PREMIÈRE PARTIE - UN ENCADREMENT INADAPTÉ AUX ÉVOLUTIONS DE SECTEURS MÉDICO-ÉCONOMIQUES EN PLEINE EXPANSION
I. LA RÉGLEMENTATION APPLICABLE AUX DISPOSITIFS MÉDICAUX IMPLANTABLES : LA LIBRE CIRCULATION PLUTÔT QUE LA SÉCURITÉ
Dans le cadre de la finalisation du marché commun européen à partir de 1986, la nécessité de supprimer les entraves aux échanges commerciaux a conduit les institutions communautaires et, en particulier, la Commission européenne, à procéder à une harmonisation des règles techniques applicables à un certain nombre de produits. A l'époque, dans un contexte de renforcement progressif des exigences en matière de santé publique dans plusieurs pays européens, les caractéristiques de sécurité et les procédures de contrôle des dispositifs médicaux différaient sensiblement d'un Etat membre à l'autre.
C'est pourquoi, dans le cadre de la « nouvelle approche » 9 ( * ) poursuivie par les institutions communautaires en matière d'harmonisation technique et de normalisation, celles-ci ont élaboré une réglementation visant à concilier le principe de libre circulation, applicable aux dispositifs médicaux, et l'exigence du maintien d'un niveau élevé de sécurité et de qualité en ce qui concerne les prestations et soins impliquant ces produits de santé.
A. UNE RÉGLEMENTATION EUROPÉENNE ENCORE RÉCENTE, DOMINÉE PAR LA DOCTRINE DE LA « NOUVELLE APPROCHE »
1. Une réglementation européenne qui entend « laisser aux entreprises la plus grande latitude pour remplir leurs obligations vis-à-vis du public »10 ( * )
a) La libre circulation, principe général
Conformément à l'esprit de la « nouvelle approche », la législation d'harmonisation technique communautaire entend soumettre, à partir de la fin des années 1980, des familles de produits à des « exigences essentielles » en vue de leur libre circulation dans le marché unique. Les tentatives précédentes consistant à élaborer, sous forme de directives particulières, des règles techniques applicables à des catégories plus restreintes de biens s'étaient avérées incompatibles avec le libre-échange au sein du marché intérieur.
Dans son Guide relatif à la mise en application des directives élaborées sur la base des dispositions de la nouvelle approche et de l'approche globale , publié en 2000, la Commission européenne souligne que « ces approches complémentaires ont en commun de limiter l'intervention des pouvoirs publics à l'essentiel et de laisser aux entreprises la plus grande latitude pour remplir leurs obligations vis-à-vis du public » .
C'est ainsi que le Conseil de l'Union européenne a adopté, au début des années 1990, deux directives relatives aux dispositifs médicaux 11 ( * ) afin de les soumettre à des exigences essentielles de sécurité compatibles avec un haut niveau de performance des prestations de santé :
- la directive 90/385/CEE du Conseil du 20 juin 1990 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux dispositifs médicaux implantables actifs ;
- la directive 93/42/CEE du Conseil du 14 juin 1993 relative aux dispositifs médicaux.
Leur dernière modification remonte à 2007, avec la directive 2007/47/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 septembre 2007 12 ( * ) . Celle-ci a rendu obligatoire l'évaluation clinique des dispositifs médicaux les plus à risque.
b) Le risque potentiel, seul élément de spécificité des dispositifs médicaux
Au fur et à mesure de leurs modifications successives, les directives de 1990 et 1993 ont adopté une définition commune de la notion de dispositif médical afin d'y inclure une très grande variété de produits. Leur champ d'application se fonde sur la destination du produit , c'est-à-dire l'utilisation à laquelle il est destiné. C'est ainsi qu'un logiciel est considéré comme un dispositif médical dès lors qu'il est destiné par le fabricant à être utilisé à des fins diagnostique et/ou thérapeutique.
Dans leur version consolidée à ce jour, les directives précitées définissent comme dispositif médical :
« tout instrument, appareil, équipement, logiciel, matière ou autre article, utilisé seul ou en association, y compris le logiciel destiné par le fabricant à être utilisé spécifiquement à des fins diagnostique et/ou thérapeutique, et nécessaire au bon fonctionnement de celui-ci, destiné par le fabricant à être utilisé chez l'homme à des fins :
« - de diagnostic, de prévention, de contrôle, de traitement ou d'atténuation d'une maladie,
« - de diagnostic, de contrôle, de traitement, d'atténuation ou de compensation d'une blessure ou d'un handicap,
« - d'étude ou de remplacement ou modification de l'anatomie ou d'un processus physiologique,
« - de maîtrise de la conception,
« - et dont l'action principale voulue dans ou sur le corps humain n'est pas obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunologiques ni par métabolisme, mais dont la fonction peut être assistée par de tels moyens. »
Le seul élément permettant d'illustrer la spécificité des dispositifs médicaux en tant que produits de santé (par rapport aux autres produits industriels et commerciaux régis par la « nouvelle approche ») consiste , dans la directive de 1993, en une classification en fonction du risque potentiel qu'ils représentent pour la sécurité des utilisateurs, patients et médecins . Inspirée du système américain, cette classification est également proche de celle des autres pays occidentaux (Canada, Australie, Japon) ou émergents (Brésil, Corée, Russie). Les dispositifs médicaux sont, ainsi, répartis en quatre classes : I, II a , II b et III .
La classification des dispositifs
médicaux
|
||
Classe de dispositif |
Exemples de dispositifs concernés |
|
Classe I
|
Dispositifs non invasifs, pansements, abaisse-langue, scalpels, fauteuils roulants, lunettes |
|
Classe II
a
|
Instruments de diagnostic, lentilles de contact, appareils d'aide auditive, oxygénateurs, agrafes cutanées |
|
Classe II
b
|
Dispositifs contraceptifs, préservatifs, hémodialyseurs, pompes à perfusion, sutures internes |
|
Classe III
|
Dispositifs invasifs en contact avec le coeur, le système sanguin ou le système nerveux central, prothèses mammaires, sondes d'aspiration aortique, prothèses articulaires de la hanche, du genou et de l'épaule |
|
Source : mission d'information du Sénat sur les dispositifs médicaux implantables et les interventions à visée esthétique |
La même directive précise que les procédures d'évaluation de conformité aux exigences essentielles dépendent de la classe à laquelle appartient le dispositif médical concerné :
- les procédures d'évaluation de conformité pour les dispositifs de la classe I peuvent être effectuées, en règle générale, sous la seule responsabilité des fabricants , vu le faible degré de vulnérabilité de ces produits ;
- pour les dispositifs de la classe II a , l' intervention obligatoire d'un organisme notifié doit avoir pour objet le stade de la fabrication , et suppose l'évaluation et le contrôle du système d'assurance qualité mis en place par l'entreprise ;
- pour les dispositifs des classes II b et III qui présentent un potentiel élevé de risque, un contrôle effectué par un organisme notifié s'impose en ce qui concerne la conception des dispositifs ainsi que leur fabrication ;
- la classe III est réservée aux dispositifs les plus critiques pour lesquels la mise sur le marché présuppose « une autorisation préalable explicite sur la conformité » .
* 9 Résolution du Conseil 85/C 136/01 du 7 mai 1985 concernant une nouvelle approche en matière d'harmonisation technique et de normalisation.
* 10 Guide relatif à la mise en application des directives élaborées sur la base des dispositions de la nouvelle approche et de l'approche globale, publié en 2000 par la Commission européenne.
* 11 La directive 98/79/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 octobre 1998 concerne, quant à elle, les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro.
* 12 Directive 2007/47/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 septembre 2007 modifiant la directive 90/385/CEE du Conseil concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux dispositifs médicaux implantables actifs, la directive 93/42/CEE du Conseil relative aux dispositifs médicaux et la directive 98/8/CE concernant la mise sur le marché des produits biocides.