N° 704

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 5 juillet 2011

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la situation des finances sociales en vue de la tenue du débat d' orientation des finances publiques pour 2012 ,

Par M. Alain VASSELLE,

Sénateur,

Rapporteur général.

(1) Cette commission est composée de : Mme Muguette Dini , président ; Mme Isabelle Debré, M. Gilbert Barbier, Mmes Annie David, Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Milon , vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger, Anne-Marie Payet , secrétaires ; Mmes Jacqueline Alquier, Brigitte Bout, Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mme Roselle Cros, M. Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, M. Gérard Dériot, Mme Catherine Deroche, M. Jean Desessard, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Guy Fischer, Mme Samia Ghali, MM. Bruno Gilles, Jacques Gillot, Adrien Giraud, Mme Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, M. Claude Jeannerot, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jacky Le Menn, Mme Valérie Létard, M. Jean-Louis Lorrain, Mme Isabelle Pasquet, M. Louis Pinton, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, MM. René Teulade, Alain Vasselle, François Vendasi, André Villiers.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le débat d'orientation des finances publiques peut parfois donner l'impression d'un exercice rituel sans grande portée, mais il prend place, à nouveau cette année, dans un contexte particulier.

Il intervient en effet à un moment charnière :

- sur un plan économique d'abord : après la récession sans précédent de 2008 et 2009, la reprise apparait aujourd'hui certes encore modeste mais stabilisée, avec une croissance du Pib de 2 % en 2011 et de 2,25 % en 2012 ;

- sur le front des réformes ensuite : après le traitement de la dette sociale et la réforme des retraites fin 2010, les mesures structurelles devraient se poursuivre avec, notamment, la réforme de la dépendance ;

- sur un plan institutionnel enfin : la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011-2014, adoptée le 28 décembre 2010, le programme de stabilité 2011-2014 présenté au Conseil Ecofin, débattu et voté à l'Assemblée nationale et au Sénat fin avril, le projet de révision constitutionnelle en cours de discussion, sont autant de nouveaux éléments qui délimitent le cadre dans lequel se préparent les textes financiers de l'automne prochain.

L'objectif général est bien entendu celui de la réduction des déficits et du rétablissement de l'équilibre des comptes sociaux.

Du fait de la récession sans précédent de 2008-2009, le déficit du régime général, qui était de 10,2 milliards en 2008, a doublé en 2009, à 20,3 milliards, et s'est encore accru en 2010, à 23,9 milliards.

Fort heureusement, pour la première fois, en 2011, on observe un reflux, avec un déficit prévisionnel de 19,5 milliards d'euros. Néanmoins, les perspectives à 2014 laissent encore apparaître un déficit important, proche de 18 milliards, ce qui pose clairement la question de la soutenabilité à moyen terme des comptes sociaux.

La crise explique en grande partie ces évolutions, comme le confirme la Cour des comptes dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, mais elle n'est pas la seule justification au déséquilibre très significatif constaté aujourd'hui.

Par ailleurs, de conjoncturels, les déficits provoqués par la crise deviennent très rapidement structurels : le socle de déficit de 10 milliards que nous connaissions avant la crise a aujourd'hui doublé. Il convient donc d'avoir une approche « structurelle » pour chercher à les résorber.

Dans la perspective du débat sur les orientations des finances publiques et des échéances importantes de l'automne, le présent rapport dresse un état des comptes de la sécurité sociale, fait le point sur les réformes conduites au cours des derniers mois et dégage quelques orientations pour faire face à une situation qui demeure gravement préoccupante.

I. LES COMPTES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE EN 2010 ET 2011 : DES DÉFICITS STABILISÉS À UN NIVEAU RECORD

Après l'épisode récessif sans précédent de 2008-2009, l'exercice 2010 enregistre une nouvelle dégradation des comptes. 2011 amorce un début de réduction des déficits.

A. 2010 : UN DÉFICIT HISTORIQUE

En 2010, le déficit de l'ensemble régime général-fonds de solidarité vieillesse (FSV) atteint 28 milliards d'euros, soit un montant encore jamais atteint, en progression de 4,5 milliards par rapport à 2009. Toutes les branches voient leur situation se dégrader.

Ce solde a triplé en deux ans, comptabilisant au total une aggravation de 18,6 milliards entre 2008 et 2010, dont 13,7 milliards pour le régime général et 4,9 milliards pour le FSV.

Le tableau ci-après en retrace l'évolution.

Soldes par branche du régime général et du FSV
(en milliards d'euros)

2007

2008

2009

2010

Maladie

- 4,6

- 4,4

- 10,6

- 11,6

Vieillesse

- 4,6

- 5,6

- 7,2

- 8,9

Famille

0,2

- 0,3

- 1,8

- 2,7

Accidents du travail

- 0,5

0,2

- 0,7

- 0,7

Total régime général

- 9,5

- 10,2

- 20,3

- 23,9

FSV

0,2

0,8

- 3,2

- 4,1

Total régime général + FSV

- 9,3

- 9,4

- 23,5

- 28,0

1. Une reprise des recettes

Les produits du régime général ont augmenté de 2,3 % en 2010 après s'être contractés de 0,3 % en 2009.

Le début de reprise économique s'est traduit par une croissance de la masse salariale du secteur privé de 2 % , malgré une évolution de l'emploi encore à la baisse (- 0,2 %).

Les cotisations sociales nettes ont en conséquence connu une évolution rapide et même supérieure à celle de la masse salariale, de + 2,6 %, du fait notamment d'une progression beaucoup moins marquée des exonérations de cotisations sociales. La dynamique de ces allégements de cotisations en faveur des bas salaires est en effet très sensible à la situation du marché de l'emploi.

Les produits de CSG ont en revanche connu une croissance moins rapide, de 1,2 %, en particulier liée au recul de la CSG prélevée sur les revenus du capital (- 2,4 %).

Les autres impôts et taxes affectés au régime général ainsi que les transferts ont été très dynamiques, à hauteur respectivement de 7,8 % et 9,5 %. Les premiers ont bénéficié en 2010 de la hausse des prix du tabac intervenue en novembre 2009. Les transferts du FSV à la Cnav ont augmenté de 9,6 % en raison de l'accroissement des cotisations prises en charge au titre du chômage et de l'instauration en juillet 2010 d'une prise en charge des périodes d'arrêt maladie qui a entrainé un transfert supplémentaire de 0,6 milliard d'euros.

2. Des dépenses contenues

Les charges du régime général ont progressé de 3,3 % en 2010, soit au même rythme qu'en 2009 mais d'un peu plus d'un point de moins que les années précédentes : sur la période 2004-2008, les charges nettes du régime général avaient en effet augmenté de 4,5 % par an.

La croissance des dépenses dans le champ de l' Ondam s'est établie à 2,7 % en 2010 , ce qui représente une inflexion notable par rapport à 2009 (3,5 %) et les années antérieures.

L'ensemble des composantes de l'Ondam ont ralenti en 2010, notamment les soins de ville, à 2,8 %, au lieu de 3,2 % en 2009, et les établissements de santé, à 2,0 %, après 3,6 %. Toutefois, le taux optiquement plus bas obtenu sur ce dernier champ - en dépit d'une progression toujours soutenue du volume des séjours hospitaliers - s'explique par la conjonction de deux facteurs : d'une part, une base de dépense plus élevée que prévu sur ce poste en 2009, d'autre part, l'impact modérateur des mises en réserve de crédits décidées courant 2010, pour un montant de 400 millions d'euros au seul titre des établissements de santé.

Au total, l'objectif de dépenses a été respecté pour la première fois depuis 1997, le constat provisoire de l'Ondam 2010 se soldant même par une sous-consommation globale de 400 millions d'euros, dont 300 millions sur les soins de ville, 100 millions sur l'enveloppe médico-sociale et près de 100 millions pour les établissements de santé.

3. Des branches largement déficitaires

Comme en 2009, toutes les branches sont déficitaires ; s'y ajoute le déficit du FSV.


Le déficit le plus important reste celui de la branche maladie , à 11,6 milliards d'euros . Ses recettes ont augmenté de 2,6 %, soit plus fortement que celles des autres branches, grâce, d'une part, au doublement du forfait social, passé de 2 % à 4 %, d'autre part, à la contribution exceptionnelle des organismes complémentaires. Ses charges ont certes été contenues, du fait de la bonne tenue de l'Ondam, mais elles progressent encore d'un peu plus de 3 % en 2010 (3,1 %).


La branche vieillesse enregistre un déficit de 8,9 milliards , en augmentation de 1,7 milliard par rapport à 2009. Il résulte à la fois d'une croissance des recettes très modérée, de 2,2 %, et d'une progression des charges, certes plus faible que les années antérieures, mais encore soutenue, de 3,7 %. La moindre revalorisation des pensions et la diminution du coût des départs en retraite anticipée expliquent pour l'essentiel cette plus faible augmentation des dépenses.


La branche famille voit à nouveau son déficit s'accroître à 2,7 milliards d'euros . Ses recettes n'ont progressé que de 1,3 %, soit moins rapidement que la masse salariale. Si les prestations en faveur de la famille diminuent de 1 %, principalement sous l'effet de la réduction tendancielle de la taille des familles, les prestations légales à destination de la petite enfance continuent de croître, de 2,3 % ; les dépenses de transfert ont augmenté fortement du fait du passage de 70 % à 85 % du taux de compensation des majorations pour enfants au titre du financement du FSV.


La branche AT-MP est également déficitaire avec un solde négatif d'un peu plus de 700 millions d'euros.

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