b. Les faucheurs volontaires : l'impossible débat
Pour le cas des essais plein champ, l'Europe était parmi les zones les plus actives dans les années 80-90, avec un nombre d'essais relativement important. Aux Etats-Unis, le nombre d'essais était encore plus important, et est aujourd'hui stabilisé, alors qu'en Europe, nous avons assisté à une décroissance très rapide depuis les années 2000.
En France, les dépôts de dossiers pour les essais se sont même totalement arrêtés depuis 3 ans en raison de notre tradition propre de «faucheurs volontaires », qui détruisent les essais dont la mise en place a mis des années.
70% des essais démarrés chaque année étaient détruits, ce qui a conduit la majorité des sociétés à cesser les essais en France, pour des raisons évidentes. Notons que l'essai sur les vignes, qui a duré plusieurs années, et l'on connait l'importance de la vigne dans notre patrimoine, a finalement été détruit en 2010.
Il est intéressant de repérer que les destructions sont indépendantes de l'espèce : vigne ou maïs, et même du caractère introduit. Cela signifie que pour les opposants aux OGM, il n'y a pas de caractères qui sont plus justifiés ou intéressants que d'autres, il n'y a donc pas de raisonnement derrière leur action, mais simplement un refus du concept même de génie génétique appliqué aux plantes.
La société Limagrain, entendue en audition publique le 24 novembre 2011 a fait de nombreux essais en France au cours des deux dernières décennies. Mais de 2000 à 2007, elle a eu à déplorer la destruction de plusieurs de ses essais de recherche sur du maïs.
A nouveau, il n'y avait pas de spécification sur le caractère de ce qui était détruit, qu'il s'agisse de l'utilisation d'engrais azoté, de la résistance aux maladies, de la résistance aux insectes, de la tolérance au stress hydrique. Il s'agissait bien d'essais de recherche, pour déterminer si le système fonctionnait, sans visée directement commerciale. Dans ces conditions, les essais en France n'étaient évidemment plus adaptés et Limagrain fait ses essais de recherche aux Etats-Unis.
Il est bon de rappeler que les sociétés de semences sont les deuxièmes en investissement de recherche par rapport à leur chiffre d'affaires, y investissant près de 15% de son chiffre d'affaires. Elles fournissent donc un investissement de recherche important, l'action des faucheurs volontaires est donc préjudiciable non seulement à ces sociétés, mais également à l'ensemble de l'économie.
En effet, ne perdons pas de vue que le marché nord-américain est à plus de 80 ou de 90% OGM. Si la France veut continuer à rester compétitive, il est indispensable que ses sociétés puissent développer des OGM et fournir aux agriculteurs les produits qui sont demandés par le marché.
Un point intéressant ressort de la conférence de citoyens : quel que soit leur avis sur les OGM, les quatorze citoyens sollicités convenaient qu'il fallait faire de la recherche, y compris en plein champ. Seul l'enlisement du débat a amené à contester cette notion.
Nous sommes obligés de constater que la loi sur les OGM votée en 2008 n'a en fait rien réglé . Le refus idéologique de la transgénèse sur les végétaux, l'activisme juridique ont eu raison du développement en France des biotechnologies végétales. Les renoncements successifs gouvernementaux par calculs politiciens comme dans l'exemple de l'actualisation de la clause de sauvegarde pour interdire la culture du maïs Monsanto 810 ont fait le reste du chemin. L'Europe est en déclin quand elle refuse la notion même de recherche. Elle va perdre sa capacité d'expertise internationale. Le seul vrai sujet qui aurait mérité de faire converger toute notre énergie est celui relatif à la propriété intellectuelle du vivant, qu'il faut bien sûr refuser.
Il importe, sans refuser la discussion, de séparer les questions, car se focaliser sur un seul point mène généralement au blocage. Ainsi, les biotechnologies, dont on parle peu, sont bien acceptées, par exemple dans le domaine de la santé, où la balance bénéfice-risque est également plus facilement perceptible.