N° 654

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 11 juin 2013

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois (1) sur l' application des lois - Session parlementaire 2011-2012 ,

Par M. David ASSOULINE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. David Assouline, Président ; M. Philippe Bas, Mmes Claire-Lise Campion, Isabelle Debré, M. Claude Dilain, Mme Muguette Dini, MM. Ambroise Dupont, Louis Nègre, Mme Isabelle Pasquet, Vice-Présidents ; Mme Corinne Bouchoux, MM. Luc Carvounas et Yann Gaillard, secrétaires ; M. Marcel-Pierre Cléach, Mme Cécile Cukierman, M. Philippe Darniche, Mme Catherine Deroche, M. Félix Desplan, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Yves Détraigne, Mme Frédérique Espagnac, MM. Pierre Frogier, Patrice Gélard, Mme Dominique Gillot, MM. Pierre Hérisson, Jean-Jacques Hyest, Claude Jeannerot, Philippe Kaltenbach, Marc Laménie, Jacques Legendre, Jean-Claude Lenoir, Jacques-Bernard Magner, Stéphane Mazars, Jacques Mézard, Jean-Pierre Michel, Jean-Claude Peyronnet, Gérard Roche, Yves Rome, Mme Laurence Rossignol et M. René Vandierendonck .

LES PRINCIPALES CONCLUSIONS DU RAPPORT

LES PRINCIPALES CONCLUSIONS DU RAPPORT

Lors de sa réunion du 11 juin 2013, la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois a examiné le rapport de son Président, M. David Assouline, récapitulant les statistiques de mise en application des lois au cours de la session parlementaire 2011-2012 et présentant différentes réflexions en cours sur le contrôle de l'application des lois au service de la simplification et de l'amélioration de l'environnement normatif.

Concernant les statistiques de la précédente session parlementaire , le Président David Assouline, rapporteur, a précisé que les chiffres de l'année avaient été arrêtés à partir des données et observations produites par chaque commission permanente sur le suivi réglementaire des lois relevant de son domaine de compétences, ainsi que de l'exploitation d'états récapitulatifs issus de la base informatique spécialisée APLEG, mise en place et gérée par le Sénat depuis 1971.

Il a ajouté que les services de la commission sénatoriale avaient recoupé leurs chiffres avec ceux du Secrétariat général du Gouvernement (qui assure un suivi comparable pour le compte du pouvoir exécutif), et que leurs décomptes respectifs aboutissaient cette année à des résultats dans l'ensemble très convergents.

Le rapporteur a également indiqué que le rapport couvrait la période courant du 14 juillet 2011 au 30 septembre 2012, bornes fixées en coordination avec le Secrétariat général du Gouvernement pour prendre en compte le plus précisément possible les effets liés au changement de Gouvernement et de législature à la suite de l'élection présidentielle puis des élections législatives de mai et juin 2012.

Pour interpréter à leur juste mesure les statistiques disponibles, il est en effet indispensable de les rapporter à la succession des mandatures intervenues depuis 2007 , avec d'abord l'élection du Président Nicolas Sarkozy et l'arrivée à Matignon de François Fillon (qui, pour l'essentiel, n'ont eu à mettre en application que des lois proposées par eux-mêmes ou héritées des Gouvernements de Jacques Chirac, c'est-à-dire issues de la même sensibilité politique), puis l'élection en 2012 de François Hollande et l'arrivée à Matignon de Jean-Marc Ayrault qui, au cours de la dernière session, ont donc à la fois dû gérer plusieurs lois de l'ancienne majorité et mettre en application leurs propres textes.

Sur cette base, la commission sénatoriale a constaté au cours de la dernière année parlementaire les grandes tendances suivantes :

• La mise en application des lois est une priorité forte du nouveau Gouvernement qui, dès son entrée en fonction, a confirmé l'objectif de faire paraître les décrets d'application de toutes les lois nouvelles dans un délai maximum de six mois. Cette préoccupation s'inscrit dans une politique d'ensemble d'amélioration de l'environnement normatif français en vue d'en renforcer les performances et d'en faciliter la mise en oeuvre avec un haut niveau de sécurité juridique.

• Les statistiques d'application des textes récents se révèlent cette année en hausse par rapport aux exercices précédents , aussi bien en valeur absolue (nombre de lois mises en application et nombre de mesures publiées au cours de la période de référence) qu'en ce qui concerne les délais de publication des décrets d'application.

• Le taux global de mise en application des mesures législatives adoptées durant la session 2011-2012 atteint en effet un taux global de 66 %, très légèrement supérieur à celui de la session précédente (64 %). Mais le taux de l'année dernière n'exprimait pas une tendance durable, car il avait enregistré un brutal gonflement par rapport aux sessions précédentes -où il stagnait aux alentours de 30 à 40% depuis de nombreuses années- en partie du fait des efforts déployés par le Gouvernement Fillon dans les derniers mois de la législature. Rapportée à la moyenne des années précédentes, la progression est donc significative .

• Le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault a maintenu une pression salutaire cette année, puisque pratiquement 90 % des lois adoptées au cours de la session 2011-2012 sont aujourd'hui mises en application partielle ou totale .

• Pour les textes votés sous la XIVème législature -c'est-à-dire par l'actuelle majorité- les premières statistiques disponibles confirment cette tendance, avec déjà plus de 80 % de lois mises en application partielle ou totale, alors même que le délai de 6 mois imparti au Gouvernement pour publier ses textes d'application n'est pas encore expiré.

• Néanmoins, si la tendance générale semble bien orientée, le taux réel de mise en application n'atteint pas les 100 % que le Parlement est en droit d'attendre, et au-delà des statistiques d'ensemble, le rythme de mise en application des lois reste l'objet d'une perception assez variable d'une commission permanente à l'autre.

• Globalement, le taux et les délais de mise en application des textes issus de l'initiative parlementaire (propositions de loi et amendements) sont du même ordre que celle des textes d'origine gouvernementale, avec toutefois des données moins favorables pour les textes émanant du Sénat que ceux de l'Assemblée nationale.

• En dépit de progrès, la mise en application des textes adoptés à la demande du Gouvernement selon la procédure accélérée n'est guère plus rapide que celle des autres lois. Cette « urgence à deux vitesse », qui tient en grande part aux délais incompressibles et aux rigidités intrinsèques de la procédure d'élaboration des décrets d'application, démontre que l'examen d'un projet ou d'une proposition de loi selon la procédure accélérée n'est pas le gage de sa mise en application plus rapide après promulgation .

• Le rattrapage des retards de publication des décrets d'application des lois de la précédente législature se poursuit, mais à un rythme plus faible et avec, là encore, des écarts sensibles entre les commissions permanentes. Ainsi, pour les dispositions législatives figurant dans les lois adoptées par la précédente majorité parlementaire au cours de la XIIIème législature (entre juin 2007 et juin 2012) et non encore mises en application à l'expiration du Gouvernement Fillon, l'actuel Gouvernement a déjà publié 50 règlements ou rapports, soit seulement la moitié des textes d'application prévus.

• Cela ne préjuge pas du sort qui sera finalement réservé aux autres mesures en attente, mais on peut comprendre qu'un nouveau Gouvernement -quel qu'il soit- n'inscrive pas dans ses priorités la mise en application de lois issues d'un précédent Gouvernement, surtout si elles ont été adoptées par une majorité parlementaire opposée à la sienne .

• Enfin, le taux de mise en application du « stock ancien » -c'est-à-dire des lois antérieures à 2007 non encore appliquées- reste médiocre et ne marque pas de progrès significatif par rapport aux sessions précédentes. Là encore, cette situation s'explique principalement par les changements de priorités politiques survenus dans l'intervalle. Faut-il, cependant, considérer qu'une loi qui n'a pas été mise en application rapidement après son adoption par le Parlement serait exposée à une sorte de péremption de fait au bout de quelques années ? Sans aller jusqu'à préconiser une loi générale d'abrogation, qui soulèverait peut-être plus de complications qu'elle n'en résoudrait, la commission reconnaît qu'il y a là un problème de fond amenant à s'interroger sur les solutions les mieux aptes à le résoudre.

• Indépendamment des décrets d'application, le Gouvernement est tenu de remettre au Parlement un certain nombre de rapports prévus par différentes lois. Or, cette année encore, la production de ces rapports est bien moindre que celle attendue, et nettement plus lente que celle des textes réglementaires, en dépit des observations récurrentes du Parlement sur cette question.

• En outre, si beaucoup de rapports sont tout de même remis chaque année au Parlement, leur exploitation est-elle optimale ? Dans une optique d'efficacité de l'action publique, il apparaîtrait souhaitable de tirer un meilleur parti des rapports du Gouvernement , en particulier, pour ce qui relève en propre de sa mission de contrôle de l'application des lois, les rapports dits « de l'article 67 » explicitant dans les six mois de leur promulgation la mise en application de toutes les lois nouvelles.

Au vu de ces statistiques d'ensemble, la commission sénatoriale constate qu'il reste encore beaucoup trop de lois votées par le Parlement non encore totalement mises en application.

Mais elle se doit aussi de donner acte au Gouvernement des efforts appréciables qu'il déploie en vue d'un respect plus vigilant de ses obligations : sans être optimaux, les chiffres de l'année parlementaire 2011-2012 se révèlent ainsi meilleurs que ceux des années précédentes, traduisant à la fois une réelle prise de conscience de difficultés mises en évidence de longue date par le Sénat, et une volonté politique d'y mettre un terme.

Passant à la seconde partie de sa présentation, le Président David Assouline a fait part à la commission d'un certain nombre de réflexions générales sur le contrôle de l'application des lois , soulignant en premier lieu que cette mission ne saurait se résumer à vérifier si les décrets d'application ont bien été publiés à la date prévue.

Si ce pointage conserve toute son utilité, il n'est qu'une phase d'une démarche qualitative globale et plus ambitieuse, conduisant les assemblées parlementaires à s'interroger sur le « bon rendement législatif » des textes qu'elles votent.

Le rapporteur a vu dans ce questionnement un moyen pour le Parlement de dépasser le traditionnel face à face « pouvoir législatif / pouvoir exécutif », et de l'enrichir d'une dimension nouvelle d'introspection, tournée vers sa propre activité normative : la loi qu'il a votée était-elle réellement applicable et comment est-elle effectivement appliquée ? A-t-elle répondu aux attentes placées en elle, et a-t-elle permis d'atteindre les objectifs assignés ?

Le Président David Assouline s'est dit convaincu que cette approche répond à des préoccupations concrètes de la plupart de nos concitoyens et a fait valoir qu'elle s'inscrit pleinement dans la logique de la révision constitutionnelle de 2008, la mission de contrôle parlementaire étant désormais prolongée par une mission nouvelle d'évaluation des politiques publiques.

Il a considéré que la création au Sénat d'une commission sénatoriale spécialisée répondait bien à cet objectif, car indépendamment de sa mission de veille réglementaire sur la parution des décrets d'application, cette commission est avant tout en charge d'évaluer les législations existantes pour, s'il y a lieu, faciliter le travail des commissions permanentes et celui du Sénat lorsqu'ils sont saisis de projets modifiant le droit en vigueur.

Le rapporteur a ensuite présenté à la commission un certain nombre de propositions en vue d'affiner la méthodologie du contrôle et d'en renforcer les performances au service de la simplification du droit, de la modernisation de l'action publique et d'une amélioration qualitative de l'environnement normatif.

• Dans ce cadre, il a préconisé , en particulier, une harmonisation formelle des bilans des commissions permanentes, une exploitation interne plus méthodique des rapports d'application présentés par le Gouvernement et, dans toute la mesure du possible, la recherche d'une convergence des méthodes de décompte entre le Sénat et le Secrétariat général du Gouvernement .

• En outre, tout en refusant d'entériner en fait ou en droit la notion de « loi obsolète », la commission a envisagé la possibilité de reconsidérer la méthode actuelle de comptabilisation des lois les plus anciennes non encore intégralement mises en application, car beaucoup d'entre elles ne seront jamais mises en oeuvre en raison des alternances politiques et des évolutions techniques ou sociétales intervenues entretemps, ce qui tire les statistiques vers le bas de manière somme toute artificielle.

Le rapporteur a par ailleurs résumé les grandes orientations du nouveau Gouvernement en matière d'application des lois, de lutte contre l'inflation législative et de renforcement des performances du circuit normatif , avec plusieurs mesures novatrices décidées lors des deux dernières réunions CIMAP (comité interministériel pour la modernisation de l'action publique) en décembre 2012 puis avril 2013, notamment la règle du « 1 pour 1 », consistant désormais à assortir toute création d'une norme nouvelle à la suppression d'une norme existante.

Rappelant que le Sénat avait été précurseur dans le domaine de l'application des lois en créant à cet effet, dès 1971, un outil spécifique performant, le rapporteur a souhaité qu'y émerge aujourd'hui une véritable « culture du contrôle et de l'évaluation » , évolution désormais inévitable, aussi bien en amont du travail législatif (à travers, notamment, des études d'impact plus efficaces) qu'en aval (pour s'assurer que la mise en oeuvre d'une norme répond bien aux attentes ayant conduit à son adoption).

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Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, la commission sénatoriale tient à saluer le travail considérable de contrôle de la publication des textes réglementaires d'application des lois effectué tout au long de l'année par les commissions permanentes, et le concours précieux qu'elles lui ont apporté depuis sa mise en place effective, aussi bien dans l'élaboration de ses rapports thématiques que pour l'établissement de son bilan récapitulatif annuel.

La commission sénatoriale se félicite également du climat de confiance établi dès janvier 2012 avec les autorités gouvernementales concernées, notamment le ministre en charge des Relations avec le Parlement et le Secrétariat général du Gouvernement.

Dans son propre domaine de compétences, elle salue et souhaite accompagner les efforts récemment engagés par le pouvoir exécutif en vue d'une simplification et d'une amélioration de l'environnement normatif, marqués notamment par des mesures d'endiguement de l'inflation des normes et de simplification du droit, qui répondent aux attentes de tous nos concitoyens.

« La création de la commission d'application des lois marque en soi un progrès considérable. Car disposer d'instruments très précis pour s'assurer de la pertinence de la loi et de la mise en oeuvre des règlements qui en garantissent l'application représente une avancée »

(Pr. Guy Carcassonne,
lors de son audition au Sénat le 15 mars 2013)

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