B. UNE SALLE DE PRESTIGE, UN LUXE D'ÉQUIPEMENTS ANNEXES
Le programme général qui a servi de base au concours d'architecte ne prévoyait pas la simple construction d'une salle de concert, mais la réalisation d'un véritable multiplexe consacré à la musique .
En avril 2007, le jury a retenu le projet conçu par les Ateliers Jean Nouvel. D'une surface utile de 20 000 mètres carrés, le futur bâtiment se veut « marquant » et nettement visible des environs. La salle de concert sera placée en hauteur et signalée par une « façade tourbillon » en inox. Haute de 37 mètres, la construction, qualifiée de « bâtiment géographie » , de « colline » ou de « soulèvement de métal » , sera barrée d'une arête culminant à 52 mètres. Cette lame constituera un écran vertical perpendiculaire au boulevard périphérique et servira de support à un dispositif de signalétique lumineuse dynamique, concourant à la visibilité nocturne de la Philharmonie.
Perspective sur la Philharmonie de
Paris depuis
le boulevard périphérique
Source : Philharmonie de Paris.
1. La salle de concert : une jauge importante et modulable, une acoustique exceptionnelle
a) Une jauge de 2 400 places, une salle modulable
La salle de la Philharmonie de Paris accueillera 2 400 spectateurs en configuration symphonique, 2 330 spectateurs en configuration « jazz et musiques du monde », et jusqu'à 3 650 spectateurs en configuration « public debout ». Cette salle sera en effet modulable, afin de pouvoir s'adapter à d'autres répertoires que le répertoire symphonique . Il y sera notamment possible d'effacer le parterre et la scène et de transformer les gradins de fond en nouvelle scène frontale. Selon les promoteurs du projet, « cette nouvelle typologie de salle, plus flexible, favorise une pluralité musicale qui représente un élément d'attractivité pour de nouveaux publics et un outil stimulant pour des créateurs souhaitant jouer avec la dimension spatiale de la musique » 28 ( * ) .
La surface au sol de la salle sera de 2 200 mètres carrés et la hauteur sous plafond de 22 mètres. Plutôt qu'une configuration dite « en boîte à chaussures », où le public fait face à l'orchestre et au choeur, la salle de la Philharmonie de Paris sera, comme celle de la Philharmonie de Berlin, enveloppante (de type « vignoble »). Ce modèle, où le public entoure la scène, permet d'accueillir un nombre important de spectateurs tout en limitant l'éloignement de l'auditoire aux artistes. La distance du dernier spectateur au chef d'orchestre n'excèdera pas 32 mètres.
L'architecture des balcons, détachés des parois de la salle, donnera l'illusion de « nacelles suspendues dans l'espace » et s'harmonisera avec la forme en « nuages » et en « rubans » des réflecteurs acoustiques. Malgré sa jauge importante, la salle est ainsi conçue comme un « espace intime, un cocon voluptueux et généreux propice à l'expérience partagée du concert » .
La salle de concert
« enveloppante » vue depuis les gradins du
choeur
Source : Philharmonie de Paris.
b) Une acoustique exceptionnelle
Le succès du nouvel auditorium est naturellement conditionné à la qualité irréprochable de son acoustique, qui doit être spécifiquement adaptée au concert symphonique . Cet aspect semble avoir été au coeur des préoccupations des responsables du projet, qui n'ont guère « lésiné » sur les moyens et l'expertise mobilisés. La configuration de la salle a ainsi fait l'objet d'études sur maquettes informatiques et des tests ont été réalisés sur une maquette acoustique au 1/10 ème .
Le volume acoustique actif sera de 30 500 mètres cubes et le temps de réverbération sera compris entre 2 et 2,3 secondes, soit des ordres de grandeur adaptés aux « grands » orchestres symphoniques. Selon une brochure de présentation du projet, le « son philharmonie » se caractérisera par son amplitude, sa clarté et son intimité .
Un soin particulier a également été apporté à la neutralisation des nuisances sonores environnant la salle de concert , qu'elles résultent de l'intérieur de la Philharmonie (foyers, parking, équipements techniques, circulations, livraisons...) ou de l'extérieur (trafic aérien et routier, bruits émanant du parc). Enfin, le faîte de la Philharmonie étant accessible aux promeneurs, une toiture sur plots antivibratiles a été prévue.
Le rapport Larquié avait, en son temps, mis en garde contre le préjudice acoustique qui pourrait résulter d'une modularité trop « sophistiquée » de la salle de concert : « s'agissant de la conception du volume de l'auditorium, toutes réserves doivent être faites, quant à d'éventuelles tentations de modulabilité, tant fonctionnelle, - qui prévoirait notamment une possibilité d'usage d'une scène à l'italienne ou des configurations par trop diverses -, que dimensionnelle, - permettant de passer, par exemple, de 2 000 à 500 places dans le même volume -. Ces options feraient peser sur le résultat acoustique attendu un risque , qu'il convient de déconseiller ». Dans le même esprit, le rapport Belaval-Auberger estimait qu' « il ne faut pas viser à satisfaire le public de tous les types de musiques. Si l'acoustique est bonne pour la musique symphonique, elle n'aura pas la même qualité pour la musique amplifiée. C'est donc bien à une acoustique adaptée au concert classique qu'il faut se tenir. »
La contradiction potentielle entre excellence acoustique et modularité semble avoir été résolue par le recours à des murs de scène à absorption variable, des rideaux acoustiques absorbants déployables, ainsi qu'un mur de réflecteurs sonores situé quinze mètres au-dessus de la scène - le canopy - dont la hauteur pourra être réglée en fonction de la configuration de la salle.
2. Une configuration en « multiplexe »
La Philharmonie de Paris s'inscrit dans la filiation des salles de concert érigées au cours des dernières décennies, et qui présentent la particularité de s'intégrer au sein de complexes où se déploient des activités culturelles et récréatives multiples .
a) Des espaces de travail nombreux et un accueil soigné pour les musiciens
Le rapport Belaval-Auberger considérait comme indispensable de fournir aux artistes des espaces de travail reproduisant aussi fidèlement que possible les conditions du concert , l'une des carences rédhibitoires des salles parisiennes étant précisément de n'offrir aucune salle de répétition à proprement parler. Selon ce rapport, « l'aménagement d'une salle de répétitions s'impose donc. Celle-ci, pour un grand orchestre symphonique de plus de 100 exécutants, doit être d'un volume suffisant et surtout offrir un plateau identique à celui de la salle de concert, faute de quoi tout orchestre de classe est justifié à exiger de répéter dans la salle de concert ».
La Philharmonie de Paris offrira, non une, mais six salles de répétition :
1) une grande salle destinée aux enregistrements ou aux séances de travail des orchestres au complet (140 musiciens), équipée d'une scène identique à celle de la salle de concert, la partie arrière pouvant accueillir des gradins pour les choeurs ou pour un public pouvant atteindre 200 personnes ( cf . illustration ci-après) ;
2) une seconde « grande » salle dédiée aux formations plus restreintes (60 musiciens et 120 spectateurs) ;
3) cinq autres salles de répétition de 100 à 250 mètres carrés, non accessibles au public, permettant de travailler dans des conditions spécifiques, dont une salle pour les petites formations, une salle pour les cordes, une salle pour la musique vocale et une salle pour les percussions assortie d'un espace de rangement pour les instruments.
Ces équipements seront complétés par dix studios de répétition destinés à des artistes en résidence ou à des groupes restreints, par une bibliothèque de consultation, de conservation et de reproduction des partitions, ainsi que par des « espaces d'accueil (des musiciens) fonctionnels et chaleureux ».
La grande salle de répétition
Source : Philharmonie de Paris
Partant du constat que « la réputation d'une salle s'établit également à travers la qualité des différents espaces de vie réservés aux artistes » , la Philharmonie offrira enfin des « vestiaires, loges et foyers (...) conçus pour être chaleureux et disposés de façon à établir une relation rapide avec les salles de travail. Le foyer des musiciens (sera) un lieu convivial, où les artistes des orchestres résidents et invités (pourront) se rendre tout au long de la journée, lors d'une pause, au milieu d'une répétition, et en soirée, avant les concerts. Un bar et des éléments de restauration rapide y (seront) proposés. Les vestiaires des musiciens et des choeurs, de même que les loges des solistes, (seront) disposés derrière la salle de concert sur plusieurs niveaux. La loge du chef d'orchestre (sera) située à proximité de son entrée en scène » 29 ( * ) .
b) Un pôle pédagogique, une salle de conférences et une galerie d'expositions temporaires
1 800 mètres carrés du rez-de-chaussée du futur bâtiment seront, en outre, dédiés à un pôle pédagogique comprenant deux salles d'éveil à la musique, deux salles de cours, cinq salles de pratique collective, cinq salles de pratique instrumentale individuelle, un studio et une « salle de pique-nique » équipée de bancs et tables où les groupes scolaires pourront « faire une pause déjeuner ou goûter ». Les espaces d'éveil, de cours et de pratique collective seront dimensionnés pour accueillir de quinze à soixante élèves encadrés par un ou deux enseignants.
Ce pôle sera complété par une salle polyvalente de 200 places destinée à l'organisation de colloques, séminaires, petits concerts, séances de projection ou répétitions en public.
Une galerie d'environ 800 mètres carrés proposera, deux fois par an, des expositions en rapport avec la programmation musicale. Sa hauteur sous plafond favorisera notamment l'installation d'oeuvres de grandes dimensions et ses équipements numériques, d'éclairage, de climatisation et de sécurité permettront « de présenter des oeuvres venant de tous les grands musées du monde et de les mettre en relation avec des installations sonores et visuelles » . La galerie sera assortie d'un espace logistique, d'une salle de diffusion sonore et d'un hall de présentation des actualités du lieu.
c) Les espaces d'accueil des publics
Conçue comme un « lieu ouvert » , la Philharmonie de Paris comprendra de nombreux espaces de circulation et de convivialité ouverts au public :
1) le foyer parc , de plain-pied avec le parc de la Villette, constituera l'entrée principale depuis l'allée longeant la Cité de la musique et abritera un vestiaire. Il donnera sur un café-jardin de 100 places et une boutique de 130 mètres carrés. Le café-jardin sera lui-même attenant à une « grotte » de 4 900 mètres carrés, « lieu poétique ponctué de bassins, de rideaux d'eau, de fontaines et de grands traits de lumière naturelle » 30 ( * ) ;
2) le hall parvis , au troisième niveau, donnera accès à la salle de concert. Il intègrera des banques d'accueil et de billetterie ;
3) des foyers offrant divers services (notamment huit bars) garniront chaque niveau d'accès à la salle et permettront au public de « déambuler pendant l'entracte, prendre un verre ou se restaurer dans des conditions confortables et dans un espace généreux » ;
4) 340 mètres carrés de salons privatisables avec terrasse et vue sur Paris seront accessibles au cinquième niveau ;
5) le restaurant , situé au sixième étage, sera accessible non seulement aux différentes catégories de visiteurs, artistes et publics, fréquentant la Philharmonie, mais également au public extérieur grâce à un accès indépendant par le Parc. Il offrira 150 places assises en salle à manger et 40 à 50 places en terrasse.
d) Les espaces administratifs et logistiques
Le nouvel équipement sera enfin doté de 1 600 mètres carrés d'espaces administratifs et logistiques nécessaires à son exploitation, abritant les bureaux de la Philharmonie et des orchestres résidents, des zones de stockage, des espaces de régie, des réserves, des locaux pour les artistes et les techniciens, un restaurant d'entreprise (200 places) et un parking sous-terrain de 600 places environ.
3. Fallait-il voir si grand ?
La décision de construire la Philharmonie de Paris et la définition du programme général de l'équipement sont intervenues avant que le surgissement de la crise financière, le creusement spectaculaire des déficits publics et les tensions sur les dettes souveraines ne rappellent douloureusement l'Etat à la nécessité urgente de maîtriser la dépense publique. Les porteurs du projet et leurs autorités de tutelle n'en étaient pas pour autant dispensés de calibrer celui-ci dans des proportions aussi économes que possible des deniers publics .
a) Geste architectural ou définition économe des besoins ?
Selon des magistrats de la Cour des comptes entendus par votre rapporteur spécial : « Tout se passe comme si le geste architectural et le perfectionnement technique du projet avaient primé sur une stricte et économe définition des besoins réels. »
Dans un relevé d'observations définitives 31 ( * ) consacré au grand auditorium de la Villette, la Cour des comptes estime plus particulièrement que « la question de l'opportunité de l'opération en cache aussi une autre, celle de la taille (...) du projet . A côté de la grande salle projetée, on a en effet multiplié les équipements accessoires (salles de répétitions, studios d'enregistrement, salles de musique de chambre, salles pédagogiques, lieux d'exposition). (...) On pouvait tout aussi bien défendre le principe d'un projet plus sobre, plus économe , limité à la construction d'une grande salle de concert et jouant en synergie, pour ses animations, avec les autres espaces du parc de la Villette ».
Ces interrogations sur la taille du projet vont au-delà même de la seule question de l'opportunité des espaces annexes et soulèvent celle du choix de la jauge et de la modularité de la salle.
b) Les questions soulevées par la jauge et la modularité de la salle
Prenant comme contre-exemples l'auditorium symphonique du Parco della Musica de Rome (2 756 places) ou le Royal Festival Hall de Londres (3 000 places), le rapport Belaval-Auberger préconisait une jauge de 2 000 places et attirait l'attention sur les risques que présenterait un auditorium trop grand pour « la qualité de la prestation pour le spectateur et la gestion rationnelle de la salle » . Le rapport Bayle évoquait, quant à lui, 2 200 places.
La jauge finalement retenue sera de 2 400 places . Selon l'association de préfiguration, « les exemples de Berlin et de Los Angeles, deux salles souvent évoquées pour leur exemplarité acoustique, montrent que le modèle 2 200 + 200 places partagées par le choeur ou le public en arrière scène est très opérant. Dès lors, limiter la jauge à 2 000 places serait une contrainte de fonctionnement supplémentaire . Pour atteindre la même recette, il faudrait augmenter tendanciellement le prix de chaque billet. Le pari de la Philharmonie est de s'ouvrir à de nouveaux publics, en baissant notamment le prix du billet unitaire, avec une recette de billetterie identique à la Salle Pleyel grâce au supplément de jauge. La configuration de la salle qui offrira un très grand nombre de bonnes places permettra d'optimiser le rapport jauge / prix moyen ».
A titre de comparaison, il apparaît que la jauge de la Philharmonie de Paris sera inférieure à celle des salles de Rome, Philadelphie, Londres ( South Bank Centre ), New York ( Carnegie Hall et Avery Fisher Hall ), Chicago, San Francisco, Seattle ou Tokyo. Elle sera, en revanche, identique à celles de Berlin, Hambourg, Los Angeles, Barcelone, Manchester ou Glasgow .
Une seconde question a trait au caractère modulable de la salle de la Philharmonie de Paris. Selon l'association de préfiguration, la modularité peut désigner des situations très différentes :
1) une salle modulable peut s'entendre d'une salle totalement transformable où le rapport entre les musiciens et le public peut être revisité dans de multiples configurations (scène frontale, scène centrale, musiciens répartis en plusieurs groupes dans ou autour du public...), ce qui n'est pas le cas de la salle de la Philharmonie 32 ( * ) ;
2) la modularité peut également être acoustique : le KKL de Lucerne est ainsi équipé d'un système permettant de faire varier le volume de la salle de 22 000 à 26 000 mètres cubes. Ce système n'existera pas davantage à la Philharmonie de Paris ;
3) la modularité renvoie enfin, dans le cas de la Philharmonie de Paris, à une modularité physique partielle destinée à corriger le principal défaut des salles enveloppantes, à savoir le caractère directionnel de la diffusion sonore des voix, qui empêche une bonne écoute des publics placés à l'arrière et sur les côtés de la scène lorsqu'un programme inclut une partie chantée. Cette modularité permettra de retirer le gradin arrière afin de lui substituer la scène et d'envisager en certaines occasions que l'ensemble du public soit en position frontale. Cette configuration sera adaptée aux récitals vocaux et aux musiques amplifiées.
Les représentants de l'association de préfiguration indiquent que « le choix de la Philharmonie a fait suite à des échanges approfondis avec les responsables de deux grandes salles enveloppantes (Berlin et Los Angeles). Ce modèle de modularité partielle est plébiscité par tous les artistes habitués des grandes scènes internationales, parmi lesquels les plus grands chefs » .
Au total, le carnet des configurations de la Philharmonie de Paris fait état de six aménagements possibles de la salle de concert , destinés à accueillir de la musique symphonique, bien sûr, mais aussi de la musique de chambre et des récitals, de la musique avec orgue, de la musique spatialisée, des musiques actuelles et traditionnelles, ainsi que de la musique « mise en scène » ( cf. encadré).
Les différentes configurations de la Philharmonie de Paris
« La mission première de la Philharmonie de Paris est l'accueil des formations orchestrales. Grâce à sa flexibilité scénique et acoustique, la salle s'adapte aussi bien aux petits qu'aux très grands effectifs orchestraux et vocaux : « - s'agissant du répertoire pour petits ensembles , ces différentes configurations trouvent leur place sur la scène centrale de la Philharmonie sans nécessiter aucune extension . L'optimisation acoustique est garantie par le réglage en hauteur des plates-formes et du canopy ; « - en ce qui concerne les répertoires orchestral et concertant , les plateaux de la scène centrale sont totalement mobiles : le fait d'en relever certains et de les étager lors d'un concert d'orchestre offre un meilleur confort visuel aux musiciens et optimise la fusion sonore entre les pupitres ; « - pour le répertoire pour très grands effectifs , il est possible de disposer d'un espace scénique supplémentaire en transformant tout ou partie des gradins situés à l'arrière de la scène. »
« La hauteur du canopy qui surplombe la scène centrale peut être abaissée afin de réduire le volume sonore et d'optimiser l'acoustique. Il est également possible d'aplanir la totalité de la scène centrale en tenant les plateaux qui la composent abaissés . »
« Pour les récitals d'orgue, il est envisageable d' aplanir les gradins arrière et la scène centrale, puis de fermer le bas du parterre : les sièges se soulèvent, se retournent et s'abaissent pour laisser place à un parquet en moins de trente minutes. Les propriétés de la salle sont dès lors modifiées, l'acoustique devenant plus ample et se rapprochant de celle des églises (avec un temps de réverbération plus long). »
« À la Philharmonie, il est possible, en plusieurs endroits de la salle, de mettre en place des estrades et des praticables afin d'y accueillir des musiciens, voire d'y installer des équipements électro acoustiques. Il est également envisageable de combiner cette première approche avec le fait de transformer le parterre bas, la scène centrale et la place occupée par les gradins arrière en une surface plate et uniforme, occupée soit exclusivement par des musiciens, soit par des musiciens et des spectateurs. »
« Pour les concerts de musique dite « amplifiée » - relevant le plus souvent de la pop, du rock ou de l'électro -, il est possible d'aplanir le parterre et la scène de façon à former un vaste plateau à même d'accueillir des spectateurs debout . »
« Pour certaines oeuvres musicales, à mi-chemin entre l'opéra et la symphonie, il est concevable d'augmenter la portée du spectacle au moyen d'une mise en scène légère, sans décor, ou d'une simple mise en espace . Dans ce cas, il convient de replier les gradins et d'installer les instrumentistes sur la scène arrière ; celle-ci peut, le cas échéant, être allongée au moyen de praticables. Chanteurs, danseurs et comédiens disposent, eux, de la scène centrale abaissée (réglable en hauteur selon les besoins) ; pour les oeuvres nécessitant un faible effectif orchestral, ils peuvent être aussi placés sur la scène arrière, aux côtés des musiciens. L'intégration d'un ou de plusieurs écrans surplombant les différents interprètes est également envisageable . » Source : Philharmonie de Paris - carnet de configurations |
Votre rapporteur spécial prend acte de ces précisions tout en s'interrogeant sur différents éléments.
1) Etait-il, tout d'abord, nécessaire - voire indispensable - de prévoir une salle modulable, compte tenu de l'existence de la salle modulable de la Cité de la musique et du projet de reconvertir la Salle Pleyel en salle pour musiques amplifiées ?
A cette première interrogation, les représentants de l'association de préfiguration indiquent que, compte tenu de ses caractéristiques, l'amplification dans la Salle Pleyel restera forcément modérée et que la configuration « public debout » y sera, de toute façon, impossible. S'agissant de la Cité de la musique, de par son volume et sa jauge, cette salle ne serait pas, malgré sa modularité, adaptée aux répertoires symphoniques et aux grands récitals.
2) La question du « double emploi » se pose également en ce qui concerne la configuration « public debout » que proposera la Philharmonie de Paris avec la présence à proximité immédiate du Zénith .
A cette seconde interrogation, les représentants de l'association de préfiguration font valoir que le Zénith, salle de 8 000 places, devra très certainement être remplacé dans la décennie, du fait de son statut initial de salle temporaire. Il deviendra dès lors vraisemblablement une salle de 10 000 à 12 000 places accueillant des artistes « liés à l'industrie musicale et développant une économie purement commerciale », alors que la Philharmonie a vocation à accueillir des artistes de jazz, de variété, de musiques du monde émergentes, menant leur carrière plutôt en marge de l'industrie musicale.
L'association de préfiguration insiste par ailleurs sur la nécessité pour la Philharmonie de transcender « les barrières artificielles souvent établies entre les genres savants et populaires ».
En tout état de cause, le « surcoût » induit par cette modularité est évalué à 3,17 millions d'euros 33 ( * ) , qui se décomposent de la façon suivante :
- 2 millions d'euros pour le mécanisme de sièges retournables du parterre ;
- 0,17 million d'euros pour la tribune télescopique des choeurs ;
- 0,63 million d'euros pour la plate-forme dite « jazz et musiques du monde » ;
- 0,30 million d'euros pour les systèmes de commande ;
- 0,07 million d'euros pour les rideaux.
Outre cet investissement initial, « faire jouer la modularité » entraînera également des coûts de fonctionnement . A cet égard, tout en considérant la modularité comme un atout, le rapport Belaval-Auberger estimait que la modularité, devait « pouvoir être mise en oeuvre en moins de trois heures » sans obérer les frais d'investissement, ni les coûts de fonctionnement de l'auditorium . Selon l'association de préfiguration, ces objectifs seront atteints : « Le passage d'une configuration à une autre est prévu en un service avec quatre machinistes supplémentaires (soit quatre heures), de même pour le retour à la configuration centrale. Sur l'année, avec une hypothèse moyenne de 40 concerts l'an en version frontale, le nombre de services requis est de l'ordre de 400. Soit une traduction financière d'environ 50 000 euros qui seront largement contrebalancés par la hausse des recettes de billetterie . ».
c) Les espaces annexes
Surtout, plus qu'une salle de concert, la Philharmonie de Paris offrira, comme cela a été indiqué précédemment, un luxe d'espaces annexes .
Dans la mesure où le nouvel auditorium devait notamment s'inscrire en complémentarité avec la Cité de la musique, la question se pose de savoir s'il était indispensable de le dimensionner de manière aussi ambitieuse. Plus qu'une extension ou un « complément » à la Cité de la musique, la Philharmonie de Paris semble en effet avoir été conçue comme un pôle autonome dont certains équipements annexes risquent de dupliquer des infrastructures déjà présentes sur le site (boutique, café, restaurant, ateliers pédagogiques, galerie d'exposition notamment).
A cet égard, les représentants de la Philharmonie font valoir que la Cité de la musique ne dispose pas de salle de conférences ou de salons privatisables et que la galerie d'exposition actuelle ne permet pas d'accueillir tous les publics, notamment le week-end. Ils insistent, en outre, sur la convivialité qu'apportent de tels espaces.
Cependant, la question des éventuels « doublons » avec les équipements de la Cité de la musique mérite d'être posée, ceci d'autant plus que la politique de développement des recettes propres du futur établissement repose, pour une part non négligeable, sur les ressources issues de ces équipements ( cf. infra ).
Enfin, s'agissant des espaces de travail, on peut s'interroger sur la justification de l'existence de salles de répétition aussi nombreuses , dans la mesure où, selon le rapport IGF-IGAC précité, l'Orchestre de Paris , qui sera l'orchestre résident principal de la Philharmonie, aurait fait part de son souhait de répéter directement dans la salle de concert et aurait minimisé l'importance des répétitions « partielles » .
Pour les représentants de l'association de préfiguration, « la position de l'Orchestre de Paris qui craint une détérioration de ses conditions de travail est compréhensible. C'est pourquoi une attention toute particulière a été portée à la grande salle de répétition (volume approprié) afin d'éviter toute déperdition qualitative entre l'espace de répétition et celui de jeu ».
La présence des salles de répétition se justifierait en outre, selon l'association de préfiguration, par d'autres éléments :
« - même si l'Orchestre de Paris fera de nombreuses répétitions dans la salle, il aura besoin des salles de répétition, ne serait-ce que pour favoriser le travail en simultané par pupitres (cordes, vents, cuivres, percussions, etc.), le travail du choeur et le travail chambriste ;
« - les orchestres, choeurs et solistes invités trouveront, lorsque la scène sera occupée, des espaces appropriés à la préparation du concert ;
« - d'autres formations parisiennes sont demandeuses d'espaces de répétition adaptés afin de stabiliser et d'élever leur niveau de jeu collectif ;
« - une partie du travail de pratique collective mené par les formations professionnelles parisiennes auprès de jeunes étudiants ou auprès de publics divers (avec l'Education nationale, etc.) se déploiera dans ces espaces de répétition dès lors qu'ils mettront en présence plus de 30 participants . »
Votre rapporteur spécial est néanmoins surpris de la quasi-absence d'association de l'Orchestre de Paris au projet de Philharmonie alors même qu'il est destiné à devenir l'orchestre résident du nouvel auditorium . Ainsi, le directeur général de l'Orchestre de Paris indiquait à votre rapporteur spécial : « Depuis le démarrage du chantier et jusqu'au mois de mars 2012, l'Orchestre n'a été ni associé à la réflexion sur la gouvernance, sur le contenu du projet artistique et culturel ou sur les aspects budgétaires de la future Philharmonie, ni informé du travail accompli dans ces différents domaines » 34 ( * ) .
En octobre 2012, le cabinet de la Ministre de la culture et de la communication indiquait, dans ses réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial, que les modalités de résidence de l'Orchestre de Paris n'étaient pas encore totalement définies.
* 28 Brochure de présentation de la Philharmonie de Paris.
* 29 Brochure de présentation de la Philharmonie de Paris.
* 30 Brochure de présentation de la Philharmonie de Paris.
* 31 Transmis à votre commission des finances le 17 février 2012.
* 32 A Paris, seule l'actuelle salle de la Cité de la musique s'approche de cette définition.
* 33 Réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial.
* 34 Contribution écrite adressée à votre rapporteur spécial.