b) Des secteurs plus anciens qui font preuve d'un fort dynamisme malgré la crise économique

Certains secteurs d'activité pour lesquels il existe déjà un droit coopératif constitué semblent disposer de marges de croissances encore considérables. Trois secteurs en particulier semblent particulièrement prometteurs : les coopératives d'artisans, les SCOP et les coopératives de HLM.

Concernant les coopératives d'artisans , la FFCGA observe, en se fondant sur les données de l'INSEE relatives à la création d'entreprises, une progression continue de leur nombre : elles étaient 432 au 31 décembre 2011 contre seulement 320 en 2005, soit une progression de + 35 % en sept ans . Le nombre annuel de créations de sociétés coopératives artisanales a même connu une accélération récemment malgré la crise économique , passant de 35 en 2008 à 49 en 2010, contre à peine 21 en 2006 et 9 en 2005. Ce niveau élevé s'est maintenu avec 40 créations en 2011, ce qui correspond à un taux annuel de progression de 10 % !

Cette croissance répond à une logique économique forte, puisque l'organisation des artisans en coopératives d'achat, de commercialisation ou de services est un facteur de gains de compétitivité. Il constitue pour eux un moyen efficace non seulement de faire face aux difficultés conjoncturelles mais aussi de s'adapter à des marchés de plus en plus globalisés et d'accéder aux technologies de pointe. C'est en définitive une solution qui allie l'efficacité économique (économies d'échelle, pouvoir de négociation accru face aux autres acteurs de la filière) et la préservation des valeurs d'autonomie auxquelles est attaché le monde artisanal et de plus en plus d'entrepreneurs.

Ainsi, dans l'artisanat du bâtiment, où la démarche coopérative est aujourd'hui la plus développée, le regroupement coopératif permet aux artisans d'échapper au rôle de simples sous-traitants et d'offrir au client final la diversité des prestations complémentaires qu'il réclame. Elle permet aussi de mieux répondre aux exigences renforcées qui s'expriment en matière d'économie d'énergie et de basse consommation. Cette logique d'organisation des filières s'exprime désormais aussi dans des métiers tels que la boucherie-charcuterie (où se créent des coopératives qui jouent le rôle de centrale d'achat, de laboratoire commun et de supports à l'action commerciale, afin de maintenir un service de proximité, une garantie de qualité et de s'adapter aux normes d'hygiène), le transport par taxis (gestion commune de standards téléphoniques) ou encore l'artisanat d'art et du meuble (gestion commune des espaces de vente et outils commerciaux communs).

Les logiques économiques à l'oeuvre dans ces regroupements d'artisans étant très largement semblables à celles qui se sont développées au cours des dernières décennies dans le secteur du commerce et dans le secteur agricole, on peut penser, en se fondant sur la puissance acquises par les coopératives dans ces deux domaines, que les coopératives d'artisans n'en sont encore qu'au début de leur développement. Votre rapporteur estime que des mesures simples et peu coûteuses, dans le domaine fiscal et dans celui de l'accompagnement des artisans, permettraient d'encourager ce mouvement propice au maintien d'un commerce de proximité adapté aux besoins des populations . Des propositions allant dans ce sens seront formulées dans la deuxième partie de ce rapport.

Concernant les SCOP , on note également qu'elles s'inscrivent dans une trajectoire dynamique soutenue par des tendances structurelles fortes . Selon les chiffres de la fédération des SCOP, on comptait en effet, à la fin de 2011, 2 046 coopératives ouvrières de production employant 42 200 salariés (46 500 avec les filiales) et regroupant près de 38 000 associés, dont plus de 22 000 salariés-associés de leur coopérative. Depuis 10 ans, le nombre de SCOP et de SCIC s'est ainsi accru de 542 entreprises (+ 36 %) et celui des salariés de 8 700 (+ 26 %). Les données les plus récentes montrent que cette tendance s'est poursuivie en 2011, puisque 91 nouvelles coopératives ont rejoint la Confédération générale des SCOP, soit une progression de 4,5 %.

Comme dans le cas des coopératives artisanales, certains phénomènes économiques structurels sont de nature à favoriser l'augmentation du nombre des SCOP. On sait notamment que la pyramide d'âge des chefs d'entreprise est vieillissante en France, ce qui induit d'importants besoins de reprise. Le nombre annuel de reprises, depuis le milieu des années 2000, est ainsi estimé à 60 000 par le réseau des chambres de commerce et d'industrie. Si, compte tenu de l'ampleur du phénomène, il faut encourager, de façon générale, toutes les voies de reprise d'entreprise, il reste que la reprise par les salariés offre des avantages spécifiques : les salariés ayant une bonne connaissance de l'entreprise et de son environnement, la transition est ainsi généralement facilitée et les chances de survie de l'entreprise s'en trouvent augmentées. Les reprises sous forme de SCOP, qui sont une modalité de reprise par les salariés , présentent encore des avantages supplémentaires, à savoir une implication forte de l'ensemble du personnel dans la gestion de l'entreprise, une utilisation des excédents de gestion qui fait la part belle à l'accumulation des réserves et une meilleure valorisation du travail grâce à la ristourne coopérative.

Cette efficacité économique est mesurable statistiquement. Selon les chiffres fournis par la CGSCOP, le taux de pérennité à 3 ans des SCOP est égal à 71 % contre 66 % pour l'ensemble des entreprises françaises. A long terme, les SCOP sont également plus solides que les entreprises non coopératives, 3,1 % des SCOP ayant plus de 50 ans contre 1,8 % de l'ensemble des entreprises françaises. V otre rapporteur considère donc que les possibilités de reprise en SCOP doivent être systématiquement envisagées et les conditions de ce type d'opérations facilitées : des propositions concrètes allant dans ce sens seront formulées dans la deuxième partie de ce rapport.

Concernant les coopératives de HLM , elles sont depuis trente ans engagées dans un processus de reconquête de leurs prérogatives historiques. Très dynamique du début du XX e siècle à la fin des années 1960, période pendant laquelle il s'est affirmé comme le spécialiste de l'accession sociale à la propriété, le mouvement coopératif HLM a vu ses compétences fortement réduites par plusieurs textes en 1965 et 1971 et également du fait de la disparition de certains produits spécifiques d'accession mis en oeuvre par les pouvoirs publics en particulier la location-attribution. Sa capacité d'action s'est ensuite reconstruite ensuite par étapes en 1983, puis 1992 et, surtout, 2000 et 2003.

LES COOPÉRATIVES DE HLM : UNE HISTOIRE MOUVEMENTÉE

Bridées par le législateur au sortir de la période des Trente glorieuses, les coopératives de HLM ont retrouvé par étapes leur capacité juridique d'action. Voici les principaux moments de cette histoire juridique mouvementée.

Les « lois scélérates »

Le décret n° 65-1012 relatif aux sociétés coopératives de HLM interdit la construction et la gestion locative simple et spécialise les sociétés coopératives de HLM, soit dans la location-attribution, soit dans la location coopérative. La loi n° 71-580 relative aux habitations à loyer modéré supprime ensuite les sociétés coopératives de location coopérative, met fin à l'activité des sociétés coopératives de location-attribution (SCLA) et crée la société coopérative de production. Enfin, le même jour, la loi n° 71-579 relative à diverses opérations de construction crée la société civile coopérative de construction (SCCC). Ces textes sont, encore aujourd'hui, qualifiés de « lois scélérates » au sein de mouvement coopératif HLM.

La reconquête de la capacité juridique

La loi n° 83-657 relative au développement de certaines activités de l'économie sociale étend la compétence locative des coopératives, leur donne la compétence de lotisseur et institue la révision coopérative HLM et, pour une période réduite, permet des transformations de SCLA en SCP.

La loi n° 92-643 relative à la modernisation des entreprises coopératives ouvre le capital aux non-coopérateurs et autorise à nouveau, pour une période réduite, des transformations de SCLA en SCP.

La loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains simplifie les compétences des coopératives de HLM, crée la Société de garantie de l'accession HLM et organise la représentation des locataires au sein des conseils d'administration.

La loi n° 2003-710 du 1 er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine crée le statut de société coopérative d'intérêt collectif de HLM.

Avec leur capacité juridique, les coopératives de HLM ont retrouvé depuis dix ans leur dynamisme économique. Selon les chiffres de la FNSCHLM, elles réalisent aujourd'hui près de 60 % de la production HLM en accession sociale à la propriété. Depuis 2007, elles ont construit plus de 20 000 logements en accession sociale.

Les constructions de logement en accession sociale réalisées par les coopératives de HLM

Source : FNSCHLM

Les coopératives de HLM ont également repris une place significative dans la construction et la gestion locative. Depuis 10 ans, leur patrimoine locatif est en forte croissance (+ 10 % chaque année). On compte plus de 23 000 logements locatifs sociaux gérés à fin 2011, plus de 3 000 places en foyers d'hébergement spécialisés (seniors, étudiants, personnes handicapées,...), plus de 1 200 nouveaux logements locatifs sociaux mis en chantier en 2011 et de 1 200 logements devant faire l'objet d'une réhabilitation énergétique en 2012.

Tout en se félicitant de ce dynamisme, votre rapporteur estime cependant que certaines rigidités normatives freinent encore le développement des coopératives de HLM, ainsi que l'absence de produits spécifiques à l'accession sociale coopérative sécurisée . C'est pourquoi des propositions seront faites dans la deuxième partie de ce rapport pour simplifier leur cadre législatif pour y remédier.

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