D. FAUT-IL DAVANTAGE ENCADRER L'ACTION DES CABINETS DE CONSEIL ?

1. Etat des lieux
a) Les cabinets de conseil

Les entreprises bénéficiant du CIR recourent fréquemment à des cabinets de conseil.

Le rapport de 2010 de l'IGF sur le CIR indique que « selon un sondage de 2008, 25 % des entreprises s'adressent à un tel cabinet ».

Le recours au cabinet durerait en moyenne trois ans.

Les professionnels du secteur sont représentés par l'Association syndicale professionnelle des conseils en organisation et en financement de l'innovation (ASCOFI), qui fédère 44 sociétés de conseil (dont quatre des six principaux cabinets).

b) La déduction totale ou partielle, depuis 2011, des prestations des dépenses déclarées au CIR : une mesure peu efficace

Initialement, le CIR perçu par une entreprise était le même, qu'elle recoure ou non à un cabinet de conseil.

A l'initiative de l'Assemblée nationale et de notre collègue député Gilles Carrez, alors rapporteur général, la loi de finances initiale pour 2011 a réduit le bénéfice du CIR en cas de recours à un cabinet de conseil. Ainsi :

- selon le droit commun, sont déduites de la base du CIR les dépenses venant en excédent d'un certain plafond (15 000 euros hors taxes ou 5 % des dépenses éligibles au CIR, soit environ 16,7 % du CIR lui-même 155 ( * ) ) ;

- en revanche, les « rémunérations au succès », définies comme un pourcentage du CIR perçu, font l'objet d'un régime moins favorable, puisqu'elles sont totalement déduites de la base du CIR.

Ce dispositif suscite une certaine perplexité.

Tout d'abord, la « pénalisation » de la rémunération au succès, de l'ordre de 5 % du CIR 156 ( * ) pour une rémunération de 20 %, est peu significative. On peut se demander si l'entreprise sera consciente de la différence, d'autant plus que rien n'empêche le cabinet de conseil d'adapter ses tarifs en conséquence. Par ailleurs, les frais des cabinets sont déductibles du revenu imposable.

L'impact du recours à un cabinet de conseil sur le montant du CIR

(dans l'hypothèse d'une rémunération du cabinet de conseil égale à 20 % du CIR avant prise en compte du recours au cabinet)

(CIR avant prise en compte de la
rémunération du cabinet de conseil = 100)

Avant 2011

Depuis 2011

Si rémunération au succès*

Si rémunération au forfait

Dépenses bénéficiant du CIR

333

333

333

CIR avant prise en compte de la rémunération du cabinet de conseil

100

100

100

Rémunération du cabinet de conseil

20

20

20

Impact de la rémunération du cabinet de conseil sur le CIR

0

-6

-1

CIR effectivement perçu

100

94

99

Rémunération du cabinet de conseil en % du CIR effectivement perçu

20

21

20

* Dans le cas où est déduite des dépenses déclarées au CIR la rémunération au-delà de 5 % du total des dépenses.

Source : calculs du rapporteur spécial

Ensuite, il n'est pas évident que la rémunération au succès ait davantage d'inconvénients que la rémunération au forfait. En particulier, elle est plus favorable aux PME qui ne savent pas si elles sont éligibles au CIR.

Enfin, le principe même d'une pénalisation des entreprises recourant à un cabinet de conseil par rapport à celles gérant le CIR en interne est contestable, et revient à pénaliser les PME.

c) Le rapport de 2010 de l'IGF préconisait l'élaboration d'une charte de bonnes pratiques, qui, publiée en 2012, ne satisfait pas à ses principaux critères

Le véritable problème semble être non le recours à des cabinets de conseil, mais les pratiques de certains d'entre eux.

• Le rapport 2010 de l'IGF relève certains abus, synthétisés par l'encadré ci-après.

Les abus des cabinets de conseil dans le cas des PME, selon le rapport de 2010 de l'inspection générale des finances

« La mission a constaté dans ses entretiens que le taux de rémunération varie considérablement selon le cabinet et selon le pouvoir de marché de l'acheteur, de 1,5 % pour de très gros CIR à 20-30 % pour les PME. Les PME récemment entrées dans le CIR subissent parfois des pratiques abusives :

« - si les tarifs moyens sont orientés à la baisse, grâce à l'intensification de la concurrence entre cabinets, les taux demeurent prohibitifs pour certaines PME, avec des pics à 40 % voire 50 %. De façon générale, la marge prélevée sur les PME paraît très élevée ;

« - la durée d'engagement est généralement élevée (36 % des adhérents du comité Richelieu se sont engagés pour trois ans) ;

« - une majorité des contrats ne prévoit pas la répétition de l'indu (récupération d'une part des honoraires en cas de redressement fiscal) ou conditionne le remboursement à l'épuisement des voies de recours, ce qui rend la clause en pratique inopérante. »

Source : Laurent Martel, Alexis Masse, Florence Lustman, « Mission d'évaluation du crédit d'impôt recherche », inspection générale des finances, rapport n° 2010-M-035-02, septembre 2010

• Le rapport de 2010 de l'IGF préconise l'élaboration d'une charte de bonnes pratiques avec les cabinets volontaires.

Selon lui, « la réglementation des tarifs ou la délivrance d'un label par l'administration peuvent difficilement être mis en oeuvre (...). Il incombe plutôt à la profession elle-même, par exemple au travers de l'Association Syndicale Professionnelle des Conseils en Organisation et en Financement de l'Innovation (ASCOFI), qui fédère 36 sociétés de conseil (dont quatre des six principaux cabinets) de diffuser les bonnes pratiques (contrat-type incluant une clause de répétition de l'indu, fourchettes tarifaires moyennes en fonction de la prestation et de la taille de l'entreprise) et d'éliminer ainsi les comportements prédateurs. »

Le rapport de l'IGF ajoute que « Si la profession ne parvenait pas à rendre public un contrat-type satisfaisant et une grille tarifaire sous six mois, le MESR pourrait s'en charger lui-même au titre de sa fonction de conseil aux PME innovantes, avec l'aide des cabinets qui, à titre individuel, seront volontaires ».

• L'ASCOFI ne s'est dotée que très récemment d'une charte de déontologie, qui vient juste d'être rendue publique 157 ( * ) . Elle avait été annoncée au rapporteur spécial lors de l'audition de ses représentants le 10 avril 2012.

Ce document ne comprend pas les principaux éléments demandés par l'inspection générale des finances :

- il ne comporte pas de fourchettes tarifaires moyennes en fonction de la prestation et de la taille de l'entreprise ;

- il ne comprend pas de contrat-type ;

- en ce qui concerne la clause de répétition de l'indu (c'est-à-dire la récupération d'une partie des honoraires en cas de redressement fiscal), il se contente de mentionner, dans le seul cas des rémunérations au succès, le « remboursement d'une partie de la rémunération en cas de remise en cause définitive des gains ou des économies obtenus » (alors que le rapport de 2010 de l'IGF souligne que le conditionnement du remboursement à l'épuisement des voies de recours « rend la clause en pratique inopérante »).


* 155 5 % de la dépense / 30 % de la dépense.

* 156 Dans le cas des rémunérations au succès, il revient à réduire le CIR perçu par l'entreprise de 30 % du coût de la prestation, soit, si celle-ci représente 20 % du CIR, de 6 % de celui-ci. Dans le cas d'une rémunération au forfait d'un montant identique, l'assiette du CIR est réduite, toujours en supposant une rémunération du cabinet égale à 20 % du CIR, de l'écart par rapport à ce taux et 16,7 % du CIR, soit 3,3 % du CIR, ce qui réduit le CIR de 1 %.

* 157 Ce document peut être consulté sur le site Internet de l'ASCOFI ( http://www.ascofi.fr/extranet/association-documents-officiels/statuts-et-reglement-interieur/Charte%20de%20deontologie%20ASCOFI_validee_AGE_110112.pdf ).

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