D. DAVANTAGE DE FEMMES DANS LES INSTANCES DE DÉCISION ÉCONOMIQUES ET SOCIALES

La commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes a relevé que si la proportion des femmes sur le marché du travail augmente, elles restent largement sous-représentées au niveau hiérarchique le plus élevé comme dans les instances dirigeantes. C'est à ce titre qu'elle a souhaité présenter à l'Assemblée parlementaire une recommandation et une résolution sur ce sujet.

Mme Gisèle Gautier (Loire-Atlantique - UMP) , rapporteure des textes, a, dans sa présentation, présenté les contours des mesures à mettre en place en vue de répondre à ce défi :

« La nécessité de promouvoir la présence des femmes dans les instances de décision ne concerne pas que la sphère politique. Elle doit aussi viser les secteurs économiques et sociaux, domaines dans lesquels les femmes sont toujours sous-représentées parmi les instances de décision, alors qu'elles participent de manière croissante au monde du travail.

Un constat s'impose : dans les conseils d'administration et de surveillance des entreprises, publiques comme privées, dans les instances dirigeantes des organisations professionnelles et syndicales, dans les organismes consulaires, dans le monde judiciaire, dans les universités également, ces structures demeurent non seulement insuffisamment mixtes, mais trop souvent les femmes sont assujetties à des rôles subalternes et la hiérarchie demeure majoritairement masculine.

Ne parlons pas de la proportion des femmes dans les postes de direction des plus grandes entreprises cotées en bourse, dominées par des hommes : sur 732 de ces entreprises recensées dans 64 pays européens, 3 % sont dirigées par des femmes...

Un large tour d'horizon nous a permis de découvrir que certains pays européens avaient pris des mesures pour enrayer ce phénomène. C'est ainsi que certains pays scandinaves avaient appliqué de façon progressive la politique des quotas - à hauteur de 40 %. Une étude engagée par la suite, et publiée par le patronat - au départ réticent -, a démontré que les entreprises, où l'égalité des chances était assumée, connaissaient une meilleure productivité. L'introduction des quotas n'est pas limitée à ces pays : l'Espagne, la France, l'Islande, la Belgique l'ont également pratiquée, et bientôt le Royaume-Uni va suivre.

Alors quotas ou pas quotas ? Je dois, à cet instant, vous faire un aveu : lorsque la loi sur la parité en politique a été votée en France, en juin 2000, je n'y étais pas favorable, considérant qu'il n'était nul besoin de légiférer puisque nous étions des citoyens responsables. Or, force m'est de constater aujourd'hui que, grâce à cette loi, au Sénat français, alors que les femmes sénatrices dont le nombre stagnait depuis des décennies autour de 6 % en représentent aujourd'hui 24 % !

Notre société évolue, il faut aussi évoluer avec elle. Il importe sans aucun doute de cheminer et de progresser ensemble, hommes et femmes, pour parvenir à changer les mentalités parfois hésitantes, voire frileuses.

Lors de nos discussions en commission, plusieurs collègues ont souhaité que le rapport mette bien l'accent sur les difficultés rencontrées par les femmes dans la conciliation de leur vie privée et de leur vie professionnelle.

On sait combien il est difficile pour les femmes ayant interrompu leur carrière à la suite de la grossesse et de l'allaitement de réintégrer le monde du travail. Par ailleurs, les rythmes de travail conçus par des hommes pour des hommes sont sans doute à repenser...

Il nous appartient également d'inciter les femmes à développer leur plan de carrière, ce qui permet habituellement de se fixer des objectifs à atteindre. Très peu de femmes y pensent.

De plus, le tutorage et le coaching ne font pas souvent partie du vocabulaire féminin : aux femmes de s'en emparer ! Il en est de même du « réseautage » largement utilisé dans les pays anglo-saxons et qui commence à émerger pour les femmes en Europe. Il nous faut encourager l'adhésion des femmes et des hommes clés aux réseaux d'influence pro-genre régionaux, nationaux et internationaux.

On l'aura compris, la clé du succès passe par une prise de conscience collective, par une volonté politique forte pour accompagner en profondeur les changements nécessaires. Afin d'en mesurer les résultats, il nous apparaît indispensable de mettre en place un rapport annuel de statistiques pour un suivi efficace.

En conclusion, les États membres du Conseil de l'Europe doivent se faire un devoir d'adopter les mesures et les actions positives significatives pour obtenir une amélioration de la place des femmes dans les instances de décision. Je reste convaincue que cette forme de discrimination, si elle disparaît, sera, d'une part, favorable à une meilleure gouvernance économique, et d'autre part, offrira aux femmes un déroulement de carrière plus motivant, et surtout plus équitable. »

Dans sa réponse aux intervenants, Mme Gautier a souhaité défendre le concept de quotas, la résolution adoptée par l'Assemblée invitant les États membres à instaurer une obligation pour les entreprises publiques et les grandes entreprises privées de garantir une représentation minimale de 40 % de femmes dans les conseils de direction et d'administration. :

« Les différentes interventions ont montré combien la question des quotas fait l'objet d'approches différentes. C'est normal, après tout, et nous devons l'accepter. C'est ainsi que l'on construit l'avenir. Rappelons-nous, il y a quelques années, comme la parité était encore sujette à débat. Aujourd'hui, elle semble être entrée dans les moeurs.

Dans le débat, un orateur a affirmé que les quotas étaient inefficaces, ajoutant que l'on pourrait imaginer plusieurs types de quotas. Je ne suis personnellement pas opposée à une telle idée. Les États membres ont des possibilités financières très différentes. L'application d'un système de quotas n'est pas toujours possible compte tenu de leur budget. J'ajoute que si un pays accepte le principe de la mise en oeuvre d'un tel système, il peut lisser sa mise en oeuvre dans le temps.

D'autres orateurs ont vigoureusement protesté contre les quotas. Je ne partage évidemment pas leur position. A quoi servirait, pour les jeunes femmes, de faire des études supérieures longues et coûteuses si elles ne peuvent pas bénéficier des mêmes avantages professionnels que leurs collègues masculins titulaires des mêmes diplômes ? Il y a là une véritable discrimination, sans parler de la première discrimination d'un différentiel de salaire au départ, différentiel qui varie selon les pays entre 19 % et 25 %.

Les quotas constituent une idée neuve, qui doit peu à peu germer dans les esprits. J'ai proposé un suivi annuel des pratiques des différents pays pour connaître en temps réel l'évolution de la situation. Sur la nécessité de sensibiliser le public, je suis donc d'accord. Il manque des enquêtes et des études sur les inégalités entre les femmes et les hommes.

Quant à « briser le plafond de verre », expression fort utilisée depuis dix ans, je crois plutôt que nous devons désormais aider les femmes à s'élever au-dessus du « plancher de glue », dans les niveaux supérieurs de responsabilité professionnelle. Une chose est sûre, malgré tous les efforts réalisés dans le passé, le problème persiste.

Les femmes doivent aller de l'avant et oser, c'est exact. Elles doivent savoir développer leurs compétences. Les médias peuvent aider à la valorisation de celles qui ont connu le succès dans leur travail, non pas parce qu'elles sont jolies, comme l'a souligné un orateur, mais en raison de leur valeur propre. Les femmes ont elles aussi le droit d'accéder à des postes supérieurs et à des responsabilités. Les médias doivent relayer cette idée.

Lorsqu'on se rend dans les tribunaux à l'occasion des audiences solennelles, on ne peut que s'attrister du spectacle de toutes ces toges noires portées uniquement par des hommes, les places de greffières étant occupées exclusivement par des femmes. Cette image est blessante pour la femme. Les postes subalternes, encore une fois, sont réservés aux femmes.

Quelqu'un a souligné qu'on ne pouvait imposer des quotas pour tous les métiers. C'est tout à fait exact. Pour des raisons purement physiologiques, les femmes ne peuvent exercer certains d'entre eux.

J'ai essayé de faire le tour des questions posées, mais je crois que l'essentiel a trait aux quotas, à la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle et au partage des tâches. Dans ce dernier domaine, je crois que les nouvelles générations font un peu mieux que les anciennes. Tant mieux ! Il appartient aux familles d'inculquer aux jeunes ces habitudes de partage des tâches.

En conclusion, j'espère que ce rapport suscitera des réflexions et des engagements . »

La résolution adoptée par l'Assemblée parlementaire invite les États membres à prendre rapidement des mesures incitatives destinées à réduire l'écart salarial entre les femmes et les hommes. Le texte prévoit également un encouragement aux initiatives de réseautage de femmes et l'échange de bonnes pratiques dans ce domaine.

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