D. UNE PRISE DE CONSCIENCE DES ENJEUX FINANCIERS AU PLUS HAUT NIVEAU DE L'ADMINISTRATION
1. Une sensibilisation accrue et bienvenue de tous les acteurs
Depuis 2008, une « culture européenne » s'est diffusée dans les ministères , se traduisant par une prise de conscience et une sensibilisation réelles de l'administration aux enjeux liés à l'application du droit communautaire. On peut citer à cet égard plusieurs circulaires importantes :
- la circulaire du Premier ministre du 27 septembre 2004 relative à la procédure de transposition en droit interne des directives et décisions-cadres négociées au niveau des institutions européennes ;
- le décret n° 2005-1283 du 17 octobre 2005 relatif au comité interministériel sur l'Europe et au Secrétariat général des affaires européennes (SGAE) ;
- la circulaire du Premier ministre du 19 février 2007 sur la gestion des procédures d'infraction et de prévention du contentieux liées à l'application du droit communautaire ;
- la circulaire du Premier ministre du 21 juin 2010 relative à la participation du Parlement national au processus décisionnel européen.
2. Un dispositif de veille spécifique au MEDDTL
Par ailleurs, des dispositifs de veille ont été instaurés au MEDDTL afin de renforcer la rapidité de réaction en cas de précontentieux et de contentieux.
La Direction des affaires juridiques coordonne la transposition des directives, et un bureau dédié assure le suivi des précontentieux et contentieux communautaires dans le domaine de l'environnement.
Au surplus, un suivi hebdomadaire interne de la transposition des directives est notamment réalisé depuis 2008, à travers l'envoi par la Direction des affaires juridiques, au Secrétaire général du ministère, de tableaux de suivi actualisés, mettant en exergue les avancées régulières mais aussi les points de blocage .
Ces tableaux seront peu à peu remplacés par l'outil ISIS, logiciel informatique de suivi de l'ensemble de l'activité normative du MEDDTL.
Enfin, au-delà du relais d'information constitué par le réseau diplomatique auprès des institutions communautaires, le MEDDTL a souscrit à un service de veille communautaire qui répertorie le statut de l'ensemble des textes dans les domaines de l'environnement, du transport et de l'énergie. Avec des mises à jour quotidiennes et des alertes automatiques, il peut être consulté par l'ensemble des directions du ministère.
3. La prise en compte de l'impact budgétaire des contentieux
a) Un rappel des condamnations financières au titre des contentieux environnementaux
Les condamnations de la France pour non transposition, non adaptation ou non application du droit communautaire de l'environnement ont été rares mais coûteuses pour le budget du ministère de l'écologie.
La première condamnation fut la plus importante, avec l'affaire dite des « Poissons sous taille » 13 ( * ) . Le ministère de l'écologie n'avait pas été concerné par la répartition des sommes entre ministères. Cependant, après l'arbitrage du Premier ministre, le budget du ministère chargé de l'équipement, aujourd'hui intégré à celui du ministère de l'écologie, avait payé plus de 2,5 millions d'euros (sur 20 millions) en somme forfaitaire, la même clé de répartition ayant été retenue pour l'astreinte de 57,8 millions d'euros.
La seconde condamnation a résulté du défaut de transposition de la directive 2011/18/CE relative aux OGM, pour un montant de 10 millions d'euros, dont le ministère de l'écologie a supporté 20 %.
b) Une charge supportée par le budget de l'Etat, selon une clé de répartition entre les ministères
En cas de condamnation, le budget de l'Etat supporte l'intégralité de la charge, y compris lorsque certaines situations ne dépendent pas en totalité de son action . La répartition entre ministères est décidée lors d'une réunion interministérielle spécifique, en tenant compte des responsabilités des différents ministères .
Le montant des provisions pour litiges est inscrit globalement dans le « Compte général de l'Etat ». Le SGAE a été désigné en 2006 responsable d'inventaire, du fait de son implication dans le suivi des procédures contentieuses et de son rôle de coordination du travail interministériel pour l'exécution des arrêts de condamnation en manquement prononcés à l'encontre de la France. Il établit donc les travaux d'inventaire des provisions pour litiges en concertation avec l'ensemble des départements ministériels . Cet exercice consiste à apprécier la probabilité et le montant des condamnations pécuniaires sur le stock d'affaires en cours, encourues par l'Etat devant la CJUE, afin d'évaluer le plus raisonnablement possible les provisions à enregistrer au passif du bilan de l'Etat.
Toutefois, la répartition des montants provisionnés entre ministères ne doit pas préjuger de l'imputation budgétaire qui sera décidée in fine dans l'hypothèse d'une condamnation. Elle s'inscrit dans la logique de responsabilisation des ministères dans la mise en oeuvre du droit communautaire , et de prise en compte des efforts accomplis par chacun d'entre eux dans la bonne exécution d'un arrêt en manquement.
c) L'évaluation des provisions pour litiges en 2010
A titre indicatif, la somme de 253,55 millions d'euros a été provisionnée dans le cadre du bilan de clôture 2010, contre 258,14 millions d'euros en 2009.
Plus précisément, le montant des provisions évaluées au titre du risque de condamnation pour défaut d'exécution d'un arrêt en manquement s'élevait à 222,98 millions d'euros en 2010. Deux affaires environnementales étaient concernées à ce titre : la directive sur les eaux résiduaires urbaines et celle sur les décharges non autorisées, pour des montants respectifs de 117,3 millions d'euros et de 61,7 millions d'euros.
En ce qui concerne le risque de condamnation en manquement pour retard de transposition d'une directive, le montant des provisions évaluées s'élevait à 30,58 millions d'euros, dont 21,84 millions d'euros pour une directive relative à l'environnement.
d) La LOLF contribue indirectement à favoriser le respect des obligations communautaires
Le respect des obligations communautaires est facilité par la LOLF car la fongibilité des crédits par nature et destination permet d'affecter des crédits nouveaux à des projets, en cours d'exercice , si ces derniers peuvent exciper d'un lien avec l'exécution des directives.
En ce qui concerne les effectifs, la mécanique des équivalents temps pleins affectés au Grenelle de l'environnement , dégagés par le ministère de l'écologie par redéploiement, a permis de doter en ressources humaines les thèmes du Grenelle liés aux objectifs fixés par les directives dans le domaine de l'eau et de la biodiversité : protection des captages, préparation de l'application de la directive sur la stratégie marine, protection des espèces par exemple.
Enfin, le projet annuel de performances de la mission « Ecologie, développement et aménagement durables » contient des indicateurs de performance relatifs à l'application des objectifs de certaines directives , ce qui permet d'en mesurer plus facilement la réalisation et d'alerter en cas de non-respect des cibles.
Par exemple, le programme 113 « Urbanisme, paysages, eau et biodiversité » contient un indicateur relatif au traitement des eaux usées et à l'implication des agences de l'eau.
De la même façon, un indicateur de performance est relatif à la mise en oeuvre de la directive-cadre sur l'eau . Il correspond au pourcentage de masses d'eau de surface ayant atteint le bon état écologique.
Au-delà de ce panorama général, votre rapporteur spécial a souhaité approfondir deux cas particuliers, emblématiques de la mobilisation des services mais aussi des difficultés rencontrées sur le terrain. Il s'agit, d'une part, des directives relatives à l'eau et, d'autre part, des directives sur la qualité de l'air.
* 13 Voir le rapport n° 342 (2005-2006) de Fabienne Keller : « Changer de méthode ou payer : la France face au droit communautaire de l'environnement ».