N° 623

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 juin 2013

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (1) sur les collectivités territoriales : mobiliser les sources d' énergies locales ,

Par M. Claude BELOT,

Sénateur.

(1) La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation est composée de : Mme Jacqueline Gourault , présidente ; MM. Claude Belot, Christian Favier, Yves Krattinger, Antoine Lefèvre, Hervé Maurey, Jean-Claude Peyronnet, Rémy Pointereau et Mme Patricia Schillinger, vice-présidents ; MM. Philippe Dallier et Claude Haut, secrétaires ; MM. Jean-Etienne Antoinette, Yannick Botrel, Mme Marie-Thérèse Bruguière, MM. François-Noël Buffet, Raymond Couderc, Jean-Patrick Courtois, Michel Delebarre, Éric Doligé, Jean-Luc Fichet, François Grosdidier, Charles Guené, Pierre Hérisson, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Georges Labazée, Joël Labbé, Gérard Le Cam, Jean Louis Masson, Stéphane Mazars, Rachel Mazuir, Jacques Mézard, Mme Renée Nicoux, MM. André Reichardt, Bruno Retailleau et Alain Richard.

INTRODUCTION

« Collectivités territoriales :
mobiliser les sources d'énergies locales »

Le 24 janvier 2012, votre délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation confiait à votre rapporteur le soin de réfléchir au rôle des collectivités territoriales dans le modèle énergétique français.

Le débat énergétique semble se focaliser aujourd'hui sur les questions du nucléaire et du gaz de schiste. Or, elles ne sont en réalité qu'une partie du problème énergétique français. Le développement des énergies renouvelables, la recherche d'une meilleure efficacité énergétique, le développement de sources locales d'énergie sont autant de sujets sur lesquels, précisément, les collectivités territoriales peuvent être en première ligne.

L'effort entrepris depuis de nombreuses années par beaucoup d'entre-elles pour progresser sur la voie d'une meilleure efficacité énergétique mérite d'être souligné. L'enjeu est de taille, car en matière d'énergie les collectivités territoriales sont à la fois consommatrices et actrices de l'aménagement du territoire, et également organisatrices des services publics de proximité . De plus, depuis quelques années, elles doivent toujours plus intégrer la dimension environnementale dans le cadre de l'exercice de leurs compétences .

Le défi national à relever s'incarne par le fameux « 3 x 20 » européen visant à réduire, à l'horizon 2020, de 20 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) et la consommation énergétique, et à porter à 20 % la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d'énergie.

Les actions des collectivités territoriales en matière de réduction des consommations énergétiques et des émissions de gaz à effet de serre s'inscrivent ainsi dans un contexte d'enjeux énergétiques de plus en plus affirmés : hausse du coût de l'énergie, pression sur les réseaux de distribution, précarité énergétique, etc.

Parallèlement, le contexte institutionnel à lui aussi évolué. Les lois de décentralisation et l'évolution du rôle de l'État, la poursuite d'une politique d'ouverture des marchés à la concurrence, la perspective d'une raréfaction des ressources fossiles, la mise sur l'agenda de la question du réchauffement climatique ouvrent, depuis une trentaine d'années, une nouvelle ère pour les collectivités territoriales.

Autrefois considérées comme des forces concurrentes de l'État et des grands opérateurs, les collectivités territoriales redeviennent des acteurs légitimes et reconnus par le pouvoir national . Ainsi, en 2007, les rapporteurs du Grenelle de l'environnement au Sénat soulignaient « l'importance qu'elles peuvent jouer dans la mise en oeuvre de nombre d'engagements de l'État, notamment en matière de lutte contre le changement climatique ». En 2008, le Conseil d'analyse stratégique 1 ( * ) , quant à lui, mettait en avant la nécessité de « donner aux collectivités territoriales les moyens d'assumer leur part éminente de responsabilité dans une politique énergétique ».

Il est vrai que, dans le nouveau contexte de transition énergétique vers des modèles plus décentralisés que par le passé, les collectivités territoriales disposent d'atouts qui sont loin d'être négligeables :

- en premier lieu, celui de la proximité vis-à-vis de leur territoire et des citoyens, qui apparaît comme un apport important dans un contexte où la valorisation des nouvelles sources de production, l'action sur la demande d'énergie et la sensibilisation des citoyens sont déterminantes ;

- en second lieu, leur capacité à pouvoir créer ou favoriser des circuits courts entre production et consommation dans des actions d'aménagement ou des politiques d'urbanisme, facteurs d'une plus grande efficacité énergétique 2 ( * ) ;

- en troisième lieu, leur aptitude à développer des synergies entre les politiques publiques qu'elles portent, en matière de mobilité (lien entre urbanisme et transports) ou d'efficacité énergétique (lien entre urbanisme et construction, entre urbanisme et gestion des infrastructures).

En somme, les collectivités territoriales méritent d'être considérées comme des actrices à part entière de la politique énergétique de notre pays . Au service de la modernisation du service public local de l'énergie et sous le signe de la recherche de la cohésion sociale et territoriale, elles peuvent aujourd'hui exploiter leurs atouts au service de la construction du futur modèle énergétique français.

L'ambition de votre rapporteur est de sensibiliser les élus locaux à l'importance de la question énergétique afin que ceux-ci prennent conscience de leur capacité à agir dans ce domaine et qu'ils s'en saisissent pleinement pour reprendre en main le destin énergétique de leurs territoires et contribuer à celui de la France.

I. LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES : DES ACTEURS « HISTORIQUES » EN MATIÈRE D'ÉNERGIE

Plus d'un demi-siècle de centralisation et de présence de grands monopoles d'État ont pu faire oublier que l'énergie a constitué très tôt - à partir du milieu du XIX e siècle - un champ d'intervention précoce pour les collectivités territoriales françaises . Rappelons, pour l'anecdote, le rôle joué au Moyen-Âge par les bois communaux, appelés les « communaux 3 ( * ) », mis à la disposition des habitants par les paroisses pour répondre aux besoins de chauffage.

Organisés à l'échelle des villes, les premiers réseaux de gaz et d'électricité se développent, et c'est par le biais de la sécurité et de l'ordre public que les communes vont historiquement 4 ( * ) être amenées à intervenir dans le domaine de l'énergie. Progressivement, ce sont les collectivités territoriales qui vont développer le service public de l'énergie. Utilisant l'autorisation de voirie 5 ( * ) , la permission de voirie 6 ( * ) ou la délégation de service public, elles s'imposent d'emblée comme les principaux interlocuteurs des opérateurs, pour des raisons tenant à la fois à la bonne gestion du domaine public communal (éviter la multiplication des lignes et canalisations), à la protection des biens et des personnes (prévenir les risques) et à l'accès de leurs administrés à des sources d'énergie synonymes de progrès économique et social.

Cet « âge d'or » des politiques énergétiques locales s'estompe quelque peu à partir de l'entre deux-guerres, au moment où l'énergie devient progressivement un enjeu national. Mais, loin de disparaitre, l'action des collectivités territoriales va évoluer 7 ( * ) , celles-ci parvenant finalement à maintenir une influence non négligeable 8 ( * ) sur les décisions prises par l'État et les monopoles publics, et esquissant un modèle de gouvernance territoriale de la régulation énergétique.

A. LA NAISSANCE ET LA CONSOLIDATION DU SERVICE PUBLIC LOCAL DE L'ÉNERGIE

Le développement de la distribution d'énergie (acheminement et fourniture) a été réalisé, au début du siècle dernier, sous l'égide des collectivités territoriales, des communes en particulier, plus précisément au travers de syndicats spécialisés.

1. De l'émergence à la reconnaissance du rôle des communes en matière d'énergie

Au cours du XIX e siècle, de nombreuses villes françaises se dotent d'une distribution publique de gaz incluant l'éclairage public, au titre de l'article 97 de la loi municipale du 5 avril 1884 : « la police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sureté et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : 1°) tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend [...] l'éclairage » .

Pour y parvenir, le système de la concession voit rapidement le jour. Les communes sont alors familières de ce procédé, déjà utilisé pour le développement et l'exploitation minière, puis pour le développement des chemins de fer et de la distribution gazière, les premières concessions dans ce domaine datant d'ailleurs de la deuxième moitié du XVIII e siècle. Ainsi, dès 1769, l'éclairage de la ville de Paris est assuré par une concession. L'action des communes intervient alors en tant qu'autorisation de voirie. L'article 98 de la loi municipale de 1884 confirme ce point et précise que « les permissions de voirie à titre précaire ou essentiellement révocables sur les voies publiques qui sont placées dans les attributions du maire et ayant pour objet, notamment l'établissement dans le sol de la voie publique des canalisations destinées au passage ou à la conduite [...] du gaz peuvent, en cas de refus du maire non justifié par l'intérêt général, être accordées par le préfet ». Par ailleurs, l'article 133-10 de cette même loi fait du produit des concessions autorisées par les services communaux des recettes du budget ordinaire.

Cependant, le progrès technique rendant l'électricité nécessaire à l'activité économique va faire de cet usage nouveau un thème d'intérêt général et conduire à une plus forte intervention des pouvoirs publics. Les communes s'appuient alors sur l'article 61 de la loi municipale de 1884 qui dispose que « le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune » .

L'intervention des communes se fait, dans un premier temps, par l'intermédiaire d'un service public communal concédé à un tiers, mais très vite, le système de la régie 9 ( * ) remplace celui de la concession, sans doute parce que le contrôle de la collectivité en est bien supérieur.

a) La loi du 15 juin 1906 : les collectivités territoriales autorités organisatrices de la distribution publique d'énergie

La loi du 15 juin 1906 sur la distribution d'énergie constitue le véritable acte de naissance du service d'intérêt collectif de l'énergie. Elle consacre l'accès à l'électricité et au gaz comme un service public, dont les collectivités territoriales ont la responsabilité.

Son article 6 affirme le rôle déterminant de la commune ou du syndicat intercommunal en matière de distribution publique d'énergie : « la concession d'une distribution publique d'énergie est donnée soit par la commune ou le syndicat formé entre plusieurs communes, si la demande de concession ne vise que le territoire de la commune ou du syndicat, ou par le département dans l'étendue de celui-ci, soit par l'État dans les autres cas » .

La loi confie donc aux communes et aux syndicats, par délégation, la compétence d'autorité organisatrice de la distribution publique d'énergie, qu'ils exercent sous la forme de concessions ou de régies couvrant le territoire communal ou syndical, la compétence relevant, au-delà de ces territoires, de l'État.

Ainsi, les collectivités territoriales sont pleinement reconnues comme propriétaires et concédantes des réseaux de distribution d'énergie .

Le département ne deviendra une « autorité concédante » qu'à l'occasion de la loi de finances du 16 avril 1930, rejoignant ainsi la commune, le syndicat de communes et l'État.

Prenant en compte l'arrêt du Conseil d'État du 10 janvier 1902 « Compagnie nouvelle du Gaz de Déville-lès-Rouen 10 ( * ) » , le législateur, par l'article 8 de la loi de 1906, précise qu' » aucune concession ne peut faire obstacle à ce qu'il soit accordé des permissions de voirie ou une concession à une entreprise concurrente, sous réserve que celle-ci n'aura pas de conditions plus avantageuses. »

Cependant, l'État dispose d'un outil de surveillance fort sur les collectivités territoriales. L'article 6 de la loi dispose en effet que « toute concession est soumise aux clauses d'un cahier des charges conforme à l'un des types approuvés par décret délibéré en Conseil d'État , sauf les dérogations ou modifications qui seraient expressément formulées dans les conditions passées au sujet de la dite concession ». Les décrets des 17 mai et 10 août 1908 ainsi que celui du 30 novembre 1909 instituent ces cahiers des charges 11 ( * ) .

Enfin, l'article 7 de la loi précise que « si l'acte de concession passé par [...] le maire ou le président du comité du syndicat de communes comporte des dérogations ou modifications au cahier des charges type, il ne devient définitif qu'après avoir été approuvé par un décret délibéré en Conseil d'État » .

b) Le développement des régies

Les décrets du 30 août 1917, en approuvant un cahier des charges type destiné à la distribution en régie directe par une commune ou syndicat de communes, et celui du 8 octobre 1917, qui reconnaît la qualité d'établissement public aux régies municipales 12 ( * ) , ont un impact significatif sur le développement des régies. En effet, les collectivités publiques, déjà habilitées à concéder le service public de distribution d'électricité, sont désormais également habilitées à exploiter elles-mêmes ce service.

En 1920, on recensait environ 7 000 communes ayant institué une distribution publique d'électricité, soit 20 % des communes. Cependant, la distribution d'électricité ne concernait souvent que le centre de l'agglomération, et peu de communes rurales étaient concernées 13 ( * ) .

Outre la concession et la régie, l'article 8 de la loi de 1906 avait aussi rendu possible un autre régime juridique de distribution de l'électricité : la permission de voirie . Cet article prévoyait en effet que l'attribution d'une concession ne pouvait faire obstacle à l'attribution de telles permissions. Ainsi, si la concession pouvait obtenir un monopole sur l'éclairage, elle n'en disposait pas pour autant sur l'électricité, la force motrice en tant que telle.

La loi du 27 février 1925 14 ( * ) a restreint l'usage des permissions de voirie : elles ne pouvaient servir à des distributions publiques que si la puissance totale distribuée n'excédait pas 100 kilowatts. En outre, leur durée ne pouvait pas dépasser trente ans et elles pouvaient, à tout moment, être révoquées sans indemnités et placées sous le régime de la concession. Le régime tomba en désuétude et la loi de 1946 ne pérennisa que le système de la concession et de la régie .

c) L'électrification du territoire et l'électrification rurale des communes

Si l'électrification des villes s'est faite plus rapidement en raison de l'attractivité financière de l'activité de distribution en zone urbaine, l'électrification des espaces ruraux, par définition plus isolés, a nécessité une impulsion politique et la mise en oeuvre de mécanismes financiers de solidarité nationale.

C'est la loi du 2 août 1923, prévue pour faciliter l'établissement des réseaux ruraux de distribution d'énergie électrique, qui organise le concours de l'État au financement de ces équipements. Ainsi, « l'État peut mettre à la disposition de l'Office national du Crédit agricole des avances destinées à permettre à cet établissement d'accorder des prêts spéciaux dont la durée ne dépasse pas quarante ans aux département, syndicats de communes, communes, associations syndicales, sociétés coopératives ou sociétés d'intérêt collectif agricole qui ont pour objet l'établissement ou l'exploitation de réseaux ruraux d'électricité » . Cette loi ouvre réellement la voie au développement des syndicats intercommunaux d'électrification en permettant le financement des réseaux locaux.

C'est en 1936 que la pierre angulaire de l'électrification rurale est posée. L'article 108 de la loi du 31 décembre 1936 portant fixation du budget général de l'exercice 1937 instaure un fonds d'amortissement des charges d'électrification (FACÉ) , pour contribuer au financement, par les collectivités territoriales, des réseaux d'électrification rurale.

Comme expliqué plus en détail à l'encadré ci-après, le fonds est alimenté par une contribution annuelle perçue sur les recettes des ventes d'électricité basse tension et par un crédit d'État du même montant. Le FACÉ offre aux collectivités concédantes la capacité de réaliser par elles-mêmes des travaux sur leurs réseaux concédés dans des zones isolées.

Cette réforme a été très importante pour les collectivités locales organisatrices de la distribution d'énergie électrique, car elle a mis en place un instrument de péréquation qui a pris une part très active au développement du service public local sur l'ensemble du territoire en contribuant largement aux travaux d'extension, de renforcement et de perfectionnement des réseaux ruraux. Ce dispositif a d'ailleurs été maintenu par la loi du 8 avril 1946 et perdure encore.

L'électrification rurale et le fonds d'amortissement des charges d'électrification (FACÉ)

La distribution d'électricité est soumise à deux régimes distincts : un régime dit urbain et un régime d'électrification rurale.

Dans le cadre du régime rural , les autorités concédantes, à savoir les communes ou leurs établissements publics de coopération (syndicats intercommunaux d'électrification), assurent la maîtrise d'ouvrage des travaux de développement des réseaux en basse tension, c'est-à-dire de travaux d'extension, de renforcement, de sécurisation et d'amélioration esthétique. Ces travaux sont alors financés par les collectivités.

Le fonds d'amortissement des charges d'électrification (FACÉ) a pour objet d'apporter une aide financière aux collectivités concédantes qui entreprennent ces travaux de développement des réseaux de distribution d'électricité sur le territoire de communes considérées comme rurales .

En régime urbain , c'est le distributeur qui assure la maîtrise d'ouvrage de tous les travaux et qui finance la construction, l'entretien et le renouvellement des ouvrages nécessaires à l'exploitation du service public qui lui est confié par la collectivité. Dans tous les cas (régime urbain ou rural), le renouvellement des réseaux est à la charge du concessionnaire.

Le FACÉ, créé par la loi de finances du 31 décembre 1936, verse des subventions aux collectivités maîtres d'ouvrage des travaux d'électrification rurale . Ces aides sont ventilées chaque année entre les départements par les ministres chargés de l'Agriculture et de l'Énergie, après avis du conseil du FACÉ. Ces répartitions sont basées sur une évaluation globale des besoins de chaque département, qui répartit ensuite sa dotation entre les différentes collectivités maîtres d'ouvrage concernées qui réalisent les travaux.


Les ressources du FACÉ

Le FACÉ est alimenté par une contribution annuelle des gestionnaires des réseaux publics de distribution (EDF et distributeurs non nationalisés) en fonction des kilowattheures distribués en basse tension. EDF supporte ce prélèvement à hauteur de 95 % du total. Le montant de cette contribution est fixé chaque année par arrêté conjoint des ministres chargés du Budget et de l'Énergie.


Les programmes de travaux financés par le FACÉ

Les aides du FACÉ sont réparties entre les programmes de travaux suivants (taux d'aide unique de 65 % du montant TTC des travaux aidés) : un programme « principal » qui concerne l'extension et le renforcement des réseaux basse tension ; un programme « environnement » qui vise à l'amélioration esthétique des réseaux ; un programme « sécurisation » qui a pour but de résorber les lignes aériennes basse tension en fils nus ; un programme spécial « MDE - Sites isolés » qui a pour objet la maîtrise de la demande d'électricité et la production de proximité au moyen d'énergies renouvelable (ou autres, dans les collectivités d'outre-mer) pour éviter des renforcements de réseaux plus coûteux ; un programme spécial « DUP - intempéries » qui concerne l'amélioration des réseaux de distribution des communes traversées par des lignes à très haute tension et le renforcement des ouvrages de distribution endommagés par des intempéries ;


L'organisation du FACÉ

Le fonds est administré par un conseil composé de quinze membres, dont cinq représentants de l'État (un représentant des ministères chargés de l'Énergie, du Budget, des Collectivités locales, de l'Agriculture et de la DATAR), un représentant de l'Association des départements de France, quatre représentants des collectivités et des établissements publics maîtres d'ouvrage des travaux, un représentant des organisations agricoles, un représentant des régies ou SICAE, et trois représentants d'EDF.

Les 15 membres de ce conseil sont nommés pour une durée de trois ans renouvelable par arrêté conjoint des ministres chargés de l'Agriculture et de l'Énergie, le président du conseil du FACÉ étant choisi parmi les représentants des collectivités et nommé dans les mêmes conditions. Le directeur de la demande et des marchés énergétiques participe aux réunions du conseil du FACÉ en qualité de commissaire du Gouvernement.

Le fonds est constitué dans un compte spécial ouvert dans les écritures d'EDF, qui en assure la gestion courante. Le directeur du service du FACÉ est nommé par le président d'EDF, sur proposition du président du conseil du FACÉ, après agrément du ministre chargé de l'Énergie.

Source : ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie

2. La loi du 8 avril 1946 : la nationalisation de l'énergie et la confirmation du rôle des collectivités territoriales

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la distribution de l'énergie (électricité et gaz) est considérée comme un service public . A ce titre, en préfiguration des dispositions du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, les entreprises d'électricité et de gaz font l'objet d'une nationalisation. L'article 1 er de la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz dispose que « sont nationalisés : 1. La production, le transport, la distribution, l'importation et l'exportation d'électricité ; 2. La production, le transport, la distribution, l'importation et l'exportation de gaz combustible » .

Justifiée par la volonté de conduire une politique énergétique nationale capable d'accompagner la reconstruction et la croissance économique et industrielle de la France, la loi de 1946 substitue un nouvel établissement public national aux différentes entreprises privées exerçant dans les domaines de la production, du transport, de la distribution et de la fourniture d'énergie. La gestion est confiée à un « concessionnaire obligé » pour l'acheminement et la fourniture d'énergie. Pour l'électricité, à Électricité de France (EDF) et, pour le gaz, à Gaz de France (GDF). A l'époque, l'institution d'un concessionnaire obligé permet de mettre en oeuvre un système de péréquation tarifaire simple, difficilement applicable auparavant compte tenu de la grande diversité des acteurs.

Si les collectivités territoriales se voient imposer de fait un concessionnaire unique , la loi ne remet toutefois pas en cause le pouvoir concédant des communes. Elles n'ont ainsi pas le choix de leur cocontractant, mais restent propriétaires des installations.

a) La reconnaissance du rôle des collectivités territoriales dans le cadre des concessions

Tout en procédant à la nationalisation de l'énergie, la loi de 1946 réaffirme le rôle des collectivités territoriales ainsi que le principe des concessions . Les collectivités territoriales, selon l'article 36 « conservent tous les droits résultant de ces cahiers des charges et de toutes autres conventions ».

De fortes restrictions encadrent toutefois les concessions passées entre les collectivités territoriales et l'entreprise concessionnaire. En effet, l'article 37 de la loi de 1946 précise qu'un « règlement d'administration publique établira de nouveaux cahiers des charges types ». Le décret du 22 novembre 1960 pour l'électricité 15 ( * ) et celui du 27 octobre 1961 pour le gaz 16 ( * ) prévoient les modalités d'application de cet article, en proposant notamment un cahier des charges type en annexe.

Ces textes réglementaires limitent par ailleurs fortement les dérogations à ce cahier des charges type puisqu'une approbation de la concession par décret en Conseil d'État est nécessaire (article 9 du décret n° 60-1288 pour l'électricité et article 3 du décret n°61-1191 pour le gaz).

L'article 22 de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, en abrogeant « toutes les dispositions prévoyant l'annulation par le Gouvernement ou ses représentants des délibérations, arrêts et actes des autorités communales et toutes les dispositions soumettant à approbation ces délibérations, arrêts et actes ainsi que les conventions passées par les autorités communales » met fin à la valeur juridique du cahier des charges. Toutefois, afin de permettre aux collectivités territoriales et aux concessionnaires de bénéficier d'un cahier des charges juridiquement fiable, EDF et la Fédération nationale des collectivités concédantes et des régies (FNCCR) ont élaboré en commun en 1992 un cahier des charges type 17 ( * ) .

La loi de nationalisation réaffirme également le droit de propriété des collectivités territoriales sur l'ensemble des ouvrages de la concession . En effet, « sauf convention expresse contraire, les collectivités locales restent propriétaires des installations qui leur appartiennent ou de celles qui, sous le régime de l'affermage ou de la concession, devraient leur revenir gratuitement à l'expiration du contrat » . Aussi, « les collectivités locales concédantes conservent la faculté de faire exécuter en tout ou en partie à leur charge, les travaux de premier établissement, d'extension, de renforcement et de perfectionnement des ouvrages » A ce titre, les collectivités territoriales sont aussi représentées aux conseils d'administration d'EDF et de GDF (article 20), ce qui leur permet d'être étroitement associées à la gestion de la distribution de l'énergie .

Enfin, la promotion de l'électrification rurale devint un objectif prioritaire. La loi de 1946 pérennise ainsi, dans son article 38, le fonds d'amortissement des charges électrification (FACÉ), dont la gestion est transférée à EDF. Cet instrument est aujourd'hui reconnu comme un levier essentiel de mise en oeuvre de la solidarité entre les territoires 18 ( * ) .

b) La distribution : la reconnaissance des « distributeurs non nationalisés »

La loi de 1946 instaure des exceptions à la nationalisation . Ainsi, l'article 23 prévoit que les sociétés de distribution d'électricité et de gaz, dans lesquelles les collectivités locales ou l'État « possèdent la majorité » soient exclues de cette nationalisation. C'est la naissance des distributeurs non nationalisés (DNN), des services de distribution détenus en propre par les collectivités et actuellement appelés « entreprises locales de distribution » (ELD), qui conservent leur monopole d'acheminement et de fourniture sur leur zone de desserte.

Les régies communales ou intercommunales, les sociétés d'économie mixte locales dans lesquelles les communes étaient majoritaires, ou encore les coopératives d'usagers et les sociétés d'intérêt collectif agricole pour l'électricité (SICAE) ont donc été maintenues. L'article 23 conduit ainsi à une cristallisation de la situation, le législateur ayant voulu interdire l'extension de leurs activités de production, de transport, de distribution, d'importation et d'exportation de gaz et d'électricité 19 ( * ) .

En même temps que la loi du 8 avril 1946 a exclu ces distributeurs de la nationalisation, elle a créé un fonds de péréquation de l'électricité (article 33) ayant pour vocation de compenser en partie l'hétérogénéité des conditions d'exploitation résultant de la disparité des réseaux et de la structure des consommations, alors que les tarifs sont les mêmes sur tout le territoire. Une formule de péréquation a ensuite été mise au point, permettant de déterminer pour chaque distributeur un solde, suivant les cas, contributeur ou bénéficiaire ; les distributeurs ayant des charges excessives percevant, selon une clé de répartition, ce que versent les distributeurs les mieux lotis.

c) La production : un rôle limité pour les collectivités territoriales

L'article 8 de la loi de 1946 précise les modalités selon lesquelles les collectivités territoriales peuvent continuer à produire de l'énergie , par exception à la nationalisation de la production, tout en encadrant cette faculté , celle-ci n'étant en effet possible que dans les cas suivants :

- une production d'énergie en vue de l'utilisation du « pouvoir calorifique des résidus et déchets collectés dans les centres urbains pour alimenter un réseau de chaleur » . Dans ce cas, « l'initiative de la création de ces installations revient aux collectivités locales » ;

- l'aménagement et l'exploitation de nouvelles installations de production d'électricité « dans un but d'autoconsommation », afin de répondre aux besoins de leurs services publics, c'est-à-dire à l'alimentation des services de la collectivité ;

- une production d'électricité à partir de l'énergie hydraulique est également possible, mais elle est encadrée et limitée en puissance. Seuls « les aménagements de production d'électricité exploités, directement ou par le truchement d'organismes dans lesquels ils ont des participations, par tout département, groupement de communes ou commune utilisant l'énergie hydraulique des cours d'eau traversant leur territoire, lorsque la puissance installée des appareils de production n'excède pas 8 000 kVa ».


* 1 Conseil d'analyse stratégique» Perspectives énergétiques de la France à l'horizon 2020-2050 », rapport de la commission Énergie (Jean Syrota, président ; Jean Bergougnoux, chargé de la synthèse ; Thierry Tuot, rapporteur général ; Philippe Hirtzman, coordinateur).

* 2 En matière d'électricité, par exemple, les pertes techniques sur le réseau (effet Joule) militent pour rapprocher la production de la consommation.

* 3 Les communaux servaient à l'entretien des bestiaux des villageois et à la fourniture de petit bois de chauffage. Les moulins à eau et les moulins à vent étaient eux aussi souvent considérés comme des biens communs.

* 4 L'ordonnance du 2 septembre 1667 instaure, pour la première fois, la mise en place de lanternes dans toutes les rues et toutes les places de Paris, puis dans tout le royaume, afin de lutter contre la criminalité la nuit. Le service de l'entretien de l'éclairage public est confié aux bourgeois des villes, lesquels, quartier par quartier, sont chargés d'allumer des bougies aux heures, dates et périodes prévues par l'ordonnance.

* 5 L'autorisation de voirie ne dispense pas le demandeur de l'obtention d'autorisations, ou de déclarations, nécessaires à son projet vis à vis d'autres réglementations (urbanisme par exemple). L'autorisation de voirie est délivrée à titre précaire et révocable.

* 6 La permission de voirie est l'acte autorisant la réalisation de travaux en bordure de voie ou sur le domaine public et dans ce cas, l'occupation du domaine par les ouvrages pour lesquels les travaux ont été autorisés.

* 7 Notamment à travers la constitution au niveau local des syndicats d'électrification rurale et, au niveau national, de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR).

* 8 En matière de construction et de renforcement des réseaux, de négociations tarifaires, etc.

* 9 Dès la fin du XIX e siècle, les premières régies de distributions d'électricité sont constituées, notamment afin d'installer l'éclairage des villes. En 1882, la régie d'électricité de Grenoble est créée.

* 10 Le juge administratif admet la possibilité pour la commune de modifier unilatéralement la convention qui la lie à une compagnie de gaz, consacrant ainsi la mutabilité du contrat administratif.

* 11 Ils fixent les conditions générales du service ainsi que les tarifs applicables.

* 12 Dotées d'une personnalité morale distincte de celle de la collectivité créatrice.

* 13 René Kelhetter, « De la loi municipale de 1884 à la loi de nationalisation de 1946 : les élus des collectivités locales et le "système électrique" » , in Les collectivités locales et l'énergie : économie et politique d'un nouveau service public, Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, 2001, p. 105.

* 14 Loi du 27 février 1925 ayant pour objet de modifier et de compléter la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'électricité.

* 15 Décret n° 60-1288 du 22 novembre 1960.

* 16 Décret n° 61-1191 du 27 octobre 1961.

* 17 Le modèle de cahier des charges mis au point en 1992 et ayant fait l'objet d'une instruction en date du 27 juillet 1993 (parue au JO du 11 septembre 1993) constitue un document de référence sur lequel les collectivités concédantes s'appuient pour la négociation et l'élaboration de leurs contrats de concession.

* 18 Il a en particulier joué un grand rôle dans le financement des travaux de renforcement des réseaux qui a suivi la grande tempête de décembre 1999.

* 19 CE, 7 juin 1995, M. Lagourgue et autres, requête n° 143647.

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