C. L'ENJEU DE LA POLITIQUE DES DÉCHETS AUJOURD'HUI : ADAPTER LES REP À CE NOUVEAU CONTEXTE ENVIRONNEMENTAL ET ÉCONOMIQUE

Au vu de ces différents éléments, il apparaît nécessaire à vos rapporteures de redéfinir aujourd'hui les objectifs assignés aux REP. Ainsi qu'il a été exposé, le contexte environnemental et économique mondial incite à réfléchir à une transition progressive vers une économie circulaire. Les REP sont un bon outil pour encourager les producteurs à l'écoconception.

Les REP ont depuis leur création deux objectifs : permettre le transfert de l'obligation de traitement de certains flux de déchets des collectivités territoriales vers les metteurs sur le marché, d'une part, inciter à l'écoconception, d'autre part.

Ce deuxième objectif est largement passé au second plan. Cela tient notamment au fait que, de manière générale, les objectifs assignés aux REP sont peu lisibles et très variables en fonction des filières.

Le tableau suivant récapitule les objectifs fixés par la réglementation à quelques-unes des principales filières REP.

OBJECTIFS ASSIGNÉS AUX FILIÈRES REP 4 ( * )

Filières

Objectifs de collecte

Objectifs de recyclage et de valorisation

Emballages ménagers

Absence d'objectifs

L'éco-organisme participe à l'atteinte de l'objectif national de recyclage matière et organique de 75 % en 2012

Papiers graphiques

Absence d'objectifs

Absence d'objectifs

Pneumatiques

Objectif implicite de collecte 100 %

Objectif implicite de valorisation 100 %

Équipements électriques et électroniques

L'éco-organisme doit contribuer à l'atteinte de l'objectif national de collecte sélective des D3Eménagers : 6 kg/hab/an en 2010 et +1 kg/hab/an jusqu'en 2014

L'éco-organisme s'engage à ce que les D3E ménagers qu'il prend en charge soient traités en respectant chaque année, en fonction de la catégorie, un taux minimum de recyclage de 50 %, 65 % ou 75 % et un taux minimum de valorisation entre 70 %, 75 % ou 80 % en poids moyen par appareil

Médicaments non utilisés

L'éco-organisme a annoncé dans sa demande d'agrément un objectif de progression de la collecte de 2 % par an à partir du 25 janvier 2010

Absence d'objectif

Piles et accumulateurs portables

L'éco-organismes doit contribuer à l'atteinte de l'objectif national de collecte sélective des piles et accumulateurs portables usagés de 33 % en 2010 et de + 2 % par an jusqu'en 2015 (cahier des charges). L'objectif est d'atteindre 45 % de collecte de piles et accumulateurs usagés en 2016

L'éco-organisme s'engage à ce que les piles et les accumulateurs portables usagés qu'il prend en charge soient traités en respectant chaque année un rendement minimal de recyclage de 50 %, 65 % ou 75 % du poids moyen des piles et accumulateurs en fonction de leur catégorie

Déchets d'activité de soin à risques infectieux (DASRI)

L'éco-organisme met en oeuvre les actions nécessaires pour contribuer à l'atteinte de l'objectif national de collecte séparée des déchets d'activités de soins à risques infectieux perforants produits par les patients en auto-traitement d'au moins 60 % au terme du premier agrément, soit en 2017.

Absence d'objectifs

Déchets d'ameublement

L'éco-organisme doit s'assurer de la mise en place d'un système de collecte sur l'ensemble du territoire national. Celui-ci avant la fin de la troisième année d'agrément doit couvrir à la fin de l'année 2016 :

- 50 millions d'habitants pour l'éco-organisme titulaire d'un agrément au titre des déchets d'éléments d'ameublement ménagers ;

- 60 % des zones d'emploi pour l'éco-organisme titulaire d'un agrément au titre des déchets d'éléments d'ameublement professionnels.

L'éco-organisme met en oeuvre les actions nécessaires pour contribuer à l'atteinte de l'objectif national de réutilisation et de recyclage d'au moins 45 % des déchets d'éléments d'ameublement ménagers et d'au moins 75 % des déchets d'éléments d'ameublement professionnels collectés à la fin de l'année 2015.

Cette variété d'objectifs, allant de 100 % de cible de collecte et de recyclage dans certains cas à une absence totale d'objectifs dans d'autres, illustre bien la construction des filières par créations successives et, dès lors, l'absence de vision globale du dispositif .

En matière d'écoconception, les attentes sont là encore variables. Les articles L. 541-10 et suivants organisent les règles applicables à chaque filière. Pour certaines, la notion de modulation des éco-contributions versées par les industriels en fonction de critères d'écoconception est clairement mentionnée dans la loi. Ce n'est pas le cas pour toutes les filières.

Vos rapporteures sont convaincues de la nécessité de fixer aujourd'hui, par la loi, les grands principes des REP , avec des cibles claires et partagées en matière de taux de collecte et de taux de recyclage, et une affirmation forte de l'objectif d'écoconception et de prévention des déchets assigné aux filières.

Recommandation n° 1 : édicter les grands principes de la REP dans le code de l'environnement en l'orientant davantage vers la prévention des déchets et l'écoconception.

Vos rapporteures sont également convaincues de la nécessité d'encourager une gestion territorialisée des déchets, qui passe notamment par le recours aux acteurs de l'économie sociale et solidaire (ESS).

Dans le domaine des déchets électriques et électroniques par exemple, le secteur de l'ESS a développé une véritable compétence permettant un traitement sécurisé du flux de déchets et l'insertion par le travail d'une main-d'oeuvre faiblement qualifiée. Lors de leur audition, les représentants de l'éco-organisme Eco-Systèmes ont d'ailleurs indiqué faire largement appel à ces acteurs pour le traitement des DEEE dont ils ont la charge. Il faudra cependant veiller à ce que l'intégration de l'ESS vise dans le même temps un travail sur la pénibilité de l'emploi et la qualification des travailleurs.

L'article 49 du projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire prévoit l'ajout, dans les cahiers des charges des éco-organismes, d'une stipulation prévoyant les conditions dans lesquelles est favorisé le recours aux entreprises d'insertion faisant partie de l'ESS et la territorialisation des emplois induits par la gestion des déchets.

Cette disposition va dans le bon sens. L'enjeu de proximité de la gestion des déchets et de la limitation des transports est crucial, tant pour le développement de l'emploi local que pour l'efficience environnementale de cette politique. Vos rapporteures soutiennent pleinement le vote de cette mesure.

Recommandation n° 2 : fixer un taux minimal de recours aux structures de l'économie sociale et solidaire et à l'emploi local dans les cahiers des charges des éco-organismes.


* 4 « Observatoire des filières à responsabilité élargie des producteurs en interaction avec le service public de gestion des déchets », Cercle national du recyclage, novembre 2012, et cahiers des charges des éco-organismes.

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