c) La persistance de freins liés au problème endémique du financement
(1) Une attractivité toujours limitée pour les investisseurs
Comme on l'a indiqué précédemment, le législateur a apporté de multiples assouplissements à la rigueur initiale de la loi de 1947 pour faciliter l'accès des coopératives aux capitaux. Malgré ces progrès, on ne peut cependant toujours pas considérer que les coopératives se trouvent sur un pied d'égalité avec les sociétés de droit commun dans la quête des capitaux externes. La raison en est somme toute assez simple : les caractéristiques structurelles des coopératives continuent à faire d'elles des organisations peu attractives pour les investisseurs capitalistes. À regarder les choses de près, on constate en effet que :
- le droit de regard de ces derniers sur la stratégie et la gestion de l'entreprise demeure étroitement circonscrit, puisqu'ils ne peuvent détenir qu'une minorité des droits de vote. La nature même de la gestion coopérative, qui veut que c'est le collectif des coopérateurs qui est maître de son destin, interdit de donner davantage de pouvoir aux associés extérieurs, sauf à basculer sur une logique non coopérative ;
- la lucrativité des coopératives reste limitée. La rémunération du capital y est en effet encadrée par des règles législatives qui restent rigoureuses et qui donnent la priorité au recyclage des bénéfices sous forme de réserves obligatoires ou à la participation des sociétaires à l'activité de la coopérative (ristourne coopérative). Les coopérateurs ont d'ailleurs tendance à faire plus que ce qu'exige la loi en la matière en consacrant à ces deux objectifs des montants supérieurs à ce que prévoient les planchers légaux. Cette attitude vertueuse d'auto-accumulation découle naturellement du fait que les décisions en matière de répartition des bénéfices sont prises par des coopérateurs inscrits dans une démarche de pérennisation de leur outil de travail et non par des dirigeants tournés vers une logique financière de création de valeur pour l'actionnaire ;
- la sortie du capital d'une coopérative demeure une opération délicate tant pour la coopérative que pour le coopérateur sortant. Les parts sociales de coopératives ne sont en effet pas des titres librement négociables. Leur cession est soumise à l'autorisation de l'assemblée générale ou du conseil d'administration. Quand le coopérateur qui sort du capital ne cède pas son titre, il se le fait rembourser par la coopérative, mais dans des délais qui peuvent d'ailleurs être assez longs, celle-ci prélevant sur ses ressources propres les sommes nécessaires au remboursement.
En définitive, même assouplis, les principes fondamentaux de la coopération continuent à placer les coopératives à l'écart des logiques purement capitalistes de maximisation du profit et de recherche des plus-values. Comme toute entreprise qui dégage une certaine rentabilité, elles peuvent accéder à certains financements (bancaires notamment), mais dès qu'il est question de renforcer les fonds propres par un apport externe de capital, les limites sont vite atteintes. Nombre d'opérations vitales pour les sociétés coopératives ont ainsi du mal à se financer dans des conditions de marché normales.
Il faut insister sur le cas du financement des reprises en SCOP par des salariés, mais aussi des reprises d'entreprises membres d'une coopérative d'entrepreneurs. Il faut savoir en effet que la sortie d'une entreprise participant au capital d'une coopérative, artisanale ou maritime par exemple, exerce un impact fort sur l'équilibre économique et financier de cette coopérative, d'une part parce que celle-ci doit rembourser au coopérateur sortant ses parts sociales, d'autre part parce qu'elle perd une partie de son volume d'activité. Il est donc vital pour elle que l'entreprise sortante trouve très vite un repreneur. De façon plus générale, le caractère variable du capital des coopératives rend utile l'existence de mécanismes financiers permettant de faire face aux variations à la baisse du capital social, quelles qu'en soient les causes.