est le cas pour le stade qui doit voir le jour dans l'Essonne : l'investissement est certes entièrement privé, mais les collectivités devront prendre les travaux d'accessibilité à leur charge.
M. Michel Savin, président . - Lors de l'élaboration de votre rapport, avez-vous répertorié tous les projets de grande infrastructure ? Le niveau d'équipement des stades de plein air est-il satisfaisant ?
M. Jean-Marc Todeschini . - Il est difficile de répondre. Nancy s'est désisté et le maire de Metz, contre les pressions du club et de la presse et contre le président du conseil général prêt à apporter son financement, a décidé de ne pas donner suite. Il a fort bien fait, Metz étant redescendu en national. Cela dit, les stades existants devraient pouvoir suffire pour l'Euro 2016.
Le problème du financement public va venir de l'Europe. On peut craindre une distorsion de concurrence entre les clubs français, qui sont des sociétés privées : certains bénéficieront d'un stade rénové et les autres ne joueront plus dans la même cour.
Au plan européen, la ministre et son cabinet nous ont répété que rien n'est définitivement arbitré.
Mme Michelle Demessine . - Elle nous a dit qu'il ne manquait que le papier.
M. Jean-Marc Todeschini . - Nous l'avons auditionnée : pour le moment, il n'existe pas de garantie juridique.
Les collectivités doivent se saisir des questions d'accessibilité pour tous types d'entreprises s'installant sur leurs territoires. Si les élus de l'Essonne se battent pour le grand stade de rugby, c'est bien parce qu'ils espèrent un regain d'activité. Nous sommes tous pareils : nous souhaitons voir nos collectivités se développer.
Je ne crois pas que la construction des stades relève de la responsabilité de l'État. Aujourd'hui, les collectivités s'interrogent lorsqu'il s'agit de financer deux clubs, comme à Istres et Marseille, par exemple.
En tout état de cause, ce n'est pas à l'État de décider où doivent s'implanter les grands clubs, qui sont des entreprises privées.
Quant à l'aléa sportif, on le rencontre peut-être dans bien des domaines, mais certains clubs s'engageraient certainement plus volontiers s'il n'existait pas. Ils seraient très certainement désireux d'être propriétaires de leur outil de travail, qui deviendrait alors rentable.
Par ailleurs, le CNDS est certes en mauvais état, mais les choses pourraient se remettent en ordre. Sur les 160 millions d'euros engagés, seuls 120 millions d'euros sont provisionnés. La ministre garantit l'équilibre, mais 138 millions d'euros ont déjà été fléchés. Il faut donc à tout prix prolonger les prélèvements supplémentaires en faveur du CNDS.
M. Dominique Bailly . - Peut-être faut-il réfléchir aux capacités d'accueil. Certains dirigeants de club, ou certains élus, ont sûrement vu trop grand. L'aléa sportif ou l'engagement financier doivent donc être mieux évalués.
Investir aujourd'hui pour trente ans dans des salles de 15 000 places est-il raisonnable pour une collectivité ? Ces salles de 15 000 places, demandées par certains représentants de ligues ou de fédérations, sont-elles nécessaires en France ? Je n'en suis pas persuadé. Mieux vaudrait peut-être mailler le territoire avec des structures de 5 000 places. Si l'État décide un jour d'accompagner l'organisation d'un championnat d'Europe de sport en salle, d'autres moyens existent qui s'appuient sur des innovations techniques : les Anglais nous ont montré l'exemple en mettant en place des installations ponctuelles.
M. Michel Savin, président . - Je vous remercie.