2. La Révolution française et ses conséquences
a) L'abolition de l'esclavage
Le développement de l'esclavage à l'île Bourbon est lié à son expansion économique qui exigeait une main-d'oeuvre nombreuse. En dépit d'une déclaration du roi d'août 1664, qui interdisait « de vendre aucun habitant originaire du pays comme esclave, ni d'en faire trafic », l'esclavage de fait, sinon de droit, s'établit à Bourbon dès la fin du XVII ème siècle. Un édit de décembre 1723 définit la condition de l'esclave à l'île Bourbon, et s'inspire du Code noir publié en 1685 applicable aux colonies françaises d'Amérique.
La Révolution française a mis à jour le problème du statut et de la place des colonies françaises dans la Nation. Elle a permis surtout d'ouvrir la voie à leur intégration dans la France républicaine. La première étape de cette intégration est la mise en place de l'égalité civile, c'est-à-dire le règlement de la question de l'esclavage . C'est pourquoi la Convention nationale adopte l'abolition de celui-ci le 4 février 1794 .
Toutefois, les colons de l'île Bourbon refusent son application , ce qui est à l'origine d'une période de troubles et de contestations, par les autorités locales, du pouvoir de la métropole sur l'île. Une délégation de la Convention, accompagnée de forces militaires, se rend sur l'île afin de faire appliquer l'abolition de l'esclavage mais elle est expulsée dès son arrivée. Il faut attendre le rétablissement de l'esclavage colonial par Napoléon Bonaparte, en 1802 , pour que prennent fin les troubles sur l'île de La Réunion.
Ce n'est que le 20 décembre 1848 qu'est officiellement proclamée l'abolition de l'esclavage . Le 20 décembre est, depuis cette date, un jour férié à La Réunion. A titre symbolique et comme signe de réconciliation locale, Louis Henri Hubert Delisle (1811-1881) devient, entre 1852 et 1858, le premier gouverneur créole de La Réunion.
b) De l'île Bourbon à l'île de La Réunion
Le 19 mars 1793, l'île Bourbon est rebaptisée île de La Réunion, en hommage à la réunion des fédérés de Marseille et des gardes-nationaux parisiens, lors de la marche sur le palais des Tuileries le 10 août 1792. Il s'agit d'effacer le nom de la dynastie des Bourbons et de le remplacer par une nouvelle appellation d'origine révolutionnaire. Pourtant, La Réunion changera de nouveau d'appellation en 1806 pour devenir l'île Bonaparte, en hommage à Napoléon I er jusqu'à la chute de ce dernier en 1814.
A partir de 1810, l'île devient le symbole du nouveau conflit franco-anglais pour le contrôle de l'océan Indien. En 1810, elle passe sous domination britannique avant d'être rétrocédée à la France lors du Traité de Paris 3 ( * ) du 30 mai 1814. L'île de France étant devenue anglaise, La Réunion devient l' unique base française dans l'océan indien occidental 4 ( * ) . Ainsi, aux yeux de la métropole, elle présente désormais un intérêt tout particulier , tant politique que militaire ce qui lui permet de bénéficier d'un nouveau dynamisme économique.
c) L'essor économique de La Réunion dans la première moitié du XIXème siècle
La culture du café, qui représente la base de l'essor économique au XVIII ème siècle, est concurrencée par la production des Antilles. De surcroît, les cyclones de 1806-1807 ont détruit les caféières et conduit à une diminution des deux tiers des exportations de café qui sont passées de 3 500 tonnes en 1801 à 1 300 tonnes en 1815. Cette situation a nécessité de repenser l'économie réunionnaise.
Celle-ci se convertit alors dans la production de canne à sucre , favorisée par la perte de Saint-Domingue et l'île de France, qui a eu pour conséquence la pénurie de sucre en France. La production betteravière, lancée par Napoléon, est encore insignifiante. La culture de la canne à sucre est pratiquée sur l'île depuis très longtemps, mais uniquement pour un usage familial. Par ailleurs, l'atout majeur de la canne à sucre est qu'elle est insensible aux aléas cycloniques, ce qui rend l'économie de l'île moins sujette aux phénomènes climatiques. La production passe ainsi de 21 tonnes en 1815 à 73 000 en 1860.
L'extension de la culture de la canne à sucre se développe au détriment des autres cultures. Jusqu'en 1848, le girofle et le café , certes en régression, représentent encore des productions importantes. Ce n'est qu'après 1848 que ces deux cultures d'exportation sont délibérément sacrifiées , la canne prenant ainsi le caractère d'une monoculture. En 1860, sur 100 000 hectares en culture, 62 000 sont consacrés à la canne à sucre.
* 3 Ce traité fixe les frontières de la France après la défaite de Napoléon 1 er en 1814.
* 4 Ce fut le cas jusqu'en 1841, année où Mayotte devint française.