3. Un phénomène d'illettrisme inquiétant
Le phénomène de l'illettrisme à La Réunion est ancien . Dans une société moderne qui fait de l'apprentissage un principe de réussite de vie personnelle et professionnelle, sa persistance est vécue comme une aggravation du phénomène.
Toutefois, le graphique suivant montre que le taux d'illettrisme a fortement diminué entre 1954 et 2007, passant de 62 % en 1954 à 21 % en 2007. La mise en place - tardive - des institutions relevant de l'Éducation Nationale à La Réunion explique la baisse de ce phénomène. Il conviendra de préciser que, dans le cadre d'un Plan « LUCIA », en 1988, le taux déclaratif a été confronté à des tests de vérification en lecture, écriture et calcul ce qui a permis de révéler un écart entre les résultats liés au déclaratif et au testé. Ainsi, la différence s'élevait à 1 % en 1988 mais a augmenté de 10 points en 1996. Depuis 2004, le taux d'illettrisme est calculé en fonction des tests effectués lors de la « journée défense et citoyenneté » (JDC), auparavant appelée « journée d'appel de préparation à la défense » (JAPD).
On estime à 110 000 le nombre de personnes illettrées à La Réunion, soit environ un adulte sur cinq , qui se répartissent entre :
- 100 000 « illettrés » (personnes ayant été scolarisées en France) ;
- 10 000 « analphabètes » (personnes n'ayant pas été scolarisées en France, voire non scolarisés dans leur propre pays d'origine).
Le taux d'illettrisme des 16-65 ans est deux fois plus important à La Réunion (21 %) qu'en métropole (9 %) . Il est fonction de cinq paramètres :
- l'âge : les plus âgés ont plus de difficultés que les jeunes ;
- les habitudes de lecture durant l'enfance ;
- le niveau de vie : 50 % des personnes issues de milieux défavorisés sont illettrées ;
- le sexe : les femmes sont moins souvent illettrées que les hommes à âge, niveau de vie, habitude de lecture et langue parlée comparables ;
- la langue parlée durant l'enfance (créole ou français) : près de 30 % des personnes qui parlaient uniquement créole au cours de leur enfance sont illettrées à l'âge adulte, parmi les 16-65 ans. L'illettrisme est en revanche faible chez les Réunionnais francophones exclusifs (2 %) tandis qu'il s'élève à 10 % pour ceux ayant pratiqué les deux langues.
Le créole encore très largement majoritaire à La Réunion « Plus de la moitié des Réunionnais parlent aujourd'hui encore uniquement le créole, ce qui en fait de loin la langue régionale la plus utilisée dans les départements d'Outre-mer. Durant l'enfance, huit Réunionnais sur dix ne parlaient que créole. Ils sont en moyenne plus âgés que les autres et d'origine plus modeste, ils avaient peu l'habitude de lire durant leur enfance. Ceux qui ne parlaient que français sont peu nombreux (8 %) et sont généralement plus jeunes et issus de milieux plus aisés où la lecture était régulièrement pratiquée dans le cadre familial. Le bilinguisme, peu fréquent durant l'enfance, est pratiqué aujourd'hui par 38 % des Réunionnais âgés de 16 à 64 ans. » Source : Extraits du rapport annuel d'activité 2010 de la direction territoriale de la protection judiciaire de la jeunesse de La Réunion. |
Par ailleurs, selon une enquête de l'Insee, « à La Réunion, une grande partie d'illettrés (presque 45 %) n'ont fréquenté l'école que pendant une durée inférieure à dix ans voire cinq ans, c'est-à-dire moins longtemps que le minimum légal obligatoire » 41 ( * ) .
Face à cette situation, un plan de lutte contre l'illettrisme a été mis en place par l'État en août 2007 . Une deuxième charte de partenariat de prévention et de lutte contre l'illettrisme à La Réunion , pour la période 2011-2015, a été signée le 18 novembre 2010. Ce dispositif mobilise un partenariat institutionnel regroupant, au sein d'un comité de pilotage, treize signataires parmi lesquels des représentants de l'État, de la Région, du Département, de la caisse des allocations familiales, de La Poste et de l'Université.
La charte de partenariat de prévention et de lutte contre l'illettrisme à La Réunion(2011-2015) Dans le cadre de cette charte, les signataires se sont engagés à « conjuguer leurs efforts, à mobiliser les moyens logistiques et financiers dont ils disposent afin de mener et d'évaluer, de manière efficace et lisible, des actions en faveur de la prévention et la lutte contre l'illettrisme, dans le respect de leurs compétences ». Par ailleurs, ce plan renouvelé prend appui sur les acquis du plan préexistant, notamment sur son organisation partenariale, des actions mises en oeuvre tant au plan de la prévention que celui de la lutte. L'objectif ambitieux assigné à ce plan est celui édicté, par le président de la République, M. Nicolas Sarkozy, à l'issue des travaux des États Généraux pour l'Outre-mer, lors du premier Conseil Interministériel de l'Outre-mer tenu, à l'Élysée, le 6 novembre 2009 : « Plus d'égalité des chances, c'est bien sûr s'assurer que tout le monde, adultes comme enfants, maîtrise les savoirs fondamentaux, et notamment l'écriture et la lecture. « Je veux que, dans cinq ans, l'écart entre l'Outre-mer et la métropole en matière d'illettrisme soit réduit au moins de moitié. » L'atteinte de l'objectif CIOM implique, d'ici 2015 : une réduction nette, en 5 ans, se situant dans une fourchette d'environ 25 000 personnes « sorties de l'illettrisme », soit une réduction annuelle d'environ 5 000 personnes « sorties de l'illettrisme » Compte tenu des effectifs actuels, l'atteinte de cet objectif global implique sa déclinaison en deux sous objectifs suivants : Sous-objectif 1 : en matière de prévention, diminuer d'au moins de moitié le nombre de jeunes repérés en difficulté lors des différentes phases d'évaluation de l'Éducation nationale et du Service national - Journée d'Appel de Préparation à la Défense. Sous-objectif 2 : en matière de lutte, au moins doubler les effectifs sortis de la situation d'illettrisme, au travers des différentes actions d'accompagnement-formation mises en oeuvre et dont les résultats sont dûment évalués. Source : extraits du Plan d'actions de prévention et de lutte contre l'illettrisme à La Réunion : « Agir pour lire, lire pour agir » 2011-2015. M. Michel Lalande, préfet de La Réunion, s'est félicité, devant vos rapporteurs, des premiers résultats liés à l'application de ce deuxième plan, en raison de la baisse du nombre de jeunes illettrés lors de la JDC. On précisera qu'à ce dispositif s'ajoute celui du service militaire adapté (SMA), dont les capacités d'accueil ont été doublées, passant de 800 à 1 600 places depuis 2007 et la durée de formation réduite. |
* 41 Insee partenaires, n° 2, Octobre 2008, p. 2.