C. ENGAGER RAPIDEMENT LA SECONDE ÉTAPE DES OPÉRATIONS DE RÉVISION

1. Un dispositif, par nature provisoire, qui doit être complété par la révision des valeurs des locaux d'habitation
a) Le caractère temporaire du système mis en place

Par le biais du coefficient de neutralisation, la nouvelle procédure de révision des valeurs professionnelles garantit la stabilité de la fiscalité, au niveau global de chaque collectivité, pour la catégorie des contribuables professionnels.

Mais il s'agit d'un dispositif qui ne peut être que transitoire.

Tout d'abord, le coefficient est calculé « une fois pour toutes » sur la base du stock de locaux existants au 1 er janvier 2015 de leur valeur et des taux applicables de taxe foncière et de CFE.

N'étant pas recalculé chaque année, le coefficient de neutralisation produira des effets qui seront en décalage croissant avec la réalité du territoire concerné.

Par ailleurs, ce dispositif introduit nécessairement une dose de complexité supplémentaire pour le contribuable . En effet, le coefficient sera appliqué aux produits globaux de taxe foncière et de CFE pour chaque échelon de collectivité percevant la taxe foncière : commune, intercommunalité, département. Comme le soulignait Gilles Carrez, alors rapporteur général du budget de l'Assemblée nationale, lors de l'adoption de la loi de finances rectificative pour 2010, « cette superposition durera aussi longtemps que le coefficient lui-même, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'une révision générale des locaux d'habitation complète la présente réforme et qu'un ajustement des taux d'imposition se substitue au coefficient . »

Le mécanisme mis en place appelle donc naturellement, car il ne peut perdurer au-delà d'une durée raisonnable 7 ( * ) , une extension de la révision des valeurs locative à l'intégralité des locaux .

b) Comment passer à la révision des valeurs d'habitation ?

Vos rapporteurs spéciaux ont été convaincus du bien-fondé de la méthode utilisée par les services fiscaux dans le cadre de la révision des valeurs professionnelles .

Ils souhaitent donc que les principes retenus guident la mise en place de la seconde étape consacrée aux locaux d'habitation.

En particulier, il est indispensable qu'une phase d'expérimentation précède la généralisation de la révision à l'ensemble des locaux. Compte tenu cependant du nombre des locaux concernés (10 fois celui des locaux professionnels), un périmètre plus étroit pourrait être retenu, tout en conservant la diversité des territoires qui permet de garantir la justesse des conclusions au moment du bilan.

Vos rapporteurs spéciaux sont également persuadés que la réussite de la seconde étape concernant les locaux d'habitation nécessite un calendrier resserré , à la fois pour des raisons pratiques 8 ( * ) et pour des motifs politiques. Chaque échéance électorale risque de devenir un obstacle supplémentaire à la prise de décision et un nouvel échec de la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation serait, sans doute, insurmontable. Ils se félicitent de l'engagement des associations d'élus qu'ils ont sollicitées (AMF et Association des communautés de France (AdCF)) pour une révision des valeurs locatives des locaux d'habitation.

Ils proposent le calendrier suivant :

- au premier semestre 2013 : concertation entre les services fiscaux et ceux chargés des collectivités territoriales et du logement, les parlementaires, les associations d'élus, les acteurs concernés (bailleurs sociaux et privés, associations de locataires...) ;

- en 2013-2014, expérimentation de la révision pour un rapport de bilan présenté au Parlement au début du second semestre 2014 afin de pouvoir intégrer des aménagements en loi de finances pour 2015 ;

- en 2014/2015, généralisation de la révision ;

- en 2015 ou 2016, application des nouvelles bases révisées.

En tout état de cause, ils estiment qu'un engagement ferme devrait être pris par le Gouvernement lors de l'examen de la loi de finances rectificative pour 2012 à venir, et qu'un texte parallèle à celui adopté pour les locaux professionnels doit être voté dans la loi de finances pour 2013 .

Vos rapporteurs spéciaux sont conscients que la seconde phase ne pourra être mise en oeuvre sans que la Direction générale des collectivités territoriales (DGCL) soit impliquée dans les différentes concertations. En effet, l'extension de la révision aux locaux d'habitation posera des questions fondamentales, aux lourds impacts sur les collectivités territoriales :

- quels basculements de fiscalité entre les catégories de contribuables sont-ils à attendre ?

- est-il envisageable de maintenir à terme une règle d'équilibre entre produit foncier professionnel et produit foncier des locaux d'habitation, en remplacement du coefficient de neutralisation ?

- faut-il s'orienter vers une scission des taux de l'impôt foncier et quelles seraient les éventuelles règles de liaison à mettre en place ?

- quel sera l'impact de la révision sur les potentiels des collectivités territoriales, les dotations de l'Etat et les instruments de péréquation horizontale ?

Dans ces conditions, il apparaît certain que le rapport d'évaluation de l'expérimentation qu'ils appellent de leurs voeux devra comporter des simulations détaillées, des analyses approfondies et des propositions argumentées sur ces sujets.

Ce serait, en effet, une erreur de considérer que le traitement des conséquences de la révision globale des valeurs locatives pourrait se limiter à des mesures de garantie pour les collectivités « perdantes » et de plafonnements pour les « gagnantes ».

2. Vers une collaboration plus efficace des services de l'Etat et des collectivités territoriales
a) La nécessité d'un contrôle régulier des changements d'assiette

Pour s'inscrire dans la durée et écarter tout risque de décalage entre les valeurs locatives administrées et la réalité de l'assiette fiscale, il n'est pas suffisant de mettre en place une évaluation la plus fidèle possible par rapport aux marchés locatifs. Il est également nécessaire de s'attacher à mieux suivre et contrôler les évolutions physiques de l'assiette . A cet égard, vos rapporteurs spéciaux sont très soucieux des insuffisances du système actuel, dont les défauts sont amplifiés par les nouvelles règles du droit de la construction et l'extension des procédures déclaratives s'agissant du permis de construire .

Il ne peut être question, pour pallier le manque de moyens de services fiscaux déconcentrés, de reporter une charge sur les collectivités territoriales. Certaines d'entre elles, cependant, disposent des moyens juridiques et en personnel pour assurer un contrôle régulier qui, étant effectué par ceux qui ont la meilleure connaissance du terrain, sera sans doute plus efficace et mieux admis. En outre, comme l'ont affirmé certains élus auditionnés par vos rapporteurs, les bénéfices - en termes de produit fiscal supplémentaire- résultant de ces opérations peuvent facilement excéder le coût des agents affectés par la collectivité.

Vos rapporteurs spéciaux sont donc favorables au développement, sur la base du volontariat , de procédures permettant aux collectivités de se saisir de ces tâches indispensables à la mise en oeuvre de la révision des valeurs locatives et des mécanismes de mise à jour.

b) Un conventionnement à proposer aux collectivités

Sur la forme que pourrait prendre ce « transfert volontaire » de compétence, plusieurs solutions sont envisageables.

Il pourrait être possible de s'inspirer de l'exemple des services publics de l'assainissement non collectif (SPANC) qui ont été mis en place par les collectivités pour contrôler les dispositifs d'assainissement individuel, en application de l'article L. 224-8 du code général des collectivités territoriales.

La solution d'une délégation de l'Etat aux collectivités territoriales volontaires, sur l' exemple des délégations des aides à la construction ou la rénovation des logements (aides à la pierre) pourrait également être expertisée.

Ces voies nécessiteraient cependant des interventions législatives et pourraient être considérées comme trop rigides.

La DGFiP a présenté à vos rapporteurs une autre forme d'association des collectivités territoriales, dans le cadre d'une démarche partenariale, qui a donné lieu à plusieurs exemples de conventionnement. De telles initiatives ont été mises en oeuvre à Epernay, Valenciennes Métropole, Lille Métropole et dans la communauté d'agglomération de Bayonne-Anglet-Biarritz. Ces exemples ne concernent pas directement la mise à jour des bases immobilières mais la méthode employée pourrait être appliquée à ce domaine, incluant des échanges de données et un soutien juridique entre les services déconcentrés et les collectivités. Vos rapporteurs spéciaux souhaitent que dans un délai rapide, un modèle de convention-type adapté soit mis au point, afin de pouvoir être proposé aux élus avant l'achèvement de la généralisation de la révision.


* 7 Une durée de cinq années maximum pourrait être concevable.

* 8 Voir supra les observations concernant le caractère transitoire du « coefficient de neutralisation ».

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