4. Financer l'innovation et la télémédecine
Avancer enfin sur la télémédecine
La loi HPST a introduit un article L. 6316-1 dans le code de la santé publique qui fournit une base légale à la télémédecine, « forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l'information et de la communication » 49 ( * ) . Le décret d'application 50 ( * ) définit cinq actes spécifiques pratiqués à distance : la téléconsultation , qui permet à un professionnel de donner une consultation ; la téléexpertise pour solliciter l'avis d'un autre professionnel ; la télésurveillance médicale pour interpréter des données de suivi médical ; la téléassistance médicale pour l'assistance au cours de la réalisation d'un acte ; la réponse médicale dans le cadre de la régulation des urgences ou de la permanence des soins .
Une stratégie nationale de déploiement de la télémédecine, avec un comité national de pilotage, divers guides méthodologiques et cinq chantiers prioritaires 51 ( * ) , a certes été décidée mais, concrètement, les choses avancent peu et la France en reste largement au stade des expérimentations ou des projets « pilotes » ...
Si des points sont encore à préciser en termes de responsabilité médicale, de prescription ou de coopération entre professionnels de santé, force est de constater que le cadre de financement reste inadapté :
- les ressources en faveur des investissements sont faibles et éparpillées : une enveloppe de 26 millions d'euros a été dégagée en 2011 sur le Fmespp ; l'agence des systèmes d'information partagés de santé (Asip Santé, agence de l'Etat) prévoit, sur trois ans, un budget de 5,8 millions ; la Datar subventionne six projets au titre des pôles d'excellence rurale pour un montant global de 2,1 millions ; un premier appel à projets du Commissariat général à l'investissement a été lancé en janvier 2011 et doté de 10 millions ;
- la tarification des actes de télémédecine est, en théorie, intégrée au droit commun du financement des structures et professionnels de santé. Or, la CCAM n'a toujours pas été modifiée, ce qui fait dire à la HAS que, « si le décret [relatif à la télémédecine] pose les principes de financement de l'activité de télémédecine, il reste imprécis quant aux modalités et, en particulier, concernant la rémunération de son fonctionnement » 52 ( * ) .
Pourtant, le législateur a confirmé son engagement en faveur de la télémédecine, en adoptant deux dispositions dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 53 ( * ) : le principe d'interdiction de partage d'honoraires ne s'applique pas à l'activité de télémédecine qui, par ailleurs, peut être considérée comme une consultation médicale malgré l'absence physique du patient.
La commission des affaires sociales 54 ( * ) avait déjà dressé le constat d'une déficience dans le financement de la télémédecine, lorsqu'une délégation de ses membres s'était rendue, en avril 2011, en Guyane , département innovant en la matière grâce à des professionnels engagés.
Or, aujourd'hui que les capacités techniques se sont nettement améliorées et permettent d'envisager une palette d'actes et de prestations de grande qualité, on ne saurait contester les immenses atouts de la télémédecine : elle permet de lutter contre l'isolement de certains territoires (zones rurales, de montagne ou insulaires...) ou de certains patients (détenus...) ; elle répond aux défis de la démographie médicale , de la spécialisation grandissante des professionnels , du développement des maladies chroniques , du vieillissement de la population (polypathologies, hébergement en Ehpad)...
La télémédecine doit entrer pleinement dans les nomenclatures et paniers de soins pris en charge par la sécurité sociale et elle doit être intégrée à l'offre de soins. Or, dans la T2A, les professionnels et les établissements ne sont pas économiquement intéressés à développer l'activité de télémédecine, car elle est source de réduction d'hospitalisations.
Proposition Intégrer les actes de télémédecine dans la grille tarifaire pour en assurer la visibilité, le développement et la pérennité. |
Favoriser l'innovation
Plus généralement, la pratique de la T2A ne tend pas naturellement à favoriser l'innovation ; le modèle a plutôt tendance à « industrialiser » le processus de soins, comme on le verra ci-dessous en ce qui concerne la question de la pertinence des actes et des séjours.
Certes, des dotations budgétaires peuvent être prévues au sein des Migac pour financer des politiques nouvelles mais la part prépondérante des recettes en provenance des tarifs amène à focaliser l'activité sur l'existant lorsqu'il correspond clairement à des GHM/GHS « solvables ».
Proposition Veiller à ce que la T2A ne nuise pas au développement de pratiques innovantes dans les établissements. |
* 49 En outre, à l'initiative du Sénat, cette loi prévoit que les ARS doivent adopter un programme dédié à la télémédecine au sein du projet régional de santé.
* 50 Décret n° 2010-1229 du 19 octobre 2010 relatif à la télémédecine.
* 51 Permanence des soins en imagerie médicale, prise en charge des AVC, santé des personnes détenues, prise en charge d'une maladie chronique, soins en structure médico-sociale ou en hospitalisation à domicile.
* 52 Note de cadrage « Efficience de la télémédecine : état des lieux de la littérature internationale et cadre d'évaluation », juin 2011.
* 53 Loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009, article 37.
* 54 « Santé et logement : comment accompagner la Martinique et la Guyane ? », rapport d'information Sénat n° 764 (2010-2011) du 12 juillet 2011, par Muguette Dini, Alain Vasselle, Brigitte Bout, Annie David, André Lardeux, Jacky Le Menn et Raymonde Le Texier, pages 45-46.