B. UN FINANCEMENT PAR L'ASSURANCE MALADIE QUI S'EST COMPLEXIFIÉ AVEC LA MISE EN PLACE DE LA T2A

La mise en place de la tarification à l'activité a profondément modifié le mode d'allocation des ressources en provenance de l'assurance maladie, surtout dans le secteur public et privé à but non lucratif où elle s'est substituée à la dotation globale.

Le principe de la tarification à l'activité est relativement simple. Il s'agit d'accorder aux établissements un même paiement forfaitaire pour un type de séjour donné . Selon sa pathologie, chaque patient entre dans l'une des catégories de séjour inventoriée dans une classification d'ensemble. A chaque catégorie de séjours hospitaliers correspond un tarif prédéterminé, fixé plus ou moins en rapport avec un coût de référence de la prise en charge.

Indépendamment de la méthodologie à mettre en oeuvre pour définir les catégories de séjours et fixer les tarifs correspondants, la T2A a cependant rendu beaucoup plus complexe la dévolution des ressources de l'assurance maladie aux établissements de santé. D'une part, certains types d'établissements demeurent financés selon d'autres modalités que la T2A. D'autre part, pour les établissements entrant dans le champ de la T2A, l'application des tarifs ne couvre qu'une partie des versements de l'assurance maladie, celle-ci intervenant à travers de nombreux autres compartiments de financement.

1. La longue gestation de la tarification à l'activité

La mise en place progressive de la T2A à compter de 2004 est le fruit d'un long processus engagé une vingtaine d'années plus tôt.

Sans revenir en détail sur l'évolution historique des modes de financement du secteur hospitalier, il convient de mentionner l'année 1982 qui voit d'une part la présentation, devant le Parlement, de la réforme visant à financer les établissements de santé publics et privés à but non lucratif par une dotation globale, d'autre part, le lancement du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI).

Les anciennes modalités de financement

La dotation globale , établie sur la base du budget des établissements au cours de l'année précédant la réforme, puis revalorisée chaque année en fonction d'un taux directeur, se substitue à compter de 1984 au financement par prix de journée dans les établissements de santé publics et privés à but non lucratif. Calculé par service, en fonction du budget prévisionnel de l'année à venir, le prix de journée produisait des effets fortement inflationnistes . En sous-évaluant volontairement leur activité prévisionnelle, les établissements pouvaient obtenir un prix de journée plus élevé. En retenant les patients au-delà de la durée de séjour nécessaire, ils pouvaient percevoir une rémunération supérieure au coût réel du séjour. La dotation globale devait, quant à elle, permettre dans un premier temps de maîtriser le rythme d'évolution des dépenses hospitalières. Les cliniques privées restaient, pour leur part, dans un régime de rémunération forfaitaire proche du prix de journée, encadré à partir des années 1990 par des objectifs quantifiés nationaux (OQN).

C'est pourquoi, depuis le passage à la T2A, l'appellation « ex-DG » correspond aux établissements publics et à ceux privés à but non lucratif, alors que « ex-OQN » se rapporte aux cliniques à but lucratif.

Le lancement du PMSI , dès 1982, visait quant à lui la mise en place d'outils de mesure de l'activité hospitalière , dans sa double dimension médicale et économique. Ce programme était directement inspiré de la classification des séjours hospitaliers établie aux Etats-Unis avec les diagnosis related groups - DRG (groupes homogènes de malades - GHM). Le PMSI, couplé à l'introduction de la comptabilité analytique, a été avant tout présenté comme un instrument d'analyse de l'activité. Il laissait également entrevoir la possibilité d'une utilisation à des fins tarifaires, puisque tel était l'objet des DRG aux Etats-Unis, sans que cette perspective ait pour autant été clairement tracée. Dans la mesure où elle fige la répartition des ressources entre hôpitaux sur des bases historiques et où elle avantage ceux qui ne développent pas leur activité, la dotation globale ne peut guère être considérée comme un système pleinement satisfaisant.

Il faudra plus d'une douzaine d'années pour réaliser la généralisation du PMSI. Présente dès l'origine dans l'esprit des promoteurs de la réforme, l'idée de s'y appuyer pour ajuster la dotation globale des établissements par rapport à leur activité n'a commencé à se concrétiser qu'en 1996. Sur la base du PMSI, les établissements se sont vu attribuer des « points ISA » (Indice synthétique d'activité) constituant une forme de valorisation de leur activité, en vue de déterminer sur des bases plus objectives les revalorisations annuelles de la dotation globale.

La mise en place de la tarification à l'activité

Annoncée en novembre 2002 dans le cadre du plan Hôpital 2007, elle marque l'aboutissement d'un processus. Il s'agissait alors de mettre fin au système de la dotation globale et d'établir des tarifs déterminant le montant des versements de l'assurance maladie pour chaque type de séjours.

Limitée aux activités de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO), la T2A a été introduite en 2004 dans les établissements publics et les établissements privés à but non lucratif, puis en 2005 dans les établissements privés à but lucratif.

Afin d'atténuer l'impact du passage à la T2A sur les ressources des établissements, à la hausse comme à la baisse, des mécanismes transitoires ont été mis en oeuvre jusqu'en 2011. Pour les cliniques privées, un coefficient de transition appliqué aux tarifs nationaux a été calculé pour chaque établissement. Pour les établissements publics et privés à but non lucratif, la part calculée sur la base des tarifs nationaux devait progressivement se substituer à la dotation globale. La part « tarifs » est ainsi passée de 10 % du financement en 2004 à 25 % en 2005, 35 % en 2006 et 50 % en 2007, le restant étant versé sous la forme d'une dotation annuelle complémentaire (Dac).

La montée en charge de la T2A a été accélérée avec la suppression de la Dac et l'application à 100 % des tarifs nationaux dès 2008 , moyennant un coefficient de transition fixé pour chaque établissement jusqu'en 2011, comme cela était le cas dans le secteur privé. Cette mesure favorisait les établissements à l'activité la plus dynamique, mais elle a pu déstabiliser ceux qui étaient « surdotés » sous l'empire de la dotation globale.

Des coefficients géographiques correcteurs ont été mis en place pour majorer les tarifs et forfaits dans certaines zones et prendre en compte les surcoûts immobiliers, salariaux et fiscaux constatés, ainsi que les charges spécifiques aux départements insulaires et d'outre-mer liées à l'éloignement et à l'isolement. Ce coefficient s'élève à 5 % pour la Corse, 7 % en Ile-de-France, 25 % en Martinique, Guadeloupe et Guyane et 30 % à La Réunion.

Enfin, il faut rappeler qu'en corrélation avec le déploiement de la T2A, les établissements publics et privés à but non lucratif ont réformé en 2006 leurs procédures budgétaires et comptables avec l'instauration de l' état des prévisions de recettes et de dépenses (EPRD). Alors que la dotation globale conduisait à construire le budget en fonction d'une progression des dépenses négociée avec la tutelle, l'EPRD tire les conséquences de la T2A en faisant de la prévision d'activité, et donc de recettes, le déterminant premier de l'évolution des dépenses.

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