5. L'appel aux ressources propres pour desserrer la contrainte financière : une marge de manoeuvre qui se réduit
Les versements de l'assurance maladie représentent la part la plus importante des recettes des établissements de santé (80 % des produits du compte de résultat principal, 73 % des produits tous budgets confondus). Ils conditionnent donc très largement la situation budgétaire des établissements.
Entre 2006 et 2009, l' Ondam hospitalier , qui regroupe en fait deux sous-objectifs de l'Ondam, a crû en moyenne de 3,3 % par an. Depuis 2010, son évolution a été singulièrement freinée par les procédures de régulation reposant sur le gel puis l'annulation des dotations Migac. Si l'Ondam a été respecté en 2010 et en 2011, c'est grâce à des annulations conséquentes (525 millions d'euros en 2010, soit environ 1 % du sous-objectif relatif aux établissements tarifés à l'activité, et 354 millions d'euros en 2011). Ces annulations ont d'ailleurs conduit, pour la première fois, à une sous-réalisation de l'Ondam hospitalier par rapport au montant fixé en loi de financement de la sécurité sociale.
Pour desserrer la contrainte résultant du ralentissement des recettes en provenance de l'assurance maladie, de l'évolution des charges, notamment financières, et de la nécessité de réduire les déficits, les établissements ont cherché à développer leurs ressources propres .
Les marges de manoeuvre demeurent à cet égard limitées. Par exemple, le montant du forfait hospitalier, qui représente la participation financière du patient aux frais d'hébergement entraînés par son hospitalisation, est fixé par arrêté ministériel (depuis le 1 er janvier 2010, 18 euros par jour en hôpital ou en clinique et 13,50 euros par jour dans le service psychiatrique d'un établissement de santé). Quant aux ventes de biens ou services, par exemple la rétrocession de médicaments, elles ne représentent qu'un montant limité.
Les établissements ont en revanche pu jouer sur des prestations annexes à l'activité hospitalière, comme les majorations pour chambres particulières, largement pratiquées dans les cliniques.
L'un des principaux leviers à la disposition des établissements publics réside dans le paiement des tickets modérateurs à la charge des patients et de leurs assurances complémentaires. Dans les établissements publics et privés à but non lucratif, le ticket modérateur a en effet pour base de calcul un tarif journalier de prestation (TJP) déterminé par l'hôpital lui-même, par référence à l'ensemble de ses charges. Le TJP varie selon le service d'hospitalisation, la durée de séjour et le mode de prise en charge.
La Cour des comptes a souligné que ce dispositif était utilisé comme une véritable variable d'ajustement des recettes , avec des taux d'évolution soutenus ces dernières années.
Cette situation conduit à des tarifs très hétérogènes selon les établissements . En 2010, le TJP s'élevait ainsi à environ 701 euros en médecine, au centre hospitalier de Saint-Denis (Delafontaine), 782 euros à l'AP-HP, 920 euros au centre hospitalier d'Aulnay-sous-Bois, 1 128 euros au centre hospitalier de Créteil et 1 320 euros à l'AP-HM.
Dans les cliniques privées, le ticket modérateur est calculé sur la base des tarifs de l'assurance maladie pour la pathologie dont relève le patient hospitalisé (groupe homogène de séjour - GHS). Compte tenu des majorations successives du TJP pratiquées dans nombre d'établissements publics, la transposition pure et simple d'une telle solution au secteur public et privé non lucratif se traduirait pour les établissements publics, par une perte de revenus chiffrée à 981 millions d'euros , soit 2 % des ressources, par la directrice générale de l'offre de soins, lors de son audition par la Mecss le 7 février dernier.
Dispositif transitoire conservé au moment du passage à la T2A, le TJP doit en principe prendre fin au 31 décembre 2012. Plusieurs adaptations sont possibles entre les deux extrêmes que constituent la prorogation du TJP et le passage immédiat aux GHS. La prochaine loi de financement de la sécurité sociale devra nécessairement prendre en compte l'importance de cette ressource pour les établissements et la question des transferts de charges potentiels entre l'assurance maladie et le patient via la couverture complémentaire.
Une difficulté de même nature se présente d'ores et déjà pour la prise en charge, au titre de l' aide médicale d'Etat (AME) , des soins délivrés aux étrangers en situation irrégulière résidant en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois et disposant de ressources inférieures au plafond de la CMU-c. Jusqu'à une date récente, les soins des patients relevant de l'AME, financés par l'Etat, étaient facturés sur la base du TJP.
Un rapport IGF/Igas 11 ( * ) a estimé à environ 150 millions d'euros l'économie, pour le budget de l'Etat, d'une facturation des patients AME sur la base des GHS et non du TJP. Cette économie équivaudrait cependant à une perte de recettes équivalente pour les établissements concernés. Les dépenses d'AME se concentrant sur un petit nombre d'établissements, notamment en région parisienne, à Marseille et en Guyane, l'impact serait très sensible sur leur équilibre budgétaire, déjà précaire pour la plupart d'entre eux 12 ( * ) .
Un dispositif transitoire extrêmement complexe réduisant la part du TJP dans la base de calcul et assorti de mesures correctrices a été adopté dans la loi de finances rectificative de juillet 2011 13 ( * ) , pour une entrée en vigueur au premier semestre 2012.
Les modalités retenues n'évitent pas les pertes de revenus pour les établissements traitant une forte proportion de patients relevant de l'AME , établissements déjà confrontés aux surcoûts liés aux caractéristiques économiques et sociales de leur patientèle.
A titre d'exemple, la réforme de la facturation des patients AME se traduit, pour le centre hospitalier de Saint-Denis, par une perte de recettes de 1,3 million d'euros, soit 0,75 % de son budget de fonctionnement. Une compensation partielle est certes prévue mais de manière uniquement transitoire. Dans cet établissement, le séjour des patients AME était en moyenne rémunéré à 3 980 euros avec l'ancien mode de calcul. La rémunération moyenne est tombée à 3 355 euros depuis le 1 er janvier 2012.
* 11 « Analyse de l'évolution des dépenses au titre de l'aide médicale d'Etat », novembre 2010.
* 12 L'AME (12,5 millions en 2011) représente environ 7 % du budget de fonctionnement du centre hospitalier Delafontaine de Saint-Denis.
* 13 Loi n° 2011-900 du 30 juillet 2011.