M. Pascal Pacaut, Chef de la direction Outre-mer, Agence Française de Développement (AFD)
La 11 ème conférence des parties de la Convention de la biodiversité biologique, à Hyderabad en octobre 2012, a abouti à un compromis faiblement engageant sur la préservation de la diversité des gènes et des espèces. Il aborde peu les écosystèmes. Pourtant, le vrai sujet aujourd'hui, pour de nombreux pays (qu'il s'agisse de pays en développement ou de pays insulaires développés) est bien celui des écosystèmes, davantage que celui de la diversité des gènes et des espèces, qui constitue plutôt une préoccupation de moyen et long termes de pays riches. La conférence de Doha sur le climat, en décembre 2012, a abouti à un vague consensus sur l'atténuation, qui est lui aussi un sujet de pays riches, même s'il est très important à moyen et long termes pour la planète. Aucune avancée significative sur l'adaptation. Or, le sujet central de nombreux États indépendants en développement et d'économies insulaires est bien l'adaptation au changement climatique, beaucoup plus que l'atténuation de celui-ci.
Il faudra, un jour, que ces échanges convergent et que nous abordions la question de l'adaptation au changement climatique sous l'angle des écosystèmes. À cet égard, grâce aux outre-mer et aux territoires du Pacifique, la France a une opportunité exceptionnelle à saisir. La Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna et la Polynésie française sont aux avant-postes de ces problématiques liées au changement climatique, comme peuvent l'être les Maldives. « L'input » intellectuel et culturel français qui a été mobilisé par exemple dans le cadre du Grenelle de l'environnement, croisé avec le prisme ultramarin, peut conduire à l'émergence de solutions innovantes. Celles-ci ne seront peut-être pas à la portée de nombreux États indépendants, car la France est un pays riche. L'approche conceptuelle de ces sujets ouvre néanmoins des perspectives extrêmement intéressantes.
Je prendrai pour seul exemple le projet GERRI conduit à La Réunion, qui vise l'adaptation d'une société à un environnement climatique et économique particulier. Il pourrait être décliné dans le Pacifique de façon positive pour tous les acteurs, y compris les bailleurs de fonds (AFD, Banque Mondiale, KFW, Banque européenne d'Investissement, etc.). Nous sommes à la recherche de solutions innovantes susceptibles d'être transposées dans de nombreux États de la planète pour traiter ces questions de changement climatique.
En « tirant ce fil », nous voyons que l'exportation de solutions françaises permettrait de générer des bénéfices significatifs pour les territoires français du Pacifique, notamment pour leurs entreprises impliquées dans la mise en place de ces solutions. Nous participons par exemple, avec l'ADEME et la BEI, au financement du projet SWAC ( SeaWater Air Conditioning ) qui permettra d'utiliser le différentiel de température pour climatiser le centre hospitalier de Papeete. Il faut tirer un bénéfice économique de telles solutions pour pouvoir les exporter. Le développement, sur ces questions, d'une expertise française reconnue internationalement pourrait constituer une priorité. Là aussi, les initiatives développées à La Réunion, en utilisant les écarts de température et l'énergie de la houle, peuvent être transposées ailleurs et notamment dans le Pacifique. Les solutions ne seront peut-être pas tout à fait identiques et il ne fait pas de doute que cette déclinaison présentera une valeur ajoutée significative.
Au sein de l'AFD, nous finançons, au travers du fonds français pour l'environnement mondial, l'initiative CRISP ( CoralReef Initiative for South Pacific ), auquel 7 millions d'euros auront été alloués (5 millions d'euros apportés par l'AFD et 2 millions d'euros apportés par le fonds français pour l'environnement mondial, en partenariat avec la Communauté du Pacifique Sud et le programme régional océanien pour l'environnement). L'objectif de cette initiative française est de fédérer l'intervention d'autres partenaires et États de la région afin de favoriser une meilleure intégration des stratégies et des projets de protection des écosystèmes.
Le futur projet RESCUE, qui prendra la suite du projet CRISP, sera financé au cours des prochaines semaines à hauteur de 2 millions d'euros par le fonds français pour l'environnement mondial et probablement 4,5 millions d'euros pour l'Agence française de développement. L'objectif est, là aussi, de fédérer les intérêts bien compris de nos territoires ultramarins et des États de la région.
Nous avons accordé il y a environ quinze jours une subvention de 800 000 euros pour l'initiative BEST de la Commission européenne en faveur de la biodiversité, des écosystèmes et des services écosystémiques dans les territoires ultramarins européens. Cette initiative vient au bon moment et doit être soutenue. Nous espérons y associer d'autres partenaires européens.