II. SOUMETTRE LES OPÉRATEURS À LA « TOISE »
La contrainte supportée par l'Etat n'aurait guère de sens si elle ne pesait pas concomitamment sur ses nombreux « satellites », désignés par la LOLF sous le vocable d'opérateurs . En témoigne la tentation que l'Etat a eue - et à laquelle il a occasionnellement cédé ! - de tenir sa propre norme en externalisant des dépenses vers des opérateurs dont les budgets étaient moins contraints. Les dépenses ne sont alors pas minorées mais seulement déplacées dans le champ des administrations publiques, selon une logique de « vases communicants » qui n'a rien de vertueux.
A. UNE CONTRAINTE FORTE SUR L'ENDETTEMENT, MAIS UN ENCADREMENT PLUS DIFFUS DE LA DÉPENSE
La seule disposition de la loi de programmation intéressant les opérateurs concerne l'interdiction qui leur est faite de recourir à l'endettement. S'agissant de l'évolution de leurs effectifs, de leurs dépenses et de leurs ressources, les contours précis d'un encadrement strict restent à tracer.
1. La prohibition de l'endettement des ODAC
L'article 12 de la deuxième loi de programmation des finances publiques édicte une stricte interdiction, pour les organismes divers d'administration centrale (ODAC), de recourir à l'endettement à plus d'un an auprès des établissements de crédits 61 ( * ) . Initialement bornée à la période de programmation, cette interdiction a été pérennisée par amendement de votre commission des finances au projet de loi de programmation.
Pour mémoire, en comptabilité nationale, « les organismes divers d'administration centrale (ODAC) regroupent des organismes auxquels l'Etat a donné une compétence fonctionnelle spécialisée au niveau national . Contrôlés et financés majoritairement par l'Etat, ces organismes ont une activité principalement non marchande » 62 ( * ) . Cette définition, qui englobe environ 800 entités recensées par l'INSEE, recoupe en grande partie 63 ( * ) la notion d'opérateur de l'Etat au sens de la documentation budgétaire. Cette catégorie regroupe, en 2011, 584 entités dont la définition obéit aux critères suivants :
1) « une activité de service public , qui puisse explicitement se rattacher à la mise en oeuvre d'une politique définie par l'Etat et se présenter dans la nomenclature par destination selon le découpage en mission-programme-action » ;
2) « un financement assuré majoritairement par l'Etat , directement sous forme de subventions ou indirectement via des ressources affectées, notamment fiscales » ;
3) « un contrôle direct par l'Etat , qui ne se limite pas à un contrôle économique ou financier mais doit relever de l'exercice d'une tutelle ayant capacité à orienter les décisions stratégiques , que cette faculté s'accompagne ou non de la participation au conseil d'administration » 64 ( * ) .
Selon le « jaune » opérateurs de l'Etat annexé au projet de loi de finances pour 2011, l'endettement des opérateurs atteignait 839,2 millions d'euros au 31 décembre 2009 , dont 348,8 millions de dette à moins de cinq ans, 456,9 millions de dettes supérieures à cinq ans et 33,5 millions de dettes des universités.
La loi de programmation dispose qu'un arrêté conjoint du ministre chargé de l'économie et du ministre chargé du budget établit la liste des organismes auxquels s'applique l'interdiction d'emprunter. Selon les informations dont dispose votre commission des finances, cet arrêté n'a pas été publié à ce jour , dans l'attente de l'actualisation, par l'INSEE de la liste des ODAC rendue nécessaire par le passage des comptes en base 2005. Il semblerait néanmoins que l'exécutif exerce une surveillance assidue afin d'éviter que certains organismes ne profitent du retard dans la parution du texte pour « boucler » en hâte des opérations d'emprunt.
Au demeurant, la règle d'interdiction a d'ores et déjà produit des effets vertueux , en conduisant par exemple à substituer des crédits budgétaires à un emprunt envisagé par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger pour financer des opérations de rénovation immobilière 65 ( * ) .
* 61 Il en résulte que le recours à l'emprunt infra-annuel demeure autorisé, afin de couvrir des besoins de trésorerie, et que les prêts et avances entre administrations, notamment lorsqu'ils sont consentis par le Trésor, demeurent possibles.
* 62 Cette catégorie regroupe notamment les établissements publics à caractère administratif (EPA), ainsi que certains établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) dont les recettes ne couvrent pas 50 % des coûts de production, les autres EPIC étant classés en sociétés.
* 63 Mais en partie seulement : ainsi des agences de l'eau, qui sont opérateurs de l'Etat sans être des ODAC, et des structures de désendettement et de défaisance, qui sont des ODAC mais non des opérateurs.
* 64 Définition du jaune « Opérateurs de l'Etat » annexé au projet de loi de finances pour 2011.
* 65 9,5 millions d'euros de crédits ont été ouverts par la quatrième loi de finances rectificative pour 2010 sur le programme « Rayonnement culturel et scientifique » de la mission « Action extérieure de l'Etat ».