N° 862
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2012-2013
Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 septembre 2013 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la délégation sénatoriale à l'outre-mer (1) comportant les actes du colloque organisé le 12 septembre 2013 sur « L' audace ultramarine en hexagone : Comment s'exprime-t-elle ? Comment s'incarne-t-elle ? »,
Par M. Serge LARCHER,
Sénateur.
(1) Cette délégation est composée de : M. Serge Larcher, président ; MM. Éric Doligé, Claude Domeizel, Michel Fontaine, Pierre Frogier, Joël Guerriau, Michel Magras, Jean-Claude Requier, Mme Catherine Tasca, MM. Richard Tuheiava, Paul Vergès et Michel Vergoz, vice-présidents ; Mme Aline Archimbaud, M. Robert Laufoaulu, secrétaires ; MM. Maurice Antiste, Jean-Étienne Antoinette, Mme Éliane Assassi, MM. Jacques Berthou, Jean Bizet, Jean-Marie Bockel, Gérard César, Mme Karine Claireaux, MM. Christian Cointat, Jacques Cornano, Félix Desplan, Mme Jacqueline Farreyrol, MM. Louis-Constant Fleming, Gaston Flosse, Jacques Gillot, Mme Odette Herviaux, Jean-Jacques Hyest, Jacky Le Menn, Jeanny Lorgeoux, Roland du Luart, MM. Thani Mohamed Soilihi, Alain Néri, Georges Patient, Mme Catherine Procaccia, MM. Charles Revet, Gilbert Roger, Abdourahamane Soilihi et Hilarion Vendegou. |
PROPOS D'OUVERTURE
M. Jean-Pierre Bel, Président du Sénat
Monsieur le Président de la Délégation à l'outre-mer, cher Serge Larcher,
Madame la Déléguée interministérielle, chère Sophie Élizéon,
Madame la Présidente du Comité national pour la mémoire et l'histoire de l'esclavage,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Mesdames, Messieurs,
Je suis particulièrement heureux d'ouvrir avec vous ce colloque organisé par la Délégation interministérielle pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer et par la Délégation sénatoriale à l'outre-mer.
D'emblée, l'intitulé retenu pour cette rencontre intrigue, puisqu'il est question d'audace.
Cette référence retient l'attention, mais elle ne surprend pas, car l'audace est inscrite dans l'histoire et dans la culture des outre-mer.
Nos concitoyens des outre-mer sont en effet les héritiers d'une histoire douloureuse.
Dans des terres qui ont d'abord connu la France par le fait colonial, il aura fallu aux ultramarins beaucoup de force, de courage et l'audace d'une lutte difficile, avant que notre pays ne les accueille et ne les reconnaisse pleinement en tant que citoyens.
Cette audace, ce fut celle des femmes et des hommes qui ont combattu l'esclavage et la traite négrière.
Ce fut celle d'Aimé Césaire quand il écrivit le discours sur le colonialisme.
Ce fut celle de Léon-Gontran Damas et de Frantz Fanon, dénonçant la souffrance de la minorité et s'attaquant aux fondements du racisme.
Cette audace reste celle du combat pour l'égalité.
À cet égard, le parcours des outre-mer au sein de la République est éclairant.
Nos concitoyens d'outre-mer sont porteurs de cette histoire.
La question de l'égalité sera donc au coeur des échanges de cette matinée.
L'article premier de notre Constitution dispose que la République « assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens ».
La mission éminente de la Délégation interministérielle est de veiller au respect de ce principe fondamental pour nos concitoyens d'outre-mer vivant dans l'hexagone, en agissant comme un aiguillon auprès des pouvoirs publics, des acteurs associatifs et privés, en fédérant les actions, en promouvant l'image des ultramarins.
La rencontre qui s'ouvre permettra de dresser un bilan de la situation des ultramarins de l'hexagone, à partir des premiers mois de travail de la délégation interministérielle.
Je suis donc particulièrement heureux que ce colloque se tienne ici, au Sénat, car j'ai souhaité faire de la reconnaissance des outre-mer et de leur valorisation une préoccupation permanente de notre assemblée.
Cette attention pour les outre-mer et pour les ultramarins est portée avec énergie et engagement par la délégation à l'outre-mer, dont je sais qu'elle attache un prix particulier au respect de l'égalité.
Pour apprécier de la façon la plus juste et la plus concrète ce qu'il reste à faire dans notre pays pour assurer à nos concitoyens ultramarins de l'hexagone l'égalité réelle, il faut d'abord savoir qui ils sont.
Il nous faut connaître leurs parcours, leurs références et leurs attentes, mais aussi l'image que leur renvoie la société française.
Cette question fera l'objet des deux premières tables-rondes.
Les statistiques dont nous disposons pour éclairer un tel débat sont encore lacunaires.
La Délégation interministérielle a engagé un important travail de récolte et de rapprochement des données statistiques disponibles pour affiner cette connaissance des ultramarins. C'est un travail qui fait appel aux nombreux organismes qui produisent des statistiques, tels que l'INSEE et l'INED.
Mais avant même de songer à établir des statistiques, il faudrait définir les ultramarins de l'hexagone : s'agit-il seulement des personnes nées dans les outre-mer et vivant en métropole, ou également des enfants d'ultramarins nés dans l'hexagone ?
Les travaux des historiens et des sociologues qui contribueront aux débats viendront nourrir cet exercice de définition.
L'identité des outre-mer est d'autant plus forte qu'elle est le fruit de l'histoire que j'évoquais tout à l'heure. L'identité c'est aussi ce qui nous marque au cours de l'enfance, que l'on soit né dans le Nord ou dans le Midi, à La Réunion ou en Polynésie.
À la confluence de l'histoire personnelle et de l'histoire collective, certains éléments de notre identité dépassent les générations.
Il nous faut également garder à l'esprit que les ultramarins de l'hexagone n'ont pas connu les mêmes difficultés, selon qu'ils sont arrivés en métropole pour participer à la construction de la France au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans les entreprises, dans les services publics, dans les hôpitaux, ou qu'ils ont rejoint l'hexagone récemment, par exemple pour achever leurs études.
Mais tous peuvent avoir vécu un déchirement en quittant leur département ou leur collectivité.
Connaître les ultramarins de l'hexagone, c'est aussi savoir à quelles difficultés et à quelles discriminations ils sont confrontés.
La première difficulté est celle de l'éloignement géographique.
La nécessité pour les ultramarins de conserver un lien avec leurs parents et leur collectivité d'origine représente un coût, qui pose la question de la continuité territoriale.
Mais les ultramarins sont aussi confrontés à des discriminations qui sont autant d'atteintes intolérables aux principes fondant notre contrat social.
Ces discriminations dans la recherche d'un logement, d'un emploi, montrent le chemin qui nous reste à parcourir pour respecter la promesse républicaine d'égalité.
Elles appellent une mobilisation sans faille des pouvoirs publics, de l'éducation nationale au Défenseur des droits, qui se joindra tout à l'heure à vos débats.
C'est en effet à l'école que commence l'apprentissage de l'égalité et de la différence.
C'est à l'école que doit se diffuser la connaissance des outre-mer et de leur histoire, pour déraciner les préjugés et les idées reçues.
Pour éradiquer les discriminations nous devons mieux faire connaître les outre-mer dans l'hexagone et auprès de l'ensemble des citoyens.
Trop souvent, dans les manuels scolaires, sur les cartes de géographie, dans les statistiques officielles, y compris du chômage, les outre-mer sont effacés ou négligés.
De la même façon, et je suis certain que la délégation interministérielle s'y emploie, il faut développer l'information des ultramarins sur leurs droits.
Pour y parvenir, là encore, une connaissance précise des ultramarins de l'hexagone et de leur situation économique et sociale est indispensable.
La troisième table ronde de la matinée sera consacrée aux chemins vers la réussite.
Le chômage atteignant des taux très élevés dans les outre-mer, de nombreux jeunes ultramarins rejoignent l'hexagone en espérant y trouver un emploi.
Là encore, nous devons nous donner les moyens de tenir cette promesse.
La place des ultramarins dans la vie économique, universitaire et culturelle de notre pays doit également être analysée en profondeur pour que les pouvoirs publics puissent prendre des mesures appropriées.
Car le chemin de la réussite est nécessairement celui de l'égalité des chances.
En ce domaine, le concours du monde associatif est indispensable et je pense que vos échanges vous permettront de revenir sur des témoignages encourageants.
Mesdames et Messieurs, notre pays doit être fier de sa diversité et de ses métissages.
La réussite de la France ne peut se concevoir sans cette diversité qui lui apporte « tous les souffles du monde », pour reprendre les mots d'Aimé Césaire.
Le message du poète garde aujourd'hui toute sa force pour nous rappeler que les outre-mer nous enseignent la liberté et la créativité.
Le colloque qui s'ouvre portera, j'en suis sûr, un regard neuf sur la connaissance des ultra-marins de l'hexagone et sur tout ce que nous pouvons construire ensemble.
Je forme donc le voeu que vos travaux contribuent à la réflexion, mais aussi à l'action politique et législative.
Je vous remercie.