ANNEXE N° 2 - OBSERVATIONS DES PRÉSIDENTS DE COMMISSION SUR LA MISE EN APPLICATION DES LOIS AU COURS DE L'ANNÉE PARLEMENTAIRE 2010-2011 - Extraits des « Comptes rendus des commissions » |
AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DÉFENSE
Mardi 10 janvier 2012
Communication de M. Jean-Louis Carrère,
Président
sur le contrôle de la mise en application des
lois
M. Jean-Louis Carrère, président . - L'essentiel de l'activité législative de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées consiste en l'examen de projets de loi autorisant la ratification ou l'approbation de traités ou d'accords internationaux. Au cours de l'année parlementaire 2010-2011, le Sénat a adopté en séance plénière 31 accords internationaux relevant de la compétence de la commission. Certains de ces accords n'ont pas encore été examinés par l'Assemblée nationale, aussi les lois n'ont-elles pas toutes été promulguées. Quoi qu'il en soit, ces conventions et accords ne sont pas pris en compte dans le contrôle de la mise en application des lois.
La commission a également été saisie au fond de cinq projets de loi intéressant des questions de défense. Seules les lois promulguées jusqu'au 13 juillet 2011 ont été prises en compte ici, pour tenir compte du délai de six mois que s'est fixé le Gouvernement par la circulaire du 29 février 2008 pour prendre tous les décrets relatifs à une loi. La loi du 28 juillet 2011 tendant à faciliter l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure, adoptée définitivement par le Sénat le 13 juillet 2011, figurera donc dans le prochain contrôle.
S'agissant des quatre autres textes adoptés au cours de la session ordinaire, le bilan est mitigé. Pour deux d'entre eux, il est très positif. Pour la loi du 5 janvier 2011 relative à la lutte contre la piraterie et à l'exercice des pouvoirs de police de l'Etat en mer, un seul décret était attendu, en application de l'article 1. Il a été pris le 29 septembre et publié le 1 er octobre : cette loi est ainsi totalement mise en application . Si le délai de six mois a été légèrement dépassé, la commission ne peut néanmoins que se féliciter des efforts du Gouvernement. Quant à la loi du 22 juin 2011 relative au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre et de matériels assimilés, à la simplification des transferts des produits liés à la défense dans l'Union européenne et aux marchés de défense et de sécurité, 95 % de ses mesures d'application ont été prises dans un délai inférieur à quatre mois. Cette loi nécessitait jusqu'à vingt mesures d'application, dix-neuf ont été prises par l'intermédiaire de deux décrets en Conseil d'Etat publiés en septembre et octobre. La dernière mesure attendue est un décret simple, qui devrait être publié au cours du premier semestre 2012.
Les délais sont donc bien, voire très bien observés pour ces deux textes.
Les deux autres lois, quant à elles, n'ont fait l'objet d'aucune mesure d'application. Il s'agit de la loi du 5 janvier 2011 relative à la reconversion des militaires , qui requiert cinq décrets, et de la loi du 14 mars 2011 relative à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, qui appelle un décret en Conseil d'Etat dont la base légale est l'article 61 bis du code des douanes. La commission encourage le Gouvernement à prendre dès que possible les mesures attendues.
Pour ce qui est de lois plus anciennes , les dernières mesures d'application de la loi relative à la gendarmerie nationale ont été prises cette année. Ce texte est donc totalement mis en application deux ans après sa promulgation. La loi sur l'élimination des armes à sous-munitions , votée en 2010, l'est également devenue, onze mois après sa promulgation.
Je vous invite à vous référer à la note qui vous a été distribuée pour de plus amples informations. Le Senat reste particulièrement vigilant sur la mise en application des lois, comme le montre la création de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois. Un débat sera également organisé en séance plénière le 6 février, à l'occasion de la présentation du rapport annuel du Sénat sur ce thème. La commission demeurera elle aussi très attentive à ce sujet.
AFFAIRES SOCIALES
Mercredi 18 janvier 2012
Communication de Mme Annie David,
Présidente,
sur le contrôle de la mise en application des
lois
Mme Annie David, présidente . - Conformément aux instructions du Bureau du Sénat, les commissions permanentes présentent, chaque année, un bilan de l'application des lois intervenues dans leur domaine de compétences. La synthèse de leurs travaux fait traditionnellement l'objet d'une communication du Président du Sénat en conférence des présidents et est annexée au compte rendu des commissions. Cela étant, la création récente d'une nouvelle commission spécifiquement chargée du contrôle de l'application des lois a conduit la conférence des présidents à organiser une procédure différente cette année : le 7 février prochain, nous aurons un débat en séance plénière au cours duquel s'exprimeront notamment tous les présidents de commission.
Permettez-moi de rappeler combien cet exercice est fondamental, d'abord pour mesurer le degré de difficulté pratique d'application de la législation que nous votons mais, plus encore, pour savoir si les lois adoptées définitivement cette année et au cours des précédentes années parlementaires s'appliquent réellement. Cela devrait aller de soi, mais qu'en est-il exactement ?
Le bilan de la session ordinaire 2010-2011 s'établit ainsi : quarante-huit lois adoptées définitivement par le Parlement, contre cinquante-neuf l'an passé. Sur ces quarante-huit lois, sept ont été examinées, au fond, par notre commission, c'est-à-dire deux de plus que l'an dernier : la loi complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale ; la loi portant réforme des retraites ; la loi relative à la gestion de la dette sociale ; la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 ; la loi portant adaptation au droit européen en matière de santé , de travail et de communications électroniques ; la loi relative aux soins psychiatriques ; la loi relative à la bioéthique .
Vous le constaterez avec moi, il ne s'agit que de textes lourds, portant sur des sujets essentiels.
Qui plus est, les commissaires déjà élus avant septembre dernier se rappellent sans doute combien l'activité législative s'est poursuivie de manière intense au cours de la session extraordinaire, puisque cinq autres lois ont été alors adoptées dans notre secteur : la médecine du travail, le développement de l'alternance, le premier collectif social de notre histoire financière, la proposition de loi Blanc sur les MDPH et la proposition de loi Fourcade sur l'adaptation de la loi HPST. Là encore, des textes fondamentaux mais qui sont hors champ de ces statistiques. Nous les retrouverons dans celles de l'année prochaine.
Pour être complet, il faut ajouter à notre plan de charge : les huit rapports que nous publions au titre de notre contribution à l'examen de la loi de finances ; le rapport de mission consacré à la situation sanitaire et du logement en Martinique et en Guyane ; les quatre textes sur lesquels nous étions saisis pour avis (« simplification du droit - Warsmann III », « finances publiques 2011-2014 », « lutte contre l'habitat indigne » et le projet de loi constitutionnel relatif à l'équilibre des finances publiques ) ; les quatre propositions de loi étudiées à l'initiative des groupes : « recherches sur la personne » dont la CMP s'est tenue hier et a abouti, « aide active à mourir », « expulsions locatives » et « congé maternité ».
Enfin, n'oublions pas que la commission a largement contribué à deux missions communes d'information, respectivement sur Pôle emploi et sur le Mediator, et qu'elle a publié cette année sept rapports d'information.
Bref, notre sentiment d'une activité intensive l'an dernier était plus que largement fondé.
J'en viens maintenant à la mise en application des lois proprement dite.
Première observation, vraiment encourageante : le taux de mise en application des textes votés l'an dernier est bien plus satisfaisant que celui de l'année précédente. Sur les sept lois que j'ai mentionnées, deux sont entièrement en vigueur : (« dette sociale », qui était d'application directe, et « démocratie sociale », celle-ci ayant déjà reçu les six mesures qu'elle appelait) ; quatre le sont en partie, à hauteur de 81 % en moyenne, taux particulièrement élevé qu'il convient de souligner car c'est notamment le cas de la loi de financement pour 2011 (à 72 % ) et de la réforme des retraites (à 84 % ) ; en revanche, la dernière loi, « bioéthique », n'est pas du tout mise en application mais cette situation était attendue car, en raison de la complexité des mesures réglementaires à prendre, il avait été annoncé par le secrétariat général du Gouvernement (SGG), qu'elles ne commenceraient à être publiées qu'à compter de mars 2012.
Globalement, les lois promulguées cette année appelaient 168 mesures d'application , soit presque trois fois plus que celles votées l'an dernier (61 mesures) et elles constituent le tiers des mesures appelées par l'ensemble des lois adoptées définitivement par le Parlement durant cette session (543 mesures).
Sur cet objectif de 168 mesures, les services en ont publié 130 , soit un taux de 78 % . C'est un résultat très spectaculaire et le record jamais atteint en la matière. Le précédent, établi en 2008, était de 45 % et l'année dernière avait présenté la meilleure contre-performance en n'enregistrant que 16 % seulement des mesures d'application nécessaires.
Il convient toutefois de nuancer notre satisfaction. En effet, toutes ces comparaisons se trouvent biaisées par le fait que le bilan est établi cette année à la date du 31 décembre tandis que la pratique habituelle arrêtait les compteurs au 30 septembre . Ce délai supplémentaire de trois mois a naturellement contribué à améliorer la situation d'ensemble.
Enfin, dernier élément positif : les mesures effectivement publiées ont respecté, dans 62 % des cas, le délai de six mois prévu par la circulaire du Premier ministre du 1er juillet 2004. Ce taux n'était que de 50 % l'an dernier, ce que nous avions déploré.
J'en viens maintenant aux lois plus anciennes pour lesquelles la situation est également plutôt favorable.
Cette année, 73 nouvelles mesures réglementaires ont été prises pour les lois promulguées lors d'années parlementaires antérieures. C'est moins qu'en 2010 (192 mesures) mais bien plus que lors des deux années précédentes où l'on en comptait respectivement 57 et 58. La diminution par rapport à l'an dernier s'explique par l'effet volume important suscité par la loi HPST qui, à elle seule, avait entraîné la parution de 105 mesures et dont le taux d'application s'établit désormais à 77 % .
Toujours au titre des bonnes nouvelles, j'évoquerai la loi « formation professionnelle », promulguée en novembre 2009 et applicable à 87 % et deux lois désormais pleinement mises en application : la loi en faveur des revenus du travail du 3 décembre 2008 et celle relative à l'accompagnement d'une personne en fin de vie du 2 mars 2010.
J'en viens à des considérations moins favorables car, après cette présentation louangeuse, je me dois de vous indiquer quelques motifs d'insatisfaction.
D'abord, quelques lois récentes restent insuffisamment mises en application :
- aucun des trois décrets attendus depuis presque deux ans sur la loi « maisons d'assistants maternels » n'a encore été pris. Certes, ces maisons n'en ont pas besoin pour fonctionner mais c'est fâcheux s'agissant d'un dispositif législatif issu d'une véritable initiative parlementaire ;
- les lois de financement pour 2007, 2008 et 2009 ne sont toujours pas pleinement mises en application, leur taux s'établissant respectivement à 77 % , à 92 % - soit aucun progrès en un an - et à 84 % , contre 80 % l'an dernier. Il est très regrettable que, pour des textes aussi fondamentaux, le travail ne soit pas achevé.
Ensuite, j'ai le sentiment que si le Gouvernement porte son effort sur certaines lois emblématiques, je citerai « HPST » ou « formation professionnelle » notamment, c'est aux dépens d'autres, qu'il semble avoir oubliées.
Cette situation est manifeste pour la loi « participation et actionnariat salarié », votée le 30 septembre 2006 et qui plafonne à 71 % de mise an application depuis octobre 2008, aucune activité nouvelle n'ayant été décelée sur ce texte à ce jour.
En ce qui concerne les délais de parution de ce stock de mesures en attente, la situation est infiniment moins satisfaisante que pour les lois récentes : les textes parus dans un délai inférieur à un an ne représentent que 30 % du total, soit deux fois moins bien que l'an dernier où il s'établissait à 58 %. Il en résulte que 70 % des décrets parus pour des lois antérieures à 2011 le sont au bout d'un an, voire plus .
Si cet exercice, certes laborieux, de statistique est toujours instructif, permettez-moi tout de même de souligner cette année les limites de l'exercice.
Notre source d'information est le site Légifrance , qui retrace les échéanciers de parution des textes réglementaires établis à partir des informations transmises par le SGG. Or, bien que très utile, il demeure imparfait car il ne reflète que l'état de parution des décrets, simples ou en Conseil d'Etat : or, il faut rappeler que le Gouvernement a, le plus souvent, le choix du bon vecteur réglementaire, par exemple en recourant à des arrêtés qui, eux, ne seront pas recensés.
En sens inverse, il arrive parfois que la parution d'une mesure ne corresponde qu'imparfaitement aux souhaits du législateur et ne suffise pas à rendre la loi applicable.
Sur le plan pratique, certaines mesures réglementaires ne précisent pas l'article de la loi auquel elles se rapportent , ce qui trouble l'exactitude statistique. Pire encore, il arrive que des décrets soient d'un volume si considérable qu'ils restent d'une appréciation impossible pour les parlementaires que nous sommes, sans parler du citoyen qui ambitionnerait de s'y retrouver.
Nous faisons traditionnellement un petit point sur l'urgence - on doit dire désormais la procédure accélérée - afin de contrôler si elle se traduit justement par un effet d'accélération sur les délais de parution des mesures réglementaires. Cet exercice n'était pas probant car, depuis 2006, nous avions observé qu'elle produisait l'effet inverse, avec des performances plus médiocres encore qu'en procédure classique. Cette année, nous rompons avec cette tradition : on constate une performance bien meilleure des lois examinées selon cette procédure qu'en mode classique (83 % contre 63 %).
J'en viens au suivi réglementaire des dispositions législatives issues d'initiatives sénatoriales en 2010-2011. Leur taux de mise en application s'établit cette année au niveau honorable de 72 % , certes inférieur à celui des mesures proposées par le Gouvernement ou par les députés (79 %) mais heureusement supérieur aux 12 % de l'an dernier, ce qui n'avait pas manqué de nous stupéfier. Il est visible que, désormais, les services ministériels prêtent une attention plus soutenue aux mesures proposées par les sénateurs ou les députés.
Cela étant, on constatera, pour le déplorer, qu'aucune loi adoptée cette année ne provenait d'initiatives parlementaires, quelle que soit l'assemblée en cause, et ce malgré les modalités de répartition de l'ordre du jour résultant de la révision constitutionnelle de juillet 2008. J'ajoute aussitôt que nos statistiques seront meilleures l'an prochain puisque trois propositions de loi ont été adoptées en session extraordinaire à l'initiative du Sénat (médecine du travail, MDPH et HPST).
Je finirai par les fameux rapports régulièrement demandés au Gouvernement, et les statistiques confirment notre sentiment : ils sont bien peu opérants. Sur les 167 rapports réclamés par les lois adoptées entre 1997 et 2011, 69 seulement ont été effectivement remis au Parlement. Ce taux illustre de lui-même les limites de la méthode, même si l'on comprend qu'il s'agisse parfois de la seule façon, pour les parlementaires, d'attirer l'attention du Gouvernement sur un sujet sans encourir les foudres de l'article 40.
Pour cette raison, nous avions réduit nos exigences au fil des ans : les vingt-sept rapports demandés par notre commission en 2004 n'étaient plus que huit en 2009, mais la loi retraites , notamment, a fait flamber nos statistiques : nous sommes remontés à trente-huit rapports sur les textes sociaux, dont quinze demandés à notre initiative.
Cela étant, je vous signale que six rapports demandés en 2010 ont bien été remis dans l'année : trois au titre de la loi retraites et trois pour la loi de financement pour 2011 . C'est assez rare pour être souligné.
J'indique enfin que le Gouvernement a effectivement rendu, dans les délais, les rapports sur l'application des lois que lui impose la loi de simplification de 2004 et que les travaux de l'Assemblée nationale complètent utilement ces études. On peut souhaiter que notre nouvelle commission contribuera, à son tour, à cette lourde tâche de suivi de l'effectivité de la législation.
Telles sont, mes chers collègues, les quelques observations générales que je souhaitais vous présenter. Le rapport complet peut être consulté auprès de notre secrétariat.
Mme Catherine Génisson . - En l'absence des décrets d'application, les maisons d'assistants maternels se mettent en place selon des modalités et des accompagnements disparates en fonction des territoires. Leur publication uniformiserait leur fonctionnement.
Si le rapport que vous venez de nous présenter établit un bilan quantitatif de l'application des lois, l'approche qualitative y fait défaut. Nous ne sommes pas, à ce jour, en mesure d'apprécier la conformité du contenu des mesures réglementaires avec l'esprit de la loi.
Mme Claire-Lise Campion . - Je saisis l'occasion de cette présentation, très instructive, pour vous donner quelques renseignements sur cette nouvelle commission chargée du contrôle de l'application des lois , dont je fais partie. Lors de la première audition qu'elle a organisée, à laquelle tous les sénateurs étaient invités, le Secrétaire général du Gouvernement a réaffirmé la semaine dernière sa volonté de donner un coup d'accélérateur pour que les lois soient mieux appliquées.
Comme l'a indiqué Catherine Génisson, il existe un vide sur l'appréciation qualitative du suivi réglementaire de la loi, ce qui constitue précisément l'objectif de notre nouvelle commission. Nous allons ainsi étudier dans le détail l'application de sept lois en collaboration étroite avec les commissions permanentes qui les ont examinées.
Par ailleurs, j'ai interrogé le représentant du SGG sur le retard de publication des décrets d'application de la loi relative aux maisons d'assistants maternels : ils vont sortir prochainement.
M. Jacky Le Menn . - Nous demandons trop de rapports . Nous soumettons à forte pression les services ministériels qui ont déjà un travail réglementaire considérable à accomplir. Ne peut-on trouver d'autres modalités pour contourner l'article 40 que d'inonder la loi de demandes de rapports ? Si nous voulons un travail sérieux des services, c'est la question que nous devons nous poser. En outre, ces rapports seront-ils tous lus ? J'en doute. Il revient aux parlementaires demandeurs d'être raisonnables et d'ajuster leurs demandes.
M. Gérard Roche . - Je regrette que l'on attende encore les décrets d'application de la loi relative aux maisons d'assistants maternels . Il y a un manque de volonté de la part des services des ministères, mais aussi parfois de ceux de la protection maternelle infantile (PMI) dans nos départements qui ne sont pas favorables à cette formule de garde. Ces structures constituent pourtant, dans les territoires de grande ruralité, le mode d'accueil idéal des jeunes enfants.
Mme Annie David, présidente . - Comme je l'ai indiqué, les maisons d'assistants maternels peuvent fonctionner sans les décrets d'application attendus, lesquels portent plutôt sur les relations entre les assistants maternels et les parents employeurs. La situation n'est pas satisfaisante, mais devrait être améliorée rapidement.
La commission pour l'application des lois aura pour mission d'examiner qualitativement le suivi réglementaire des lois. Elle pourra à cet effet s'appuyer sur notre étude statistique, aussi frustrante soit-elle...
Je partage vos observations relatives à la multiplication des demandes de rapports . Nous devons trouver d'autres modalités pour contourner le couperet de l'article 40 qui empêche les parlementaires de faire valoir leurs propositions.
M. Gilbert Barbier . - Je voudrais revenir sur la non-applicabilité actuelle de la loi de bioéthique . Sans les mesures réglementaires d'application de la loi promulguée l'an dernier, des points de non-droit sont apparus pour certaines activités de recherche liées à la bioéthique, jusqu'alors régies par des mesures transitoires. Il est nécessaire d'accélérer la publication de ces textes afin de faciliter le travail des équipes de chercheurs.
Mme Annie David, présidente . - C'est effectivement le texte pour lequel les retards sont les plus étonnants. Je ne manquerai pas d'interroger le Gouvernement à ce sujet à l'occasion du débat sur l'application des lois prévu en séance plénière le 8 février prochain.
CULTURE, ÉDUCATION ET COMMUNICATION
Mercredi 25 janvier 2012
Communication de Mme Marie-Christine Blandin,
Présidente
sur le contrôle de la mise en application des
lois
Mme Marie-Christine Blandin , présidente . - Chaque commission établit un rapport sur l'application des lois intervenues dans ses secteurs de compétence dont la synthèse faisait jusqu'à présent l'objet d'une communication en Conférence des Présidents. Cette année, compte tenu de la création d'une commission spécifiquement chargée du contrôle de l'application des lois, la Conférence des Présidents a décidé d'organiser un débat en séance plénière le 7 février prochain au cours duquel s'exprimeront tous les présidents de commission.
Le bilan 2010-2011 fait apparaître trois particularités par rapport aux années antérieures : un faible nombre de textes, des lois exclusivement d'origine parlementaire et des délais de mise en application plus performants.
Au cours de la session parlementaire ordinaire 2010-2011, trois lois seulement ont été promulguées relevant de nos compétences :
- la loi du 13 décembre 2010 relative aux activités immobilières des établissements d'enseignement supérieur , aux structures interuniversitaires de coopération et aux conditions de recrutement et d'emploi du personnel enseignant et universitaire ;
- la loi du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique ;
- la loi du 1er juin 2011 relative à l'organisation du championnat d'Europe de football de l'UEFA en 2016.
Cependant, ce chiffre, modeste en apparence - trois lois contre neuf au cours de la précédente session - ne traduit pas la réalité de notre activité.
Tout d'abord, parce que la période de référence a changé : en concertation avec le Gouvernement, la date de parution du rapport annuel de contrôle de la mise en application des lois a été modifiée, afin de mieux prendre en compte le temps nécessaire à la mise en application des lois promulguées dans les derniers mois de l'année parlementaire analysée. Le bilan porte donc sur la période du 1er octobre au 30 juin et ne prend donc pas en compte la session extraordinaire de juillet. Ainsi, la proposition de loi relative à la régulation du système de distribution de la presse examinée au Sénat en séance plénière le 5 mai 2011 n'a été définitivement adoptée par l'Assemblée nationale qu'au mois de juillet, et n'est pas comptabilisée.
En outre, cette donnée statistique ne traduit qu'imparfaitement la mise en oeuvre des prérogatives accordées au Parlement depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.
Ainsi, la commission de la culture a examiné, dans le cadre des semaines réservées une fois par mois aux initiatives sénatoriales, dix propositions de loi depuis le 1er octobre 2010. En outre, il convient de noter que la proposition de loi visant à renforcer l'éthique du sport et les droits des sportifs vient d'être adoptée conforme par l'Assemblée nationale et que trois propositions de loi sont actuellement en instance à l'Assemblée nationale.
La deuxième caractéristique de ce bilan est la confirmation de la montée en puissance du pouvoir d'initiative parlementaire , qui confirme la tendance observée l'an dernier.
Les trois lois promulguées sont issues exclusivement de propositions de loi déposées par des sénateurs ou des députés, dont deux par des sénateurs membres de la commission de la culture, soit un taux d'initiative d'origine sénatoriale de 67 %.
L'ensemble de ces données est particulièrement révélateur des nouvelles modalités d'organisation des travaux de la commission de la culture dont les secteurs de compétence sont régulièrement concernés par les textes inscrits dans le cadre des semaines réservées aux initiatives parlementaires.
Aucun projet de loi n'a été renvoyé à la commission de la culture au cours de la dernière session, ce qui s'explique dans la mesure où les textes politiquement sensibles dans nos secteurs ont été présentés par le Gouvernement dès le début du quinquennat : universités, audiovisuel, Hadopi.
Cependant, nous nous sommes saisis pour avis de deux textes : de la proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit et du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de communications électroniques , et de deux collectifs budgétaires .
Ces statistiques ne prennent pas en compte d'autres types de travaux, également chronophages, comme les douze rapports publiés dans le cadre de l'examen de la loi de finances ou les rapports d'information. De même que notre commission a largement contribué aux travaux de la mission commune d'information sur le système éducatif.
Deux des trois lois promulguées dans les secteurs de compétence de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication au cours de la session ordinaire 2010-2011 sont d'application directe. Cette proportion d'un tiers de lois d'application directe tend à confirmer une tendance qui se dessine notamment avec l'adoption de textes issus de propositions de loi concernant des dispositions spécifiques et limitées qui n'appellent pas la mise en oeuvre de mesures réglementaires.
Seule la loi du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique nécessite des mesures d'application. Un premier décret d'application a été pris dans les six mois suivant sa promulgation, afin de définir les caractéristiques des livres entrant dans le champ de la loi. Il en reste un à publier.
Depuis le début de la XIII ème législature , 35 % des lois promulguées étaient d'application directe (7 lois), 50 % ont été mises en application (10 lois), et 15 % le sont partiellement (3 lois). Il convient de noter que 80 % des lois mises en application le sont dans un délai de moins de douze mois .
Ce taux de mise en application des lois est significatif d'une inflexion gouvernementale sur cette question par rapport aux législatures précédentes. Sur les 76 dispositions prévoyant un texte réglementaire depuis le second semestre 2007, 70 sont mises en application et 6 restent à prendre : le ratio s'améliore.
Le délai moyen de mise en application tend aussi à diminuer fortement par rapport aux précédentes législatures. Avant 2007, le délai de parution des mesures réglementaires était supérieur à un an et dans presque 45 % des cas à deux ans. Depuis 2007, 32 % des mesures ont été prises dans un délai d'un à deux ans, 25 % de six à douze mois et 43 % en moins de six mois . Ce renversement de tendance marque ainsi une césure avec le stock de lois partiellement ou non mises en application au cours des législatures précédentes.
La mise en application des lois issues d'initiative parlementaire suit ce mouvement. Sur les treize lois résultant de propositions de loi, quatre sont d'application directe, sept mises en application et deux partiellement mises en application.
Cependant des retards persistent pour l'application des lois plus anciennes .
Seize textes d'application sont parus depuis le 1er octobre 2010 dans les secteurs de compétence de la commission, qui ont permis de rendre applicables ou quasi-applicables l'ensemble des lois promulguées depuis le début de la XIII ème législature.
Dans le domaine de l'éducation, deux lois ont été mises pleinement en application : la loi de 2009 tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat et la loi du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l'absentéisme scolaire .
La loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet (dite loi Hadopi) du 12 juin 2009 est devenue applicable avec la parution des trois derniers décrets relatifs aux missions de labellisation et d'encouragement au développement d'une offre légale de téléchargement.
La loi du 30 septembre 2010 relative à l'équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques a été mise en application avec la parution le 21 mars 2011 du décret relatif au comité de suivi de la loi composé notamment de parlementaires.
La loi du 18 mai 2010 visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories à la Nouvelle-Zélande et relative à la gestion des collections est devenue applicable suite à la publication du décret en Conseil d'État relatif à la commission scientifique nationale des collections.
La parution du décret du 16 juin 2011 pris pour l'application des dispositions du code du sport relatives aux agents sportifs dans leur rédaction issue de la loi du 9 juin 2010 encadrant la profession d'agent sportif a permis leur mise en application dans un délai d'un an.
Enfin, la loi du 10 mars 2010 relative au service civique a vu la parution de cinq décrets et arrêtés. Mais on attend toujours le rapport sur le résultat des négociations conduites avec les partenaires sociaux et tendant à la création d'un congé de service civique.
Si la situation est satisfaisante pour les lois récentes, force est de constater que les décrets parus ne concernent jamais ou à de rares exceptions près les lois promulguées lors des législatures précédentes . Ces lois dont l'initiative revient à des gouvernements précédents ne relèvent plus des priorités gouvernementales. Pour la plupart, les dispositions votées de longue date sont devenues obsolètes ou sans objet, compte tenu des évolutions législatives et technologiques.
Le nombre de rapports en attente de parution demeure particulièrement élevé - vingt-deux rapports depuis 2000 -, cette absence de publication concernant pour l'essentiel le secteur de la communication audiovisuelle (26 rapports avaient été demandés pour 3 lois). La loi de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures du 12 mai 2009 en a supprimé quatre pour des raisons de retard de publication ou dans un objectif de rationalisation. Il est permis de s'interroger sur le peu de cas que le Gouvernement fait du vote du Parlement et du besoin exprimé par les élus d'avoir des données fiables sur un sujet.
Cinq rapports sont parus pour des lois de l'année parlementaire 2009-2010, dont le premier rapport d'activité de l'Hadopi, en septembre 2011. Nous avons entendu sa présidente dans le cadre de notre récente table ronde.
S'agissant des lois adoptées définitivement durant la session ordinaire 2010-2011, seule, la loi relative au prix unique du livre prévoit un rapport annuel d'application transmis par le Gouvernement au Parlement.
La commission a organisé au cours de l'année parlementaire 2010-2011 plusieurs auditions sur le bilan de l'application de certaines lois :
- une table ronde sur l'application de la loi relative à la création des EPCC ;
- l'audition de la secrétaire d'État à la jeunesse et à la vie associative pour un bilan de la mise en oeuvre du service civique ;
- l'audition du président du comité de suivi de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités ;
- l'audition des présidents de France Télévisions et Radio France sur l'exécution de leurs contrats d'objectifs et de moyens ;
- enfin, une communication de Mme Morin-Desailly sur l'application de la loi de décentralisation de 2004 concernant les enseignements artistiques .
En outre, la commission de la culture a rendu un avis sur le projet d'avenant au contrat d'objectifs et de moyens d'Arte France pour la période 2009-2012.
Je ne vais pas procéder à l'analyse de toutes les lois encore en attente de décrets d'application . J'évoquerai seulement les retards les plus criants.
Pour la loi du 13 juillet 1995 de programmation du « nouveau contrat pour l'école », on note que fait toujours défaut le décret en Conseil d'État prévu initialement et censé déterminer les conditions d'application des « contrats d'association à l'école » permettant à des établissements publics locaux d'enseignement de confier, par des contrats à durée limitée, la charge d'activités éducatives à des demandeurs d'emploi qui justifient d'un diplôme ou d'une expérience suffisante.
Le décret d'application de la loi du 6 mars 2000, visant à renforcer le rôle de l'école dans la prévention et la détection des faits de mauvais traitements à enfants , devant fixer les modalités exactes d'organisation des visites médicales de détection des enfants maltraités et des séances annuelles d'information et de sensibilisation n'a toujours pas été pris.
S'agissant de la loi du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école , trois décrets en Conseil d'État font encore défaut concernant les conditions de recrutement, de formation et d'exercice des fonctions spécifiques des directeurs d'école maternelle et élémentaire, les conditions d'indemnisation de la formation continue des enseignants ou sur les conditions d'application du code de l'éducation dans les établissements français d'enseignement à l'étranger.
Un décret d'application de la loi relative à la création des EPCC se fait toujours attendre. Voilà trois ans que le ministère a annoncé que le texte était en dernière phase avant publication. Force est de constater qu'il n'est toujours pas paru. Par ailleurs, un arrêté est également toujours en attente de parution qui doit fixer les catégories d'établissements pour lesquels le directeur doit relever d'un corps ou cadre d'emplois de fonctionnaires ayant vocation à diriger ces établissements.
Pour la loi DADVSI , cinq décrets sont toujours attendus ainsi qu'un rapport au Parlement sur la mise en oeuvre de la loi et sur celle d'une plate-forme publique de téléchargement pour les artistes. Cette plate-forme était pourtant le gage nécessaire d'une volonté d'adaptation des modes de consommation de la musique.
Pour la loi de 2000, il manque un décret et un arrêté pour l'application de la loi et six rapports sont en souffrance.
Pour la loi de mars 2007 relative à la télévision du futur , l'ensemble des décrets ont été adoptés, à l'exception de celui relatif à la fixation des obligations spécifiques en matière de diffusion et de production des futures chaînes « bonus » dont bénéficieront les opérateurs historiques. Ce décret va-t-il paraître ? Le Gouvernement a déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale un projet de loi tendant à abroger ces dispositions, afin de prendre en compte l'avis motivé rendu sur le sujet par la Commission européenne le 29 septembre dernier. On ne peut que s'étonner que le Parlement soit tenu à l'écart du débat, alors que le CSA a lancé le 18 octobre 2011 un appel à candidatures pour la diffusion de six nouvelles chaînes en haute définition sur la TNT et qu'il délivrera les autorisations avant la fin du mois de mai 2012.
La loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle a vu la parution d'une dizaine de décrets en 2010. N'ont cependant pas été publiés le décret fixant le cahier des charges de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France et le décret relatif au comité de suivi. C'est pourquoi la nouvelle commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois a désigné MM. David Assouline et Jacques Legendre comme rapporteurs pour mener des travaux de contrôle sur l'application de cette loi.
Enfin, la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives présente encore plusieurs retards dans la parution de décrets d'application.
ÉCONOMIE, DÉVELOPPEMENT DURABLE ET
AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
Mercredi 11 janvier 2012
Communication de M. Daniel Raoul, Président,
sur le contrôle de la mise en application des lois
M. Daniel Raoul, président . - Il nous appartient de dresser le bilan de l'application des lois suivies par notre commission lors de l'année parlementaire écoulée.
Cette année, le Sénat a souhaité décaler en janvier la date de cet exercice auquel nous nous livrons habituellement en novembre : aux termes de sa circulaire de 2008 relative à l'application des lois, le Gouvernement s'était engagé à prendre toutes les mesures réglementaires nécessaires dans un délai de six mois suivant la publication de chaque loi. La dernière loi de la session ordinaire ayant été publiée en juillet 2011, nous pouvons donc pleinement apprécier aujourd'hui si cet objectif a été tenu.
Un rapide bilan quantitatif permet d'observer que, pour ce qui concerne notre commission, six lois ont été promulguées, contre dix en 2009-2010 et que 204 textes d'application ont été publiés , contre 109 au cours de la précédente année parlementaire.
Parmi ces 204 textes d'application, on décompte 95 décrets en Conseil d'État, 49 décrets simples, 38 arrêtés. En outre, sept rapports ont été remis au Parlement et quinze ordonnances ont été prises sur le fondement d'habilitations votées par notre commission.
Ces plus de 200 mesures réglementaires représentent un quasi doublement : c'est un effort inédit qu'il faut saluer, même si l' on peut cependant regretter que les parlementaires ne soient pas mieux associés à l'élaboration des projets de décrets prévus par les textes , comme nous l'avions demandé les années précédentes.
Cette hausse est, enfin, la conséquence de la mise en application progressive des grandes « lois fleuves » dont la commission a eu à connaître au cours des deux précédentes années parlementaires : la bien nommée loi « MOLLE » de mobilisation pour le logement , la loi « Grenelle II » et la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche. Un à deux ans ayant souvent été nécessaires au Gouvernement pour procéder à toutes les consultations préalables, c'est seulement cette année que l'essentiel des textes d'application a finalement pu être publié.
Plusieurs motifs de satisfaction, donc. En premier lieu, le taux de mise en application global des lois récentes, sans atteindre les 100 % promis par le Gouvernement, est satisfaisant . Il s'établit, au 31 décembre 2011, à 64 % . Sur 39 mesures réglementaires d'exécution requises, 25 ont été prises. La loi visant à faciliter la mise en chantier des projets des collectivités locales d'Île-de-France est totalement mise en application , la loi portant diverses dispositions d' adaptation de la législation au droit de l'Union européenne est applicable à 85 % et la loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité est applicable aux deux-tiers .
M. Pierre Hérisson . - Très bien !
M. Daniel Raoul, président . - En deuxième lieu, le stock de lois en attente de mesures d'application se dégonfle : une seule loi reste totalement inapplicable - j'y reviendrai - alors que, l'an dernier, trois n'avaient pas du tout été mises en application ; pour 23 lois, au moins une mesure d'application a été prise, quant ce n'était le cas que pour 18 l'an dernier.
La loi Grenelle II de juillet 2010, aujourd'hui applicable à 45 % , représente à elle seule près de la moitié des décrets adoptés sur la période. Notre commission avait, dès 2009, invité le Gouvernement à préparer le plus en amont possible les très nombreuses mesures réglementaires nécessaires à son application pour diminuer ses délais de mise en oeuvre. Je me réjouis donc que nous ayons été entendus et que le Gouvernement ait pris soin d'élaborer un échéancier précis des textes d'application qu'il met à jour et adresse régulièrement à nos services.
En dernier lieu, notons enfin que deux lois ont été mises totalement en application au cours de l'année grâce à l'adoption des dernières mesures attendues : la loi du 15 juin 2011 visant à faciliter la mise en chantier des projets des collectivités locales d'Île-de-France qui avait suscité un certain consensus ; la loi du 9 mars 2010 visant à rendre obligatoire l'installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d'habitation, adoptée après une CMP réunie sur initiative conjointe des Présidents des deux chambres du Parlement et que le Gouvernement s'était engagé à rendre rapidement applicable, ce qui fut fait en janvier 2011.
Restent à déplorer trois tendances regrettables, qu'il conviendrait d'endiguer.
Premier et principal motif d'inquiétude : l'application insatisfaisante des lois et des dispositions issues d'initiatives parlementaires .
Sur les six lois promulguées au cours de l'année parlementaire 2010-2011, trois sont issues de propositions de lois d'origine sénatoriale, proportion qui traduit la place nouvelle, dont nous ne pouvons que nous réjouir, désormais réservée à l'initiative parlementaire dans le partage de l'ordre du jour des assemblées, tel qu'il résulte de la révision constitutionnelle de 2008. Il ne faudrait pas cependant que ces textes soient moins bien traités que les textes gouvernementaux. Or, l'inertie administrative est patente. Cela devrait nous inciter à éviter, autant que possible, de prévoir trop de textes d'application à nos propositions de lois .
Deux exemples invitent cette année à la vigilance. Faute de texte d'application, la Commission nationale d'orientation, de suivi et d'évaluation des techniques d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux n'est pas opérationnelle , alors que sa création résulte d'un amendement à la proposition de loi « gaz de schiste » déposé en commission. Sur les quatre articles de la loi du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d'habitat informel outre-mer qui prévoient des mesures d'application, aucun n'est applicable ! Et le ministère n'a même pas transmis, en outre, le rapport sur la mise en application de cette loi .
Le Gouvernement n'a donc pas ici respecté l'obligation de résultats à six mois qu'il s'était lui-même fixé dans la circulaire du 29 février 2008 relative à l'application des lois.
Deuxième point problématique, encore trop de lois partiellement mises en application n'ont fait l'objet d'aucune mesure réglementaire d'exécution cette année . C'est ainsi que le taux de mise en application de treize lois, parmi lesquelles la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 (LME), dont il ne reste pourtant à prendre quatre mesures règlementaires, n'a pas bougé cette année.
On peut, enfin, cette année encore, regretter que bien des rapports au Parlement n'aient pas vu le jour : seul un rapport sur les douze prévus par la loi « Grenelle 2 », a été remis à ce jour mais neuf rapports de la loi LME restent à paraître, dont cinq auraient dû être publiés avant le 31 décembre 2011. Maigre consolation, le Gouvernement est aussi défaillant quand le rapport est prévu par le projet de loi initial que lorsque sa demande résulte d'amendements parlementaires . En tout état de cause, voilà qui nous engage à éviter de multiplier, dans les textes, les demandes de rapports.
M. Gérard César . - Cela ne sert à rien !
M. Daniel Raoul, président . - Je n'irais pas jusque là mais comme chaque année, la commission ne peut qu'inciter le Gouvernement à consentir un réel effort de suivi du dépôt des rapports d'information exigés par le législateur.
Je veux, pour conclure, vous remercier de votre implication dans le contrôle de l'application des lois et vous inviter à maintenir votre vigilance par le biais de questions écrites ou lors des débats en séance plénière. Je pense notamment au débat sur l'édiction des mesures réglementaires d'application des lois organisé le 12 janvier 2011 à l'initiative de nos collègues du groupe du RDSE, que je salue.
Dans son allocution d'octobre, le président Jean-Pierre Bel demandait au Sénat d'être « particulièrement attentif à la qualité et à la nécessité de la loi » alors que les collectivités sont « submergées de normes coûteuses, souvent inutiles, voire inapplicables ». Je forme le voeu que la nouvelle commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois , créée à son initiative, et à laquelle il incombera désormais d'élaborer le bilan de l'application des lois, mène à bien cette tâche ambitieuse en continuant à travailler étroitement avec les commissions permanentes.
M. Claude Dilain . - La commission de contrôle établira ses rapports en étroite collaboration avec les commissions permanentes : son président, M. David Assouline s'y est engagé. Nous avons reçu, hier, le Secrétaire général du Gouvernement, une première qui fut l'occasion d'une intéressante discussion.
Le ministère de la ville se range parmi les plus mauvais élèves. Le taux de mise en application de la loi sur le Grand Paris n'est que de 58 % , et il reste à 66 % pour l'ensemble des textes qui concernent le ministère. Vous comprendrez que je le déplore...
M. Gérard Bailly. - L'attitude de l'administration à l'égard des parlementaires constitue un vrai problème. Elle rédige les décrets d'application sans même consulter les rapporteurs . Résultat, ses textes suscitent, sur le terrain -nous l'avons tous vécu - l'ire des élus et des associations, qui nous attribuent - c'est le comble - leurs insuffisances. Car le fait est que les décrets compliquent parfois tellement les lois qu'elles en deviennent inapplicables . Les élus, enfin, doivent être mieux consultés. Voyez la loi d'octobre 2009 sur le transfert des parcs et ateliers , qui patine : aucun des quatre décrets d'application n'est paru.
M. Daniel Raoul , pr ésident . - Le problème vient aussi d'un défaut, en amont, des études d'impact prévues par la réforme constitutionnelle .
M. Gérard César . - Hommage soit rendu à votre travail. Il est vrai que les décrets contredisent bien souvent l'esprit du législateur . Je puis cependant citer un contre exemple, celui de la loi de modernisation agricole , pour laquelle le ministre de l'agriculture, M. Bruno Lemaire s'était engagé à nous présenter les projets de décret, ce qui fut fait, et mérite d'être salué.
Mme Odette Herviaux . - Puisse cet exemple être suivi par d'autres.
M. Charles Revet . - Gérard César a eu raison de dire que les décrets ne respectent pas l'esprit du législateur. Ils vont souvent au-delà de ce que nous avons voulu - je pense notamment à l'urbanisme . C'est le Parlement qui vote la loi : nous devrions être consultés sur les projets de décrets.
M. Daniel Raoul, président . - Le cas de l'urbanisme est particulier : c'est l'interprétation locale par les DDE qui est en cause.
M. Charles Revet . - Certes, mais quelquefois, les deux problèmes se conjuguent : la loi est mal interprétée et l'on fait du zèle sur le terrain.
M. Gérard César . - Au point que les textes d'application sont interprétés différemment d'un département à l'autre.
M. Charles Revet . - Les décrets débordent la loi, et les circulaires les décrets.
Mme Odette Herviaux . - Et les chefs de service, sur le terrain, ne veulent souvent connaître que la circulaire.
M. Claude Dilain . - Le Secrétaire général du Gouvernement m'a indiqué hier que les circulaires étaient censées harmoniser les pratiques.
M. Daniel Raoul, président . - Je vous remercie pour ces échanges qui prouvent l'importance du contrôle parlementaire de l'application des lois pour nos concitoyens.
FINANCES
Mercredi 18 janvier 2012
Communication de Mme Marie-France Beaufils,
Vice-présidente, en remplacement de M. Philippe Marini,
Président,
sur le contrôle de la mise en application des
lois
Mme Marie-France Beaufils, présidente . - Chaque année, les commissions permanentes sont chargées d'établir le bilan de la parution des textes règlementaires d'application des lois, dont elles ont été saisies au fond.
Ces bilans font l'objet d'une communication en commission, avant d'être consolidés et publiés sous forme d'un rapport du Sénat. Ce sujet n'est pas sans importance puisque les médias, comme vous le savez, se font souvent l'écho de ces lois qui n'ont pas été mises en application.
Cette année, un débat devrait être organisé en séance plénière le 7 février, à l'initiative de notre nouvelle commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois.
Je vous invite, pour l'essentiel, à vous reporter à la note mise en distribution et me limiterai à quelques observations.
Au cours de l'exercice 2010-2011, la commission des finances a été chargée de contrôler l'application de vingt lois. Parmi celles-ci, quinze appartiennent au stock des textes antérieurs au 1er octobre 2010, et cinq ont été adoptées définitivement au cours de la dernière session ordinaire.
A l'issue de ce contrôle, on constate que cent cinquante textes d'application ont été pris ou sont devenus sans objet , contre quatre-vingt-sept mesures prises dans l'année 2009-2010.
Ce chiffre représente près des deux tiers des deux cent trente mesures attendues au début du contrôle (soixante-neuf mesures concernant les lois antérieures et cent soixante et une relatives aux lois de l'année parlementaire) et porte le « stock » global des mesures en attente d'application à quatre-vingts textes (contre soixante-sept en 2010).
Ce stock de mesures augmente principalement en raison de l'adoption pendant l'année de textes nécessitant un très grand nombre de mesures d'application (soixante-quatorze mesures par exemple concernant la loi de finances pour 2011 et cinquante-quatre pour le collectif budgétaire de fin d'année 2010 ).
Au titre des satisfactions, on constatera que le taux de mise en application des lois promulguées lors de la session ordinaire est en légère augmentation par rapport aux années précédentes ( 68 % contre 65 % en 2009-2010 et 63% en 2008-2009) et que le stock de mesures anciennes a sensiblement diminué (quarante et une mesures prises ou devenues sans objet dans l'année sur soixante-neuf).
S'agissant des lois anciennes , la publication de ces quarante et une mesures porte le taux de mise en application du stock à plus de 90 % . Six d'entre elles ont été entièrement mises en application , dont deux remontent à 2001 et 2002.
On regrettera néanmoins que certaines lois n'aient reçu aucun texte d'application dans l'année . C'est le cas de la loi la plus ancienne, la loi de finances rectificative pour 1999 , pour laquelle il serait grandement souhaitable que le Gouvernement abroge un dispositif qui paraît abandonné de fait.
S'agissant des cinq lois examinées au fond par la commission au cours de la précédente session, l'une est d' application directe et ne nécessite aucune mesure règlementaire pour sa mise en oeuvre. Il s'agit de la loi organique tendant à l'approbation d' accords entre l'État et les collectivités territoriales de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy et de Polynésie française .
Une autre loi, adoptée au cours de la session, a été rendue complètement applicable. Il s'agit de la loi de programmation des finances publiques pour 2011-2014 , dont les deux mesures prévues ont été publiées.
Par ailleurs, l'étude de l'origine des mesures attendues révèle que le Gouvernement met en oeuvre celles-ci selon un effort équitablement réparti . Ainsi, le taux d'application des mesures d'origine gouvernementale atteint 66 % contre 72 % pour les mesures issues d'amendements adoptés par l'Assemblée nationale et 70 % pour les dispositifs introduits lors des débats au Sénat.
On peut également relever que 64 % des mesures publiées l'ont été dans les six mois suivant la promulgation de la loi qu'elles appliquent, respectant ainsi le délai prescrit par la circulaire du Premier ministre du 29 février 2008. Cet effort est encourageant et devra s'intensifier.
Enfin, on regrettera que seuls vingt-quatre des cent quarante-neuf rapports attendus dans le cadre des lois adoptées depuis 2001 aient été effectivement remis au Parlement (soit à peine 16 %) .
En conclusion, plusieurs pistes d'amélioration pourraient être proposées afin de rationaliser ce contrôle, une revendication déjà ancienne comme la transmission par le Gouvernement des projets de décrets correspondants au moment-même du dépôt d'un projet de loi , ou encore la transmission en amont des échéanciers prévisionnels de publication des mesures réglementaires .
Voilà, mes chers collègues les éléments de réflexion issus de ce contrôle de l'application des lois. Je vous invite à prendre connaissance de la note établie par le secrétariat de notre commission et, plus largement, du rapport général du Sénat.
Je vous encourage, surtout, à partir de ces documents, et dans le cadre de vos prérogatives de rapporteur au fond ou de rapporteur spécial, à identifier les difficultés et à interroger les administrations défaillantes, soit par courrier, soit lors des missions de contrôle que vous menez régulièrement.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose de me donner acte de cette communication.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Pour plus d'efficacité encore, le Sénat dispose désormais d'une commission pour le contrôle de l'application des lois avec un président actif.
J'aimerais attirer l'attention des membres de la commission sur deux rapports du Gouvernement que nous attendons avec impatience. Le premier porte sur la réforme des valeurs locatives et pourrait selon certaines sources nous parvenir fin janvier. Le second qui traite de l'agence publique de financement des investissements des collectivités territoriales , réclamé en décembre, nous serait remis à la mi-février...
Mme Marie-France Beaufils, présidente . - Il semblerait, Madame la Rapporteure générale, que le rapport relatif aux valeurs locatives nous soit précisément parvenu aujourd'hui. Quant au second, en effet, nous sommes toujours dans l'attente...
M. François Trucy. - Il est vrai qu'aujourd'hui, comme le fait notre commission des finances, chaque commission permanente effectue un contrôle de l'application des lois dont elle est saisie au fond. Comment s'articuleront dès lors les travaux de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois qui vient d'être créée, et dont je suis membre, et ce suivi actuel des commissions permanentes ?
Mme Marie-France Beaufils, présidente . - Il est difficile de répondre à cette question dès lors que la commission sénatoriale n'est pas encore en place. En ce qui concerne, les travaux des commissions permanentes, pour l'année parlementaire 2010-2011, on observe qu'outre notre commission, les deux commissions permanentes pour lesquelles la loi prévoit le plus de textes réglementaires, à savoir la commission des affaires sociales et la commission des lois, ont respectivement un taux de mise en application de leurs lois de 77 % et de 46 %. C'est donc très variable. Le taux de mise en application des lois pour la commission des finances se situe à un niveau assez élevé, notamment en raison de la prédominance des lois de finances que l'Etat cherche assez naturellement à rendre applicables. Bien qu'on puisse peut- être nuancer...
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - En effet, cette dernière observation est parfois contestable lorsque les mesures réglementaires attendues ont été introduites par le Sénat ou l'Assemblée nationale...
M. François Marc . - Je me réjouis de la remise du rapport sur la réforme des valeurs locatives même si c'est avec retard. Nous allons regarder avec attention son contenu car nous envisagions de réaliser un contrôle sur ce thème. Il s'agit en effet d'un sujet de fond qui fait l'objet de nombreuses interventions publiques en ce moment et qui a mobilisé l'attention lors de nos récentes discussions sur la péréquation.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Je soutiens tout à fait l'idée de maintenir un contrôle sur la question des bases locatives. Le Bureau du 25 janvier prochain sera l'occasion de l'inscrire au programme d'activité de notre commission.
Mme Marie-France Beaufils, présidente . - A cet égard, la récente audition de M. Éric Jalon, directeur général des collectivités locales au Ministère de l'Intérieur, par la Mission commune d'information sur la suppression de la taxe professionnelle a montré combien il était compliqué d'obtenir des informations du Gouvernement. Ainsi, le bilan chiffré de la mise en place de la CVAE sur l'année écoulée nous sera remis en 2012, plus tard qu'envisagé initialement.
LOIS
Mardi 17 janvier 2012
Communication de
M.
Jean-Pierre Sueur
, Pr
ésident,
sur le
contrôle de la mise en application des lois
M. Jean-Pierre Sueur, président . - Vous avez reçu le bilan annuel de la mise en application des lois, dressé cette année selon des modalités nouvelles : jusqu'à présent, les commissions permanentes du Sénat examinaient au 30 septembre les mesures réglementaires relatives aux lois adoptées définitivement lors de l'année parlementaire qui s'achevait à cette date ; en accord avec le Gouvernement, il a été décidé d'examiner cette année les lois promulguées entre le 1er octobre 2010 et le 13 juillet 2011, et de prendre en compte les mesures réglementaires d'application intervenues jusqu'au 31 décembre 2011.
Avec une période de référence de promulgation des lois plus courte et une période plus longue pour l'adoption de mesures réglementaires, les nouvelles références temporelles favorisent mécaniquement un meilleur taux de mise en application. Par un courrier adressé le 22 juillet au président de la commission des lois, alors M. Jean-Jacques Hyest, le Gouvernement avait souhaité parvenir à un taux de 100 % avant la fin du mois de janvier 2012 pour les lois votées jusqu'au 13 juillet 2011. Cet objectif est loin d'être atteint pour notre commission, puisque le taux d'application se limite à 46 % . Malgré sa progression, ce niveau n'est pas satisfaisant, d'abord parce qu'il confère à notre commission le plus faible taux de mise en application - alors que nous sommes parmi les plus chargés législativement du Sénat - ensuite parce que les nouvelles périodes de référence expliquent largement cette amélioration.
Cette année encore, l'activité de notre commission a été particulièrement chargée, avec 23 lois examinées et promulguées pendant la période de référence - dont sept d'origine parlementaire, quatre propositions de loi en navette à l'Assemblée nationale, une proposition de loi en instance d'examen en séance plénière et trois propositions de loi examinées en commission puis en séance plénière mais pas encore adoptées. En outre, la commission a publié dix rapports et rendu treize avis budgétaires, outre trois avis sur des textes examinés au fond par d'autres commissions. Enfin, au cours de la période de référence, notre commission a voté une proposition de résolution européenne.
Parmi les 23 lois promulguées, dix sont d'application directe, quatre ont été totalement mises en application pendant la période de référence, et neuf ne le sont que partiellement. Je souligne que la mise en oeuvre des textes adoptés préoccupe nombre de nos collègues : ainsi, la seule loi du 24 novembre 2009, dite « loi pénitentiaire », a motivé seize questions écrites adressées au Gouvernement par des sénateurs depuis le 1er octobre 2010.
Enfin, j'attire votre attention sur quatre textes promulgués avant le 1er octobre 2010, mais dont la mise application reste incomplète : la loi portant réforme de la protection juridique des majeurs ; la loi relative à la législation funéraire ; la loi relative à la mobilité et au parcours professionnel dans la fonction publique ; la loi tendant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale .
Le cas échéant, vous pouvez vous fonder sur le rapport pour interroger le Gouvernement : toute intervention sur ce sujet ira dans le bon sens, nonobstant les travaux conduits par la nouvelle commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois.
M. Christian Cointat . - Nous travaillons comme des stakhanovistes pour voter des textes tardivement appliqués ! Dans certains pays voisins, les parlementaires disposent des projets de mesures d'application au moment où ils doivent se prononcer. Il semble que l'élaboration de semblables dossiers soit constitutionnellement impossible en France, mais ne pourrait-on considérer que l'étude d'impact devant accompagner tout projet de loi devrait comporter aussi les textes d'application ? Nous finissons par modifier des lois non concrétisées faute de dispositions réglementaires !
Il faudrait trouver les voies et moyens de ne voter que des lois dont nous sommes sûrs qu'elles seront mises en oeuvre.
M. Pierre-Yves Collombat . - Certes, mais la finalité de certaines se limite à l'envoi d'un message à l'opinion !
M. Christian Cointat . - C'est votre programme ?
M. Pierre-Yves Collombat . - Même le Conseil d'État a observé que l'élaboration des lois constituait le moyen le moins onéreux pour régler un problème !
Mme Virginie Klès . - Ou créer une commission...
M. Pierre-Yves Collombat . - Quant aux études d'impact, elles sont parfaitement illusoires. Pensez à la réforme territoriale, aux économies alléguées pour justifier la création du conseiller territorial.
Nous participons à un spectacle. Je n'en suis pas ravi, mais il faut en avoir conscience.
Il est normal de protester, tout en sachant que nos paroles resteront lettre morte.
M. Christian Cointat . - Pour établir son pouvoir, le Parlement européen a utilisé le moindre petit bout de phrase pouvant le concerner. Il a ainsi refusé d'examiner les textes tant qu'il ne lui manquait ne serait-ce qu'une toute petite information.
M. Pierre-Yves Collombat . - Il y a une autre solution : ne pas voter toutes les lois.
M. Patrice Gélard . - Exactement.
M. Jean-Pierre Sueur, président . - Il y a sans aucun doute trop de lois de pur affichage, alors que les situations à traiter requièrent exclusivement des moyens et de la volonté.
Une délégation de notre commission a été reçue il y a un certain temps au Conseil d'État. M. Renaud Denoix de Saint-Marc a présenté l'étude d'impact comme une solution merveilleuse. J'étais en désaccord avec lui, et je le reste, car il est impossible de produire une analyse neutre et objective d'un texte politique. À mon sens, puisque le Gouvernement dispose des moyens d'expertise, le Parlement devrait également en être doté. Pensez à une loi sur les OGM. Après tout, légiférer consiste à se prononcer sur les incidences d'une disposition législative.
M. André Reichardt . - Je préfère conserver mes illusions, car, lorsque j'ai entamé des études de droit, je ne pensais pas me lancer dans une filière artistique.
M. Jean-Pierre Sueur, président . - De communication.
M. André Reichardt . - Élaborer la loi ne me semble pas assimilable à la participation à un spectacle.
Il n'est pas scandaleux de constater aujourd'hui la publication de 46 % des textes d'application requis par les lois promulguées jusqu'au 13 juillet 2011. Ce qui serait scandaleux, ce serait d'en être là au 31 décembre 2012. Laissons du temps au temps ! Au demeurant, le peu d'intérêt de certaines dispositions législatives explique sans doute que l'administration hésite ou éprouve des difficultés à produire des textes réglementaires d'application.
M. Jean-René Lecerf . - Je m'interroge sur l'articulation du bilan établi par notre commission avec le travail de la nouvelle commission pour le contrôle de l'application des lois présidée par M. David Assouline.
Bien que je n'en sois pas membre, j'ai assisté à une réunion importante de cette commission, où j'ai appris que les quatre derniers décrets d'application nécessités par la loi pénitentiaire étaient sur le point d'être publiés. Il serait dommage que notre travail soit accaparé.
M. Jean-Pierre Sueur, président . - C'est pourquoi nous avons deux co-rapporteurs pour l'application de la loi pénitentiaire inscrite au programme de la commission sénatoriale d'application des lois : Mme Borvo Cohen-Seat, membre de la nouvelle commission et de la nôtre, et M. Jean-René Lecerf , qui si ège uniquement dans la nôtre. Cette démarche, unique au Sénat, évitera de nous dessaisir. Au contraire, ces deux éminents commissaires fourniront un magnifique travail en commun. (Nombreuses marques d'approbation.)
M. Pierre-Yves Collombat . - Une autre solution consisterait à voter des textes d'application immédiate , sans truffer les articles de renvois à des décrets, voire à des décrets en Conseil d'État.
M. Jean-Pierre Sueur, président . - Il y a trois ans, nous avions voté une disposition d'application immédiate revalorisant chaque année les sommes déposées au titre des contrats obsèques. Elle n'est toujours pas mise en oeuvre , car Bercy et les assureurs sont défavorables. Résultat : nous avons inséré une disposition identique dans la loi sur les droits des consommateurs.
Les collègues du groupe RDSE ont eu l'heureuse initiative de proposer un dispositif tendant à imposer la publication des textes réglementaires. Je l'ai soutenue, en pensant notamment au Distilbène.
Il est anormal qu'un Gouvernement puisse neutraliser une loi votée par le Parlement. Aucune sanction n'existe.
M. Christian Cointat . - C'est ce qui ne va pas.
M. Jean-Pierre Sueur, président . - Un seul recours existe : saisir le Conseil d'État.
M. Christian Cointat . - Et encore...
M. Jean-René Lecerf . - Nous ne sommes pas compétents pour le faire.
M. Jean-Pierre Sueur, président . - Parmi les lois promulguées au 13 juillet, 43,5 % étaient d'application directe. Le taux de 46 % concerne de fait les autres textes.
M. Patrice Gélard . - La loi que nous avons adoptée en 2000 pour créer une fondation n'a jamais vu le jour faute de textes d'application ; une disposition Warsmann y a mis fin, enterrant cette fondation sans fleurs ni couronnes avant qu'un décret n'institue une mini fondation. Résultat : la coopération en matière de droit comparé entre la France et les pays étrangers n'en est qu'à ses balbutiements et le Qatar -pressenti en l'espèce- n'y participe plus, je crois.
M. Jean-Pierre Sueur, président . - Je connais votre attachement à cette fondation, que je serais très heureux de remettre sur le tapis. Nous pourrions saisir l'occasion d'un débat de contrôle.
M. Patrice Gélard . - Très bien !
M. Jean-Pierre Sueur, président . - Vous pourriez poser une question orale avec débat au nom de la commission.
M. Patrice Gélard . - Volontiers.