PREMIÈRE PARTIE : LE CADRE JURIDIQUE DES RELATIONS ENTRE PRODUCTEURS ET DIFFUSEURS

I. PETITE HISTOIRE DE LA RÉGLEMENTATION

A. LES RÈGLES ÉTABLIES PAR LA LOI N° 86-1067 DU 30 SEPTEMBRE 1986

La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, en posant le principe des quotas de diffusion et de la contribution des éditeurs de service à la production, portait des ambitions multiples :

- une exposition forte de programmes français inédits sur les antennes ;

- un renforcement du financement des oeuvres ;

- le développement d'un tissu diversifié de sociétés de production indépendantes ;

- et la promotion de la circulation des oeuvres d'expression originale française et européenne.

Comme le note le rapport du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) de novembre 2009 5 ( * ) , « ces objectifs ont été confortés par l'adoption, en 1989, de la directive Télévisions sans frontières, qui prévoit des obligations minimum de diffusion d'oeuvres européennes au bénéfice notamment de producteurs indépendants, pour l'ensemble des chaînes, quel que soit leur support de diffusion » .

Il est à noter que, dès l'origine, un double objectif culturel et économique est ainsi fixé à notre réglementation : il s'agit de promouvoir la création française sur nos écrans mais aussi de faire vivre un secteur de la production qui en est le soutien. La politique industrielle est ainsi déjà placée, sinon comme fondement de la politique culturelle, au moins comme un corollaire indispensable.

Afin de réaliser ces objectifs, la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 a mis en place trois outils :

- des quotas de contribution à la production audiovisuelle (article 27 de la loi prévoyant que la Commission nationale de la communication et des libertés doit fixer les conditions générales de production des oeuvres diffusées par voie hertzienne terrestre) ;

- des quotas de diffusion . Aux termes de l'article 9 du décret n° 90-67 du 17 janvier 1990, « afin de contribuer au développement de la production audiovisuelle, les chaînes sont tenues de consacrer au moins 15 % du chiffre d'affaires annuel net de l'exercice précédent à la commande d'oeuvres audiovisuelles d'expression originale française et de diffuser un volume horaire annuel minimum de cent vingt heures d'oeuvres audiovisuelles d'expression originale française en première diffusion en clair en France et dont la diffusion débute entre 20 heures et 21 heures » ;

Ces quotas ont un objectif culturel : ils visent à inciter les chaînes à produire des émissions françaises et à les diffuser sur leurs antennes ;

- des quotas de production indépendante . Ainsi l'article 10 du même décret du 17 janvier 1990 prévoit-il que les commandes d'oeuvres audiovisuelles doivent, en outre, à concurrence de 10 % du chiffre d'affaires annuel net de l'exercice précédent, remplir les trois conditions suivantes : les contrats sont conclus avec une entreprise de production indépendante de la société ou du service ; la société ou le service ne peut prendre personnellement ou partager solidairement l'initiative et la responsabilité financière, technique et artistique de la réalisation des oeuvres considérées et en garantir la bonne fin ; et la durée des droits de diffusion exclusifs cédés à la société ou au service n'est pas supérieure à quatre ans à compter de la livraison de l'oeuvre ; elle peut être de cinq ans au total lorsque plusieurs sociétés ou services participent au financement de l'oeuvre.

La première définition de la société de production audiovisuelle indépendante dans notre corpus juridique est fixée par l'article 11 du décret n° 90-67 précité. Est ainsi une entreprise de production indépendante d'une chaîne, une entreprise :

- dont le chaîne ne détient pas, directement ou indirectement, plus de 5 % du capital social ;

- qui n'est pas détentrice, directement ou indirectement, de plus de 5 % du capital d'une chaîne ;

- avec laquelle la société ou le service n'a pas de liens constituant entre eux une communauté d'intérêts durable.

Le quota est fixé à 70 % de la production totale d'oeuvres. Il s'agit, comme il a été noté par plusieurs personnes auditionnées, de tout faire pour mettre fin au monopole de la société française de production (SFP), qui tenait à l'époque l'ensemble de la production audiovisuelle française. Les chaînes réclamaient alors à la fois, d'une part, plus de liberté de choix et, d'autre part, de pouvoir faire baisser les coûts. Libérer la télévision, c'était aussi libérer la production. La fin du monopole constituait donc un impératif que les différents gouvernements qui se sont succédé se sont attachés à favoriser - avec succès .

En lieu et place de la SFP, devait se constituer un tissu « fort et diversifié » de sociétés de production susceptibles de répondre à la demande des chaînes. Depuis la fin des années 1980, notre système est ainsi construit comme un contre-modèle de celui de l'ORTF (Office de Radiodiffusion-Télévision Françaises) , qui intégrait diffusion et production . Le présent rapport pose la question de savoir si, comme son prédécesseur, le contre-modèle n'a pas aujourd'hui vécu.

Principes

Modalités principales

Garantir une exposition forte des oeuvres françaises et européennes

Quotas de diffusion + règle des 120 heures

Renforcer le volume et le financement des oeuvres

Obligation de contribution portant sur une part du chiffre d'affaires

Développer un tissu fort et diversifié de sociétés de production indépendantes

Orientation d'une part majoritaire des commandes de production des diffuseurs vers des oeuvres produites par des indépendants

Promouvoir la circulation des oeuvres françaises et européennes

Limitation des possibilités pour les diffuseurs de contrôler le cycle d'exploitation des oeuvres

Source : Conseil supérieur de l'audiovisuel


* 5 Réflexion sur 20 ans d'obligations de diffusion et de production audiovisuelles des éditeurs de services , Les études du CSA, novembre 2009.

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