PREMIÈRE TABLE RONDE :
GOUVERNANCE ET AUTONOMIE
DES UNIVERSITÉS
Présidence de M. Alain Claeys, député
M. Alain Claeys, député. N'oublions pas aujourd'hui le débat qui avait eu lieu au moment de l'examen de la loi LRU. Il faut rétablir la confiance des étudiants dans le système d'enseignement supérieur et de recherche et la confiance des chercheurs, comme l'a dit Serge Haroche.
En matière d'enseignement supérieur et de recherche, le terme autonomie n'a pas le même sens en France que dans d'autres pays. Nous sommes et restons dans un cadre national. Il n'y aura pas d'autonomie ni de responsabilité des établissements si l'État ne joue pas en amont son rôle d'État-stratège. Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche doit être remis au centre.
Le commissariat général à l'investissement a aujourd'hui un rôle considérable dans le financement de la recherche au travers du programme des investissements d'avenir. Mais l'État joue-t-il vraiment son rôle de stratège au niveau de l'ANR ? Le préalable serait qu'il détermine la stratégie en matière d'enseignement supérieur et de recherche au travers du ministère. C'est dans le cadre de cette stratégie que les établissements pourront acquérir leur autonomie.
Bien que celle-ci soit inscrite dans la loi, je ne suis pas convaincu que les établissements l'aient acquise dans les faits. La moitié des universités connaissent aujourd'hui des difficultés financières importantes. On pourrait parler aussi des compétences humaines : lors de l'élaboration du plan Campus, on a vu les difficultés rencontrées pour les montages juridiques et financiers. Bref, le combat pour l'autonomie n'est pas gagné.
S'agissant des relations entre les universités et l'État, la notion de contrat doit prévaloir. C'est indispensable pour concilier autonomie des établissements et définition de la stratégie par l'État.
En ce qui concerne la démocratisation de la gouvernance, les propositions des Assises répondent aux attentes. Je ne pense pas qu'il sera difficile pour le législateur de concilier équipe présidentielle forte et fonctionnement démocratique avec l'ensemble des composantes de l'université. Il peut y avoir des problèmes spécifiques comme avec les IUT, mais on trouvera des solutions.
Un mot sur les PRES. Le législateur ne les a pas définis, ne créant qu'une coquille vide, si bien qu'on ne sait pas aujourd'hui quelle est leur légitimité. Cela n'a pas empêché qu'ils soient utilisés dans le plan Campus pour engager des regroupements et des restructurations. Le rôle du législateur serait aujourd'hui de trouver une légitimité aux PRES : il faut y réfléchir dans le cadre du futur projet de loi.
Un dernier mot sur le trio État-collectivités-universités. Il n'est pas question de passer d'un système totalement centralisé à des universités régionalisées. Ce serait une faute traduisant une incompréhension totale de la décentralisation dans ce domaine. La politique universitaire se détermine au sein des établissements. Ni les régions ni les autres collectivités ne s'en occupent. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas aujourd'hui préciser sur nos territoires les rapports entre l'État, les collectivités et les universités. Les missions de chacun doivent être précisément définies par contrat. C'est d'autant plus important que certains rapprochements dépassent le cadre institutionnel des régions.
En conclusion, réaffirmons le rôle central du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche qui, à un moment où beaucoup de décisions sont interministérielles et où des arbitrages sont donc nécessaires, doit être codécideur. Précisons le rôle respectif du ministère et du commissariat général à l'investissement. Redéfinissons la place de l'État au sein de l'ANR : il doit pouvoir y fixer les grandes orientations. Enfin, regardons de très près et avec objectivité l'état financier de nos universités, qui est préoccupant. Un état des lieux précis s'impose. Des erreurs ont été commises. Repousser le traitement du problème pourrait créer de graves difficultés.
M. Jean-Yves Le Déaut. Définir l'autonomie, c'est d'abord clarifier le partage des compétences entre l'État et les établissements. Il faut réaffirmer avant toutes choses les responsabilités qui doivent demeurer celles de l'État : financement de l'enseignement supérieur et de la recherche, maintien d'un statut national pour ses personnels, maintien d'un cadre national pour les formations et les diplômes... La peur d'une régionalisation est finalement peut-être ce qui gêne pour avancer sur la voie d'une véritable autonomie.
La responsabilité de l'État doit être exercée de façon cohérente. La tutelle est aujourd'hui morcelée entre plusieurs ministères, il faut mettre fin à cette dispersion.
La situation financière des établissements est en effet difficile. La question devra être abordée. Quid de l'actualisation nécessaire des dotations ?
Exposé introductif
M. Roger Fougères, ancien vice-président du conseil régional Rhône-Alpes, membre du comité de pilotage des Assises. Les sujets traités dans la présente table ronde font écho à l'atelier n° 3 des Assises nationales, plus particulièrement au thème de la réforme de l'institution universitaire. Celui-ci a donné lieu à une trentaine de propositions de la part du comité de pilotage. La moitié d'entre elles ont fait l'objet de débats approfondis au cours des Assises nationales. Les autres y ont été peu abordées : elles résultent des auditions que nous avons menées et des Assises territoriales.
Ces propositions visent à introduire une meilleure coordination interministérielle de la politique de l'État en matière d'enseignement supérieur et de recherche ; une plus grande collégialité dans la gestion des établissements : une plus grande démocratie à l'université avec un pouvoir moins centralisé. Elles cherchent à simplifier les outils de coopération universitaire et scientifique, tout en proposant un cadre à cette coopération. Elles visent également à rééquilibrer les moyens entre l'ensemble des sites universitaires en France afin d'éviter que ne se creusent les inégalités dans l'accès à une société de la connaissance. Enfin, elles cherchent à ouvrir l'enseignement supérieur et la recherche à la fois vers les territoires et à l'international.
S'agissant de l'organisation des tutelles, il est proposé que le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ait la cotutelle de tous les établissements afin de décloisonner la politique de l'État. Le cas échéant, lui seraient également confiés le rôle de chef de file lors de la négociation des politiques contractuelles de l'État avec ses partenaires, le pilotage et la coordination interministérielle de la politique internationale en matière d'enseignement supérieur et de recherche et le rôle de référent pour le réseau diplomatique.
En ce qui concerne la collégialité universitaire, il est proposé d'attribuer au conseil scientifique (CS) et au conseil des études et de la vie universitaire (CEVU), sous l'autorité de vice-présidents, le pouvoir de décision pour tout ce qui concerne la mise en oeuvre des politiques de recherche et la pédagogie, définies dans un cadre stratégique et budgétaire précis fixé par le conseil d'administration. Cela concernerait notamment le recrutement et la gestion des personnels enseignants, dont le droit de veto, ainsi que l'attribution des primes. Si cette proposition est retenue, il faudra veiller à l'équilibre des pouvoirs entre le président et ces deux conseils.
Pour renforcer la démocratie à l'université, il est proposé de créer un statut de l'élu dans les différents conseils pour les personnels et les étudiants, avec des décharges horaires et des dispenses d'assiduité aux cours, un droit à la formation et un droit à l'accès à toute information nécessaire à l'exercice du mandat, et d'assurer une meilleure représentation des étudiants et des personnels BIATSS (personnels bibliothécaires, ingénieurs, administratifs, techniciens, personnels sociaux et de santé) par une augmentation du nombre d'administrateurs, ne risquant toutefois pas d'altérer la qualité des délibérations. Les organismes de recherche, quant à eux, pourraient être représentés dans les conseils d'administration en fonction de leur présence au sein des établissements.
Le renforcement de la démocratie au sein des conseils passe par une réduction de la prime majoritaire ou l'instauration du scrutin proportionnel au plus fort reste, ces deux options, peu discutées lors des Assises, n'ayant pas été tranchées. Ne l'a pas été non plus le périmètre du corps électoral pour l'élection du président. Enfin, si nul l'a contesté la présence de personnalités extérieures dans les conseils, leur participation à l'élection du président fait débat. Certains y sont opposés au nom d'une vision stricte de l'autonomie universitaire. D'autres au contraire y sont favorables, y voyant un symbole fort d'ouverture - à condition toutefois que le mode de désignation de ces personnalités évite toute conflit d'intérêt.
En matière de coopération universitaire et scientifique, la principale proposition consiste à créer une « université fédérale » sur chacun des principaux sites français, en remplacement des PRES actuels. Il s'agit de proposer un cadre souple, permettant à des universités, des écoles et des organismes de recherche associés, de coopérer en mutualisant des politiques et des moyens et en appliquant le principe de subsidiarité. Cette « université fédérale » serait dotée, à l'instar des universités classiques, d'une gouvernance démocratique avec des conseils où les représentants des personnels et des étudiants seraient élus au suffrage direct et où seraient représentées des personnalités extérieures. Enfin, cette université contractualiserait avec l'État et les collectivités locales. Le principe d'une telle université fait, semble-t-il, l'objet d'un accord.
Afin de simplifier le paysage de la recherche dans notre pays, il est proposé qu'au sein de ces nouvelles entités se constituent des groupements de coopération scientifique, structures légères sans personnalité morale, dans lesquelles seraient regroupés les outils actuels tels que les laboratoires d'excellence (LABEX), les équipements d'excellence (EQUIPEX), les réseaux thématiques de recherches avancées (RTRA), les réseaux thématiques de recherches et de soins (RTRS), les groupements d'intérêt scientifique (GIS)... Ces groupements de coopération scientifique seraient de simples programmes de coopération d'équipes et d'unités de recherche. Il a également été proposé de supprimer la personnalité morale des IDEX ainsi que leur périmètre d'excellence.
L'idée de rééquilibrer l'attribution des moyens sur l'ensemble des sites a fait l'unanimité, pour autant que soient clairement définis les critères et les procédures.
Enfin, le souci d'ouverture des établissements et des organismes sur leur territoire de proximité a conduit à proposer de rendre obligatoire l'élaboration de schémas régionaux de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (SRESRI), co-construits avec les milieux scientifiques et universitaires, l'État et les forces vives locales. Ces schémas seraient déclinés sous forme d'un contrat avec les collectivités. Cette proposition n'a pas soulevé d'objection majeure. En revanche, l'idée d'un contrat tripartite unique entre l'État, les établissements et les collectivités n'a pas, elle, fait l'unanimité, c'est le moins qu'on puisse dire. La solution de deux contrats séparés, élaborés de façon concomitante avec des phases successives, pourrait être une solution.
M. Jean-Yves Le Déaut. Nous en venons aux questions de la salle.
Intervenants
Mme Hélène Duffuler-Vialle, Confédération des jeunes chercheurs. Depuis le début des Assises, nous essayons de nous faire entendre sur la représentation des jeunes chercheurs au sein des conseils des universités, qui est aujourd'hui éclatée. Nous ne comprenons pas pourquoi personne ne nous répond. Il y va pourtant d'une gouvernance plus démocratique des universités qui faisait l'objet d'une promesse de campagne de François Hollande, relayée par Vincent Peillon.
M. Stéphane Tassel, secrétaire général du SNESUP-FSU. La communauté universitaire attend de vrais changements en matière de gouvernance et d'autonomie des établissements.
Comme cela a été souligné lors des mobilisations de 2009, les libertés données aux universités par la loi LRU sont des libertés de gestion - gestion, soit dit au passage, de la pénurie - alors que leur liberté scientifique et de recherche demeure entravée. La liberté scientifique et pédagogique des établissements devrait être garantie, avec en parallèle un cadrage national, vecteur d'égalité.
La question de la régulation nationale et du rôle du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) n'a été que peu abordée lors des Assises nationales. Qui régule ? Qui veille à l'articulation des différents échelons ?
Faut-il augmenter le nombre de membres des conseils d'administration ? Faut-il introduire la proportionnelle pour éviter les travers induits par la prime majoritaire et la sectorisation ? Ces questions restent ouvertes.
Deux nouveaux conseils en sus du conseil d'administration ont été suggérés lors des Assises, l'un lié à la formation, un autre à la recherche. La ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche s'est exprimée immédiatement après les Assises sur les sénats académiques. Quelles sont les positions adoptées à ce sujet ?
Mme Christine Noille, présidente de l'association « Sauvons l'université » (SLU). La future loi devra s'accompagner de moyens budgétaires plus importants. Il est essentiel, comme l'a dit M. Claeys, que l'État se comporte en stratège, vu l'importance des financements extra-budgétaires de l'enseignement supérieur et de la recherche, surtout après la mise en place du commissariat général à l'investissement. Avec la création des IDEX et des EQUIPEX, non seulement le « mikado » institutionnel s'est complexifié, mais des pans entiers de l'enseignement supérieur et de recherche échappent désormais à la tutelle du ministère. Le rapporteur spécial de la commission des finances pour l'enseignement supérieur et la vie étudiante, Thierry Mandon, a bien pointé dans son rapport sur le budget 2013 les multiples dysfonctionnements qui en résultent.
M. Marc Neveu, SNESUP. La démocratie au sein des établissements est un sujet auquel nos collègues sont très sensibles. Le travail au sein des divers conseils est devenu beaucoup plus difficile pour tous. La prime majoritaire a un effet extrêmement nocif, des comportements et des votes de groupe empêchant certains débats d'avoir lieu au profit de stratégies huilées d'avance. Il faut, au niveau des conseils, rapprocher les structures des personnels et des étudiants. Cela va à l'encontre des politiques de fusion qui aboutissent à la création de grands ensembles, qui éloignent les centres de décision des personnels.
Pour que l'État joue son rôle de stratège, pourquoi ne pas s'appuyer sur le CNESER, aujourd'hui laissé de côté ? Il faudrait lui redonner les moyens nécessaires pour qu'il puisse effectivement remplir l'ensemble de ses missions, notamment celles qui ont trait à la recherche, au maillage territorial et à l'harmonisation des formations. Les moyens lui font aujourd'hui cruellement défaut.
M. Laurent Diez, secrétaire général du SNPTES-UNSA. Pour nous, l'État ne peut pas laisser les établissements passés aux RCE (responsabilités et compétences élargies) se débrouiller seuls avec leur masse salariale. Le pilotage national des statuts, l'adoption de certaines dispositions législatives, comme le report de l'âge légal de la retraite qui a eu des effets importants sur le GVT, exigent que le ministère fasse évoluer les budgets récurrents en conséquent afin d'éviter de compromettre l'avenir même des établissements. En contrepartie, les établissements devraient respecter certains critères d'encadrement afin d'éviter les dérapages budgétaires comme on a pu en connaître ici ou là sur les heures complémentaires.
S'agissant de la démocratisation de la gouvernance, il faut plus de collégialité, au profit notamment des personnels BIATSS et des étudiants. Le principe que nous défendons de cinq collèges de sept personnes est équilibré et éviterait une trop forte augmentation du nombre d'administrateurs. Les quatre collèges électifs devraient être élus de la même façon, à la proportionnelle à la plus forte moyenne, et le nombre de vice-présidents être limité selon la taille des établissements. Enfin, le principe de subsidiarité entre les conseils devrait toujours prévaloir.
M. Laurent Batsch, président de l'université de Paris-Dauphine. Oui à un État stratège, mais la première chose serait de dire pour quelle stratégie. Je suis intimement convaincu que si l'on n'avait pas confié le pilotage des investissements d'avenir à un commissariat général indépendant, la stratégie ne se serait pas déployée. Si on considère que redonner à l'État son rôle de stratège, c'est redonner un rôle central au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, on en revient à la tutelle. Cela ne fait pas une stratégie. Comment concilier cela avec le principe d'autonomie ?
S'agissant des PRES, vous avez dit, monsieur Claeys, qu'ils n'ont pas de légitimité. Allez le dire aux responsables et aux équipes ! Ils ont la légitimité de leur projet pédagogique et scientifique. La question des structures y est subordonnée. Bridera-t-on le développement des projets en remettant la question des structures au centre ? Je prends un exemple : l'université que je dirige fait partie d'un PRES qui compte 18 établissements dont chacun a sa gouvernance. Cela signifie 18 consultations de comités techniques, 18 consultations de conseils d'administration sur le même texte pour aboutir à un même statut. Soit un an de travail ! Le projet est-il de faire basculer les établissements dans un nouveau statut et de repartir pour un nouveau round bureaucratique ? Au nom de la démocratie ?
On évoque la nécessité d'une représentation directe des personnels et des catégories. Mais comment faire pour qu'une catégorie ou un établissement n'écrase pas les autres ? Le suffrage universel direct est-il le mieux adapté ? On ferait bien de s'inspirer de l'exemple des confédérations syndicales ouvrières, dont le comité confédéral national n'est pas élu au suffrage universel direct des adhérents mais par les représentants des unions départementales et des fédérations. Une démocratie indirecte de ce type est infiniment plus représentative et efficace que la démocratie directe qui se prête à toutes sortes de manipulations. Avec le suffrage direct, il faudrait inévitablement créer des collèges et des sous-collèges.
M. Alain Claeys. Chacun s'accorde à reconnaître l'extrême complexité du système actuel. Chacun pourrait donc s'accorder sur la nécessité de le rendre plus fluide. Lorsque je demande que l'État joue son rôle de stratège et que le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ait un rôle central, il ne s'agit pas de rétablir une tutelle sur les établissements. Mais pour que l'autonomie - telle que nous la concevons en France - fonctionne, il faut que les établissements aient un interlocuteur unique rassemblant l'ensemble des initiatives de l'État.
S'agissant des PRES, ce n'est pas d'eux que je fais le procès, mais du législateur qui ne les a pas assez précisément définis. Il y a eu dans le plan Campus des initiatives qui ont permis de leur donner du contenu. Le législateur aurait tout intérêt à mieux les définir afin d'éviter tout conflit entre eux et les conseils d'administration, et ainsi à les sécuriser.
M. Patrick Montfort, secrétaire général du SNCS-FSU. Il faut faire confiance aux établissements et à l'ensemble de la communauté de l'enseignement supérieur et de la recherche. Les strates se sont multipliées, si bien que les établissements d'enseignement supérieur et les organismes de recherche se sont vu retirer des missions que la loi leur avait pourtant confiées. Il faut les leur redonner. Dans la recherche, l'unité de base, c'est le laboratoire, à partir duquel tout le reste doit être organisé. Il est fondamental que les IDEX n'aient plus la personnalité morale. Aucun périmètre ne doit exclure une partie de la communauté.
Oui, l'État a un rôle de stratège mais il faut savoir qui définit la stratégie nationale de recherche et d'innovation (SNRI). Si celle-ci n'est pas fondée sur les réflexions des instances scientifiques, le risque est que l'État-stratège ne reprenne que de grandes stratégies redéclinées à l'international, sans réfléchir sur le fond.
Mme Lucie Guesné, secrétaire générale de Promotion et défense des étudiants. Le modèle actuel de financement des établissements favorise la recherche. Or, la mission première de l'université est la formation. D'autres critères devraient être pris en compte, comme ceux concernant la pédagogie.
Nous sommes défavorables à l'idée de contrats tripartites entre les établissements, l'État et les collectivités, qui introduiraient des inégalités entre les régions, toutes ne disposant pas des mêmes moyens financiers.
Il faudrait renforcer les liens entre les conseils au sein des UFR, afin de créer de véritables liens entre l'administration, les étudiants et les professeurs, et consulter ces conseils chaque fois que nécessaire.
Depuis la loi LRU, la représentation des étudiants dans les conseils d'administration a été réduite : nous demandons qu'elle passe à 25 %. Nous demandons également que le CS et le CEVU retrouvent leur pouvoir décisionnel sur les sujets relevant de leurs compétences.
Enfin, nous serions favorables au regroupement de tous les établissements sous la tutelle d'un même ministère.
M. Yannis Burgat, responsable des questions universitaires au bureau national de l'UNEF. Les étudiants, qui ont été durant plusieurs années exclus des discussions et des décisions, souhaitent reprendre la main sur les questions d'enseignement supérieur. Celui-ci s'est éloigné de ses missions de service public, se concentrant davantage sur la gestion et la concurrence. Que les étudiants soient de nouveau impliqués, notamment dans les conseils d'université, est la garantie que la pédagogie, les formations, la réussite seront bien au coeur des décisions.
L'organisation de la gouvernance et la démocratie au sein des conseils sont des questions essentielles aux yeux des étudiants. Il faut à la fois assurer une meilleure représentation des étudiants dans les conseils d'administration et redonner du poids aux autres conseils. C'est un moyen de garantir que les formations seront adaptées aux besoins des étudiants.
Pour l'UNEF, l'État doit être le garant de la carte des formations sur l'ensemble du territoire, de l'égalité d'accès à ces formations, de leur qualité, du cadre national des diplômes et de la pérennité des moyens. Quant à la situation financière des établissements, elle nous inquiète et nous demandons l'augmentation des budgets.
Enfin, l'UNEF juge indispensable un cadrage national du statut des PRES, de leurs missions, de leur périmètre géographique et de leurs compétences.
M. Louis Vogel, président de la Conférence des présidents d'université (CPU). Je partage l'idée d'Alain Claeys sur la nécessité d'un État-stratège qui doit avoir ses propres objectifs, répondant aux défis européens et internationaux.
L'État devrait s'assigner quelques objectifs prioritaires. Tout d'abord, la remise à niveau financière des universités. Leur masse salariale doit absolument être actualisée : nous ne pouvons pas gérer correctement nos universités si chaque année nous devons dépenser une énergie considérable et perdre un temps fou à simplement obtenir les sommes nécessaires pour payer les personnels !
Deuxième objectif : la reconstruction du système universitaire autour de l'université, en y associant les organismes de recherche et les grandes écoles, afin d'avoir des universités fortes.
Enfin, l'adoption d'une loi améliorant la situation des étudiants, des chercheurs et des enseignants-chercheurs étrangers qu'il faut attirer dans notre pays.
Pour conduire cette politique, il faut des interlocuteurs forts. Je conteste que depuis la loi LRU, les présidents d'université soient devenus des despotes. Pour rétablir la confiance, il faut rationaliser le travail des différents conseils - la stratégie et le budget relevant du conseil d'administration et du président, les autres conseils ayant leurs propres responsabilités.
Je suis favorable à l'idée de contrats. Il faut un cadre unique, décliné localement selon les disciplines, avec des aménagements possibles selon le type et la taille de l'université.
Dans un contexte de moyens financiers contraints, les deux principaux gisements d'économies résident dans la suppression du millefeuille existant et la mutualisation des moyens entre universités. Il existe aujourd'hui quantité d'organes de mutualisation. L'État devrait avoir un interlocuteur unique qui serait la CPU, chargée de mutualiser.
M. Georges Gouriten, président de l'Association des doctorants de ParisTech. En ces temps de contraintes budgétaires, la multiplication des conseils coûte cher. Il serait donc particulièrement opportun de simplifier les structures et de réduire les frais de fonctionnement. Il faut remettre les étudiants, les chercheurs et les enseignants-chercheurs au coeur des décisions prises et leur donner plus de poids dans chacun des conseils.
Les doctorants, qui représentent un pourcentage important des effectifs des établissements, devraient être représentés dans les structures de gouvernance. Le problème les concernant est bien connu : doivent-ils être considérés comme encore des étudiants ou déjà des chercheurs ? Il a été reconnu qu'ils étaient des professionnels de la recherche. Reste maintenant à ce qu'ils participent en tant que membres du personnel aux conseils d'administration et à ce qu'ils soient impliqués dans les processus décisionnels. Il serait important d'associer également les post-doctorants, eux aussi très nombreux et qui ne sont pas non plus représentés aujourd'hui. Pourquoi ne pas créer un collège des personnels de recherche non permanents ?
M. Vincent Berger, rapporteur général du comité de pilotage des Assises. Les étudiants et les personnels BIATSS souhaiteraient être mieux représentés dans les conseils d'administration. Les personnels de recherche non permanents souhaiteraient y faire leur entrée. On reparle du rôle et de la place des personnalités extérieures. Le problème est que jusqu'à présent, on a réfléchi à toutes ces questions de façon morcelée. Or, c'est globalement qu'il faudrait réfléchir à la composition du conseil d'administration. Les enseignants-chercheurs peuvent-ils en constituer la moitié, au risque de contrevenir au principe d'indépendance ? La question n'est pas tranchée.
S'agissant des doctorants, la situation est compliquée car il y en a différents types. Leurs problèmes sont plutôt communs avec ceux des étudiants - encadrement, insertion professionnelle... Il n'est pas possible de les tenir pour des personnels comme les autres.
M. Florian Turc, président de la conférence nationale des étudiants vice-présidents d'université (EVPU). La loi LRU a permis une grande avancée en reconnaissant ce qu'on appelle les vice-présidents étudiants (VPE) - lesquels existaient depuis longtemps. Il faut non seulement que les étudiants soient mieux représentés dans les conseils mais que de véritables missions leur soient confiées et qu'ils aient les moyens d'agir pour être de véritables acteurs de l'enseignement supérieur et de recherche. L'actuel Gouvernement poursuivra-t-il dans cette voie ?
M. Daniel Steinmetz, secrétaire général du SNTRS-CGT. L'État a un rôle global d'orientation en matière de recherche mais une fois les grands choix effectués, qui a la responsabilité de leur mise en oeuvre ? Ce n'est pas à l'ANR de conduire la politique de recherche, mais aux grands organismes comme le CNRS, l'INSERM et d'autres plus spécialisés. Reste ensuite à trouver la bonne articulation avec les universités qui connaissent bien elles aussi la réalité du terrain et sont les mieux placées pour détecter les nouveaux talents... Tous ces sujets devront être abordés dans la future loi.
M. Alain Claeys. Je suis d'accord avec vous. Que l'État soit le stratège ne signifie pas qu'il doive tout faire. Il a intérêt à tirer parti de toutes les compétences, notamment celles des organismes de recherche. Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, quant à lui, devrait s'appuyer sur les Alliances, dont la mise en place a été un élément essentiel pour la structuration de la recherche - à la réserve près toutefois qu'elles ne deviennent pas des structures supplémentaires mais au contraire gardent leur souplesse.
M. Corentin Le Fur, chercheur à l'université Paris VII. Si aucun PDG du CAC 40 n'est docteur, c'est parce qu'on est obsédé par la compétitivité et la recherche du profit et que le chercheur aujourd'hui n'est pas tenu pour un vecteur de profit. On ne valorise pas assez le profit intellectuel par rapport au profit financier. L'État stratège devrait s'attacher à dissiper les préjugés qui prévalent encore sur la recherche et les chercheurs, et convaincre la société civile que les chercheurs font un travail indispensable et qu'un laboratoire de recherche ne fonctionne pas comme une entreprise.
M. Nicolas Soler, vice-président de la
Confédération des jeunes chercheurs.
Les jeunes
chercheurs sont les doctorants et les post-doctorants
- nous
préférons appeler ces derniers chercheurs en CDD. Les doctorants
sont clairement des personnels contractuels et non des étudiants, avec
lesquels ils n'ont que peu de points communs. Ils représentent, avec les
post-doctorants, près de la moitié des chercheurs en France. Il
est donc très important qu'ils soient représentés dans les
universités et les organismes de recherche et que leur voix y soit
entendue. Ce serait un des moyens de donner la parole aux personnels
précaires de la recherche qui n'ont aujourd'hui d'autre moyen pour
s'exprimer que de descendre dans la rue.
M. Olivier Nay, vice-président du Conseil national des universités (CNU). Le conseil national des universités, qui intervient dans le recrutement des enseignants-chercheurs, est inquiet de la proposition qui circule de supprimer le volet national de la procédure de recrutement. Celui-ci s'opère aujourd'hui en deux temps, avec une procédure de qualification au niveau national, suivie du recrutement lui-même au niveau local. La disparition de la phase nationale aurait de graves conséquences sur le statut national des enseignants-chercheurs. Cette procédure est la garantie de leur indépendance intellectuelle et de l'unité de leur statut. Quelle est la position du Gouvernement ? Quel rôle envisage-t-on pour le CNU dans les années à venir ? Nous pensons qu'il devrait être, au même titre que la CPU, un interlocuteur central du ministère - et des collectivités.
Mme Heidi Charvin (SNESUP-FSU). Les Assises préconisent de redonner du pouvoir au CS et au CEVU. Elles ne disent rien en revanche du comité technique (CT) qui donne son avis sur la gestion des ressources humaines. J'appelle l'attention du Parlement sur les conditions de travail des personnels et des étudiants qui se dégradent. Les cas de burn out sont de plus en plus fréquents et le nombre de suicides augmente. Nous souhaiterions que le CT soit pris en considération dans la réattribution des fonctions.
Mme Michelle Lauton, SNESUP. La situation financière des universités est préoccupante. De nombreux emplois ont dû être gelés, des enseignements supprimés, les effectifs des cours augmentés. La qualité de l'enseignement se dégrade au moment où chacun se déclare pourtant soucieux de la réussite des étudiants. Pour remédier à cette situation, il faudrait revenir à une gestion nationale des personnels, affecter d'autres crédits aux établissements avec une autre clé de répartition. Un autre moyen serait de supprimer totalement le crédit d'impôt recherche.
Le SNESUP est favorable à la suppression de l'ANR et de l'AERES. Il demande l'augmentation des crédits récurrents pour la recherche comme pour les formations. Ces crédits devraient être attribués au travers d'un mécanisme de répartition nationale transparent, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui avec SYMPA (Système de répartition des moyens à la performance et à l'activité).
Enfin, le SNESUP considère qu'il faudrait revenir sur la politique des IDEX, cette politique dite d'excellence qui n'a fait qu'exacerber la concurrence entre les établissements et les personnels, alors qu'il faudrait promouvoir l'excellence pour tous.
M. Pierre Tapie, président de la Conférence des grandes écoles (CGE). Cinq points nous paraissent essentiels concernant la gouvernance des établissements. Premièrement, la stabilité stratégique : le vote d'un seul membre du conseil d'administration ne doit pas pouvoir faire basculer l'établissement vers un autre horizon que celui qu'il disait viser auparavant. Deuxièmement, la responsabilité vis-à-vis des personnes : parmi les projets qui circulent, certains diminueraient cette responsabilité de la part des dirigeants institutionnels, ce qui ne nous paraît pas une bonne orientation. Troisièmement, la collégialité, à laquelle nous sommes très attachés. On assimile souvent, à tort, collégialité et démocratisation. Il y a de nombreuses manières de pratiquer la collégialité, notamment par le biais de sénats académiques, qui ne sont pas la démocratisation attendue de la pratique du scrutin de liste. Quatrièmement, les enjeux de marque : la marque n'est pas superposée à la structure et il serait le plus souvent nécessaire de créer des marques puissantes avant de créer des structures. Cinquièmement, la diversité. Lors de la création des PRES, le législateur avait ouvert à une diversité des modèles. Nous nous réjouissons que la proposition 108 prévoie une telle diversité qui seule permet de s'adapter aux réalités hétérogènes du terrain.
Mme Isabelle This-Saint-Jean, vice-présidente du conseil régional d'Ile-de-France et vice-présidente de l'Association des régions de France (ARF). Je ne reviens pas sur la nécessité d'un État-stratège non plus que sur la nécessité de contrats entre les établissements, l'État et les collectivités, en particulier les régions.
Les regroupements d'établissements, que je préfère personnellement appeler pôles universitaires, doivent viser à la mutualisation des moyens, ce qui permettra des économies d'échelle, et une plus grande coopération en matière scientifique et pédagogique. Ce double objectif ne doit jamais être perdu de vue.
Il faudra aussi veiller à ce que les nouveaux regroupements puissent poursuivre les coopérations scientifiques et pédagogiques qui existent déjà à l'échelon des territoires, comme en Ile-de-France où nous comptons huit PRES.
M. Joël Bertrand, directeur général délégué du CNRS. Nous devons nous-mêmes valoriser le diplôme du doctorat. Aucun PDG du CAC 40 n'est docteur, a-t-il été dit tout à l'heure. Ce n'est pas tout à fait vrai. Thomas Enders, président d'EADS, possède un doctorat, mais un doctorat américain ( PhD ). Les Assises ont proposé de valoriser le doctorat dans les conventions collectives et dans les grilles de la fonction publique. Faisons-le sans plus tarder. La riche expérience qu'il confère peut être utilisée ailleurs qu'en recherche. On dit parfois que si le doctorat n'est pas mieux reconnu en France, c'est parce qu'il existe les grandes écoles à côté des universités. Je ne suis pas certain que c'en soit la raison.
Quant au « post-doc », ce n'est pas une tradition française. Certaines disciplines y recourent peu. Une uniformisation est difficile. Nous préconisons, nous, un recrutement au plus près de la thèse et même qu'un chercheur puisse effectuer un « post-doc » après son recrutement. C'est ainsi qu'on donnerait confiance à nos jeunes chercheurs.
M. Jean-Paul Caverni, ancien président du PRES d'Aix-Marseille. Toutes les IDEX n'ont pas la personnalité morale. Certaines, comme à Aix-Marseille, se trouvent au sein des universités.
Il faudrait que les étudiants soient représentés aussi dans les commissions pédagogiques de diplômes, au plus près de leurs études.
Je rejoins tout à fait Louis Vogel : les universités doivent être fortes. Il ne doit donc pas y avoir de dissensions entre les différents conseils. Tout en préservant la démocratie nécessaire, les universités doivent rester gouvernables. Le mode électoral qui sera choisi est déterminant pour qu'elles remplissent dans notre pays le rôle qu'on attend d'elles.
M. Bernard Saint-Giron, président du PRES Paris-Est. Le PRES que je préside présente la particularité d'associer des établissements aux statuts les plus divers et relevant de la tutelle de plusieurs ministères - enseignement supérieur et recherche, culture, agriculture, développement durable... Je suis donc particulièrement sensible à la nécessité de mettre de la cohérence. Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche doit être le chef de file. Divers ajustement techniques sont nécessaires : aujourd'hui par exemple, les contrats d'objectifs et les contrats d'université n'ont pas la même durée et ne figurent pas sur le même agenda.
Je suis d'accord pour que les PRES soient mieux définis, tout en conservant une souplesse suffisante s'agissant des compétences qui leur sont déléguées et la manière dont elles s'exerceront. C'est indispensable pour permettre la continuité avec les projets existants, que Mme This-Saint-Jean appelle de ses voeux.
En ce qui concerne les doctorats, il est vrai qu'un ingénieur diplômé d'une grande école est davantage incité à prendre un emploi qu'à engager un travail de recherche qui ne facilitera en rien son insertion professionnelle ultérieure. Pour que le doctorat soit mieux valorisé, il faudrait sans doute en revoir la conception même. À côté du doctorat traditionnel obtenu en formation initiale, pourquoi ne pas imaginer un doctorat obtenu sur travaux ou par validation des acquis de l'expérience ? À condition que la qualité du diplôme soit garantie, ce pourrait être une piste intéressante.
M. Morgan Marietti, président de l'Association nationale des apprentis de France. Aujourd'hui, 10 % des étudiants sont apprentis ou suivent une formation en alternance, et passent donc la moitié de leur temps en entreprise. Ils sont une source de financement pour les universités. Pourtant, ils ne sont pas représentés dans les conseils d'administration. Nous souhaiterions qu'ils le soient. Nous demandons de même qu'ils soient autorisés à quitter leur entreprise une demi-journée pour pouvoir voter à toutes ces instances.
M. Rémy Mosseri, membre du comité de pilotage des Assises. Pourquoi avons-nous proposé de supprimer la procédure de qualification des enseignants-chercheurs ? Il n'y a là nulle attaque du Conseil national des universités, auquel nous donnerions volontiers une place plus importante dans l'évaluation des unités de recherche au travers de l'évaluation des enseignants-chercheurs. Mais nous nous sommes demandé à quoi servait vraiment la qualification. Ce n'est pas un pré-requis de qualité : j'en veux pour preuve que dans les concours de recrutement des organismes de recherche, qui ne sont pas moins sélectifs, le doctorat suffit. C'est en revanche une procédure coûteuse et chronophage. L'ensemble des procédures de qualification coûte vraisemblablement plusieurs millions d'euros par an et représente plusieurs dizaines d'années-homme. Si certaines disciplines sont très attachées à cette procédure, c'est pour lutter contre le localisme de certains recrutements. On pourrait sans doute y parvenir par des moyens plus économes en temps et en argent.
M. Jean-Tristan Brandebourg, Agir pour les doctorants et les jeunes doctorants de l'université Paris-Sud. Comment améliorer la gestion des ressources humaines dans l'enseignement supérieur et de recherche ? L'Union européenne a adopté une charte et un code de bonne conduite pour le recrutement des chercheurs. Bien que presque tous les établissements aient signé cette charte contraignante, celle-ci n'est pas respectée. Il y a pourtant tant à faire. Il faudrait traiter la question des personnels précaires, des doctorants non financés, des vacataires...
M. Joan Cortinas-Munoz, Coordination nationale des précaires de l'enseignement supérieur et de recherche. La représentation des jeunes chercheurs dans les instances de décision des universités et des organismes de recherche est très importante. Ce sont en effet les maillons les plus fragiles du système actuel. Parmi les jeunes chercheurs, il n'y a pas que des post-doctorants en CDD. Certains alternent des contrats avec des périodes de chômage, d'autres sont vacataires, c'est-à-dire n'ont pas droit aux allocations chômage à l'issue de leur contrat, d'autres font un doctorat sans être financés - c'est fréquent en sciences humaines.
M. Denis Roynard, SAGES. Le syndicat que je représente regroupe essentiellement les PRAG et les PRCE, professeurs agrégés et professeurs certifiés travaillant dans le supérieur.
J'ai noté une préoccupation légitime de rééquilibrage et d'apaisement dans la gouvernance des établissements. Je me félicite que la procédure d' impeachment transposée à l'enseignement supérieur fasse partie des propositions des Assises - je l'avais moi-même proposé. Tous les conflits ne pourront pas pour autant être réglés a priori par l'organisation de la gouvernance. Il faudrait prévoir des mécanismes plus adaptés de règlement des différends, comme il en existe par exemple au Canada - j'avais transmis au comité de pilotage le règlement de l'université d'Ottawa. Aujourd'hui, soit les conflits ne sont pas réglés, ce qui conduit certains à se désinvestir, ce qui est dommage. Soit ils sont portés devant une instance disciplinaire. Avant d'en arriver là, il serait utile de prévoir des médiations.
M. Henri Audier, SNCS-FSU. Le rapport de M. Berger est courageux sur plusieurs points comme les IDEX, la nécessité de remettre les laboratoires de recherche au centre... Il fait en revanche l'impasse totale sur les problèmes financiers. Une légende veut que notre pays consacre 1 % de son PIB à la recherche publique. Or, nous en sommes loin. Il faudrait déduire en effet la recherche militaire, très importante, les recherches menées dans le cadre de l'héritage des grands programmes technologiques - que les autres pays ne classent pas dans la recherche publique. Si on ne tient compte que de la recherche effectuée dans les universités, les organismes de recherche et les agences, nous n'en sommes qu'à 0,55 % du PIB. C'est dire qu'il faudrait presque doubler en dix ans l'effort de recherche publique pour atteindre l'objectif affiché. À périmètre comparable, l'effort de l'Allemagne représente 0,75 % de son PIB.
On pourrait certes faire des économies en supprimant quantité de structures inutiles créées ces cinq dernières années mais on ne pourra pas résoudre les problèmes qui se posent, notamment celui de l'attractivité des carrières de la recherche, sans porter l'effort réel de recherche à 1 % du PIB.
M. Youssouf Touré, président d'université. La mission des PRES avait été définie par le législateur. Mais c'est un peu comme si on avait voulu enfoncer des clous avec une clé à molette et trouvant que cela ne marche pas bien, on jette maintenant cette clé. Pour clouer, c'est un marteau qu'il faut ! Définissons ce qui est vraiment nécessaire plutôt que de jeter l'outil ! Les PRES, conçus en 2004, ne peuvent être adaptés à la réalité de 2012. D'une manière générale, lors de la mise en place de nouveaux outils, il faudrait être plus attentif à la façon dont ils pourront évoluer. Un vieil outil peut difficilement être adapté à de nouvelles ambitions.
De même, j'ai l'impression qu'avec l'AERES, on voudrait casser le thermomètre pour faire baisser la température. L'AERES a été créée pour tenter d'homogénéiser les procédures d'évaluation et donner des outils de pilotage en interne. Ce n'est pas elle qui est un problème, mais l'utilisation qui en a été faite.
Mme Pauline Scholler, INSERM. Ingénieur, je suis actuellement doctorante. Lors des entretiens d'embauche, on me demande systématiquement pourquoi je fais un doctorat alors que j'ai un diplôme d'ingénieur. La situation changerait peut-être si les industriels étaient associés davantage à la gouvernance des universités et à la définition des formations. Ils connaissent mal aujourd'hui les capacités des diplômés de l'université - dont les formations, il faut le reconnaître, ne sont pas toujours adaptées à leurs attentes.
M. Vincent Berger. Il ne doit pas y avoir d'ambiguïté au sujet du CNESER. Nous avons clairement réaffirmé la volonté d'un cadre national pour les diplômes et d'un socle commun de connaissances... À cet égard, le CNESER a un rôle central à jouer. La crainte de sa disparition est infondée.
M. Roger Fougères. Du débat de ce matin, ressortent sensiblement les mêmes thèmes que des Assises. L'accent a été mis sur trois points particuliers. Tout d'abord, la nécessité d'un État stratège et chef de file avec un besoin de cohérence dans ses relations avec les établissements et une déclinaison locale. Ensuite, la précarité de la situation de certains personnels, à laquelle il faudrait remédier. Enfin, de nouvelles demandes de représentation. Je retiens aussi tout particulièrement l'idée que le « post-doc » puisse être effectué après recrutement, ce qui permettrait de résoudre à long terme la question de la précarité.
Les membres du comité de pilotage ont pris bonne note de toutes les questions et de toutes les remarques, et en tiendront le plus grand compte lors de l'élaboration du rapport final.