3. Les modérateurs de jeu, le choix d'une co-responsabilité de l'opérateur et du joueur
a) Un équilibre fondé sur la co-responsabilité
Lors de l'examen du projet de loi, le choix a été fait d'une co-responsabilité entre les opérateurs, les joueurs et les structures chargés d'expertiser les dispositifs mis en place pour lutter contre l'addiction :
- l'opérateur qui fournit le produit est dans l'obligation de mettre en place des modérateurs de jeu destinés à alerter les joueurs de leur comportement éventuellement excessif (article 26 de la loi du 12 mai 2010) ;
- le joueur qui utilise le jeu doit pouvoir paramétrer lui-même les différents dispositifs de modération et d'autolimitation de jeu qui lui sont proposés ;
- les pouvoirs publics , à travers l'ARJEL, sont chargés d'évaluer, chaque année, les efforts des opérateurs en faveur de la prévention de l'addiction . Les opérateurs doivent, en effet, rendre compte annuellement à l'ARJEL des actions qu'ils ont menées dans ce domaine (article 27 de la loi du 12 mai 2010).
Une autre solution aurait pu consister en une limitation impérative et transversale des comptes joueurs. Cependant, un tel dispositif n'aurait pas forcément constitué un instrument efficace :
- d'une part, le risque d'addiction ou de jeu excessif ne repose pas tant sur le montant de la mise que la fréquence de jeu et de réapprovisionnement du compte joueur ;
- d'autre part, un niveau adéquat de plafonnement des mises est délicat à définir : selon le niveau de revenu du joueur, un même montant maximum d'enjeu se révèlera soit symbolique, soit considérable.
b) Les obligations devant être respectées par les opérateurs
Le chapitre III du décret n° 2010-518 u 19 mai 2010 relatif à la mise à disposition de l'offre de jeux et de paris par les opérateurs agréés de jeux ou de paris en ligne est venu préciser les obligations des opérateurs en matière de modérateurs de jeu.
(1) Les dispositifs d'autolimitation des dépôts et des mises
Dès l'ouverture d'un compte joueur, l'opérateur est, tout d'abord, tenu de demander au joueur d'encadrer sa capacité de jeu par la fixation de limites d'approvisionnement de son compte et d'engagement des mises . Aucune opération de jeu ne peut être réalisée tant que le joueur n'a pas fixé ces limites.
Ces limites s'appliquent, d'une part, au montant cumulé des approvisionnements réalisés par le joueur par périodes de sept jours et, d'autre part, au montant cumulé des mises engagées par le joueur par périodes de sept jours.
Le joueur peut modifier ces limites à tout moment. Cependant, lorsqu'il augmente l'une ou l'autre, la modification prend effet au plus tôt dans un délai de deux jours francs à compter de sa saisie par le joueur. Lorsqu'il diminue l'une ou l'autre, la modification est en revanche d'effet immédiat.
(2) Les dispositifs de reversement des excédents du compte joueur vers le compte bancaire du joueur
Lors de la saisie du code secret, l'opérateur doit également demander au joueur de déterminer un montant au-delà duquel les crédits disponibles inscrits sur son compte joueur sont automatiquement reversés sur son compte de paiement. Aucune opération de jeu ne peut être réalisée tant que le joueur n'a pas déterminé ce montant. Le joueur doit pouvoir en permanence le modifier par un dispositif aisément accessible.
(3) Les procédures d'auto-exclusion
L'opérateur doit, enfin, mettre en permanence à la disposition du joueur un dispositif lui permettant de demander son exclusion du jeu, de manière temporaire ou définitive . Le joueur détermine la durée de son exclusion temporaire, qui ne peut être inférieure à sept jours. L'exclusion définitive du joueur entraîne, quant à elle, la clôture de son compte par l'opérateur. Le joueur ne peut solliciter à nouveau l'ouverture d'un compte avant l'expiration d'un délai de trois ans à compter de cette clôture, délai qui prévaut pour les interdits de jeu.
(4) L'information instantanée sur le solde du compte joueur
Il est à rappeler que l'article 26 de la loi du 12 mai 2010 prévoit, en outre, que l'opérateur communique en permanence à tout joueur fréquentant son site le solde instantané de son compte .
Par ailleurs, en dehors de ces obligations réglementaires, les opérateurs peuvent proposer, à titre facultatif, d'autres modérateurs de jeu.
c) Une mise en oeuvre variable par les opérateurs
L'ARJEL a pu contrôler la mise en oeuvre de ces dispositifs à deux reprises :
- en amont, au moment de la demande d'agrément , l'opérateur doit préciser les mesures qu'il entend mettre en place en matière de « jeu responsable » et de lutte contre le jeu excessif ;
- en aval , les opérateurs ont transmis, dès le début de l'année 2011, à l'ARJEL, comme l'y oblige l'article 27 de la loi du 12 mai 2010 , leur rapport annuel sur leur politique de « jeu responsable » .
Selon l'ARJEL, si l'ensemble des opérateurs respectent leurs obligations légales et réglementaires en la matière, les rapports annuels d'activité mettent en évidence d'importantes disparités entre opérateurs .
Certains opérateurs sont, en effet, allés au delà de leurs obligations légales et réglementaires et d'intéressantes initiatives sont à relever en la matière :
- limitation du montant de chaque mise et de chaque dépôt ;
- mise en place de système d'alertes sur la base de l'historique du compte joueur (récapitulatif des dépôts, des mises, des pertes et des gains) ;
- visualisation du temps de jeu , voire blocage du compte joueur au delà d'une certaine durée ;
- possibilité d'accès à des questionnaires permettant une auto-évaluation du joueur et de son degré de dépendance au jeu.
A contrario , certains joueurs ont fait part de leurs difficultés à comprendre les mécanismes de modération proposés.
Par ailleurs, un biais dans le dispositif est apparu, certains sites proposant des menus déroulants pour le choix des sommes limites que doivent se fixer les joueurs. Or, les sommes proposées sont parfois très importantes et les écarts entre les seuils très grands ce qui ne permet pas au joueur de fixer une limite réellement adaptée à sa capacité financière.