B. ... QUI S'EXPLIQUENT EN PARTIE PAR DES DÉFAUTS DE CONCEPTION ET DE CALIBRAGE DES AIDES
1. Une aide au portage qui a souffert de plusieurs défauts qui en ont limité la portée
a) Des aides contradictoires : le cas du portage et du postage
Le soutien public est parfois incohérent. Le cas de l'aide au portage est emblématique à cet égard.
L'ensemble des acteurs du secteur de la presse estime que le portage représente la solution d'avenir pour l'acheminement de la presse aux abonnés , même si le transport postal peut jouer un rôle complémentaire dans les zones à plus faible densité. Pourtant, actuellement, en dépit des avantages du portage, le transport par voie postale occupe en France une place prépondérante, à la différence de nos voisins.
Si les entreprises de la presse quotidienne régionale (PQR) sont parvenues à développer des réseaux propres de portage adaptés à leur zone de diffusion, ce mode d'acheminement reste encore très limité pour la presse quotidienne nationale (PQN). Alors que l'Etat augmentait les aides au portage ( cf. supra ), il maintenait parallèlement l'aide au transport postal à un niveau élevé. En conséquence, les deux aides se sont neutralisées et le portage ne s'est pas développé autant qu'on aurait pu l'espérer, au regard de l'ampleur du soutien . Comme le relève la Cour des comptes, « l'accroissement concomitant du soutien au portage et au transport postal ne pouvait conduire à une substitution progressive du premier mode de transport au second » .
Dans ce contexte, la poursuite, au-delà de 2015, d'une politique onéreuse d'aides simultanées et d'un montant élevé au portage et au transport postal n'est justifiée ni au regard d'un objectif de réduction des déficits publics, ces deux aides représentant l'essentiel des aides directes, ni de l'efficacité du soutien de l'Etat . Ce dernier doit donc s'attacher, à un horizon de trois à cinq ans, à aider le secteur de la presse et les opérateurs de transport à réaliser la transition du postage vers le portage .
b) Le défaut de conception de l'aide au portage, source d'un fort effet d'aubaine
Au-delà de la concurrence avec le transport postal, l'aide au portage a pâti de trois défauts principaux, qui expliquent aussi ses résultats mitigés : d'une part, le mauvais calibrage des deux composantes de l'aide (aide aux stocks et aide aux flux 18 ( * ) ). L'aide aux stocks a représenté 90 % de l'aide au portage en 2009, créant un effet d'aubaine au profit des quotidiens qui recouraient déjà significativement au portage (presse quotidienne régionale et départementale). Or, l'objectif principal était de développer le portage des quotidiens nationaux 19 ( * ) . Malgré un recalibrage du dispositif, le rééquilibrage n'a été que partiel. La question du calibrage de l'aide au portage, et du poids respectif des aides aux stocks et au flux reste donc un point central .
D'autre part, l'aide au flux est calculée sur la base des données de 2008 (antérieures à l'adoption du dispositif), ce qui a réduit à néant son effet incitatif. Enfin, l'aide globale, bien que plafonnée à 30 centimes a, pour certains titres, été supérieure au coût réel du portage supporté par les éditeurs de presse.
c) Un développement très limité de la mutualisation, faute d'une conditionnalité suffisante de l'aide au portage
Les états généraux de la presse (EGPE) avaient souligné la nécessité de renforcer la mutualisation des réseaux de portage , à travers un portage « multi-titres » presse quotidienne nationale/presse quotidienne régionale. Concrètement, au regard des structures existantes, il s'agissait d'inciter la presse quotidienne régionale à assurer le portage de la presse quotidienne nationale, dans le cadre d'une relation commerciale normale. Or, selon la Cour des comptes, le renforcement de l'aide en 2009 n'a donné lieu à aucun engagement concret de la part du secteur. Pourtant, au cours de l'audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, Jean Viansson-Ponté, président du syndicat de la presse quotidienne régionale, a fait valoir que la mutualisation existe déjà, pour des questions d'intérêt économique : « Nous ne comprenons pas bien ce que signifie la prime à la mutualisation car cette dernière est déjà une réalité : la presse quotidienne régionale acheminait quotidiennement 68 000 journaux nationaux en 2009 contre 90 000 aujourd'hui. L'intérêt économique commun est de développer du chiffre d'affaires sans qu'il y ait besoin d'aide. Pourquoi compliquer davantage le dispositif ? ».
Au total, votre rapporteur spécial prend acte des perspectives de réforme de l'aide au portage annoncée par la ministre de la culture et de la communication. Le projet annuel de performance de la mission « Médias, livre et industries culturelles » annexé au projet de loi de finances pour 2014 indique en effet que « l'aide au portage doit être modifiée en profondeur, pour devenir plus incitative, favoriser le portage multi-titres, y compris des magazines d'information politique et générale. Le calibrage de cette réforme est en cours d'exercice ».
* 18 L'aide aux stocks est fondée sur le nombre total d'exemplaires portés les années précédentes, tandis que l'aide au flux est calculée sur la progression annuelle des exemplaires portés.
* 19 En 2009, la presse quotidienne régionale et départementale a bénéficié de 82 % de l'aide au portage, contre 18 % pour la presse quotidienne nationale.