II. LES TAXES COMPORTEMENTALES : QUELLE LÉGITIMITÉ ? QUELLE EFFICACITÉ ?
Composée de taxes visant à inciter les redevables à adopter des comportements conformes aux objectifs de santé publique poursuivis par les pouvoirs publics, la fiscalité comportementale fait l'objet d'interrogations récurrentes quant à sa légitimité et son efficacité.
Aux termes de ses travaux, la mission estime que les pouvoirs publics peuvent légitimement recourir à l'utilisation de l'outil fiscal à des fins sanitaires au regard des coûts humains et financiers associés au tabac, à l'alcool et à l'obésité.
Un tel recours doit cependant tenir compte des stratégies de contournement et de substitution qui limitent son efficacité et de son impact sur les ménages les plus modestes qui réduit son acceptabilité.
A. MOBILISER LA POLITIQUE FISCALE POUR AGIR SUR LES COMPORTEMENTS : QUELLE LÉGITIMITÉ ?
1. Les fondements théoriques de la fiscalité comportementale
Depuis les travaux d'Adam Smith 39 ( * ) , la fiscalité est considérée comme un instrument à la disposition des pouvoirs publics susceptible d'entraîner des distorsions dans les choix économiques. La mise en place d'une imposition est réputée avoir un coût pour la société qui dépasse la valeur monétaire du prélèvement en diminuant le surplus de l'acheteur et le chiffre d'affaires du vendeur.
Ces considérations, qui conduisent les économistes à privilégier la recherche d'une neutralité fiscale, se heurte toutefois aux imperfections caractérisant le fonctionnement des marchés. L'absence de rationalité ou la nécessaire internalisation des externalités justifient ainsi l'intervention des pouvoirs publics pour atteindre l'optimum économique.
a) Un moyen de pallier l'absence de rationalité du consommateur
La théorie économique justifie d'abord l'intervention publique par la voie fiscale pour pallier l'absence de rationalité du consommateur.
Il revient encore à Adam Smith d'avoir défini les grands traits de l'homme parfaitement rationnel, que ses disciples transformèrent plus tard en modèle universel de l'homme moderne façonné par et pour le capitalisme. Cet homo oeconomicus ou homme économique serait notamment capable d'analyser et d'anticiper avec célérité les événements du monde qui l'entoure afin de réaliser de manière systématique les choix optimaux lui permettant de maximiser sa satisfaction 40 ( * ) .
Les fondateurs de la théorie de « l'addiction rationnelle » 41 ( * ) ont développé cette idée en considérant que les individus étaient en mesure de prendre en compte les effets futurs de leur consommation présente. Ils seraient donc capables d'intégrer le coût prévisible des pathologies et celui de leur éventuel décès lors de leurs choix de consommation. Libre à eux, par conséquent, de préférer les plaisirs immédiats de la consommation d'alcool, de tabac ou de junk food aux déboires à venir liés à des problèmes de santé !
L'analyse économique contemporaine a mis en évidence les limites de tels modèles, légitimant une intervention des pouvoirs publics destinée à améliorer le bien-être d'un consommateur à la rationalité défaillante.
D'une part, l'absence de rationalité de consommateur a été confirmée par les travaux empiriques menés par de Peck, Chaloupka, Prabahat et Lightwood dans le cadre du programme de chiffrage du coût social du tabac réalisé par la Banque mondiale. Cette étude 42 ( * ) a montré que, dans les faits, les fumeurs sous-estimaient en moyenne de 23 % le risque de contracter une maladie liée à leur addiction au tabac.
D'autre part, Gruber et Koszegi 43 ( * ) ont mis en évidence le fait que les fumeurs faisaient preuve d'incohérence temporelle. Celle-ci se manifesterait par leur incapacité à réconcilier leurs objectifs de long terme (modérer ou interrompre leur consommation de tabac) et leur pulsion immédiate.
Lors de son audition devant la mission, Fabrice Etilé a également souligné l'incohérence et l'instabilité des préférences des consommateurs dans le temps. Dans un ouvrage consacré à l'obésité 44 ( * ) , il rappelle que contrairement à l' homo oeconomicus « l'homme du commun est balloté entre émotion et raison, prend des décisions à chaud et les regrette dans l'heure, ne respecte pas ses plans et ses projets. Il commence le dimanche soir un régime, et cède le lundi matin à l'odeur du croissant chaud, enfourne une tablette de chocolat sans y prêter attention, boit un peu trop lorsqu'il s'est promis de rester sobre. Lorsque l'individu agit contre ce qu'il avait jugé bon de faire pour le long terme, il y a des chances pour que son bien-être en pâtisse. »
Christine Boizot-Szentai 45 ( * ) précise par conséquent qu'en matière alimentaire « les taxes et subventions sont alors des mécanismes d'autocontrôle que les consommateurs, s'ils sont conscients de leur manque de rationalité, peuvent souhaiter voir externaliser dans les mains d'un tiers, en l'occurrence l'Etat. De surcroît, il est difficile d'accorder aux enfants un degré de rationalité similaire à celui que l'on prêterait aux adultes.
Que ce soit pour protéger les adultes ou les enfants, la taxe a ici un objectif clairement comportemental, justifié par un paternalisme bienveillant parfaitement compatible avec l'éthos spécifique au secteur de la santé publique ».
b) Un outil permettant d'internaliser les externalités
La théorie économique justifie en second lieu l'intervention publique par la nécessaire internalisation des externalités.
On doit à l'économie du bien-être la définition des conditions permettant d'atteindre un optimum économique au sens de Pareto, à savoir une situation dans laquelle « aucun agent économique ne peut améliorer son bien-être sans détériorer le bien-être d'un autre ».
La définition formelle de cet optimum s'appuie sur deux théorèmes formulés par Arrow et Debreu. Ces auteurs ont montré que « tout équilibre général en concurrence pure et parfaite est un optimum de Pareto ». Ce premier théorème laisse entendre qu'il suffit donc d'organiser une concurrence pure et parfaite pour obtenir un tel optimum.
Ils ont également mis en avant le résultat réciproque : « tout optimum de Pareto peut être obtenu après réallocation des dotations initiales ». Ce second théorème montre que si l'Etat se fixe un objectif particulier d'efficacité, celui-ci peut être atteint en ne modifiant que l'allocation initiale des richesses, puis en laissant les agents économiques agir sans interférer.
Selon Arthur Cecil Pigou, ce cadre formel se heurte cependant aux imperfections du marché qui éloignent l'économie de l'optimum parétien. Pigou propose ainsi la notion d'effets externes ou externalités pour définir les actions des agents qui modifient les conditions économiques des autres agents sans que le marché (le système de prix) en tienne compte.
Le coût privé d'une externalité - qu'elle soit positive ou négative - diffère ainsi de son coût pour la société. Il appartient par conséquent à l'Etat d'intervenir par le biais de la taxation afin d'aligner le coût social de la production ou du comportement incriminé sur son coût privé et de rétablir l'équilibre du marché.
Dans la mesure où la taxe est juridiquement imposée aux industriels aux origines de l'externalité, ce rétablissement de l'équilibre du marché intervient en deux étapes. Les industriels répercutent d'abord les coûts privés dans les prix, puis les consommateurs réagissent à la hausse des prix en réduisant les quantités demandées. Producteur et consommateur participent donc tous les deux au financement des coûts sociaux 46 ( * ) .
Dans les faits, la théorie des externalités peut justifier la mise en place d'une taxe visant à modifier prioritairement le comportement des producteurs. Le signal-prix entend inciter l'industriel à « contourner » la taxe en modifiant les conditions de production de son produit - comme la composition de ses recettes. Cette modification réduira de facto les conséquences néfastes du produit sur la santé des consommateurs. L'objectif initial de la création d'une taxe additionnelle sur les huiles de palme, de palmiste et de coprah était ainsi de renchérir l'utilisation de ces trois produits afin d'inciter l'industrie à leur substituer des huiles au taux d'acide palmitique moins élevé.
La théorie des externalités peut, de la même manière, justifier la mise en place d'une taxe visant à modifier prioritairement le comportement des consommateurs. A défaut de réaction du producteur, la hausse du prix du produit taxé entend faire baisser sa consommation et réduire ses conséquences sur la santé et les dépenses de santé.
c) L'existence d'un double dividende ?
Le débat sur le double dividende est né dans le cadre des débats théoriques concernant l'évaluation des coûts économiques de mise en oeuvre d'une politique de taxation des émissions polluantes destinée à internaliser des externalités provoquant des dommages environnementaux.
La littérature économique parle de double dividende 47 ( * ) dans le cas où l'instauration (ou l'augmentation) d'une taxe environnementale, à recettes budgétaires inchangées pour l'Etat, fait apparaître non seulement un bénéfice environnemental mais aussi un deuxième bénéfice, de nature économique.
Comme le note Ekins 48 ( * ) , un tel bénéfice peut prendre plusieurs formes correspondant aux différentes définitions utilisées :
- un dividende emploi lorsque le recyclage du rendement de la taxe permet la réduction du chômage ;
- un dividende d'efficacité lorsque la réforme fiscale accroît l'efficacité du système fiscal, en réduisant les distorsions ;
- un dividende redistributif (appelé parfois dividende social) lorsque le processus de redistribution choisi permet d'améliorer l'équité.
Les modalités d'obtention de ce double dividende apparaissaient différentes selon les pays, en fonction des systèmes fiscaux en vigueur : ainsi il pourrait être obtenu aux Etats-Unis grâce au recyclage du rendement d'une taxe incitative par une diminution des taxes sur le capital tandis qu'en Europe, et en particulier en France, il se produirait grâce à un recyclage par une réduction des charges sociales sur le travail 49 ( * ) . Il ne sera donc possible d'obtenir un double dividende que si l'économie se trouve initialement dans une situation non optimale (et non équitable), ce qui est le cas des économies occidentales.
Ce type de raisonnement peut sans doute être étendu à la fiscalité comportementale.
D'un côté, les taxes qui composent cette fiscalité permettent de limiter les comportements générateurs d'externalités négatives et leurs coûts pour les finances publiques (dont les régimes de protection sociale).
De l'autre, elles apportent des ressources aux administrations publiques (dont les administrations de sécurité sociale) qui dégagent des marges de manoeuvre pour alléger les prélèvements pesant sur le travail et le capital, et ainsi déterminer une structure fiscale plus favorable à la croissance et l'emploi.
2. Des conséquences sanitaires qui appellent une action résolue des pouvoirs publics
La question de la légitimité de la mise en place de prélèvements visant à modifier le comportement des agents dépasse toutefois le simple champ de la théorie économique pour s'ancrer profondément dans celui de la sphère politique.
L'identification parfois ancienne de consommations à risques - tabac, alcool, auxquelles il convient désormais d'ajouter le développement de pratiques alimentaires déséquilibrées - et l'établissement de leurs conséquences négatives sur la santé des populations ont en effet conduit les pouvoirs publics à s'interroger sur les moyens à leur disposition pour inciter les agents économiques à modifier leurs préférences.
a) 73 000 décès annuels attribuables au tabagisme
Paré de propriétés médicinales lors de son introduction en Europe à la fin du quinzième siècle, symbole d'un certain art de vivre jusqu'à la fin des années 1970, le tabac a depuis lors changé de statut et ses effets nocifs sur la santé ne sont plus véritablement contestés.
Pour mémoire, le lien entre la consommation de tabac et l'augmentation du risque de cancer broncho-pulmonaire a été mis en évidence dès 1950 50 ( * ) , avant d'être confirmé par les conclusions de l'étude prospective lancée par Richard Doll et Bradford Hill 51 ( * ) .
Pathogènes tant par elles-mêmes que par l'effet de leur combustion, les substances contenues dans le tabac peuvent par ailleurs favoriser :
- le développement de cancers ORL (bouche, pharynx et larynx), les cancers digestifs (oesophage, estomac, pancréas), les cancers de l'appareil urinaire (rein et vessie) ;
- les pathologies cardio-vasculaires (maladie coronarienne et pathologies vasculaires périphériques, hypertension artérielle, développement d'anévrismes de l'aorte) ;
- les pathologies de l'appareil respiratoire autres que cancéreuses bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), bronchite chronique, emphysème, syndromes asthmatiques de l'enfant et de l'adolescent.
Ces pathologies se doublent d'une dépendance à la nicotine. De nombreuses études réalisées au cours des dernières décennies mettent en évidence la force et la rapidité de ce phénomène ainsi qu'une certaine inégalité des prédispositions génétiques individuelles en ce domaine.
Les fabricants ont eux-mêmes adopté un discours responsable sur ces sujets lors de leur audition par la mission, insistant toutefois sur le fait que les produits mis sur le marché sont destinés à des consommateurs majeurs réputés conscients des conséquences du tabac sur leur santé. Le site de la société Philip Morris International indique d'ailleurs expressément que « (...) le tabagisme provoque des maladies graves et crée une dépendance, qu'il contienne ou non des additifs ».
En dépit de cette prise de conscience, le tabagisme représente en France la première cause de mortalité évitable . Le nombre de décès annuels attribuables au tabac est en effet estimé à 73 000 , soit 22 % de la mortalité masculine et 11 % de la mortalité féminine 52 ( * ) .
Les décès liés au tabagisme se répartissent de la manière suivante :
- 60 % de décès par cancers ;
- 25 % de décès par maladies cardiovasculaires ;
- 11 % de décès par maladies respiratoires ;
- 4 % de décès liés à d'autres causes 53 ( * ) .
Dans sa contribution écrite au rapport de la Cour des comptes consacré à l'évaluation des politiques de lutte contre le tabagisme 54 ( * ) , Imperial Tobacco avance que cette évaluation aurait été faite « sans aucune explication ni étude statistique nouvelle ». La Cour rappelle pourtant que ce travail se réfère explicitement à une méthodologie adoptée par l'OMS prenant en compte les pathologies attribuables au tabac autres que les cancers du poumon.
La mortalité liée au tabac est encore largement masculine (59 000 décès chez les hommes et 14 000 chez les femmes). Elle représente un tiers des décès des hommes entre 35 et 69 ans. Cependant chez les hommes, la mortalité liée au tabac a commencé à régresser dans les années 1990 à la suite notamment de la diminution du tabagisme masculin depuis les années 1970.
Au contraire, la mortalité tabagique féminine, presque inexistante avant les années 1980, s'accroît rapidement. Si les pathologies cardio-vasculaires restent le premier motif de décès pour les femmes, leur mortalité par cancer du poumon, traditionnellement plus faible, a progressé de 42 % entre 2002 et 2008.
Cette évolution est à mettre en rapport avec une tendance longue au rapprochement du taux d'addiction tabagique entre les sexes. L'Institut national de veille sanitaire (InVS) note qu'« en raison de l'évolution du tabagisme féminin et du délai d'environ 30 ans entre consommation de tabac et effets sur la santé, une augmentation de la mortalité attribuable au tabac chez les femmes est attendue » 55 ( * ) .
Le tabac se caractérise par des effets nocifs non seulement pour le consommateur mais également pour son entourage par le biais du tabagisme passif. Les estimations portant sur ce phénomène sont rares et contestées par les fabricants.
Une étude européenne publiée en 2006 56 ( * ) évaluait à 5 863 le nombre de décès en France liés à l'inhalation involontaire de fumée de tabac , chiffre qui, il est vrai, prenait en compte à la fois les effets chez les non-fumeurs et les effets additionnels chez les fumeurs.
Plus récemment, une étude sur les conséquences sanitaires du tabagisme passif dans 192 pays 57 ( * ) précisait que ce phénomène augmenterait le risque de cardiopathie ischémique et de cancer du poumon chez l'adulte et celui de mort subite du nourrisson, d'infections respiratoires, d'otites et d'asthme chez l'enfant.
b) 49 000 morts par an liés à l'alcool
Si les conséquences du tabac sur la santé apparaissent dès la première cigarette, les risques liés à la consommation d'alcool dépendent des quantités absorbées, des modalités d'usage, et de nombreux facteurs environnementaux et individuels.
Ces risques sont bien entendu liés à une consommation chronique d'alcool. Le métabolisme de l'alcool dans l'organisme génère en particulier des substances toxiques pour le foie. Lorsque les quantités d'alcool consommées sont faibles, des mécanismes permettent dans la plupart des cas de neutraliser, pour une large part, ces toxiques. Ces processus perdent en revanche de leur efficacité en cas de consommation excessive prolongée, ce qui rend possible l'apparition de lésions du foie (stéatoses, hépatites alcooliques, cirrhoses).
La relation entre la consommation d'alcool et le risque de développer un cancer de la bouche, du pharynx, du larynx, de l'oesophage, du côlon-rectum (chez l'homme) et du sein (chez la femme) apparaît bien établie. Cette relation semble également probable pour le cancer du foie et pour le cancer du côlon-rectum (chez la femme).
Mais ces risques sont également liés à des consommations ponctuelles . La consommation d'une très forte quantité d'alcool fréquemment associée au binge drinking peut ainsi provoquer un coma éthylique qui, dans certains cas, peut engager le pronostic vital.
Il convient toutefois de rappeler que, lors d'une intoxication aigue, les dommages sont le plus souvent liés à la perte de contrôle de la personne alcoolisée sur ses actes, ce qui se traduit par des accidents et des actes violents susceptibles de provoquer des traumatismes et le décès du consommateur ou d'un tiers. L'accident de la route est une des circonstances où le rôle de l'alcool est le plus connu. Mais il peut jouer un rôle similaire dans les accidents du travail, les accidents de la vie courante, les tentatives de suicides et les actes violents envers autrui ainsi que dans la transmission de maladies infectieuses (rapports sexuels non protégés).
Qu'il soit consommé de façon ponctuelle ou chronique, l'alcool est par ailleurs un neurotoxique. L'apparition de lésions et de maladies (neuropathies périphériques, encéphalopathies, troubles cognitifs) peuvent être la conséquence de l'alcoolisation mais aussi du sevrage et de leur répétitions (épilepsies de sevrages). La dépendance qui peut s'installer chez une partie des consommateurs d'alcool est une autre manifestation de la toxicité de l'alcool sur le système nerveux central.
L'effet protecteur de l'alcool fait débat depuis plusieurs décennies. Le site d'information de l'Inserm indique ainsi qu'une consommation faible et régulière 58 ( * ) réduit de façon statistiquement significative l'incidence des maladies cardiovasculaires et la mortalité subséquente.
En revanche, d'autres sources 59 ( * ) soulignent que les effets biologiques positifs d'une consommation régulière sans abus ne sont pas corroborés par les études de cohortes car les modalités effectives de consommation de l'alcool sont telles que les effets bénéfiques théoriques disparaissent.
Après le tabac, l'alcool représente en tout état de cause la seconde cause de mortalité évitable dans notre pays . Les dernières données publiées 60 ( * ) estiment le nombre de décès liés à l'alcool à 49 000 en 2009 , tous âges confondus. Les décès liés à l'alcoolisme se répartissent de la manière suivante :
- un tiers par cancer ;
- un quart par maladie cardiovasculaire ;
- 17 % par accidents ou suicides ;
- 16 % par maladie digestive ;
- 11 % pour d'autres causes.
Fractions attribuables à l'alcool
et nombre
de décès suivant la pathologie et le sexe en 2009
Source : Guérin, Laplanche, Dunant et Hill, Alcohol - attributable mortality in France
Selon une étude datée de 2011 61 ( * ) portant sur des données de 2008, il convient d'ajouter à ces chiffres 1 400 décès imputables à une conduite sous l'emprise de l'alcool .
Comme pour le tabac, les décès liés à l'alcool sont essentiellement masculins (75 %). Les hommes sont ainsi beaucoup plus touchés que les femmes par les cancers impliquant l'alcool (21 décès masculins pour 1 décès féminin pour le cancer du larynx, rapport de 15 à 1 pour le cancer de l'oesophage) à l'exception, bien entendu, du cancer du sein, qui représente à lui seul 22 % des décès féminins liés à l'alcool. Les hommes sont également beaucoup plus touchés que les femmes par les décès par accidents et suicides (10 hommes pour 1 femme). Au total, 13 % des décès masculins et 5 % des décès féminins sont attribuables à l'alcool.
c) La progression inquiétante de l'épidémie d'obésité
L'évolution des habitudes alimentaires, combinée à la diminution des dépenses d'énergie liée à la sédentarité de nos modes de vie, constitue désormais l'un des principaux facteurs de risque responsables des maladies non transmissibles.
« L'évolution observée dans l'économie alimentaire mondiale se retrouve dans les habitudes alimentaires, par exemple dans la consommation d'aliments à forte densité énergétique, à teneur élevée en graisses, en particulier saturées, et ne comportant guère de glucides non raffinés. En même temps, on constate une baisse de la dépense d'énergie, qui est associée à la sédentarité (...).
A cause de cette évolution, les maladies non transmissibles chroniques (...) deviennent des causes de plus en plus importantes d'incapacité et de décès prématurés tant dans les pays en développement que dans les pays nouvellement développés, ce qui représente un poids supplémentaire pour des budgets de santé nationaux déjà surchargés ».
Ce constat, dressé il y a plus de dix ans par l'Organisation mondiale pour la santé 62 ( * ) , a conduit les Etats à tenter d'élaborer des politiques publiques destinés à prévenir les décès et les incapacités dues aux principales maladies chroniques d'origine nutritionnelle 63 ( * ) telles que le surpoids et l'obésité, le diabète, l'hypertension et l'hyperlipidémie .
Comme les autres pays développés, la France assiste à l'augmentation régulière de l'obésité et des pathologies associées au sein de sa population. Si cette augmentation semble se ralentir au cours des dernières années, elle demeure toutefois une préoccupation sanitaire de première importance.
L'enquête ObEpi 64 ( * ) révèlent en effet que près d'un français sur deux souffre de surpoids ou d'obésité en 2012. Réalisé sur un échantillon de plus de 25 000 personnes âgées de 18 ans et plus, représentatif de la population française, ce travail met en évidence que :
- 32,3 % des français âgés de 18 ans et plus (soit 14,8 millions de personnes) seraient en surpoids en 2012 contre 30 % en 1997 ;
- 15 % d'entre eux présentent une obésité (soit 6,9 millions de personnes) contre à peine 8,5 % en 1997.
Répartition des niveaux d'IMC en 2012
Source : Enquête ObEpi, 2012
A l'inverse, le pourcentage des Français sans surpoids serait passé de 62 % en 1997 à 53 % en 2012.
Autre indicateur essentiel des problèmes de surpoids de la population, les données relatives au tour de taille des français, marqueur de l'adiposité abdominale associée à des risques métaboliques, diabétiques et vasculaires accrus, indiquent une tendance à l'augmentation du pourcentage de sujets dépassant les valeurs considérées comme à risques.
Le pourcentage des hommes situé au-delà du seuil IDF, c'est à dire 94 cm chez l'homme et 80 cm chez la femme, est ainsi passé de 40,7 % à 52 % entre 1997 et 2012 pour les hommes et de 46,4 % à 68 % pour les femmes.
Cette enquête met enfin en évidence un très net effet générationnel en matière de surpoids et d'obésité : plus les générations sont récentes et plus le taux d'obésité de 10 % est atteint précocement. Comme l'indique le tableau ci-après, la génération née entre 1980 et 1986 atteint 10 % d'obésité vers 28 ans alors que la génération née 20 ans plus tôt atteint 10 % d'obésité vers 41 ans.
Survenance de l'obésité dans la
population française
Date de naissance |
1980-1986 |
1973-79 |
1966-72 |
1959-65 |
1952-58 |
10 %
|
28 ans |
32 ans |
34 ans |
41 ans |
45 ans |
Source : Enquête ObEpi, 2012
S'agissant de la prévalence 65 ( * ) du diabète, de l'hypertension et de la dyslipidémie, les résultats de l'enquête ObEpi montrent une évolution contrastée de la prévalence de chacune de ces pathologies entre 2000 et 2012.
La prévalence du diabète traité (selon les déclarations des enquêtés) serait ainsi passée de 3,3 % de la population totale en 2000 à 5,8 % en 2012 et celle des traitements pour dyslipidémie de 12,3 % à 15,9 % sur la même période.
En revanche, la prévalence de l'hypertension artérielle traitée connaît une évolution moins régulière sur les douze années étudiées. Si elle a effectivement augmenté entre 2000 et 2012, passant de 14,7 % à 17,6 % de la population totale, elle a toutefois sensiblement reculé entre les deux dernières enquêtes. La prévalence de l'HTA s'élevait en effet à 18,4 % de la population totale en 2009.
3. Un coût financier considérable pour la collectivité
Si la consommation de tabac, l'abus d'alcool et l'apparition de comportements alimentaires déséquilibrés sont désormais identifiés comme des facteurs de risque majeurs en termes de santé publique, ils sont également synonymes de coûts considérables pour la collectivité.
La taxation de ces comportements peut alors être envisagée comme un moyen permettant de réduire ces coûts et de lever des fonds pour compenser les externalités qu'ils génèrent.
a) Les coûts liés au tabagisme
L'évaluation du coût global de la consommation de tabac en France, comme de la consommation d'alcool, se heurte au nombre limité de travaux scientifiques consacrés au sujet.
La mission a en effet constaté avec étonnement le relatif désintérêt des économistes français pour la question de l'évaluation du coût social des drogues en général et du tabac et de l'alcool en particulier.
A ce jour, seules les études réalisées par Kopp et Fénoglio 66 ( * ) offrent une vision globale et approfondie d'une problématique pourtant déterminante pour la conduite des politiques publiques relatives aux addictions 67 ( * ) .
Ceux-ci 68 ( * ) évaluent ainsi le coût social du tabagisme en France à 47,7 milliards d'euros , soit 3,05 % du PIB et l'équivalent de 772 euros par habitant.
Ce coût social, qui mesure le coût total infligé par le tabac à la collectivité, est égal à la somme du montant de la « dépense publique » qui retrace l'ensemble des dépenses engagées par l'Etat et les collectivités locales pour assurer le financement des soins et des politiques publiques de prévention et de répression liées au tabac, des « coûts externes » qui regroupent l'ensemble des dépenses infligées directement ou indirectement à la collectivité par la consommation de tabac et des « dépenses privées » engagées par le fumeur (hors coût d'achat des produits du tabac).
Ce coût social se décompose selon les modalités résumées dans le tableau ci-après.
Coût social du tabagisme en France (2006)
(en millions d'euros)
Catégories de dépenses |
Montant |
Sphère publique |
|
Dépense de santé |
18 254 |
dont soins hospitaliers |
8 732 |
dont soins de ville |
9 522 |
Fiscalité |
3 738 |
Dépenses de prévention |
2,82 |
Incendies |
2 |
Sphère privée |
|
Particuliers |
7 658 |
Entreprises |
18 085 |
Total |
47 739 |
Source : Kopp, Fénoglio (2006) Le coût social des drogues en 2003, OFDT
Lors de son audition devant la mission, M. Christian Ben Lakhdar a détaillé et commenté ces données.
En premier lieu, la morbi-mortalité attribuable au tabac est une source importante de coûts pour la sphère publique. Le tabac provoque en effet des décès précoces entrainant une perte de recettes fiscales évaluée à 3,7 milliards d'euros et des pathologies graves nécessitant des dépenses de santé (hôpital et médecine de ville) estimées à 18,2 milliards d'euros.
En deuxième lieu, ces coûts publics comprennent également les dépenses liées aux politiques de prévention menées par l'Etat ainsi que les conséquences indirectes de la consommation de tabac, à l'image des incendies de forêt allumés par des mégots de cigarette par exemple.
En troisième et dernier lieu, l'étude comptabilise les salaires non perçus par les individus décédés et hospitalisés ainsi que les pertes de production subies pour les entreprises 69 ( * ) . Ces coûts privés atteindraient respectivement 7,6 milliards et 18 milliards d'euros.
Dans une nouvelle étude publiée en 2011 70 ( * ) , Kopp et Fénoglio établissent à partir des données 2006 que la consommation de tabac dégrade le solde des comptes publics de 3,9 milliards d'euros .
Ce solde (incluant le budget de l'Etat et celui de la sécurité sociale) serait affecté négativement par, d'une part, les dépenses publiques de soins, de prévention, de répression et de recherche, et d'autre part, par les prélèvements obligatoires non effectués liés aux décès prématurés imputables au tabagisme.
Symétriquement, ce solde est positivement affecté par les taxes prélevées sur les produits du tabac, les dépenses de santé non effectuées et les retraites non versées du fait des décès prématurés imputables à sa consommation.
Effets du tabac sur les finances publiques
(en millions d'euros)
Catégories de dépenses |
Montant |
Dépense de santé |
- 18 254 |
Dépenses de santé non effectuées du fait de décès prématurés |
+ 771,74 |
Effet net sur les dépenses de santé |
- 17 482,48 |
Fiscalité sur le tabac |
+ 9 820,77 |
Impôts non encaissés
|
- 3 737,8 |
Effet net sur les recettes fiscales |
+ 6 082,97 |
Retraites non versées pour cause de décès prématurés |
+ 7 524,61 |
Dépenses de répression, de prévention et de recherche |
- 62,54 |
Variation des comptes publics |
- 3 937,44 |
Source : Kopp, Fénoglio, (2011) Les drogues sont-elles bénéfiques pour la France ?
De manière plus pragmatique, l'évaluation des coûts du tabac en France peut être réalisée à partir des dépenses liées à la prise en charge des différentes pathologies qui lui sont associées par l'assurance maladie.
Selon le rapport d'évaluation de la Cour des comptes sur la politique de lutte contre le tabagisme 71 ( * ) , le coût de cette pratique se serait élevé à 11,9 milliards d'euros en 2012 , dû pour moitié aux pathologies respiratoires, pour un peu moins d'un tiers aux cancers, et pour un cinquième aux pathologies cardiovasculaires.
Montant estimatif des dépenses liées au
tabagisme
remboursées par l'assurance maladie pour 2010
(en millions d'euros)
Dépenses d'assurance maladie (hors médico-social et Migac) |
Fraction attribuable au tabac |
Dépenses d'assurance maladie imputables au tabac |
||
Dépenses hors médico-social et Migac |
Dépenses totales |
|||
Pathologies cardiovasculaires |
24 925 |
21 % |
5 234 |
6 158 |
Cancers |
11 516 |
29 % |
3 340 |
3 929 |
Pathologies respiratoires |
3 025 |
51 % |
1 546 |
1 819 |
Total |
39 466 |
26 % |
10 120 |
11 906 |
Source : Cnam
Commentant ses résultats, la Cnam précise que « le résultat fourni reste encore une borne basse : d'une part certains coûts n'ont pu être intégrés faute de disponibilité des informations à un niveau de finesse suffisant ; d'autre part, n'ont été retenues que les pathologies pour lesquelles la fraction attribuable au tabac fait l'objet d'une évidence scientifique solidement établie ».
Il convient par ailleurs d'ajouter que cette estimation, en ne comptabilisant que la part des dépenses prises en charge par les différents régimes d'assurance maladie, laisse volontairement de côté les dépenses relevant des organismes complémentaires et les restes à charge supportés par les patients notamment pendant la phase précédant le diagnostic et l'entrée en affection de longue durée.
b) Les conséquences financières attribuables à la consommation d'alcool
Kopp et Fénoglio 72 ( * ) évaluent le coût social de l'alcoolisme en France en 2006 à 37 milliards d'euros , soit 2,37 % du PIB et l'équivalent de 599 euros par habitant. Ce résultat se décompose selon les modalités résumées dans le tableau ci-dessous.
Coût social de l'alcoolisme en France (2006)
(en millions d'euros)
Catégories de dépenses |
Montant |
Sphère publique |
|
Dépense de santé |
6 156 |
dont soins hospitaliers |
4 346 |
dont soins de ville |
1 810 |
Dépenses des administrations |
87 |
Cnam |
523 |
Fiscalité |
3 488 |
Sphère privée |
|
Particuliers |
7 148 |
Assurances |
3 525 |
Entreprises |
16 098 |
Associations privées |
0,9 |
Autres coûts privés |
5 |
Total |
37 031 |
Source : Kopp, Fénoglio (2006) Le coût social des drogues en 2003, OFDT
Les mêmes auteurs estiment par ailleurs 73 ( * ) que si la consommation d'alcool dégrade le bien être de la société, elle aurait en revanche un effet positif sur les finances publiques estimé à 4,8 milliards d'euros. Cette situation s'expliquerait par le faible montant des dépenses de soins liées à l'alcool au regard des recettes fiscales que ce produit engendre.
Effets de l'alcool sur les finances publiques
(en millions d'euros)
Catégories de dépenses |
Montant |
Dépense de santé |
- 6 155,88 |
Dépenses de santé non effectuées du fait de décès prématurés |
+ 724,31 |
Effet net sur les dépenses de santé |
- 5 431,57 |
Fiscalité sur l'alcool |
+ 7 710,84 |
Impôts non encaissés
|
- 3 488,79 |
Effet net sur les recettes fiscales |
+ 4 222,05 |
Retraites non versées pour cause de décès prématurés |
+ 6 194,51 |
Dépenses de répression,
|
- 179,98 |
Variation des comptes publics |
+ 4 805,01 |
Source : Kopp, Fénoglio (2011) Les drogues sont-elles bénéfiques pour la France
La mission regrette que l'évaluation des dépenses de santé liées à l'alcoolisme proposée par Kopp et Fénoglio ne puisse être rapprochée de données publiques fournies par la direction générale de la santé ou par la Cnam.
Pour mémoire, on rappellera néanmoins que le coût médical de l'alcoolisme pour l'année 1996, évalué par une étude datée de 2001 74 ( * ) , s'élevait, en fonction de la méthode de calcul employée :
- entre 2,1 et 2,5 milliards d'euros selon la méthode fondée sur l'évaluation des proportions de cas attribuables (PCA) 75 ( * ) ;
- à 3 milliards d'euros selon méthode basée sur la prévalence de l'alcoolisme à l'hôpital et en ambulatoire, qui ne permet pas de prendre en compte les pathologies pour lesquelles l'alcoolisme n'est qu'un facteur de risque.
c) Les dépenses d'assurance maladie engendrées par les déséquilibres alimentaires
L'évaluation globale des coûts d'un facteur de risque pour la santé comme l'alimentation se heurte à des difficultés méthodologiques importantes.
Il est particulièrement délicat d'établir avec certitude :
- la part attribuable aux déséquilibres de la nutrition dans l'apparition des pathologies par rapport aux autres facteurs de risque ;
- les parts respectivement attribuables à l'exercice physique et à l'alimentation dans les déséquilibres nutritionnels ;
- la part imputable à la consommation excessive de sel, de sucre et de lipides dans l'apparition de ces pathologies.
Le rapport consacré à la pertinence et à la faisabilité d'une taxe nutritionnelle 76 ( * ) établi conjointement par l'Inspection générale des finances et l'Inspection générale des affaires sociales en 2008 met en évidence ces difficultés en proposant deux approches contrastées et deux évaluations divergentes des dépenses d'assurance maladie liées aux déséquilibres de l'alimentation.
L'Inspection générale des finances estime ainsi que le montant de ces dépenses s'établit entre 11,5 et 14,5 milliards d'euros pour 2006. Ce montant atteindrait même 28,5 voire 34,5 milliards d'euros si l'on tient compte de la part des dépenses d'affection de longue durée directement imputable à des patients ayant une alimentation déséquilibrée (diabète, hypertension, maladie cardio-vasculaires, maladies du foie et cancer).
Comme l'indique le tableau ci-dessous, ces montants correspondent à la somme des dépenses actualisées de soins et d'assurance maladie imputables à l'obésité et au surpoids estimés par Emery 77 ( * ) , des remboursements assurés par l'assurance maladie au titre des maladies tumorales et des dépenses spécifiquement imputables à la consommation d'alcool hors cancer.
Estimation par l'IGF des dépenses
associées
à une alimentation
déséquilibrée
( en milliards d'euros)
Catégories de dépenses |
Hypothèse basse 78 ( * ) |
Hypothèse haute 79 ( * ) |
Dépenses de soins et d'assurance maladie imputables à l'obésité et au surpoids (1) |
8,1 |
10,3 |
Dépenses de soins et d'assurance maladie au titre des maladies tumorales (2) |
1,4 |
2,2 |
Dépenses imputables à la consommation d'alcool hors cancer (3) |
2 |
2 |
Total (1) +(2) +(3) |
11,5 |
14,5 |
Dépenses d'ALD directement imputables à des patients ayant une alimentation déséquilibrée (4) |
17 |
20 |
Total (1) +(2) +(3) +(4) |
28,5 |
34,5 |
Source : IGF/Igas (2008) Pertinence et faisabilité d'une taxe nutritionnelle, Contribution de l'IGF à l'évaluation des dépenses d'assurance maladie liées aux déséquilibres de l'alimentation
Le chiffrage proposé par l'Inspection générale des affaires sociales dans le cadre de ce travail s'établit quant à lui à 2,3 milliards d'euros.
Le décalage considérable existant entre l'estimation proposée par les deux inspections résulte du choix de l'Inspection générale des affaires sociales de limiter son évaluation des dépenses liées aux déséquilibres de l'alimentation aux seuls coûts de l'obésité .
Comme le précise le tableau ci-dessous, ce chiffre résulte par conséquent de la seule addition des dépenses de soins et d'assurance maladie non actualisées imputables à l'obésité stricto sensu proposées par l'étude d'Emery et de l'impact du surpoids et de l'obésité sur différentes catégories de cancer.
Estimation par l'Igas des dépenses associées à l'obésité
(en milliards d'euros)
Catégories de dépenses |
Montants |
Dépenses de soins et d'assurance maladie imputables à l'obésité stricto sensu |
2,1 |
Dépenses de soins et d'assurance maladie au titre des maladies tumorales |
0,25 |
Total |
2,35 |
Source : IGF/Igas (2008) Pertinence et faisabilité d'une taxe nutritionnelle, Contribution de l'IGF à l'évaluation des dépenses d'assurance maladie liées aux déséquilibres de l'alimentation
Dans l'annexe VI-1 du rapport précité, l'Inspection générale des affaires sociales défend cette estimation « conservatrice » en insistant sur l'aspect multifactoriel de l'obésité et le caractère incertain des chiffrages relatifs aux coûts des soins liés à une alimentation déséquilibrée.
En dépit des désaccords profonds exprimés par les deux inspections concernant l'évaluation des coûts liés à l'alimentation, celles-ci se rejoignent toutefois pour considérer que la poursuite des tendances alimentaires observées à l'occasion de leurs travaux serait insoutenable pour les comptes de l'assurance maladie.
* 39 « Before I enter upon the examination of particular taxes, it is necessary to premise the four following maxims with regard to taxes in general. (...) Secondly, it may obstruct the industry the people, and discourage them from applying to certain branches of business which might give maintenance and unemployment to great multitudes. While it obliges the people to pay, it may thus diminish, or perhaps destroy, some of the funds which might enable them more easily to do so » (Adam Smith, An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations (1776) Book V: Part II).
* 40 Cf. les analyses sur le sujet de William D. Grampp, Adam Smith and the Economic Man in Journal of Political Economy, vol. 56, No 4 (Aug. 1948), p. 315 «In his lineaments the economic man for whom Adam Smith is held responsible is an alarmingly rational creature who invariably seeks is own interest, who reacts with lightning speed to actual and anticipated changes in his real income and wealth (...). Not only is he as free of error as was Adam free of sin, but he is so utterly absorbed by his calculations that he is conscious of no other activities which legitimately could engage a human being.»
* 41 Becker, Murphy (1988) «A Theory of Rational Addiction», Journal of Political Economy, n°°96, pp. 675-700.
* 42 Peck, Chaloupka, Prabahat, Lightwood (2000) «A Welfare Analysis of Tobacco Use», Tobacco Control in Developing Countries, The World Bank, Oxford University Press.
* 43 Gruber et Koszegi (2004) «Tax Incidence When Individuals Are Time-Inconsistent : the Case of Cigarette Excise Taxes», Journal of Public Economics, 88, 1959-1987.
* 44 Etilé (2013) Obésité, Santé publique et populisme alimentaire, Collection du Cepremap, Editions Rue d'Ulm.
* 45 Christine Boizot-Szentai et Fabrice Etilé, (2011) »Taxer les boissons sucrées pour lutter contre l'obésité ? Le point de vue de l'économie» Obésité, Volume 6, Issue 4, pp 218-225.
* 46 La contribution de chacun d'entre eux dépend toutefois de l'élasticité de la demande : plus celle-ci est élastique, plus la contribution du consommateur est faible car il pourra se tourner vers des biens de substitution. A l'opposé, si la demande est inélastique, la contribution du consommateur sera élevée.
* 47 European Commission (1992) «The Climate Change - Economic Aspects of Limiting CO2 Emissions», European Economy, 52.
* 48 Ekins (1997) «On The Dividends from Environmental Taxation» in O Riordan T., Ecotaxation, Earthscan Publications, 1997.
* 49 CGP (1993) «L'économie face à l'écologie« Rapport de l'Atelier I Environnement, économie, croissance de la Commission Environnement, croissance, qualité de vie du onzième Plan, Éditions La Découverte / La Documentation française.
* 50 Cf. cinq études rétrospectives parmi lesquelles : Schrek et al (1950) «Tobacco smoking as an etiologic factor in disease», Cancer Research, 1950, 10, pp. 49-58 ; Levin, Goldstein et Gerhardt (1950) «Cancer and tobacco smoking», Journal of the American Medical Association, 143, pp. 336-338 et surtout Doll et Hill (1950) «Smoking and carcinoma of the lung : preliminary report», British medical journal, 2, pp.739-748.
* 51 Doll, Hill, (1954) «The mortality of doctors in relation to their smoking habits. A preliminary report.» British Medical Journal, 4877, pp. 1451-1455. Cette étude a été réalisée auprès d'une cohorte de 40 000 médecins britanniques interrogés à intervalles réguliers sur leurs habitudes tabagiques.
* 52 Drogues. Chiffres clés, Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), juin 2013.
* 53 Hill «Épidémiologie du tabagisme« (2012) La Revue du Praticien, vol. 62, mars 2012.
* 54 Rapport d'évaluation, «Les politiques de lutte contre le tabagisme«, Cour des Comptes, Décembre 2012.
* 55 Numéro thématique sur le tabac, Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH), Institut national de Veille sanitaire (InVS), mai 2011.
* 56 «Lifting the Smokescreen. 10 Reasons for a Smoke Free Europe», Free Partnership, mars 2006.
* 57 Oberg, Jaakkola, Woodward, Peruga, Pruss-Ustun (2011) «Worldwide Burden of Disease from Exposure to Second-hand Smoke : a Retrospective Analysis of Data from 192 countries», The Lancet, n°377, Issue 9760, pp. 139 - 146.
* 58 Inférieure ou égale à 2 verres par jour.
* 59 En particulier Puddey, Rakic, Dimmitt, Beilin (1999) «Influence of drinking on cardiovascular disease and cardiovascular risk factors : a review» Addiction n°94, pp. 649-663 ; Rehm, Gmel, Sempos, Trevisan (2003) «Alcohol-related mortality and morbidity» Alcohol Research and Health, n°27, pp. 39-51 et Rehm, Mathers, Popova, Thavorncharoensap, Teerawattananon, Patra, (2009) The Lancet, n°373, Issue 9682, pp. 2223-2233.
* 60 Guérin, Laplanche, Dunant et Hill (2013) «Alcohol-attributable mortality in France», European Journal of Public Health, online first March 4, 2013.
* 61 Laumon, Gadegbeku, Martin et Groupe SAM (2011) «Stupéfiants et accidents mortels (projet SAM) : Analyse épidémiologique«, Saint-Denis, OFDT.
* 62 « Régime alimentaire, nutrition et prévention des maladies chroniques », Rapport d'une Consultation, OMS/FAO d'experts OMS, Série de rapports techniques ; 916, 2003.
* 63 On peut citer parmi ces programmes le plan obésité 2010-2013 mis en place dans notre pays par le précédent gouvernement . Celui-ci faisait suite au rapport de la commission sur la prévention et la prise en charge de l'obésité, présidée par Mme Anne de Danne.
* 64 ObEpi, Enquête épidémiologique nationale sur le surpoids et l'obésité, Inserm, Kantar Health, Roche, 2012.
* 65 La prévalence mesure l'état de santé d'une population à un instant donné. Pour une affection donnée, elle est calculée en rapportant à la population totale, le nombre de cas de maladies présents à un moment donné dans une population (que le diagnostic ait été porté anciennement ou récemment).
* 66 Kopp et Fénoglio (2000) «Le coût social des drogues licites (alcool et tabac) et illicites en France«, Étude n° 22, OFDT ; Kopp et Fénoglio (2006) «Le coût social des drogues en 2003. Les dépenses publiques dans le cadre de la lutte contre les drogues«, OFDT, Saint-Denis.
* 67 Comme tout travail scientifique, ces études trouvent leurs limites dans l'existence de données exploitables et la sensibilité des résultats aux hypothèses méthodologiques retenues. Les auteurs reconnaissent d'ailleurs en introduction de l'étude publiée en 2006 que « le calcul de ce coût social constitue un projet statistique complexe où l'insuffisance des données affecte la précision du résultat. »
* 68 Ibid.
* 69 Kopp et Fénoglio comptabilisent les pertes de production sur le lieu de travail liées aux décès prématurés imputables aux drogues licites comme la différence entre les pertes de valeur ajoutée et les pertes de revenu primaire. Cette différence retracerait à peu près la part de richesse perdue par les entreprises après avoir versé les salaires et les cotisations patronales, mais avant les diverses taxes pesant sur les entreprises.
* 70 Kopp et Fénoglio (2011) «Les drogues sont-elles bénéfiques pour la France«, Revue économique, 2011/5, n° 62.
* 71 Rapport d'évaluation, «Les politiques de lutte contre le tabagisme«, Cour des Comptes, décembre 2012.
* 72 Ibid.
* 73 Ibid.
* 74 Reynaud, Gaudin-Colombel, Le Pen (2001) «Two methods of estimating health costs linked to alcoholism in France (with a note on social costs)» Alcohol, n°36, pp. 89-95.
* 75 La PCA dépend du risque relatif (RR), pour un sujet alcoolique, de contracter chaque maladie et de P, la prévalence (P) de l'alcoolisme dans la population considérée. Les RR sont issus d'études épidémiologiques françaises et étrangères reposant sur des seuils d'alcoolisme pas toujours concordants. Les calculs sont effectués pour deux seuils de prévalence, P = 0,10 (hypothèse basse) et P = 0,15 (hypothèse haute).
* 76 Inspection générale des finances et Inspection générale des affaires sociale, «Rapport sur la pertinence et la faisabilité d'une taxe nutritionnelle« établi par Véronique Hespel et Marianne Berthod-Wurmser, 2008.
* 77 Emery et al. (2007) «Évaluation du coût associé de l'obésité en France«, Presse médicale n°36.
* 78 Population en surpoids avec risque fixée à 10 % de la population totale / Part attribuable au cancer = 10 %
* 79 Population en surpoids avec risque fixée à 15 % de la population totale / Part attribuable au cancer = 20 %