LES CONCLUSIONS DU GROUPE DE TRAVAIL

En deux mois de travaux intensifs, le groupe de travail commun créé par la commission des affaires économiques et la délégation sénatoriale à l'outre-mer a pu, grâce aux nombreux témoignages recueillis lors d'une vingtaine d'auditions menées au Sénat, dont une visioconférence avec le gouvernement et la chambre de commerce et d'industrie de la Nouvelle-Calédonie, et d'un déplacement de trois jours à La Réunion, mesurer le caractère vital des dispositifs d'aide fiscale à l'investissement pour les économies des outre-mer . Ce travail d'évaluation a conduit une fois encore à déplorer le caractère lacunaire et disparate des connaissances sur la situation des outre-mer, en l'espèce celle des entreprises.

Un constat sans ambiguïté :

Le groupe de travail a constaté que les dispositifs d'aide fiscale à l'investissement permettaient d'orienter efficacement les flux financiers extérieurs vers les investissements indispensables au développement des outre-mer dans un contexte de contraintes structurelles fortes et de crise économique génératrice de taux de chômage record. La réactivité du dispositif d'aide fiscale et son effet de levier sur l'accès au crédit bancaire dont les TPE et PME ultramarines, sous-capitalisées et qui constituent plus de 90 % du tissu entreprenarial, sont privées, en font un outil irremplaçable. Permettant d'abaisser, pour l'exploitant, le prix de revient de l'investissement, cette aide vient compenser une partie des surcoûts résultant outre-mer de l'éloignement et de la dépendance aux approvisionnements extérieurs, de l'étroitesse des marchés limitant les économies d'échelle ou encore des normes et de la rareté du foncier disponible.

Les crédits dégagés par l'aide fiscale à l'investissement ont rendu possible une relance massive de la construction de logements sociaux et très sociaux avec un doublement de la programmation depuis 2009 pour atteindre, en 2011, quelque 7 500 logements financés dans les DOM face à une demande qui en nécessiterait, pour sa résorption, plus de 10 000.

L'aide fiscale à l'investissement, qui joue un rôle capital dans la réalisation de grands équipements structurants comme la mise en place de câbles sous-marins indispensables à une continuité territoriale effective, est également un instrument puissant de dynamisation du développement et de modernisation des économies ultramarines , favorisant tout à la fois la naissance de véritables filières et la valorisation des potentiels des territoires. Mais elle est avant tout l'oxygène indispensable au tissu économique vivrier garant des équilibres sociaux et territoriaux : 16 000 TPE et PME ont ainsi bénéficié en 2012 d'une aide pour des projets dont le montant moyen est de l'ordre de 30 000 €.

L'aide fiscale à l'investissement irrigue donc efficacement les économies ultramarines ; sa suppression, préconisée par la Cour des comptes, aurait sans doute des conséquences catastrophiques sur des économies en grande difficulté et de plus en plus souvent mises à mal par les mouvements sociaux de protestation contre la vie chère.

Le coût budgétaire induit, estimé à 1,1 milliard d'euros pour 2013, doit être doublement relativisé , eu égard à l'utilité indéniable de l'aide et de son omniprésence dans les plans de financement des investissements, d'une part, et dans la mesure où elle ne figure pas au nombre dépenses fiscales les plus coûteuses, d'autre part.

Pour autant, avec le souci de prendre en compte les impératifs de discipline budgétaire et d'amorcer de nouvelles avancées vers davantage de maîtrise et d'efficience , le groupe de travail a élaboré une dizaine de propositions tendant à optimiser l'impact de l'aide fiscale par l'amélioration des dispositifs existants mais également par le recours à de nouveaux dispositifs.

Quelles que soient les formules retenues, le groupe de travail recommande avant tout prudence et progressivité dans les évolutions à venir et invite à mettre un terme au « nomadisme fiscal » afin de restaurer la confiance des investisseurs en garantissant une stabilité pluriannuelle qui fait cruellement défaut. S'agissant d'un dispositif fiscal dont la validité européenne arrive à expiration à la fin de l'année 2013, le groupe de travail souligne enfin l' urgence à arrêter, au niveau national, le schéma fiscal en matière d'aide à l'investissement outre-mer afin de ménager le délai nécessaire aux négociations avec la Commission européenne et éviter un arrêt brutal de ces aides .

10 propositions pour optimiser l'impact de l'aide fiscale :

Le groupe de travail a élaboré une dizaine de propositions suivant la double orientation suivante :

pour le logement social : la mise à l'étude d'un dispositif alternatif à la défiscalisation et, dans l'immédiat, des ajustements au dispositif actuel afin d'en assurer une plus grande efficience ;

pour l'ensemble des secteurs, c'est-à-dire tant pour le logement social que pour le secteur productif, des mesures destinées à assurer un meilleur encadrement et une plus grande efficience de l'aide fiscale qui doit être maintenue.

PROPOSITION N° 1 :

La première proposition porte sur le logement social et se décompose en 5 mesures en faveur du maintien d'un soutien massif à la construction de logements sociaux :

a) L'étude, à bref délai, des modalités d'un prêt à taux zéro ou d'un prêt bonifié équivalent servi par la Caisse des dépôts et consignations pour le financement des différentes catégories de logement social et l'établissement d'une stratégie de substitution progressive aux aides fiscales actuelles ;

Face à l'évocation d'une « rebudgétisation » qui conduirait à multiplier la LBU au moins par trois, perspective peu crédible en période de disette budgétaire, il est proposé d'étudier un dispositif potentiellement alternatif à la défiscalisation : un prêt à taux zéro (PTZ) ou un prêt bonifié équivalent servi par la Caisse des dépôts et consignation pour le financement des différentes catégories de logement social. Ce dispositif pourrait venir se substituer -au moins en partie - aux aides fiscales actuelles et être réservé aux logements sociaux (LLS) et très sociaux (LLTS), le PLS - qui n'est pas éligible à la LBU - continuant à bénéficier uniquement de l'aide fiscale.

Mais dans l'immédiat le groupe de travail invite à la pérennisation des mécanismes actuels assortis de plusieurs adaptations :

b) La pérennisation du mécanisme de financement mixte actuel combinant, dans des proportions variables, LBU et flux drainés par l'intermédiaire des dispositifs fiscaux de soutien à l'investissement outre-mer ;

c) Le maintien d'un plafonnement de 18 000 € de l'avantage fiscal à l'IR assorti de la prise en compte, pour le calcul de la base de réduction d'impôt, du taux de rétrocession réel et non plus du taux de rétrocession légal minimal, ce qui permet de restreindre le nombre d'investisseurs par projet et donc de faciliter la collecte tout en abaissant le montant des frais d'intermédiation ;

d) Un rehaussement de 10 points du taux légal de rétrocession qui passerait de 65 à 75 % ;

e) La réduction à 2 ans de la durée de portage afin de limiter les frais de gestion et les frais de débouclage du programme.

Ces adaptations tendent à :

- contrer, par la prise en compte du taux de rétrocession réellement consenti et non plus du minimum légal pour le calcul de la base de réduction d'impôt, un des effets déstabilisateurs de la décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2012 sur la loi de finances pour 2013 qui, en déclarant inconstitutionnelle la part variable de 4 % s'ajoutant au plafond de 18 000 €, atomise la collecte par la multiplication du nombre d'investisseurs à réunir sur un même projet et renchérit les coûts de montage et d'intermédiation ;

- relever le taux légal de rétrocession afin de mettre les textes en harmonie avec la réalité des pratiques et afficher la volonté d'améliorer l'efficience des dispositifs au bénéfice des organismes de logement social ultramarins ;

- par une durée de portage ramenée de 5 à 2 ans, limiter les frais de gestion ainsi que certains coûts liés au dénouement des opérations.

Ces 5 mesures visent à assurer le maintien d'un soutien massif à la construction de logements sociaux qui constitue, via le BTP, une puissante locomotive pour l'ensemble de l'économie.

PROPOSITION N° 2 :

Pour l'ensemble des secteurs, celui du logement social comme celui de l'investissement productif, déconnecter le plafond de 18 000 € d'avantage fiscal du plafond général de 10 000 € afin de restaurer les capacités de collecte de flux d'aide fiscale au soutien de l'investissement outre-mer.

Il s'agit de restaurer les capacités de collecte des fonds à orienter vers l'investissement en outre-mer que la décision du Conseil constitutionnel relative à la loi de finances pour 2013 a en partie asséchées, compliquant les montages juridiques et renchérissant leur coût.

PROPOSITION N° 3 :

Évaluer la possibilité de rehausser les taux de rétrocession légaux en matière d'investissement productif.

Poursuivant l'objectif de renforcement de l'efficience de l'aide fiscale à l'investissement outre-mer, cette proposition vise à ce que soit étudiée la possibilité de relever les taux de rétrocession légaux pour l'aide fiscale en matière d'investissements productifs.

PROPOSITION N° 4 :

Lorsque l'entreprise qui investit produit un résultat, réserver le recours à l'aide fiscale au soutien de l'investissement productif outre-mer, l'année de réalisation de l'investissement, au financement de la portion du montant du projet excédant la capacité fiscale de l'entreprise à annuler son impôt sur les sociétés par réduction de l'assiette.

Cette mesure d'encadrement de la défiscalisation prescrit de ne recourir à la défiscalisation que lorsque le montant de l'investissement excède la capacité de l'entreprise à le financer sur ses propres résultats, et pour la partie excédant cette capacité seulement. Avec cette combinaison, la mécanique d'aide fiscale rendant nécessaire une intermédiation ne s'applique plus qu'à une partie du montant de l'investissement et tient compte des résultats de l'entreprise . Ce dispositif s'inspire de celui en vigueur en Polynésie en matière de défiscalisation locale.

Ce dispositif introduit dans la législation fiscale nationale ne pourrait cependant pas s'appliquer aux entreprises des COM puisqu'elles ne sont pas assujetties à l'IS du fait de l'autonomie fiscale des collectivités. Ces entreprises continueraient donc à pouvoir recourir à la défiscalisation en vigueur pour l'intégralité du montant de l'investissement réalisé.

PROPOSITION N° 5 :

Étudier, pour le secteur de l'investissement productif et les dossiers actuellement éligibles à la procédure d'agrément, la possibilité d'instituer un mécanisme de crédit d'impôt susceptible de constituer une alternative au dispositif d'aide fiscale au soutien de l'investissement productif outre-mer, le mécanisme devant offrir les mêmes garanties de réduction des coûts d'investissement pour l'exploitant ultramarin. Ce dispositif n'est susceptible de s'appliquer qu'aux grandes entreprises des DOM disposant d'un accès effectif au crédit.

La mise en place d'un crédit d'impôt, qui viendrait se substituer à l'aide fiscale à l'investissement outre-mer pour les investissements productifs, est pressentie dans le cadre des consultations lancées par le Gouvernement. Il apparaît que cette solution ne pourrait être aménagée que dans des conditions très restrictives et réservé à un nombre restreint de « grandes » entreprises offrant des garanties suffisantes d'accès au crédit . Pour l'écrasante majorité des entreprises ultramarines, qui sont des TPE-PME privées d'accès au crédit, la question du préfinancement paraît un écueil infranchissable si ce n'est par des dispositifs complexes dont le coût sera nécessairement pris en charge par l'exploitant alors que les frais de montage juridique et financier d'un projet pèsent aujourd'hui sur le contribuable-investisseur. Enfin, le crédit d'impôt est inapplicable dans les COM qui disposent de l'autonomie fiscale.

En dépit de cette première approche qui relève de nombreux inconvénients liés au crédit d'impôt conçu comme un mécanisme de substitution à la défiscalisation, le groupe de travail propose, à titre exploratoire , une étude concernant le seul secteur de l'investissement productif et les dossiers sous agrément en vue d'un mécanisme offrant les mêmes garanties de réduction des coûts d'investissement pour l'exploitant ultramarin que le système actuel.

PROPOSITION N° 6 :

Élargir le champ de compétence des directions régionales des finances publiques à l'ensemble des projets d'investissement productif sous agrément d'un montant inférieur à 5 millions d'euros au lieu de 1,5 million d'euros actuellement, pour une meilleure prise en compte des priorités sectorielles territoriales et du contexte économique local, ainsi qu'une réduction des délais d'instruction.

Il s'agit d'étendre, dans les DOM, le champ d'intervention des directions régionales des finances publiques (DRFIP) qui sont déjà compétentes pour les projets d'investissement soumis à agrément d'un montant inférieur à 1,5 million d'euros en relevant ce seuil à 5 millions d'euros. Cette proposition répond à la préoccupation d'une meilleure prise en compte des priorités locales de développement économique grâce à une meilleure connaissance des potentiels de développement de certains secteurs ou encore du contexte régional.

PROPOSITION N° 7 :

Instaurer, dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, une procédure déconcentrée d'instruction des agréments semblable à celle en vigueur dans les départements d'outre-mer.

Alors que les DRFIP sont compétentes pour délivrer les agréments jusqu'à un certain seuil dans les DOM, les dossiers correspondant à des projets implantés dans les COM et en Nouvelle-Calédonie sont instruits par la DGFIP. Afin d'assurer une réelle prise en compte des réalités économiques locales, notamment celles du Pacifique, les plus éloignées, il est proposé d'y appliquer une procédure déconcentrée d'instruction des agréments semblable à celle en vigueur dans les DOM .

PROPOSITION N° 8 :

Mise en place d'un outil statistique de suivi de l'impact économique et budgétaire des dispositifs d'aide fiscale de soutien à l'investissement outre-mer et remise effective d'un rapport annuel au Parlement rendant compte de cet impact, de son évolution, et décrivant la déclinaison territoriale des fonds défiscalisés pour en vérifier la compatibilité avec les stratégies locales.

Depuis 1986 et la création des dispositifs de défiscalisation, aucun rapport n'a fait le point sur leur impact économique, la problématique étant systématiquement analysée sous un prisme uniquement fiscal et budgétaire. La mise en place d'un véritable outil statistique de suivi de l'impact tant économique que budgétaire apparaît indispensable, qu'il s'agisse des dossiers sous agrément ou du plein droit, des dispositifs à l'IR ou à l'IS, des DOM ou des COM et de la Nouvelle-Calédonie. Il apparaît non moins indispensable qu'une information régulière du Parlement soit effectivement mise en oeuvre, contrairement à la réalité constatée aujourd'hui. Un descriptif de la déclinaison territoriale des fonds défiscalisés permettrait en outre d'en vérifier la compatibilité avec les stratégies définies localement par les collectivités territoriales.

PROPOSITION N° 9 :

Dans les départements d'outre-mer, les collectivités d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie, organiser un régime déclaratif d'encadrement de l'aide fiscale de plein droit de soutien à l'investissement outre-mer, assorti d'une obligation de dépôt de justificatifs permettant de faciliter les contrôles et faisant l'objet de sanctions dissuasives.

L'évaluation de la défiscalisation dite « de plein droit », c'est-à-dire hors agrément, fait aujourd'hui défaut, tant du point de vue qualitatif que quantitatif : l'obligation déclarative actuelle est en effet peu respectée et les données recueillies ne sont pas exploitées par l'administration fiscale. Afin d'assurer un meilleur encadrement du plein droit , il est proposé que les exploitants soient contraints de souscrire de véritables engagements et que l'obligation déclarative soit assortie, d'une part, du dépôt des justificatifs auprès des services locaux de l'État et, d'autre part, de sanctions dissuasives et de contrôles inopinés. Cela paraît préférable à l'accroissement du champ de l'agrément, simplifié ou pas, qui conduirait instantanément à une saturation des services fiscaux instructeurs.

PROPOSITION N° 10 :

Encadrer la profession d'intermédiaire financier en matière d'aides fiscale de soutien à l'investissement outre-mer, avec notamment la publication rapide du décret mentionné à l'article 242 septies du code général des impôts prévoyant déjà un ensemble d'obligations, dont la signature d'une charte de déontologie. Des obligations additionnelles pourraient être prescrites telles que la justification d'une garantie financière minimale délivrée par un établissement financier. Pourrait également être étudiée la création d'une profession réglementée.

La nécessité d' encadrer la profession d'intermédiaire fait aujourd'hui l'unanimité, y compris parmi les professionnels qui le réclament depuis plusieurs années. La loi de finances pour 2012 avait prévu un décret à cet effet, jamais publié. Outre les obligations figurant aujourd'hui à l'article 242 septies du CGI (aptitude professionnelle, respect des obligations sociales et fiscales, certification annuelle des comptes...), d'autres obligations pourraient être prévues, telles que la justification d'une garantie financière minimale. Une étude devrait être menée sur la possibilité de créer une profession réglementée dès lors que les mécanismes en jeu ont une incidence en matière de finances publiques.

I. LES DISPOSITIFS FISCAUX DE SOUTIEN À L'INVESTISSEMENT, SOCLE DE DÉVELOPPEMENT D'ÉCONOMIES ULTRAMARINES FRAGILES

En dépit d'écarts de valeur d'indice de développement humain (IDH) qui peuvent paraître relativement faibles, les écarts de développement entre les outre-mer et l'hexagone mesurés en années de retard sont éloquents . « Le niveau moyen de développement des départements et collectivités d'outre-mer en 2010 serait ainsi proche de celui de la France métropolitaine du début des années 1990, accusant une vingtaine d'années de retard » 7 ( * ) . Cependant, cette moyenne recouvre des réalités différentes d'un territoire à l'autre : 12 et 13 ans respectivement pour la Guadeloupe et la Martinique, mais des retards de l'ordre d'une génération pour d'autres avec 18 ans pour la Nouvelle-Calédonie, 25 ans pour La Réunion, ou encore 27 et 28 ans pour la Guyane et la Polynésie française.

Ces écarts se sont cependant considérablement réduits au fil du temps, avec un fort rattrapage au cours de la décennie 1990-2000 . La tendance au comblement des écarts s'est tassée pendant la décennie suivante, les économies ultramarines éprouvant très durement, et dans des proportions amplifiées par les contraintes pesant sur elles, la crise mondiale à compter de 2009. Les taux de chômage y battent des records - 25,2 % en moyenne pour les DOM hors Mayotte en 2011, 60 % des actifs de 15 à 24 ans à La Réunion - et les mouvements sociaux contre la vie chère font des outre-mer français de tous les océans une gigantesque « cocotte-minute ».

Dans ce contexte à la fois structurellement difficile et conjoncturellement dégradé , des outils ont contribué et contribuent encore à soutenir et à dynamiser le développement, parmi lesquels les dispositifs fiscaux de financement de l'investissement dans les outre-mer. Si les outils d'évaluation et les données statistiques manquent pour mesurer cette contribution, ainsi que l'avait déjà déploré dès 2002 le rapport d'information du Sénat fait au nom de la commission des finances, la mise en regard des contraintes pesant sur les économies ultramarines et des facilités offertes par l'instrument fiscal est éloquente et montre une bonne adéquation. En outre, comme en 2002, les interlocuteurs du groupe de travail ont été unanimes à considérer cet outil comme perfectible mais indispensable 8 ( * ) .

A. UN INSTRUMENT DE FINANCEMENT QUI CONTRIBUE À COMPENSER LES CONTRAINTES STRUCTURELLES PESANT SUR LES ÉCONOMIES ULTRAMARINES

Toutes les économies ultramarines, sans exception, sous soumises à de lourdes contraintes qui les caractérisent. Jauger leurs performances à l'aune des critères habituels et des lois économiques gouvernant d'ordinaire les économies de marché n'est pas pertinent.

1. Un environnement, en soi, peu attractif pour les investisseurs et un tissu économique fragile disposant d'un accès restreint aux liquidités

En dépit de leur grande diversité de situation dans l'environnement mondial, de leur appartenance à des bassins économiques et culturels très différents et de l'importante variété de leurs caractéristiques intrinsèques, les onze territoires habités constituant les outre-mer français présentent de nombreux points communs qui sont autant de freins au développement de leurs économies et les rendent particulièrement vulnérables à toute modification du contexte dans lequel elles évoluent.

a) De lourds handicaps liés aux caractéristiques géographiques, à des différentiels de compétitivité pénalisants et à un déficit persistant en équipements structurants
(1) Caractéristiques géographiques et étroitesse des marchés locaux en font des économies peu attractives pour les investisseurs

Quel que soit l'océan où elles se situent, les collectivités ultramarines sont handicapées par leur éloignement des principaux centres de production et de distribution et, singulièrement, par des relations commerciales où le poids des échanges avec l'hexagone et l'Union européenne reste tout à fait prépondérant.

(a) Des marchés étroits

À l'exception de La Réunion dont la population s'élève à plus de 800 000 habitants avec une démographie dynamique, l'ensemble des autres territoires constituent des micro-marchés intérieurs. Martinique et Guadeloupe, départements les plus peuplés après La Réunion, ont une population moitié moindre.

Territoire

Nombre d'habitants

Superficie terrestre (km 2 )

Saint-Pierre-et-Miquelon

6 125

en 2011

242

Guadeloupe

401 730

en 2011

1 628

Saint-Barthélemy

8 902

en 2009

21

Saint-Martin

36 824

en 2009

53

Martinique

395 953

en 2011

1 128

Guyane

236 250

en 2011

83 846
(= 16 % du territoire de l'hexagone)

Mayotte

186 452

en 2007

375

La Réunion

840 000

en 2011

2 520

Wallis-et-Futuna

12 835

en 2010

140

Nouvelle-Calédonie

252 000

en 2010

18 576

Polynésie française

267 000

en 2010

3 251
(ZEE : 5,5 millions)

Source IEDOM-IEOM

Cette étroitesse des marchés, dont le corollaire est une concurrence peu développée, empêche les économies d'échelle et est une cause majeure de renchérissement .

(b) Un fort isolement et, le plus souvent, une dispersion des terres habitées

Les économies ultramarines souffrent à la fois d' isolement et d' enclavement . Situées à des milliers de kilomètres de l'hexagone, 4 300 km pour la plus proche, Saint-Pierre-et-Miquelon, et plus de 15 000 km pour les collectivités du Pacifique, toutes, à l'exception de la Guyane, sont caractérisées par l'insularité et souvent même par une structure archipélagique qui aggrave encore le facteur de l'isolement en compliquant les communications. La Polynésie française est emblématique de cette multi-insularité avec ses 76 îles habitées sur 118 réparties en quatre grands ensembles principaux (Îles de la Société, Îles Marquises, Îles des Tuamotu-Gambier et Îles Australes) sur une superficie vaste comme l'Europe. À une moindre échelle mais avec des incidences de même nature, d'autres départements ou collectivités sont également caractérisées par l'émiettement de leur territoire en plusieurs sous-ensembles, leur caractère archipélagique : ainsi la Guadeloupe et ses îles du Sud, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna (230 km entre Wallis et Futuna/Alofi), la Nouvelle-Calédonie (îles Loyauté à l'Est de la grande terre) ou encore Mayotte.

Certains de ces territoires sont très éloignés des grands centres de production et de distribution régionaux ; c'est particulièrement le cas des collectivités du Pacifique. Ainsi la Polynésie française est-elle distante de plus de 6 000 km de l'Australie, terre-continent la plus proche, ou de Los Angeles. La Nouvelle-Calédonie se situe à près de 2 000 km de Sydney et à plus de 7 200 km de Singapour.

Certains de ces territoires sont en outre en « bout de course » des routes maritimes et aériennes, mais également numériques : ainsi les trois collectivités du Pacifique.

Territoire

Distance à Paris (km)

Distance aux centres d'activité économique les plus proches (km)

Saint-Pierre-et-Miquelon

4 300

Terre neuve : 25

New-York : 1 550

Montréal : 1 800

Guadeloupe

6 800

Martinique : 180

New-York : 2 950

Saint-Barthélemy

6 750

Guadeloupe : 230

New-York : 2 750

Saint-Martin

6 700

Guadeloupe : 260

New-York : 2 700

Martinique

6 900

New-York : 3 150

Guyane

7 000

Belém : 820

Trinidad : 1 190

New-York : 4 500

Mayotte

8 000

Madagascar : 630

La Réunion : 1 410

Afrique du Sud : 2 300

La Réunion

9 300

Maurice : 200

Madagascar : 800

Afrique du Sud : 2 800

Wallis-et-Futuna

16 000

Sydney : 4 000

Nouvelle-Calédonie

16 700

Auckland : 1 800

Sydney : 1 970

Singapour : 7 250

Polynésie française

15 800

Sydney : 6 100

Los Angeles : 6 600

Singapour : 11 700

(2) Des différentiels de compétitivité pénalisants

Qu'il s'agisse des départements ou des collectivités, les économies ultramarines souffrent d' importants différentiels de compétitivité qui freinent leur insertion dans leur environnement régional .

Les origines de ce différentiel sont multiples : absence d'économies d'échelle, normes nationales et européennes, poids du secteur public et sur-rémunérations rendant le secteur privé peu attractif, dépendance énergétique, dépendance aux importations de nombreux intrants, prix du foncier, qualifications inadaptées aux besoins... tout concourt à renchérir les productions locales. Il serait d'autant plus important que la puissance publique valorise toutes les opportunités de ces territoires en termes de filières, d'innovation, de compétitivité hors coût, de formations universitaires, ce qui suppose des investissements d'avenir qui ne sauraient être réalisés sans apport de financements nationaux.

(a) La difficulté à réaliser des économies d'échelle

Étroitesse des marchés locaux et faible compétitivité-coût à l'exportation conduisent à réaliser des investissements aux dimensions qui ne permettent pas d'effectuer des économies d'échelle significatives . S'agissant de produits destinés à l'exportation, ce handicap lié à la taille oriente l'activité vers les marchés de niche : il s'agit de miser sur la qualité et de valoriser les savoir-faire industriels.

Ainsi pour la production sucrière. Les acteurs du secteur, à La Réunion, développent une intense activité de recherche agronomique de sélection variétale et, en aval de l'exploitation sucrière, ont su valoriser les déchets pour faire de la bagasse une importante source énergétique. Sur une production sucrière européenne annuelle de 18 millions de tonnes, 300 000 tonnes correspondent à du sucre de canne dont 210 000 tonnes sont produites par les deux sucreries de La Réunion. Aujourd'hui, selon les données délivrées par les professionnels réunionnais, la production annuelle moyenne par sucrerie est de 172 000 tonnes dans l'Union européenne contre 105 000 tonnes à La Réunion. Par ailleurs, le coût de revient de la tonne de sucre de canne réunionnaise s'élève à 400 € contre 180 € pour le Brésil et 170 € pour la tonne de sucre de betterave de l'Union européenne 9 ( * ) .

(b) Le poids des normes, le coût du travail et la rareté du foncier

Les secteurs agricole et industriel mais aussi le logement sont particulièrement exposés aux surcoûts induits par les obligations normatives et la rareté du foncier .

Le développement endogène des territoires passe par un minimum d'autosuffisance, alimentaire notamment. Cette dernière nécessite l'ancrage d'exploitations agricoles et d'élevages. Cependant, de telles activités ont du mal à prendre leur essor au-delà d'une dimension vivrière du fait des surcoûts liés à la rareté du foncier utilisable et à son prix élevé, mais aussi résultant du recours obligatoire aux intrants qui ne sont, bien évidemment, pas produits sur place. Par surcroît, ces intrants doivent être conformes aux normes sanitaires et environnementales européennes ce qui interdit le plus souvent aux agriculteurs de se fournir sur des marchés de proximité. L'aide à l'équipement des exploitations est, dans ce contexte, une question de survie. En favorisant le développement d'une industrie agro-alimentaire et, comme à La Réunion, la structuration de filières, l'aide fiscale à l'investissement productif permet l'intégration de ces petites exploitations agricoles, si importantes pour l'emploi et le maillage du territoire, dans le processus de production.

La question de la rareté et de la cherté du foncier utilisable est commune à l'ensemble des outre-mer et constitue une cause importante de renchérissement des productions , que ce phénomène ait pour origine l'insularité et le relief ou, comme en Guyane, la « mise sous cloche » de la majeure partie du territoire afin d'en préserver la biodiversité particulièrement riche et un réseau de communications très fruste.

L'obligation de respecter quantité de normes phytosanitaires et environnementales nationales et européennes , ou répondant à des contraintes propres liées par exemple aux risques climatiques (normes sismiques ou cycloniques pour les constructions) contribue également au renchérissement des productions par rapport à celles des pays environnants souvent bien moins exigeantes.

L'exemple de la banane antillaise en est une illustration : de l'ordre de 200 000 tonnes pour la Martinique et de 50 000 tonnes pour la Guadeloupe, les exportations vers l'Union européenne représentent de 10 à 15 % de la consommation annuelle des européens dont la majeure partie est satisfaite par les importations en provenance d'Amérique latine pour près des trois-quarts ainsi que des pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique). Le jeu combiné des règlementations européennes limitant l'usage des pesticides sur le territoire européen et les régions ultrapériphériques et la disparition des protections tarifaires envers les pays producteurs de la zone dollar où l'usage des pesticides est beaucoup plus permissif aboutissent à des distorsions de concurrence par un renchérissement relatif des productions antillaises et une minoration de leurs rendements (35 t/ha contre 50 à 60 t/ha pour la « banane-dollar »).

Comme l'a rappelé M. Jean-Pierre Philibert, président de la FEDOM, lors de son audition le 3 avril, les normes outre-mer doivent faire l'objet d'adaptation pour éviter les situations ubuesques ; il a ainsi évoqué l'exemple de l'industrie du boucanage en Guyane qui nécessitait l'importation de bois de hêtre européen alors même que la forêt guyanaise est une des plus riches au monde.

Les normes sociales et en particulier salariales, tout en étant protectrices des populations ultramarines et traduisant l'ancrage dans la République, génèrent également des différentiels de compétitivité considérables par rapport aux économies voisines. Si les comparaisons de coûts salariaux ne sont pas aisées, on peut cependant estimer qu'ils sont trois à quatre fois plus élevés à La Réunion qu'à l'Île Maurice (les représentants du secteur de l'hôtellerie rencontrés à La Réunion ont même indiqué que la rémunération d'un salarié réunionnais équivalait à celle de cinq à six salariés à Maurice) ; le même rapport peut être établi dans la zone Caraïbe entre les coûts constatés dans les départements français d'Amérique (DFA) et ceux de Sainte-Lucie, du Surinam ou de Trinité Tobago 10 ( * ) . Dans les départements comme dans les collectivités d'outre-mer ou en Nouvelle-Calédonie, les rémunérations du secteur privé subissent en outre la pression à la hausse de celles du secteur public bénéficiant de coefficients de majoration.

(c) L'éloignement et la dépendance aux approvisionnements extérieurs

Dotés de capacités de production limitées ainsi que de ressources peu diversifiées, les territoires ultramarins ont une forte dépendance aux approvisionnements extérieurs . Du ciment pour le secteur de la construction, aux machines-outils en passant par les produits de conditionnement des productions tels que les emballages ou les bouteilles, tout doit être importé.

Malgré le développement des énergies renouvelables, la forte dépendance énergétique impacte particulièrement les prix. Les énergies fossiles représentent en général 16 % à 20 % du montant des importations. Ainsi, les hydrocarbures et le charbon représentent-ils à eux seuls 18 % du total des importations de la Nouvelle-Calédonie en 2011, 16 % pour la Polynésie et 20 % pour la Guadeloupe.

L'éloignement et le nécessaire ravitaillement sur longues distances par voie de fret maritime ou aérien ainsi que les contraintes de stockages minimaux pour tenir compte des risques d'interruption d'approvisionnement sont générateurs de frais supplémentaires. Ces surcoûts pourraient être minorés par un développement de l'insertion régionale des territoires mais normes et habitudes de consommation font de l'hexagone et de l'Union européenne des interlocuteurs largement privilégiés. Cependant, les volumes d'échange entre l'UE et l'hexagone et, d'une part et surtout, les collectivités du Pacifique, d'autre part et dans une moindre mesure, les départements de l'Océan indien, ont tendance à se contracter au profit d'une diversification des partenaires commerciaux.

Territoire

Principales provenances des importations
(en % du total en 2011)

Principales destinations des exportations
(en % du total en 2011)

Saint-Pierre-et-Miquelon

Canada : 57

France : 35

UE : 54

Guadeloupe

UE : 62, dont France : 52

Amérique du Nord : 11,7

Caraïbe : 6,5

DFA, Saint-Barthélemy et Saint- Martin : 45

France hexagonale : 42

UE : 9

Caraïbe : 1

Martinique

UE : 80, dont France : 53

Amérique du Nord : 9,1

Guadeloupe et Guyane : 44,9

France hexagonale : 44,8

Guyane

France : 39,9, dont 10 pour Guadeloupe et Martinique

Trinité-et-Tobago : 5,7

UE : 76,2, dont France : 50

DFA : 8,8

Mayotte

UE : 62, dont France : 44

Asie : 21

Océan indien : 5

Océan indien : 50

France hexagonale : 28

La Réunion

UE : 62,7, dont France : 50

Singapour : 10

Chine : 5

Océan indien (Maurice et Afrique du Sud) : 3,7

France hexagonale : 33

Mayotte : 9

Madagascar : 6

Nouvelle-Calédonie

UE : 38, dont France : 22

Chine : 10

Singapour : 15

Australie : 10

UE : 28, dont France : 17

Japon : 19

Australie : 13

Taïwan : 11

Polynésie française

UE : 41, dont France : 26

Singapour : 15,4

États-Unis : 10

Chine : 9,5

Nouvelle-Zélande : 8,2

Hong-Kong : 27,2

Japon : 21

France : 20,2

États-Unis : 14,6

Source : IEOM-IEOM 2012 et calculs effectués à partir de cette source.

(3) Des équipements structurants de transport d'une importance vitale

Dans l'ensemble des outre-mer, la problématique des transports et des équipements structurants est extrêmement prégnante . Qu'il s'agisse des communications vers l'extérieur ou des communications intérieures, l'aménagement de réseaux de transports et leur maintien constitue un véritable défi. La desserte extérieure est une condition de survie et l'aménagement des territoires doit surmonter les difficultés de configuration géographique : dispersion des îles polynésiennes sur une superficie vaste comme l'Europe, immensité forestière guyanaise, étroitesse des littoraux insulaires. Le développement économique est donc tributaire de la réalisation et de l'entretien de voies de communication aériennes, maritimes et terrestres dont le coût est nécessairement élevé. Rentabilité économique des équipements et exigence de continuité territoriale sont difficilement conciliables.

Les aménagements , qu'il s'agisse de la construction d'une piste d'atterrissage ou d'une route littorale, supposent souvent des choix audacieux et des investissements très coûteux .

Ainsi, en matière d'équipements routiers, la route des Tamarins mise en service en 2009 à La Réunion qui permet le développement économique du sud de l'île ou la future route du littoral dont les travaux devraient bientôt commencer et pourrait être couplée avec un réseau de transports collectifs. Cette dernière, entre Saint-Denis et La Possession, suivra un itinéraire stratégique reliant le port de commerce à la capitale administrative et à l'aéroport international Roland Garros ; afin de l'éloigner des éboulements de la falaise qui souvent paralyse le trafic actuel, elle comportera une combinaison de digues et de viaducs en mer et devra être conçue pour résister à des houles cycloniques centennales.

Le trafic routier insulaire est en effet souvent problématique avec des réseaux peu développés, fortement exposés aux aléas climatiques et saturés sous l'effet conjugué du développement embryonnaire des transports publics, d'un parc automobile en croissance constante et, bien souvent, de la concentration des zones d'activité. L'engorgement croissant du réseau routier martiniquais, notamment dans l'agglomération de Fort-de-France en est une illustration.

Les aménagements portuaires sont également déterminants pour l'approvisionnement des outre-mer et nécessitent de lourds investissements. Si les infrastructures portuaires connaissent d'importantes évolutions en Martinique (projet d'extension du terminal de la Pointe des Grives pour développer le trafic de transbordement afin de tenir compte de l'ouverture du troisième jeu d'écluses du Canal de Panama ; extension de l'appontement de la Pointe Simon pour l'accueil des paquebots de croisière de nouvelle génération) et en Guadeloupe (Grand Projet de Port), il n'existe que deux ports capables d'accueillir cargos et paquebots en Polynésie, celui de Papeete et celui d'Uturoa aux Îles-sous-le-Vent réalisé en 2000. L'archipel de la Société constitue donc le centre de redistribution des produits importés vers le reste de la Polynésie, ce qui renchérit l'approvisionnement des archipels et freine leur développement.

En Guyane, le port de Dégrad-des-Cannes qui constitue le point de transit de la quasi-totalité (98,5 %) du fret guyanais, est accessible à partir d'un chenal de 15 km qui nécessite un dragage permanent. L'amélioration des infrastructures portuaires est un objectif prioritaire du contrat de plan État-région. Avec un trafic aérien irrégulier et onéreux, la desserte des populations de l'intérieur s'effectue essentiellement par transport fluvial, les fleuves étant les principales voies de pénétration.

Les équipements aéroportuaires revêtent également une importance névralgique. Concernant la desserte intérieure, leur existence est d'autant plus cruciale que le territoire est plus morcelé et dispersé (Polynésie française avec plus d'une cinquantaine d'aérodromes mais des équipements souvent très sommaires, un seul accueillant le trafic international) ou vaste et difficilement franchissable autrement que par la voie des airs (Guyane avec 8 aérodromes dont les pistes sont progressivement bétonnées pour améliorer la sécurité, ainsi Grand Santi en 2010 et Camopi en 2011).

Outre les moyens de communication traditionnels, le développement économique passe aussi aujourd'hui par l'accès au transport numérique . Or, là encore et en dépit des progrès importants accomplis, les outre-mer accusent un retard certain. La fracture numérique y est à résorption lente et les coûts d'utilisation, en raison du faible nombre d'opérateurs, majorés. Ainsi la liaison internet en haut débit n'est-elle arrivée en Polynésie qu'en septembre 2010 avec la mise en service du câble sous-marin Honotua. L'accès au haut débit est encore plus récent pour Mayotte : avril 2012 avec le câble Lion 2, prolongement du câble reliant Maurice à Madagascar en passant par La Réunion.

b) Un tissu économique dominé par les PME-TPE et un développement économique fondé sur un petit nombre de secteurs d'activité porteurs

Dans les outre-mer, le tissu économique est majoritairement constitué de très petites entreprises (TPE), voire de micro-entreprises 11 ( * ) , et de petites et moyennes entreprises (PME) . Les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) y sont peu implantées.

Selon une étude de l'AFD relative aux entreprises des DOM 12 ( * ) , si la composition du tissu économique n'y est pas fondamentalement différente que dans l'hexagone, avec plus de 90 % de micro-entreprises , dont une part de PME légèrement supérieure (9,5 % contre 9,1 % en 2007), ces dernières génèrent en moyenne 51,5 % de la valeur ajoutée contre 31,5 % pour leurs homologues hexagonales, du fait de la faiblesse relative du nombre de grandes entreprises, notamment dans le secteur industriel.

Ainsi à La Réunion, en 2010, les 36 200 micro-entreprises emploient plus de 28 400 salariés, soit 30 % des salariés contre 20 % au niveau national. Les quelque 1 500 PME quant à elles sont les plus gros employeurs avec plus de 33 200 salariés, soit 35 % des salariés. Les PME sont majoritaires dans les activités de services aux entreprises et dans l'industrie. Au total, les TPE-PME, soit 94 % des entreprises en 2008, emploient les deux tiers des effectifs salariés. Du point de vue du statut juridique, les personnes physiques sont majoritaires (59 %), soit environ 10 points de plus que pour la moyenne française 13 ( * ) .

Les ETI et les grandes entreprises sont en revanche peu implantées dans le tissu économique réunionnais : elles occupent un tiers des salariés contre la moitié pour la France entière. Les grandes entreprises s'imposent dans les secteurs de la finance, des assurances et de la distribution d'électricité tandis que les ETI dominent les activités immobilières.

En Nouvelle-Calédonie, selon les statistiques pour 2008, les entreprises sans salarié représentent 79 % du nombre total d'entreprises ; l'ensemble des TPE porte cette proportion à 96 %. En y adjoignant les entreprises de 10 à 250 salariés, on atteint 99,8 % 14 ( * ) . Pour la Polynésie, ce sont 88 % des entreprises qui emploient une ou deux personnes en 2011 15 ( * ) ; ce sont majoritairement des entreprises du tertiaire implantées dans les îles de la Société (91 % des entreprises).

Les données disponibles pour la Martinique confirment ce constat (statistiques pour 2005) avec 75,5 % des entreprises qui n'ont aucun salarié et 96 % qui en ont moins de dix 16 ( * ) .

Cette atomisation du tissu entreprenarial et l'importante proportion d'entreprises n'ayant pas opté pour la forme personne morale traduisent le poids des secteurs traditionnels , si important pour le maillage territorial, mais aussi la montée en puissance continue des activités tertiaires qui se développent notamment dans le sillage de « locomotives » industrielles telles que le secteur du nickel en Nouvelle-Calédonie ou la filière agroalimentaire à La Réunion. Le bâtiment et les travaux publics constituent également un secteur porteur et une source d'irrigation des économies ultramarines.

c) Un accès plus restreint et plus onéreux au crédit bancaire

Sans que des données statistiques précises viennent mesurer le phénomène pour le tissu entreprenarial des différents territoires - nouvelle illustration du caractère lacunaire des outils d'évaluation -, il est communément reconnu que les entreprises ultramarines souffrent d'insuffisance de fonds propres, ce qui restreint leur accès au crédit .

Mais d'autres freins sont également à prendre en compte tels que la concentration de l'offre bancaire et des tarifs supérieurs intégrant un taux de risque majoré.

Ainsi le marché du crédit aux entreprises à La Réunion est-il fortement concentré, les trois principaux établissements captant 63 % de l'activité. Si les conditions débitrices offertes aux entreprises s'améliorent sur longue période, le coût du crédit reste à La Réunion supérieur à ce qu'il est dans l'hexagone. La diminution tendancielle et continue du taux de créances douteuses a été contrariée par la crise qui a éclaté en 2008 et la cotation « Banque de France » des entreprises réunionnaises montre que la part de celles qui possèdent une structure financière jugée solide est plus faible alors que la part des cotes les plus défavorables est plus élevée 17 ( * ) .

L'étude sur les entreprises martiniquaises 18 ( * ) indique que du fait d' « un marché plus étroit, un niveau de risque plus important qui se manifeste par des taux de créances douteuses sensiblement supérieurs et des coefficients d'exploitation élevés pour les banques martiniquaises », le coût du crédit reste supérieur à celui offert dans l'hexagone, le différentiel restant stable pour les taux de concours à moyen et long terme, de l'ordre de deux points. L'étude précise que « les crédits octroyés aux entreprises coûtent moins cher en Martinique qu'en Guyane mais plus cher qu'à La Réunion ».

Selon le témoignage de la FEDOM, « le taux moyen des crédits aux entreprises est de l'ordre de 100 points de base supérieur à celui constaté en métropole ».

2. L'outil fiscal de soutien à l'investissement productif : une fonction de compensation et un vecteur de solidarité nationale

Puisant leur origine dans la loi de finances rectificative du 11 juillet 1986, les aides fiscales de soutien à l'investissement en outre-mer ont connu maintes modifications, dont les deux principales dernières en date résultent de la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003, dite loi Girardin, et de la loi pour le développement économique des outre-mer du 27 mai 2009, dite LODEOM.

Trois dispositions du code général des impôts (CGI) fondent ces dispositifs fiscaux, un quatrième à vocation patrimoniale s'étant en grande partie éteint le 31 décembre 2012 ( article 199 undecies A instituant une réduction d'impôt sur le revenu pour tout contribuable achetant outre-mer un immeuble neuf afin de l'habiter ou le louer pendant 5 ans ; ce dispositif a encouragé la construction de logements du secteur libre et du secteur à loyers de type intermédiaire). Les trois principales dispositions fondant l'incitation fiscale à l'investissement outre-mer sont actuellement :

- l' article 199 undecies B du CGI qui offre aux contribuables une réduction de leur impôt sur le revenu au titre des investissements productifs qu'ils financent dans les outre-mer. L'investissement réalisé est loué à l'exploitant pendant 5 ans avant de lui être rétrocédé à un montant préférentiel, ces modalités de rétrocession venant réduire le gain fiscal réel du contribuable 19 ( * ) .

- l' article 199 undecies C qui permet de réduire l'impôt sur le revenu des contribuables qui financent la construction de logements sociaux outre-mer, logements destinés à la location sociale ou très sociale ou à l'accession sociale à la propriété. Contrairement à l'article 199 undecies A en extinction, l'article 199 undecies C ne débouche pas pour le contribuable sur une acquisition patrimoniale.

- l' article 217 undecies qui permet aux entreprises assujetties à l'impôt sur les sociétés de déduire de leur résultat imposable la moitié du montant des investissements réalisés outre-mer au titre des articles 199 undecies A, B ou C. Il peut donc s'agir d'investissements productifs mais également de construction de logements à usage locatif. En vertu de l'article 217 undecies , l'investissement peut aussi prendre la forme de souscriptions au capital de sociétés de développement régional des DOM.

Les investissements visés précédemment doivent être réalisés dans l'un des 5 DOM (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte, La Réunion), l'une des 5 collectivités (Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna) ou en Nouvelle-Calédonie. Pour les collectivités d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie, qui disposent de l'autonomie fiscale, le dispositif fiscal national peut être complété par un dispositif fiscal territorial ; c'est aujourd'hui le cas en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

a) Un mécanisme de drainage de l'épargne efficace au service des économies ultramarines
(1) Des mécanismes efficaces de captation de l'épargne à injecter dans les économies via l'investissement

Les dispositifs fiscaux de soutien à l'investissement dans les outre-mer permettent de mobiliser l'épargne disponible au service des économies locales en complément des aides publiques constituées par les subventions nationales ou européennes. Leur poids relatif est tout à fait substantiel et ils ont activement contribué à soutenir l'activité dans les outre-mer au cours des deux décennies 1990 et 2000.

À titre d'exemple et à défaut de statistiques globales pour l'ensemble des outre-mer, les aides fiscales à l'investissement productif ont représenté en 2008 43 % de tous les instruments d'aide publique en faveur des entreprises calédoniennes et 15,5 % de la formation brute de capital fixe. En outre, près de la moitié des investissements concernaient le logement 20 ( * ) alors que le BTP représente 12 % de la valeur ajoutée créée. Sur 10 ans (2000-2010), ce secteur a généré 4 500 emplois.

Bien qu'aucune étude statistique ne permette de mesurer précisément leur poids relatif dans le mouvement de progression de l'investissement dans les outre-mer, la contribution des dispositifs d'incitation fiscale et de drainage de l'épargne extérieure au service du rattrapage par rapport à l'hexagone est certaine.

Selon une étude du projet Comptes économiques rapides pour l'outre-mer (CEROM), cette facilité s'est traduite dans les DOM par un taux d'investissement (FBCF/VA) des sociétés non financières particulièrement soutenu avec, sur la période 2002-2007, 22,3 % à La Réunion, 25,3 % en Guadeloupe, 26,3 % en Guyane et 29,1 % en Martinique, contre 18,3 % pour la moyenne des entreprises françaises 21 ( * ) .

En outre , les flux défiscalisés en rendant possible l'investissement ont permis aux entreprises de répondre de mieux en mieux à la demande intérieure . Ainsi la FEDOM a-t-elle transmis au groupe de travail l'illustration suivante concernant les DOM pour la période 1998-2006 :

Évolution de la part de marché des entreprises locales dans la satisfaction de la demande intérieure (secteur marchand)

(2) Une aide certaine et rapidement mobilisable

Pour l'ensemble des projets d'investissement éligibles relevant de la procédure dite « du plein droit », c'est-à-dire celle qui n'est pas soumise à agrément mais relève d'un simple système déclaratif, la levée de financements par le biais de l'aide fiscale peut être très rapide , de l'ordre d'une quinzaine de jours. Sont ici concernés les projets de taille modeste et simples à mettre en oeuvre comme des achats de biens d'équipement. Aucun autre dispositif d'aide, subvention ou crédit d'impôt, n'est susceptible d'offrir une telle souplesse, une telle réactivité .

Par ailleurs, le montant des fonds drainés n'est pas sujet à réfaction contrairement à ce qui peut se produire dans la mise en oeuvre d'une procédure de subvention où il arrive fréquemment que le montant d'aide soit revu à la baisse longtemps après le bouclage du plan de financement.

b) Un palliatif au manque de fonds propres, un levier pour l'accès au crédit bancaire et un instrument de sécurisation des projets
(1) Un levier pour accéder au crédit bancaire

Pas d'investissement sans fonds propres : un apport initial est nécessaire pour déclencher la décision de prêt bancaire ; or, la grande majorité des entreprises ultramarines ne dispose pas de fonds propres et sont sous-capitalisées.

À l'unisson, les interlocuteurs rencontrés ont affirmé avec force que, sans défiscalisation, très peu de projets verraient le jour .

Les flux défiscalisés, considérés comme des fonds propres, jouent un rôle déterminant. En outre, ils ne rentrent pas dans l'assiette imposable puisque le bien n'entre pas immédiatement dans le patrimoine de l'exploitant à qui il est loué pendant la durée du portage puis rétrocédé à l'issue de la période à prix préférentiel fixé initialement, et ne sont donc pas déduits de l'assiette éligible à l'aide locale qui vient alors majorer l'effet de levier en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie dans des secteurs ciblés comme prioritaires.

L'aide fiscale à l'investissement est par ailleurs, comme on l'a vu précédemment, un mécanisme très réactif pour les investissements d'un montant modeste, non soumis à agrément : les fonds sont dans ce cas versés sous quinzaine. Aucun autre dispositif ne peut égaler une telle réactivité.

L'effet de levier est propre à l'aide fiscale, « argent frais » disponible rapidement, alors que la subvention ne peut jouer un rôle similaire ; son versement intervient tardivement et son montant est parfois revu à la baisse alors même que le plan de financement est arrêté et que la réalisation de l'investissement a commencé. L'aide fiscale offre une meilleure visibilité : son montant est certain et son versement précoce.

Le crédit d'impôt ne présente pas , lui non plus, des avantages équivalents et doit être particulièrement disqualifié en matière de financement des investissements des petites entreprises , qui sont les plus nombreux. Quand bien même il est susceptible de se matérialiser en un versement pour l'entreprise dont l'impôt est nul, ce versement serait logiquement concomitant de l'échéance fiscale principale et ne coïnciderait pas nécessairement avec le calendrier de l'investissement à réaliser, sauf à prévoir la mise en place de mécanismes de préfinancement, évidemment eux-mêmes coûteux et donc de nature à minorer l'attractivité du crédit d'impôt. Aux coûts d'intermédiation du système actuel , qui couvrent à la fois les frais de collecte des fonds auprès des contribuables, les frais de montage des dossiers d'investissement et les frais d'accompagnement des projets et de portage, se substitueraient le coût du préfinancement , coût de prêts relais souvent onéreux et qui ne seraient pas la contrepartie d'un accompagnement technique pourtant indispensable à la viabilité et au développement des projets qui excèdent le simple achat d'un équipement productif.

Enfin, le crédit d'impôt ne serait pas applicable dans les collectivités dotées de l'autonomie fiscale où il faudrait imaginer des dispositifs alternatifs qui passeraient nécessairement par un mécanisme de subventionnement budgétaire sur la base de contrats conclus par ces collectivités avec l'État.

(2) Un instrument de sécurisation des projets sous agrément

Globalement, en 2012, selon les données transmises le 16 mai 2013 par la DéGéOM, les projets soumis à agrément ont représenté les deux tiers du total des investissements ayant bénéficié de la défiscalisation . La procédure d'agrément concerne les projets les plus onéreux mais aussi les plus complexes. Or, le taux de sinistre paraît tout à fait résiduel pour ces dossiers.

Méticuleusement étudiés par l'administration fiscale, ils sont montés par des intermédiaires qui, rémunérés « au succès » ont tout intérêt, y compris pour ménager leur crédibilité auprès des banques locales avec lesquelles ils négocient les prêts, à ce que l'investissement soit pérenne. L'expertise de ces intermédiaires collecteurs-monteurs-accompagnateurs est donc essentielle : elle constitue une garantie de viabilité et un facteur de longévité des projets sur la durée du portage, soit 5 années.

c) Un abaissement du coût de l'investissement pour contrebalancer les surcoûts

Cet avantage incitatif à l'investissement constitue une forme de compensation partielle des surcoûts qui obère l'attractivité des territoires . Les dispositifs fiscaux de soutien à l'investissement ont pour effet d'abaisser le coût de l'investissement et donc de produire à coûts réduits.

Tous les handicaps décrits précédemment (étroitesse des marchés, éloignement et isolement, différentiels de compétitivité) génèrent des surcoûts : le coût de l'investissement est ainsi majoré selon le type de secteur ou de projet de 30 % à 50 % . À lui seul, le coût du fret pèse lourd : ainsi, en France hexagonale, la part du transport est environ de 3 % de la valeur CAF alors qu'en Polynésie française elle représente 12 % 22 ( * ) .

Or, selon les témoignages concordants recueillis dans les réponses aux questionnaires, lors du déplacement à La Réunion et pendant la visioconférence organisée avec la Nouvelle-Calédonie, la réduction de coût résultant de l'aide fiscale à l'investissement serait de l'ordre de 25 % à 30 %.

Au dire des professionnels du tourisme de La Réunion, il n'y aurait pas de projet hôtelier sur l'île sans la défiscalisation : 1 € investi dans l'hexagone équivaut à 1,35 € ou 1,40 € investi à La Réunion du fait des surcoûts. Parallèlement, le revenu moyen par chambre est environ 20 % inférieur à celui d'une prestation équivalente dans l'hexagone du fait de la pression à la baisse exercée par les autres destinations de la zone, l'Île Maurice en particulier.

L'apport de la défiscalisation redonne du sens économique à l'investissement en compensant une partie des surcoûts. La dépense fiscale peut ainsi s'analyser comme l'expression d'une solidarité nationale .

Une illustration éloquente de cet effet de compensation a été fournie au groupe de travail lors d'une visite sur le terrain à l'occasion du déplacement à La Réunion. Elle concerne la construction d'une usine d'aliments pour animaux (projet Petfood) qui permet de recycler les déchets d'abattoirs dont la destruction était coûteuse. Les fonds défiscalisés ont contribué au financement à hauteur de 1 800 000 €, le projet prévoyant la création de 8 emplois directs à la mise en exploitation à l'automne 2013, effectif porté à 15 la troisième année.

USINE D'ALIMENTS POUR ANIMAUX DOMESTIQUES À LA RÉUNION (PETFOOD)

Nature

Montant HT Réunion

Surface

m 2 prix achat

m 2 prix métropole

Montant HT Métropole

Coûts supplémentaires environnement/État/

Terrain

535 600 €

5 202

102,96 €

30,00 €

156 060 €

379 540 €

Différence de coût avec la métropole - terrain industriel très cher en raison de l'absence de disponibilité foncière

3 ans de recherche pour trouver ce terrain

Achat bâtiment à rénover

949 500 €

1 800

490,47 €

949 500 €

non valorisée

Coût cher difficilement négociable, mais correct en local

Bassin d'orage

250 000 €

250 000 €

Demande de la mairie en raison de l'absence de point d'eau et d'un réseau d'évacuation insuffisant

Bâtiment et réhabilitation

3 561 942 €

2 784 385 €

777 557 €

Supplément de 30 % en moyenne pour construction anti-cyclonique pour vent de + 200 km/h

Conséquences : grosses section de poutre et matériaux, fondations importantes contre soulèvement

Étude + suivi chantier

699 087 €

6 000 000

300 000 €

100 000 €

8 % en moyenne sur métropole - absence de bureau d'étude en local

Conséquence : frais de déplacement et de séjour payés par l'entreprise

nombreuses études demandées - y compris foudre qui n'existe pas à Cambaie

partie de législation métropole des constructions non adaptée à la Réunion

Process

1 306 672 €

1 266 672 €

43 520 €

Déplacement des spécialistes depuis l'UE, pas de compétence locale dans la construction process

Charpente cellule

462 000 €

452 000 €

12 000 €

Déplacement des spécialistes depuis l'UE, pas de compétence locale dans la construction process

surcoût pour construction cyclonique 30 %

135 600 €

Sécheur/refroidisseur

179 000 €

164 000 €

15 000 €

Déplacement des spécialistes depuis l'UE, pas de compétence locale dans la construction process

Électricité-pesage-automatisme

765 214 €

730 214 €

50 040 €

Technologie française de haute précision

déplacement des spécialistes depuis l'UE, pas de compétence locale dans la construction process

Ensacheuse

250 000 €

230 000 €

20 000 €

Déplacement des spécialistes depuis l'UE, pas de compétence locale dans la construction process

Traitement des odeurs

134 038 €

128 038 €

134 038 €

Demande faite par le voisinage et la DAAF du fait de la densité de population

Tuyauterie inox

120 000 €

120 000 €

Connexion de toutes les machines au traitement des odeurs

Frais d'approche

287 725 €

- €

287 725 €

Coût de la logistique, taxes, octroi de mer, et de surestaries

Coût du projet

9 500 778 €

7 160 869 €

2 325 220 €

Il est noté que la défiscalisation ne prend en base le coût d'achat des bâtiments à rénover.

Cet exemple concret permet de dresser un inventaire de surcoûts liés aux exigences normatives et notamment à la sécurisation des installations face aux risques naturels, à l'absence de compétences techniques locales dans un certain nombre de domaines, à la cherté du foncier et aux frais d'approche pour l'importation des matériels et matériaux.

La base éligible à la défiscalisation était de 8 551 278 €, le coût d'achat du bâtiment à rénover ayant été exclu. Les flux défiscalisés ont permis de financer le projet à hauteur de 19 % de son coût total alors que les surcoûts représentent 24,5 % de ce montant. La défiscalisation ne compense qu'une partie des surcoûts qui représentent une majoration de 32,5 % pour un projet identique réalisé dans l'hexagone.

Au-delà de la compensation des surcoûts, sans doute faudrait-il aussi faire de cette aide fiscale un outil de réduction des différentiels de compétitivité à travers le développement de la coopération économique régionale . Utilisée, moyennant une procédure d'agrément spécifique et des contrôles renforcés, dans le cadre de projets implantés dans d'autres pays de la zone, elle permettrait d'ouvrir les économies locales sur leur environnement immédiat et de promouvoir une véritable insertion régionale . Tel est notamment le cas pour La Réunion et Mayotte qui pourraient intensifier leurs relations économiques avec leurs partenaires que sont l'Île Maurice, les Seychelles, les Comores ou Madagascar, et partir à la conquête de nouveaux marchés qui risquent d'être bientôt captés par les acteurs dynamiques que sont la Chine et l'Inde.


* 7 Document de travail n° 127 de septembre 2012 produit par l'Agence française de développement intitulé « Quel niveau de développement des départements et collectivités d'outre-mer ? Une approche par l'indice de développement humain ».

* 8 Rapport d'information n° 51 (2002-2003), fait, au nom de la commission des finances par M. Roland du Luart, « Une défiscalisation efficace pour l'outre-mer », p. 17 : « Les interlocuteurs de votre rapporteur ont été unanimes, à quelques nuances près, pour considérer que la défiscalisation était sinon utile pour le développement de l'outre-mer, du moins indispensable pour éviter une dégradation de la compétitivité de ces économies, qui font face à des handicaps structurels spécifiques. [...] Malheureusement, l'information économique permettant de les appuyer (ou de les infirmer) [il s'agit des analyses économiques] est particulièrement pauvre. [...] L'absence de travaux consacrés aux effets économiques de la défiscalisation s'explique peut-être aussi par les difficultés résultant de la pauvreté de l'information économique relative à l'outre-mer. »

* 9 Témoignage délivré par le président du groupe Tereos lors du déplacement à La Réunion.

* 10 Avis n° 299 (2002-2003) de Mme Valérie LÉTARD , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 15 mai 2003.

* 11 Une micro-entreprise occupe moins de 10 personnes et son chiffre d'affaires n'excède pas 2 millions d'euros.

Une PME emploie entre 10 et 250 salariés et son chiffre d'affaires n'excède pas 50 millions d'euros.

* 12 AFD, juin 2012, « Une entreprise dans un DOM : est-ce que cela change la donne ? Une analyse comparative des entreprises des DOM et de métropole », par Vincent Caupin et Bertrand Savoye.

* 13 Étude CEROM, avril 2011, « Les entreprises à La Réunion, 2000-2008 ».

* 14 Étude CEROM, avril 2011, « Les entreprises de Nouvelle-Calédonie ».

* 15 Étude ISPF, Points forts de la Polynésie française, Bilan : les entreprises polynésiennes en 2011.

* 16 Étude CEROM, juin 2007, « Les entreprises en Martinique ».

* 17 Étude CEROM, avril 2011, « Les entreprises à La Réunion, 2000-2008 », op.cit.

* 18 Ibid.

* 19 Voir descriptif des mécanismes fiscaux en annexe 1.

* 20 Source : livret « Développement endogène, création d'emploi et aménagement du territoire en Nouvelle-Calédonie : la défiscalisation en projets » établi par les CCEF de Nouvelle-Calédonie.

* 21 Étude CEROM, avril 2013, Bilan macroéconomique de La Réunion 2000-2010 - Une crise conjoncturelle ou les limites d'un modèle de croissance ?

* 22 ISPF, Points forts de la Polynésie française, Études, « Le fret international en Polynésie française de 2000 à 2011 ».

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