b) Les présentations analytiques

Une analyse plus large des approches du vivant par la BS est proposée par différentes études : celle du chercheur autrichien Markus Schmidt, celle des chercheurs français François Képès et Thomas Heams 40 ( * ) et celle de l'ONG canadienne ETC.

1° L'analyse de François Képès

Le professeur François Képès 41 ( * ) cite, comme Markus Schmidt, l'ingénierie des circuits génétiques et les recherches sur la cellule minimale. En revanche, il intègre les proto-cellules et la BS à base de chimie dans les démarches suivantes : la reproduction du comportement émergent de la biologie par assemblage de molécules synthétiques, la reconstruction de processus biologiques communs à tout le vivant comme les voies métaboliques, le code génétique, ou l'architecture chromosomique.

2° L'analyse de Thomas Heams42 ( * )

Thomas Heams prend en compte :

- les recherches sur les proto-cellules,

- les travaux sur le génome minimal, qualifiés d'ingénierie cellulaire à l'échelle du génome,

- la construction de machines à ADN : Thomas Heams inclut dans cette catégorie l'assemblage des bio-briques à l'aide du registre du MIT, d'une part, et les travaux de Jay Keasling sur l'ingénierie des voies métaboliques, d'autre part.

3° L'analyse de Markus Schmidt43 ( * )

En se fondant sur la littérature, Markus Schmidt retient quatre approches 44 ( * ) dont il expose, comme le montre le tableau ci-après, les objectifs, les méthodes, les techniques et les cas d'application.

Ces approches sont :

- les circuits génétiques,

- les recherches sur le génome minimal,

- l'étude des proto-cellules,

- la BS fondée sur la chimie.

APPROCHES DE LA BIOLOGIE DE SYNTHÈSE SELON MARKUS SCHMIDT

Circuits génétiques

Génome minimal

Proto-cellules

BS fondée sur la chimie

Objectifs

Concevoir des circuits génétiques à partir de bio-briques, ou dispositifs ou systèmes standardisés

Trouver le plus petit génome pouvant assurer le fonctionnement d'une cellule en vue de construire des châssis cellulaires

Construire des cellules minimales pour mieux comprendre la biologie et l'origine de la vie

Utiliser des systèmes bio-chimiques atypiques dans des machines biologiques

Méthodes

Utilisation des principes d'ingénierie basés sur les bio-briques et la décomposition fonctionnelle

Recours à la bio-informatique

Modélisation théorique et construction expérimentale

Transformation de molécules stables telles que l'ADN

Techniques

Insertion des circuits génétiques dans les cellules

Suppression de gènes et/ou synthèse de génomes entiers et transplantation dans un cytoplasme

Production de récipients cellulaires dans lesquels sont insérés des composants métaboliques

Recherche de systèmes chimiques alternatifs assurant des fonctions biologiques équivalentes

Exemples

Portes logiques, oscillateur

Synthèse d'ADN et transplantation dans la bactérie Mycoplasma genitalium

Introduction de composants génétiques et métaboliques dans des micelles ou des vésicules cytoplasmiques

ADN fabriqué à l'aide de nucléotides modifiés (bases azotées ; sucres)

Source : Markus Schmidt, «Do I understand what I can create?», chapitre 6 de l'ouvrage collectif, «Synthetic Biology, the Technoscience and its Societal Consequences», 2009

Cette présentation est très proche de celle d'ETC, à la différence que Markus Schmidt exclut l'ingénierie des voies métaboliques, tandis qu'il classe l'expansion du code génétique dans la BS fondée sur la chimie.

4° Les approches d'ETC45 ( * )

ETC prend en considération cinq approches :

- la construction de micro-organismes minimaux, que l'ONG qualifie de génomique post-moderne. Ce courant recouvre les travaux de Craig Venter sur le génome minimal,

- l'assemblage de bio-briques,

- la construction de cellules artificielles sur la base d'une démarche bottom up : cette qualification correspond à la recherche sur les proto-cellules, 46 ( * )

- l'ingénierie des voies métaboliques : ETC se réfère aux travaux de Jay Keasling, à l'origine de la fabrication de médicaments tels que l'artémisinine ou des biocarburants,

- l'expansion du code génétique ( cf. les travaux de Philippe Marlière à Evry) : Steven Benner et son équipe de l'Université de Floride sont parvenus à augmenter le nombre de bases azotées - composantes des nucléotides de l'ADN (AGCT pour adénine, guanine, cytosine et thymine) ou de l'ARN (AGCU où l'uracile remplace la thymine) - en créant deux bases azotées artificielles. Les travaux de Steven Benner sur l'extension de l'alphabet génétique ont été commercialisés sous licence. Ils servent notamment au développement de nouveaux tests génétiques.


* 40 Thomas Heams, maître de conférences à AgroParisTech et chercheur à l'Inra et membre du comité de pilotage.

* 41 François Képès, « Biologie synthétique et intégrative », Médecine/Sciences 2009, 25, p. 42.

* 42 Thomas Heams, « De quoi la biologie synthétique est-elle le nom ? », ouvrage collectif « Les mondes darwiniens », Syllepse, 2009, Matériologiques (réédition), 2011.

* 43 Membre de l'association internationale Dialogue and Conflict Management, où il est en charge du groupe de travail sur la biosécurité.

* 44 Markus Schmidt, « Do I understand what I can create ?», chapitre 6 de l'ouvrage collectif, «Synthetic Biology, the Technoscience and its Societal Consequences», 2009.

* 45 ETC, «Extreme Genetic Engineering», rapport précité, 2007.

* 46 Selon les chercheurs, les proto-cellules sont une forme cellulaire minimale primitive ou artificielle capable d'autoréplication.

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