TRAVAUX DE LA COMMISSION AUDITION POUR SUITE À DONNER
Réunie le mercredi 18 janvier 2012, sous la présidence de Mme Marie-France Beaufils, vice-présidente, la commission a procédé http://www.senat.fr/senfic/arthuis_jean83011j.html à l'audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, transmise en application de l'article 58-2° de la LOLF, sur le patrimoine immobilier des établissements publics de santé non affectés aux soins.
Mme Marie-France Beaufils , présidente . - Nous sommes réunis ce matin pour une nouvelle audition de suivi, qui fait suite à une enquête réalisée par la Cour des comptes à la demande de notre commission, en application de l'article 58-2 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).
La demande initiale de la commission des finances portait sur le patrimoine immobilier hospitalier dans son ensemble, privé et public. Cependant, compte tenu de l'ampleur du sujet, il a été convenu de restreindre dans un premier temps l'enquête au seul volet privé du patrimoine immobilier des hôpitaux publics.
Une nouvelle enquête portant sur le patrimoine immobilier hospitalier dédié aux soins des centres hospitaliers universitaires a été demandée à la Cour des comptes, sa restitution étant prévue le 30 avril 2013.
Nous devons cette enquête à notre ancien collègue Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale et rapporteur spécial de la mission « Santé ».
Depuis, notre commission a eu le plaisir d'accueillir dans ses rangs Jean-Pierre Caffet, nouveau rapporteur pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et également rapporteur spécial de la mission « Santé ».
Nous recevons, pour la Cour des comptes, Antoine Durrleman, Président de la 6 ème chambre, Marianne Lévy-Rosenwald, conseillère-maître, et Marianne Kermoal-Berthomé, rapporteure extérieure.
Pour le ministère de la santé, nous accueillons Elise Noguera, conseiller technique au cabinet de Xavier Bertrand, et Annie Podeur, directrice générale de l'offre de soins (DGOS).
Pour l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP), seront présents Christian Anastasy, directeur général, et Christian Berehouc, directeur associé.
Enfin, pour les Agences régionales de santé (ARS) et les établissements de santé, nous recevons Christian Dubosq - directeur général adjoint de l'ARS Rhône-Alpes au moment de l'enquête, et qui a depuis pris de nouvelles fonctions -, Mireille Faugère, directrice générale de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Julien Samson, directeur général adjoint des Hospices civils de Lyon.
Cette audition a également été ouverte à l'ensemble des commissaires des affaires sociales.
Afin de préserver une possibilité effective de dialogue et de débat, nous proposons que la Cour des comptes présente ses observations principales pendant dix minutes, avant les principales réactions des intervenants en cinq minutes environ. Ensuite, les commissaires des finances et des affaires sociales poseront leurs questions. Enfin nous déciderons, en tant que membres de la commission des finances, d'une éventuelle publication de l'enquête.
M. Antoine Durrleman, président de la 6 ème Chambre de la Cour des comptes . - Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, je synthétiserai le rapport de la Cour, qui fait suite à une enquête de terrain menée auprès d'un grand nombre d'hospitaliers, autour de diverses considérations.
Tout d'abord, le sujet revêt un caractère historique, puisque le domaine privé des établissements hospitaliers constituait essentiellement les biens des pauvres, issus d'un mouvement de générosité et de charité, qui amenait un certain nombre de nos concitoyens à apporter aux hospices le fruit de leur travail.
Ce sont ces biens qui constituent encore aujourd'hui l'essentiel du patrimoine public des hôpitaux, avant que l'Assistance Publique et la Sécurité Sociale ne viennent remplacer la solidarité passée par les ressources publiques et solidaires.
Par ailleurs, le sujet traité par la Cour concerne également l'actualité. En effet, les problématiques financières des hôpitaux conduisent à regarder ce patrimoine d'une façon différente, comme un outil mis au service de la modernisation des établissements.
Enfin, le regard porté est un regard d'avenir, dans la mesure où le mouvement de réorganisation et de restructuration des hôpitaux n'est pas achevé. Ce mouvement s'est accéléré avec les plans Hôpital 2007 et Hôpital 2012, qui se traduisent par la libération d'un grand nombre de surfaces hospitalières consacrées aux soins. Ces surfaces, une fois désaffectées, rejoignent le patrimoine privé.
La question n'est donc plus celle de quelques établissements situés dans quelques régions, antérieurement essentiellement l'Ile-de-France, Rhône-Alpes, Bourgogne, Provence-Alpes-Côte-d'Azur. Aujourd'hui le mouvement de réorganisation hospitalière libère des sites dans toute la France et la question du devenir patrimoine s'élargit territorialement.
Le constat de la Cour est triple.
Tout d'abord, le patrimoine est mal connu des établissements. Certains d'entre eux ont de leur patrimoine une connaissance juridique imparfaite, notamment du fait de la perte des origines de propriété.
La question de savoir si un certain nombre de bâtiments appartiennent effectivement à l'établissement de santé ou aux collectivités territoriales est souvent un obstacle dans la politique de valorisation.
De plus, le patrimoine est mal connu dans sa description actuelle. Il a en effet souvent changé, en connaissant des occupations successives.
Enfin, le patrimoine est méconnu au niveau national, car il n'existe pas de base de données consolidée permettant d'en avoir une vision centralisée exhaustive. Le mouvement de consolidation n'a pas été engagé, alors qu'il est nécessaire à la définition d'une stratégie nationale.
En premier lieu, le patrimoine des établissements hospitaliers apparaît souvent comme une res nullius , c'est-à-dire comme la propriété de personne. Il est donc l'objet de convoitises, de sorte que les établissements hospitaliers, soumis à de multiples sollicitations, sont quelquefois amenés à accueillir en leurs locaux toutes sortes d'institutions. Certaines de ces institutions, telles que les centres de recherche, sont liées directement à l'établissement, tandis que d'autres n'ont aucun lien avec ses problématiques.
Cet usage de circonstance a pour conséquence l'invocation des droits des occupants dès lors que l'établissement souhaite valoriser son patrimoine. Le devenir des droits des occupants est une question complexe, qui suppose l'obligation pour l'hôpital de retrouver une localisation pour les institutions qu'il avait été amené à accueillir.
En second lieu, l'usage lié aux politiques de logement développées dans les locaux de certains établissements peut constituer une source de difficultés, dès lors que ce patrimoine comporte des immeubles, des logements et toutes capacités d'accueillir des agents.
La Cour constate que cette politique est mal maîtrisée, à double titre.
La politique d'attribution de certains logements de fonction est insuffisamment encadrée. Elle prend des distances par rapport aux règles générales en la matière, tant pour les logements par nécessité absolue de service que pour les logements pour utilité de service.
Ces logements peuvent servir à une politique sociale du logement des agents.
La Cour ne met pas en cause le fait que les établissements publics hospitaliers aient souhaité faciliter les conditions de logement de leurs agents. Cependant, cette politique doit être décrite, construite et chiffrée dans ses conséquences. Elle doit être transparente.
La Cour a constaté que la gestion du patrimoine privé des établissements hospitaliers a trop longtemps été passive. Ainsi, une plus grande importance était accordée à la transmission du patrimoine plutôt qu'à sa valorisation. Les problématiques d'optimisation étaient secondaires au regard de la volonté de transmission. A titre d'exemple, la vente de terrains appartenant à l'AP-HP dans l'Aisne, remontant à 1980, est intervenue dans les années 2000.
La Cour a cependant constaté des exceptions dans cette politique de gestion tranquille du patrimoine.
Tout d'abord, certains établissements tels que les Hospices de Beaune, ont eu très tôt le souci d'une gestion active, en faisant de la gestion de leur patrimoine privé un élément structurant.
Plus récemment, des stratégies liées aux difficultés financières des établissements ont conduit les Hospices civils de Lyon et l'AP-Hôpitaux de Marseille - bien avant l'AP-HP - à faire de la valorisation de leur patrimoine privé un élément tout à fait significatif de leur plan de restructuration et de retour à l'équilibre.
Face aux constats effectués, les préconisations de la Cour se situent à trois niveaux.
En premier lieu, il convient d'adopter une description plus fine du patrimoine, tant au niveau des établissements qu'au niveau national.
En deuxième lieu, un certain nombre de facilitations doivent être données aux établissements pour l'optimisation et la valorisation du patrimoine. La loi HPST de juillet 2009 a laissé ouvertes un certain nombre de questions importantes, relatives notamment au processus de cession et à l'éventuelle nécessité de l'avis de France Domaine en la matière.
De même, à la suite de la loi HPST, il convient de déterminer la nature des modifications induites par le changement de statut des établissements publics de santé - devenus des établissements publics nationaux - au regard d'un certain nombre de règles telles que celles relatives aux permis de construire. Cette série de questions non encore résolues peut donc contribuer à paralyser la valorisation du patrimoine.
Enfin, il semble utile de confier à l'Agence Nationale pour l'Amélioration de la Performance hospitalière la mission consistant à assister activement les établissements qui ne disposent pas en interne des capacités nécessaires à une politique de valorisation. Cela suppose que les moyens nécessaires soient attribués à cette Agence.
Néanmoins, il est évident que les sommes tirées de cette politique de valorisation sont sans commune mesure avec les besoins hospitaliers, au titre desquels un endettement de 24 milliards d'euros. Elles peuvent pourtant apporter une contribution décisive dans un certain nombre de cas.
La Cour souhaite donc qu'une politique nationale intervienne en la matière, relayée par les ARS, qui intégreraient, ab initio et non ex post , des valeurs de cession réalistes.
Mme Elise Noguera, conseiller technique au cabinet de Xavier Bertrand . - Les observations de la Cour rejoignent les axes nationaux mis en oeuvre depuis 2009.
En premier lieu, il existe une déclinaison autour des axes immobiliers, articulés autour des plans Hôpital 2007 et Hôpital 2012 et des projets de reconstruction et de cession de patrimoine dans un cadre actif.
De plus, la gestion active du patrimoine est favorisée au quotidien, en optimisant les possibilités de gestion courante des acteurs hébergés sur les sites des hôpitaux.
Par ailleurs, il convient de se doter de compétences en lien avec l'ANAP, permettant de gérer le patrimoine non seulement dans la valorisation des cessions, mais également dans la valorisation courante.
Enfin, il est important de rappeler que les logements des professionnels sont attribués dans le cadre réglementé d'une nécessité de service ou pour l'utilité du service. Cette politique contribue également à une part importante de l'attractivité des établissements, notamment pour les personnels se situant au coeur de l'hôpital, comme les soignants.
Il n'en est pas moins nécessaire d'adopter une transparence totale en la matière, en établissant le bilan de l'utilisation faite des logements.
Il ressort néanmoins que cette politique attractive pour les personnels, essentielle pour les hôpitaux, doit être maintenue.
Mme Annie Podeur, directrice générale de l'offre de soins (DGOS) . - Je tiens à saluer l'excellente synthèse effectuée par le Président de la 6 ème chambre de la Cour des comptes.
A la suite d'Elise Noguera, qui rapportait la parole du Ministre, je voudrais rappeler que nous avons travaillé de façon tout à fait satisfaisante avec la Cour des comptes pour l'élaboration de cette enquête.
Votre propos liminaire, Madame la Présidente, était important. Vous avez précisé que le Sénat avait souhaité s'intéresser à l'ensemble du patrimoine immobilier des hôpitaux. En effet, la part essentielle de ce patrimoine est affectée aux soins, mais il est compréhensible, au regard d'un champ si vaste, de s'intéresser en premier lieu au patrimoine privé et en particulier à la dotation non affectée (DNA).
Antoine Durrleman a parfaitement exposé le fait que le patrimoine privé des hôpitaux pouvait permettre de gérer le présent. Il s'agit donc effectivement d'une question d'actualité. Pour autant, sauf exception, les déficits des hôpitaux ne pourront pas être résorbés significativement grâce au seul produit de la dotation. Bien entendu, cette réalité ne nous exonère pas de savoir gérer collectivement un tel produit, qui constitue un apport au patrimoine public.
En revanche la préparation de l'avenir est déterminante. En effet, lorsqu'il existe des possibilités de cession, leur produit est susceptible de permettre l'autofinancement sans avoir recours à l'emprunt d'une partie d'un investissement immobilier répondant aux nouveaux besoins de nos concitoyens en termes d'accueil.
S'agissant des enjeux de l'optimisation du patrimoine, la définition d'une stratégie nationale s'est dessinée à compter de 2009. Trois axes essentiels ont été dégagés.
Le premier axe consiste à articuler correctement la définition des nouveaux projets d'investissement avec les projets déjà financés dans le cadre d'Hôpital 2007 et Hôpital 2012, afin d'éviter tout problème de pertinence.
Cela étant, il est également possible de relever des exemples où la cession du patrimoine abandonné constitue un surcoût, notamment en cas d'amiante.
Le deuxième axe vise à favoriser les démarches d'optimisation de la gestion du patrimoine, d'une part la reconversion et la cession, mais également la dynamisation de la gestion courante. L'idée sous-jacente tient au fait qu'un patrimoine produit des ressources devant être gérées de façon totalement transparente selon la nature des produits ainsi acquis.
Le troisième axe implique la responsabilisation des acteurs.
Pour mener à bien cette stratégie, il convient tout d'abord de clarifier les règles juridiques particulièrement complexes applicables au patrimoine immobilier. Les évolutions issues de la loi HPST et de ses décrets d'application n'ont pas toutes été gérées. Il conviendra qu'un processus interministériel contribue à harmoniser les dispositions de ces textes et d'en dépasser les contradictions.
De plus, il convient d'améliorer la connaissance du patrimoine. Nous avons effectivement besoin d'une base de données, non pour centraliser la gestion, mais pour donner aux établissements les moyens d'avoir un vrai parangonnage et d'évaluer le taux de rendement du patrimoine.
En outre, il est nécessaire d'identifier les gestionnaires de patrimoine - qui constituent un métier nouveau - dans les organigrammes des hôpitaux. Aujourd'hui, l'impulsion donnée en 2009, ainsi que la contrainte ressentie par certaines grandes institutions hospitalières pour améliorer l'efficience globale, ont conduit à identifier des gestionnaires du patrimoine. Il convient de s'en féliciter.
Cependant, les petites structures n'ayant pas les moyens de recourir à de tels gestionnaires devraient pouvoir bénéficier de coopérations.
Le dernier prérequis devrait conduire à donner tous les outils à l'échelon national. C'est la raison pour laquelle l'ANAP s'est vue confier cette mission de valorisation du patrimoine, consistant notamment en une aide au choix d'investissement et à la valorisation sur les DNA.
Nos réalisations depuis 2009 sont déjà tangibles. Sur la connaissance du patrimoine, l'observatoire est en test dans la région Franche-Comté et sera déployé en 2012. Cette base de données nationale existera donc effectivement.
Sur la clarification du contexte juridique, les services travaillent actuellement à des fiches, qui seront ensuite portées à la connaissance des gestionnaires hospitaliers. Ceci ne nous exonère cependant pas d'une modification d'un certain nombre de textes. De plus, afin de leur éviter des investissements juridiques trop lourds, nous avons un devoir de porter à la connaissance des établissements les règles présidant notamment à la gestion des baux.
L'accompagnement des établissements par l'ANAP est déjà engagé. Nous avons notamment recensé une quinzaine d'opérations nécessitant une expertise confiée à l'ANAP, structure d'appui pour les établissements concernés.
Enfin, les dernières réalisations sur la fiabilisation des comptes publics sont également en cours. Ceci doit permettre de clarifier les conditions dans lesquelles les valeurs du patrimoine de la DNA sont imputées dans les bilans. Il est cependant nécessaire de se méfier des risques de survalorisation et même de sous-valorisation dans un marché profondément aléatoire. A ce titre, les exemples figurant dans le rapport de la Cour sont éclairants. Il convient finalement de se garder de tout systématisme qui pourrait mettre en danger d'une autre manière les établissements hospitaliers.
Pour conclure, je souhaite revenir sur l'utilisation des logements de fonction, qui constituent un enjeu d'attractivité touchant l'ensemble des statuts des personnels. Nous avons besoin de décideurs responsables, présents et disponibles au sein de leur établissement. Pour les personnels soignants, si nous sommes en accord avec le souci de transparence des règles il est indispensable de maintenir l'attribution des logements par utilité de service pour faire tourner vingt-quatre heures sur vingt-quatre une structure hospitalière.
Enfin, sur le rôle des ARS, la tentation est de tout leur confier, mais elles ne pourront pas agir à la place des établissements.
Mme Marie-France Beaufils, présidente . - Je demanderai aux intervenants suivants, en les priant de m'excuser, de bien vouloir respecter la règle fixée des cinq minutes de temps de parole.
M. Christian Anastasy, directeur général de l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP) . - Nous souhaitons attirer votre attention sur trois points du rapport de la Cour des comptes : la notion de patrimoine privé, les délais induits par les opérations de cession, le rôle de l'ANAP.
Le patrimoine privé des hôpitaux est constitué de deux types d'actifs : les biens de la DNA tels qu'évoqués par Madame Podeur, et les anciens bâtiments hospitaliers désaffectés. Autant les premiers sont aisément identifiables et cessibles, autant les seconds présentent un grand nombre de difficultés en la matière.
Par ailleurs, les opérations de cession sont très longues car elles impliquent plusieurs étapes.
M. Christian Berehouc, directeur associé de l'ANAP . - S'agissant de l'optimisation du patrimoine hospitalier, je rappelle qu'elle représente une question d'avenir concernant huit millions de kilomètres carrés.
Sur les délais, plusieurs années sont nécessaires pour aboutir à une cohérence de l'ensemble des éléments permettant une cession significative. Un accompagnement dans le temps est donc nécessaire, notamment dans les nombreuses villes au sein desquelles le marché n'est pas attractif.
M. Christian Dubosq, directeur général adjoint de l'Agence régionale de santé (ARS) Rhône Alpes . - L'enjeu immobilier est majeur pour les établissements et pour les ARS, aussi bien du point de vue de l'entretien du patrimoine que de son renouvellement.
Lors de l'analyse de la situation financière d'un établissement ayant un projet d'investissement, nous y intégrons non seulement sa capacité d'endettement et sa capacité d'autofinancement, mais également la possibilité éventuelle de cessions à réaliser.
On constate cependant qu'à l'exception des grands établissements, ces apports sont inexistants ou limités. Il convient donc de s'interroger sur l'opportunité d'une telle mission d'estimation de la cession envisagée au regard du retour attendu.
Par ailleurs, la proposition de la Cour d'impliquer les ARS pour qu'elles prennent systématiquement en compte le potentiel de valorisation du patrimoine privé dans le financement des investissements paraît effectivement une nécessité. Il semble utile, dans un souci de bonne gestion, que cette mesure devienne une règle.
De même, dans le domaine du rôle confié à l'ANAP, nous avons déjà l'habitude de travailler sur des opérations ciblées.
Enfin, l'ARS Rhône-Alpes a intégré dans les mesures de redressement prises les produits de cession des Hospices civils de Lyon. Cela étant il appartient à l'établissement d'avoir une gestion proactive, qui n'est pas du ressort l'ARS mais de celui du gestionnaire de patrimoine.
Le véritable enjeu pour l'avenir est celui de la valorisation des bâtiments abandonnés après une grande opération d'investissement.
M. Julien Samson, directeur général adjoint des Hospices civils de Lyon (HCL) . - Les règles de bonne gestion sont les suivantes :
- avoir un éventaire exhaustif actualisé ;
- se fixer une stratégie claire et des objectifs précis de valorisation des cessions ;
- répondre aux besoins de logement des personnels en matière de logement, qui constitue un critère d'attractivité parmi d'autres vers le statut de la fonction publique.
Sur le dernier point, je rappellerai qu'une infirmière en début de carrière gagne 1 600 euros bruts mensuels, ce qui la prive de la possibilité de se loger de façon satisfaisante dans une grande ville comme Lyon.
Ces contraintes supposent surtout de faire preuve de rigueur et de méthode, car la matière relative à aux opérations immobilières, impliquant une véritable gestion de projet, est complexe, et emporte des conséquences économiques, financières, juridiques et fiscales.
Concrètement, les contraintes particulières que connaissent tous les opérateurs immobiliers sont en premier lieu des contraintes d'occupation et d'urbanisme. De plus, la question de la levée des contraintes de dons et legs est majeure, et suppose du temps et des efforts pour lever les clauses dont il s'agit.
De plus, les contraintes juridiques sont diverses. Elles tiennent notamment à la nécessité de réunion des différentes instances (Conseil de surveillance, directoire), et à l'avis des Domaines.
Les process sont complexes. Ils consistent en des appels d'offres, des négociations longues à plusieurs tours, l'insertion de clauses diverses dans les promesses de bail ainsi que leur réitération devant notaire.
La maîtrise de l'ensemble de ces démarches complexes suppose en outre des compétences spécifiques, et le temps nécessaire pour les mener à bien.
Lorsque la stratégie est fixée et les contraintes surmontées - ces dernières étant facilitées par un travail collaboratif avec les collectivités locales -, il est possible d'obtenir des résultats.
Ainsi, en 2008, nos opérations de cession et de valorisation du patrimoine (gestion locative et cession) ont produit 8 millions d'euros de résultat net, 18 millions d'euros en 2009, 32 millions d'euros en 2010, et 40 millions d'euros en 2011. En 2012, le résultat attendu est également de 40 millions d'euros.
Le chiffre de 40 millions représente la moitié du financement des investissements que nous réalisons, tandis que le solde est financé par l'autofinancement dégagé.
Les Hospices civils de Lyon sont donc à présent totalement autonomes en termes de financement de leurs investissements. Tel est bien l'un des objectifs d'une politique de valorisation du patrimoine.
Mme Mireille Faugère, directrice générale de l'Assistance publique - Hopitaux de Paris (AP - HP ). - Pour valoriser le patrimoine, il faut le connaître et être très clair sur la politique à mener.
A l'AP-HP, nous avons entrepris à la fois un travail de fond sur le recensement du patrimoine et la mobilisation des acteurs. De plus le partage d'information et de problématique est très important, tant vis-à-vis des instances représentatives du personnel que du directoire et du conseil de surveillance.
S'agissant de la connaissance du patrimoine, le travail commencé en 2010 sera achevé en 2012, de sorte que le recensement sera bientôt complet. Il est important de rappeler que parfois, l'espoir d'aboutir à des chiffres de valorisation élevés n'est pas toujours satisfait.
Quelques règles simples ont été prévues dans la gestion des investissements. Ainsi, la règle selon laquelle il n'est pas possible d'investir en l'absence d'autofinancement significatif, est importante.
L'exemple de l'hôpital européen Georges Pompidou est une réussite en la matière, puisque ce site a été autofinancé par la vente de certains hôpitaux. De même, la maternité de Port-Royal qui sera inaugurée début 2012, sera autofinancée par la vente de l'hôpital Saint-Vincent-de Paul. Enfin, nous avons annoncé la modernisation de l'hôpital Lariboisière, programmée grâce à la vente de l'hôpital Fernand-Vidal.
Il est essentiel de montrer aux personnels mais également aux élus que ces opérations contribuent à la modernisation de l'offre de soins.
Nous avons actuellement un débat sur la meilleure façon de valoriser tout le patrimoine privé par des opérations globales de cession, ou des appartements un à un dans les lieux peu propices au logement des personnels. A cet égard, il est utile de rappeler que l'AP-HP a une politique traditionnelle de logement social, qui connaît aujourd'hui une inflexion pour donner une priorité à des critères professionnels. Nous devons donc parvenir à un équilibre entre critères professionnels et critères sociaux.
Enfin, sur la question du pilotage des politiques, je vous indique qu'à l'AP-HP les problématiques d'investissement, de connaissance et de valorisation du patrimoine ont été regroupées avec la fonction financière au sein d'une même direction pour une meilleure cohérence.
M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur spécial . - Je voudrais remercier la Cour des comptes pour le travail très utile réalisé, qui donne un éclairage tout à fait particulier sur les questions que nous nous posions, à savoir principalement la connaissance du patrimoine des établissements de santé et leurs modalités de gestion.
Ce rapport confirme que la valorisation éventuelle du patrimoine hospitalier non affecté aux soins ne pourrait pas permettre de résorber les déficits. Néanmoins, ceci n'exonère pas les établissements de santé d'avoir une véritable politique en la matière.
Cependant, le problème demeure de savoir quelle instance est compétente, et pour quelles attributions. Le rapport de la Cour des comptes laisse en effet apparaître que le patrimoine est mal connu, mal utilisé, et insuffisamment valorisé. A l'évidence, des marges de progrès sont donc possibles.
Pour entamer le débat, et avant de laisser la parole à mes collègues, je souhaite poser quelques questions.
En premier lieu, quel est le rôle des tutelles et en particulier celui de la DGOS ? On a en effet le sentiment que ces instances ne se sont pas véritablement préoccupées de la connaissance du patrimoine. Madame Podeur nous a exposé qu'il n'était pas du ressort des administrations centrales de se pencher dans le détail sur les questions tenant au patrimoine des établissements de santé, mais si ces administrations ne s'en préoccupent pas, qui le fera ?
De plus, s'agissant de la politique du logement, on se trouve dans un cas d'école. Il a en effet été nécessaire d'attendre vingt-quatre ans pour qu'un décret d'application de la loi de 1986 soit pris, ce texte étant de surcroît suffisamment flou et général pour permettre aux pratiques antérieures de perdurer. Quel est donc le coût de la politique du logement pour les établissements de santé ? J'ai bien entendu les développements de Monsieur Samson sur la rémunération des infirmières et le prix des loyers à Lyon. Mais les infirmières ne sont pas seules dans ce cas. En tant qu'élu parisien, je peux vous citer le cas similaire des éboueurs, qui habitent souvent à plus de cinquante kilomètres et qui sont tenus de se lever à l'aube. Nous avons en outre le même problème de recrutement avec les puéricultrices de crèche, qui ne gagnent même pas 1 600 euros bruts par mois.
Enfin, je m'adresse à l'AP-HP, dont on a le sentiment qu'elle s'est engagée de façon tardive et incomplète dans la valorisation du patrimoine. Cette situation va-t-elle être améliorée ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales . - Je remercie la commission des finances de nous avoir associés au travail de ce jour, ainsi que les divers intervenants pour les éclairages qu'ils ont apportés.
Je retiens la nécessité d'un pilotage national plus marqué et stratégique.
En outre, la Cour des comptes évoque les relations entre les établissements et les collectivités locales : la modification de la composition du nouveau conseil de surveillance issue de la loi « Hôpital, Patients, Santé et Territoires » a-t-elle eu des conséquences en la matière ?
M. Éric Doligé . - Le travail présenté est intéressant, mais intervient sans doute trop tardivement.
Je suis inquiet des termes employés par Madame Podeur (« clarifier », « fiabiliser », « comptabiliser »), et qui se retrouvent effectivement dans le rapport. Si nous gérions de la même manière nos collectivités, nous serions dans une situation pour le moins difficile. Cette reconnaissance de la carence du système est donc assez préoccupante, même s'il est vrai qu'elle était nécessaire.
Le patrimoine public utilisé est-il mieux géré que le patrimoine privé ? Pour donner un exemple de blocage de l'utilisation du patrimoine public, on peut citer les services liés à l'alerte et au Samu, pour lesquels des progrès considérables sont à réaliser. En effet, des structures similaires et faisant double emploi sont construites simultanément, de sorte qu'il sera absolument nécessaire qu'une autorité mette un terme à ce désordre.
En outre la remarque de Monsieur Samson relative aux délais est très pertinente. La Cour des comptes a-t-elle effectué une analyse des coûts de ces délais nécessaires pour solder une opération et surmonter les contraintes juridiques administratives ?
M. Jean Germain . - Je voudrais souligner que l'administration des hôpitaux est une lourde charge. Je suis donc conscient des difficultés rencontrées. Je tiens à remercier Monsieur Samson pour son exposé rapide, qui mettait parfaitement en évidence un certain nombre de sujets quotidiens.
Je reviendrai par conséquent sur ces derniers, plus particulièrement en matière de politique de la ville et du logement.
Ainsi que l'a évoqué Madame Faugère, ce n'est pas en vendant le patrimoine au prix le plus élevé possible que les problèmes du fonctionnement des hôpitaux, de la liaison avec la politique de la ville, et de la proximité avec les citoyens, seront réglés. Les problèmes se posent d'ailleurs dans les mêmes termes pour les hôpitaux, l'armée et les universités.
Par ailleurs, je ressens profondément, comme d'autres collègues, qu'il existe une différence entre Paris, Lyon, Marseille et les autres villes de province.
Mes questions portent donc sur les autres possibilités d'utilisation du patrimoine privé, qui n'aura pas la même valeur comptable selon qu'il sera affecté à une maison des parents, ou à une autre utilisation.
Existe-t-il donc une autre éventualité que celle de vendre le patrimoine privé ? Par ailleurs, il convient de rappeler qu'un bien a parfois été donné dans un but social. Faut-il y renoncer en le vendant ?
Enfin, la liaison avec les collectivités territoriales constitue un sujet important, car celles-ci doivent veiller à l'accessibilité des hôpitaux pour leurs concitoyens. Je m'inscris donc quelque peu en faux contre le principe de la seule valorisation comptable du patrimoine des hôpitaux. Les collectivités territoriales doivent-elles intervenir dans cette politique des établissements hospitaliers ? Il s'agit d'un sujet important touchant à la décentralisation, mais la question mérite d'être posée.
M. Antoine Durrleman . - Nous avons fait deux observations importantes. Tout d'abord, la prise de conscience des enjeux liés au patrimoine, si elle est encore inaboutie, est cependant réelle, aussi bien au niveau des autorités de tutelle nationales et régionales que des établissements.
Ensuite, la gestion patrimoniale pose effectivement des difficultés multiples, dès lors que l'on ne dispose pas des bons éléments d'arbitrage. La question relative à l'optimisation du patrimoine tient avant tout aux choix effectués, qui doivent être éclairés au regard de considérations financières, des perspectives d'utilisation, et d'autres possibilités encore.
Il semble donc que les établissements hospitaliers sont souvent dépourvus des éléments d'arbitrage, ou que de tels arbitrages sont plus implicites qu'explicites.
Par ailleurs, la question des délais dans la reconversion d'un patrimoine, qu'il s'agisse d'une cession ou d'un autre type de reconversion, est très complexe. Elle est liée à des considérations techniques, tenant notamment à la structure des bâtiments anciens ainsi qu'à leur dimension symbolique.
En effet, l'hôpital n'est pas un bâtiment comme un autre dans une collectivité : il s'agit d'un repère dans la cité, ayant une histoire et une valeur sentimentale, de sorte que la reconversion d'un site hospitalier est une question souvent épineuse et particulière. Les débats sur le réemploi d'un bâtiment sont donc tout à fait légitimes. Les stratégies doivent privilégier le dialogue et être discutées suffisamment tôt pour éviter les friches hospitalières.
Mme Annie Podeur . - Monsieur le rapporteur Caffet, vous vous êtes interrogé sur le rôle des tutelles et de la DGOS. Je remercie Monsieur Doligé d'avoir reconnu qu'il fallait bien commencer.
J'ai affirmé très clairement que la stratégie de valorisation du patrimoine a été définie seulement en 2009. En effet, dans les années 2000, toutes les énergies des structures centrales ont été mobilisées par le plan Hôpital 2007. C'est d'ailleurs à cette époque que la mission d'appui national à l'investissement hospitalier a été créée, pour effectuer un suivi des multiples opérations hospitalières existantes.
Le rôle d'une administration centrale est d'impulser, d'outiller et d'évaluer. L'impulsion est la définition d'une stratégie, tandis que la stratégie consiste à améliorer la performance, tout en se donnant les moyens d'une politique de ressources humaines pour les personnels de direction, soignant et technique. Il s'agit de se donner les moyens nécessaires au fonctionnement de l'hôpital vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Antoine Durrleman a rappelé la définition d'une stratégie à l'échelon de chaque établissement en fonction d'un environnement donné, social et urbanistique. Ceci renvoie donc au caractère primordial du dialogue entre les collectivités territoriales et les décideurs, tel qu'évoqué par Julien Samson.
S'agissant de l'évaluation, l'inventaire n'est pas réalisé. Néanmoins, ainsi que je l'ai rappelé, le système d'évaluation a été défini, et sera déployé en 2012. Une telle mesure est certes tardive, mais l'administration centrale gère les priorités et répond aussi à une impulsion politique.
Sur le décret Logement de janvier 2010, les principes sont simples. En vertu de ceux-ci, le logement est alloué par nécessité de service en fonction du parc disponible, une indemnité pouvant éventuellement être attribuée le parc ne répond pas aux attentes.
Les règles ont donc été clarifiées, mais il est nécessaire de se donner de la souplesse sur leur mise en oeuvre. Nous nous situons en effet en période transitoire d'application du décret 2010, qui vient d'être prolongée d'un an.
Mme Mireille Faugère . - Je souhaiterais revenir sur les deux adjectifs employés par Monsieur Caffet, qualifiant de « tardive » et « incomplète » la politique menée par l'AP-HP.
En 2011, nous avons eu un débat sur la politique patrimoniale, dans l'ensemble des instances des douze groupes hospitaliers de l'AP-HP concernés, ce qui constitue une pratique nouvelle. A titre d'exemple, la valorisation de St Vincent de Paul a duré quinze ans. Ce délai n'est pas lié au dynamisme des équipes de l'AP-HP, mais à la nature de la décision prise : faire quitter à ce bâtiment sa fonction hospitalière. Nous devons donc absolument prendre le temps de partager.
Une accélération certaine est désormais à l'oeuvre, elle est nécessaire, la position financière de l'établissement devenant cruciale. Cependant, valoriser ne signifie pas toujours une cession, et il existe d'autres méthodes de valorisation.
En définitive, il n'est plus exact de dire que la politique menée est incomplète, même si le caractère tardif peut constituer un élément de diagnostic à prendre en compte.
M. Jacky Le Menn . - Nous convenons tous du fait que le problème financier des hôpitaux ne sera pas entièrement résolu grâce à la seule valorisation, même efficace, de son patrimoine.
En revanche, je nuancerai un certain nombre de points relatifs à la non-connaissance du patrimoine des hôpitaux.
La tutelle de proximité a toujours connu ce patrimoine. Lorsque, dans le passé, des rénovations sont intervenues, elles ont eu lieu grâce à des ventes immobilières, ce qui atteste de la connaissance assez affinée des tutelles locales des biens concernés, de même que sur l'ensemble du territoire.
Cela étant, dans le cadre de la gestion, il n'existe manifestement pas suffisamment de concentration professionnalisée. Ce point pourrait néanmoins être amélioré au niveau des ARS. Je maintiens cependant que les chefs d'établissements n'ont jamais été seuls face à leur « Dotation non affectée ».
De plus, je me trouve en désaccord avec mon collègue rapporteur de la commission des finances. L'enjeu social est très prégnant au sein des hôpitaux, qui sont actuellement sous forte tension. Il faut reconnaître la désaffection du personnel soignant, et les problèmes de rémunération globale.
Par ailleurs, je rejoins Monsieur Germain sur l'éventualité d'utiliser autrement le patrimoine privé des hôpitaux. Dans le cadre des politiques globales de terrain, des secteurs nécessitent en effet des locaux. Il serait donc indiqué que le patrimoine hospitalier puisse y concourir.
Enfin, Messieurs Durrleman et Germain ont parfaitement rappelé la valeur symbolique de certains hôpitaux, auxquels les élus sont très attachés. En définitive, il n'est pas envisageable de faire une restructuration en coeur de ville sans impact très fort sur l'aménagement urbain. Le ralentissement observé s'explique sans doute ainsi.
M. René-Paul Savary . - Je voudrais évoquer une question technique, mais malgré tout pratique pour les hôpitaux locaux. J'ai un exemple très concret dans mon département de la Marne, où nous avons un groupement hospitalier autour de trois hôpitaux périphériques, et également avec des hôpitaux de l'Aube. Nous travaillons actuellement sur la mise à disposition des communes, dans l'intérêt de la valorisation, de notre étude sur les baux emphytéotiques.
Ce type de bail pourrait permettre de résoudre la valorisation du patrimoine sans qu'une vente n'intervienne.
Je pose donc la question à M. le Président : existe-t-il des mesures juridiques envisageables pour améliorer le dispositif des baux emphytéotiques et utiliser cet outil de valorisation ?
M. Vincent Delahaye . - Je me félicite de cette demande d'enquête car la politique patrimoniale, longtemps sous-estimée, est une question importante pour toute collectivité. Si le caractère tardif de la valorisation a été pointé, je pense cependant que la prise de conscience est réelle. J'ai été membre du Conseil d'administration d'un hôpital, et je peux attester que cette question n'avait jamais été abordée.
Quand je suis devenu maire, j'ai défini une politique patrimoniale à l'échelle de la ville. Aujourd'hui, étant donné la situation de nos hôpitaux, la valorisation du patrimoine hospitalier pourrait au moins permettre de financer les services actuels. Quant aux services nouveaux, j'ignore comment ils pourraient l'être.
Il m'apparaît donc que la valorisation du patrimoine passe par une politique explicite et bien exprimée, car il ne s'agit pas de tout vendre. Je souhaiterais donc qu'une instruction claire de l'autorité de tutelle mette rapidement ce débat à l'ordre du jour.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Je voudrais remercier le Président Antoine Durrleman, car j'ai rencontré exactement le même problème lorsque j'ai entrepris l'analyse du patrimoine de l'Etat et de sa gestion, en ma qualité de rapporteure spéciale du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat ».
La question des arbitrages est en effet essentielle. Ils doivent concerner l'analyse macroéconomique, l'intérêt à vendre et l'usage attribué aux bâtiments. A cet égard, vous aviez raison, Madame Faugère, lorsque vous insistiez sur le fait que la valorisation ne signifiait pas toujours la cession. Or, soit ces arbitrages ne sont pas faits, soit ils ne sont pas clairs.
De plus, je n'ai pas entendu répondre à la question des relations avec France Domaine, qui constitue pourtant l'une des incertitudes juridiques renforcées par la loi HPST. Je souhaiterais donc connaître la nature des relations avec France Domaine, institution semblant à tout le moins en retrait sur la valorisation du patrimoine des hôpitaux. J'ai le sentiment que ces relations ne sont pas satisfaisantes.
M. Antoine Durrleman . - La question du patrimoine immobilier est effectivement une affaire de clarté. Tant que la DNA - c'est-à-dire le budget annexe - est équilibrée, on peut imaginer que l'ensemble ne pèse pas sur la solidarité nationale. En revanche, lorsque la gestion de la DNA est déséquilibrée, c'est-à-dire lorsque les charges d'exploitation sont supérieures aux produits d'exploitation, l'assurance-maladie assurera in fine l'équilibre.
Par ailleurs, la question de la clarté renvoie à celle du bon usage des ressources. Il existe en effet une grande inégalité historique entre les établissements, certains étant bénéficiaires de subventions alors qu'ils possédaient par ailleurs un patrimoine immobilier cessible, tels que des forêts, des vignes et des terrains.
Il semble donc que le mauvais usage des financements publics est un vrai enjeu qui ne concerne pas seulement les établissements.
Enfin, le sujet des baux emphytéotiques est important. Il est vrai qu'un bail emphytéotique n'est pas toujours aisé à monter, mais certains établissements tels que l'AP-HP, en ont la pratique. Cette pratique est ancienne, et elle est antérieure à celle de l'Etat en la matière.
M. Julien Samson . - En premier lieu, pour répondre à la question posée sur le coût des délais, il convient de rappeler que toute opération immobilière de valorisation (location ou cession) génère des délais. Le coût de ceux-ci comporte notamment le gardiennage des locaux vides, la maintenance et de façon générale tous les frais de portage.
S'agissant des legs, la levée des contraintes d'une clause de legs n'est que la poursuite par d'autres moyens de l'objet initial du legs, puisque les bénéfices seront toujours affectés aux investissements hospitaliers. Les recherches d'héritiers effectuées en la matière produisent en tout état de cause des résultats très positifs.
Enfin, au titre des relations avec France Domaine, tout est affaire locale de personnes et de comportements. Les relations en matière de travail collaboratif sont généralement bonnes.
Cela étant, il est exact de mentionner les conséquences des modifications de la loi HPST, puisque ce texte assimile les établissements de santé à des établissements publics locaux, puis à des établissements publics nationaux. Ceci implique, compte tenu des dispositions du Code général des propriétés de l'Etat, l'application directe de certaines contraintes : l'avis obligatoire de France Domaine, le changement d'autorité responsable en matière de permis de construire, etc.
Mais en pratique, quels que soient l'autorité décisionnaire et le rôle de France Domaine, cette dernière ne donne qu'un avis pour éclairer les débats.
Mme Marie-France Beaufils, présidente . - Je retiens de l'échange la nécessité du dialogue et de la concertation, y compris avec l'Etat. Je retiens aussi que « valoriser » ne signifie pas obligatoirement vendre le bien.
J'appuierai enfin la nécessité de conserver les centres hospitaliers en coeur de ville, dans l'intérêt du lien avec les malades et leurs familles.
Je remercie nos invités. Je demande aux commissaires des finances de bien vouloir rester.
La commission autorise la publication de l'enquête de la Cour des comptes ainsi que du compte rendu de la présente audition sous la forme d'un rapport d'information.