2. Instaurer une obligation de service pour les médecins spécialistes en début de carrière dans les zones particulièrement sous dotées
Dès mars 2007, l'Académie de médecine a recommandé, dans un rapport intitulé « Comment corriger l'inégalité de l'offre de soins en médecine générale sur le territoire national ? », en l'absence d'évolution de la démographie médicale, « l'application, comme ultime recours, de mesures contraignantes, avec l'obligation d'exercer dans des zones prioritaires pour les médecins qui y seraient affectés, pour une période de trois à cinq ans ».
Plus récemment, en mai 2012, le président du Conseil national de l'Ordre des médecins a rendu publiques, à l'issue de son séminaire annuel, plusieurs recommandations visant à garantir l'équité dans l'accès aux soins. Constatant l'échec des aides incitatives destinées à pallier l'inégale répartition territoriale des médecins, le CNOM a préconisé la mise en oeuvre « d'une régulation des conditions de premier exercice dans une période quinquennale éventuellement révisable » organisée au niveau régional, en partenariat avec les universités et les ARS.
Ainsi, à l'obtention de sa qualification ou à l'issue de son post-internat, chaque jeune médecin serait désormais tenu d'exercer pendant une période de cinq ans dans la région où il a suivi son troisième cycle. Les médecins qui choisiraient de faire des remplacements obéiraient aux mêmes règles, ainsi que les médecins à diplôme étranger obtenant l'autorisation d'exercer. La détermination des lieux d'exercice, quelles qu'en soient les modalités, à l'intérieur de la région se ferait sous la conduite de l'ARS, en fonction des besoins identifiés par unités territoriales et en liaison avec le conseil régional de l'Ordre. Le CNOM a précisé que ce dispositif fort de régulation nécessiterait des mesures d'accompagnement, d'incitation et de promotion de carrière, notamment en médecine générale.
Des dispositions d'initiative parlementaire ont également proposé d'instaurer une obligation analogue :
- lors de la discussion de la loi HPST au Sénat, au mois de mai 2009, votre rapporteur avait présenté un amendement prévoyant que, à compter de 2017, les médecins désireux d'exercer leurs fonctions à titre libéral ou salarié seraient tenus de s'installer durant une période minimum de trois ans dans un territoire dans lequel le schéma régional d'organisation des soins indique que l'offre de soins de premier recours ne suffit pas à répondre aux besoins de santé de la population. Cet amendement, qui n'a pas été voté, devait s'appliquer également aux médecins titulaires de diplômes étrangers ;
- à l'Assemblée nationale, le député Philippe Vigier a déposé le 10 octobre 2012 une proposition de loi visant à garantir un accès égal aux soins sur l'ensemble du territoire, dont l'article 5 prévoit, à partir de 2020, une obligation d'installation d'une durée minimale de trois ans dans une zone déficitaire en offre de soins pour tous les médecins désireux d'exercer en libéral à l'issue de leur formation. Cette obligation s'applique également aux médecins ressortissants de l'Union européenne. La proposition de loi a été rejetée en première lecture par l'Assemblée nationale.
Cette idée d'une obligation d'installation initiale en zone sous-dotée pendant une période de quelques années, réclamée par les maires ruraux, a soulevé une vive opposition de la part de tous les syndicats médicaux auditionnés par le groupe de travail, et notamment des associations représentatives des étudiants en médecine. Ceux-ci font valoir que cette nouvelle obligation poserait un problème d'équité intragénérationnelle, en faisant peser sur les jeunes médecins une contrainte que leurs aînés n'ont pas connue. Toutefois, si l'on peut comprendre le souhait des étudiants en médecine de ne pas voir modifier les « règles du jeu » pendant le cours de leur formation, leur objection fait fi de la gravité de la situation, de la nécessité de réagir, et de la notion d'intérêt général, qui doit primer sur toute autre considération.
C'est ainsi que l'on observe une situation particulièrement critique - pour ne pas dire inadmissible - dans certains hôpitaux locaux, et même dans certains centres hospitaliers de chef lieu de département n'ayant pas le statut de CHU, qui peinent à recruter les médecins spécialistes dont ils ont besoin. Ils doivent alors recourir à des médecins étrangers, avec les problèmes afférents de langue et de reconnaissance des diplômes, ou proposer des niveaux de rémunération très élevés, difficilement compatibles les contraintes de leur budget.
C'est pourquoi votre rapporteur préconise d'instaurer, pour les médecins spécialistes, une obligation d'exercer pendant deux ans à la fin de leurs études, à temps plein ou partiel, dans les hôpitaux des chefs-lieux de départements où le manque de spécialistes est reconnu par les agences régionales de santé. Il ne s'agirait pas à proprement parler d'une obligation d'installation, mais de l'accomplissement d'un bref service public qui leur serait demandé.