B. LE PROJET VITAM - ARCHIPEL

Le ministère des affaires étrangères, le ministère de la culture et de la communication et le ministère de la défense ont décidé de s'associer pour concevoir et réaliser en commun une solution logicielle interministérielle d'archivage électronique que chacun pourra utiliser ensuite dans son système d'information. C'est l'objectif principal du programme VITAM (Valeurs Immatérielles Transférées aux Archives pour Mémoire) qui devra couvrir les besoins d'archivage intermédiaire comme d'archivage définitif. Ce programme a reçu un avis favorable du CIAF  (Comité interministériel des Archives de France) le 16 juillet 2013 et de la DISIC (Direction interministérielle des systèmes d'information et de communication) le 3 septembre 2013.

Le projet doit démarrer en 2014 et permettre de couvrir les besoins essentiels dès 2016, avant que de nouvelles versions ne soient développées pour les besoins complémentaires.

L'implémentation de VITAM, aussi bien aux Archives nationales qu'au ministère de la défense (sous le nom ARCHIPEL), nécessitera une reprise des données et des métadonnées, une adaptation des procédures, ainsi qu'un interfaçage avec les applications métiers des services d'archives.

Vos rapporteurs estiment que la mémoire dématérialisée doit, tout comme les archives sur papier, faire l'objet d'un archivage définitif et rester accessible et que, par conséquent, les services d'archives ne peuvent se détourner cette évolution, s'ils veulent continuer d'assumer leurs missions.

Ils se félicitent donc qu'un tel projet ait été initié, mais n'en minimisent pas la difficulté.

Les données numériques sont facilement manipulables et falsifiables. Il peut être difficile d'identifier la version validée d'un document et d'avoir accès à l'information pertinente, nécessaire à la prise de décision. Il est nécessaire de garantir la force probante et la sécurité des documents produits et archivés (empreintes, signature électronique, horodatage, gestion des droits d'accès, gestion des traces).

L'obsolescence technologique, extrêmement rapide, compromet la pérennité de l'accès aux données stockées. Des stratégies de pérennisation (outils d'identification et de conversion de formats, veille technologique sur les supports et les formats de données, plans de migrations des supports, des formats) doivent donc être mises en oeuvre.

L'archivage électronique implique ainsi une participation active des producteurs de données et nécessite de prendre en compte le cycle de vie de l'information et de mettre en oeuvre une véritable « gouvernance des données numériques ».

Compte tenu de ces contraintes, la conservation de données électroniques n'est finalement pas beaucoup moins coûteuse que le stockage de documents sur support papier et demande des investissements importants en infrastructures, ainsi que des moyens humains conséquents. Elle n'en est pas moins indispensable.

Le classement et l'exploitation des données passent eux-mêmes par le recours à des technologies pointues (gestion électronique des documents, moteurs de recherche, bases de connaissance, référentiels sémantiques, thesaurus, ontologies...).

L'expérience américaine invite à la circonspection quant au calendrier prévu pour le projet VITAM et aux moyens susceptibles d'y être consacrés.

Le service d'archives nationales des États-Unis, la National Records and Archives Administration (NARA), travaille depuis 2001 à la mise au point d'un système d'archivage électronique ( Electronic Records Archive - ERA), dont le développement s'est effectué de manière incrémentale à partir 2005 et s'est arrêté en 2011 à la suite d'un rapport très critique du United States Government Accountability Office (US GAO, équivalent américain de la Cour des comptes), qui préconisait de se contenter des fonctionnalités déjà mises au point en raison du coût excessif du projet.

En effet, alors que la société Lockheed Martin , première entreprise mondiale de défense, avait remporté en 2005 le contrat pour un budget initial de 317 millions de dollars, le US GAO a estimé que le projet était en retard et pourrait, s'il devait être mené à son terme, coûté plus de un milliard de dollars.

Vos rapporteurs forment le voeu que le projet VITAM, dont l'échelle comme les moyens sont plus modestes, connaîtra plus de succès et tirera les enseignements nécessaires des déboires qu'ont connu plusieurs projets de développements informatiques réalisés pour le compte d'administrations publiques en France, à commencer par le calculateur de paie LOUVOIS du ministère de la défense.

Ils s'interrogent cependant sur le choix de développer un système ab nihilo avec des moyens aussi limités alors que des pays alliés ont consacrés d'importantes ressources à des projets similaires, qui pourraient servir de base de travail et permettrait d'éviter de connaître les mêmes difficultés.

Le risque est grand qu'en ne comptant que sur nos propres forces tout en n'y consacrant pas toutes les ressources nécessaires, l'objectif ne soit atteint qu'à long terme, faisant perdurer une carence très dommageable dans la collecte des archives publiques.

Recommandation n° 14 : développer l'archivage électronique, en reprenant si possible les systèmes déjà développés par nos Alliés.

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