B. VERS UN ACCORD D'ASSOCIATION EN 2011, ET APRÈS ?
Les relations entre l'Union européenne et l'Ukraine sont régies par un accord de partenariat et de coopération, entré en vigueur en 1998, qui définit le cadre de la coopération dans les principaux domaines de réforme. Des négociations ont été ouvertes en mars 2007 pour conclure un accord d'association , composé d'un volet politique et d'un accord de libre-échange.
L'accord d'association devrait rapprocher considérablement l'Ukraine de l'Union européenne, par le renforcement du dialogue politique, la coopération dans la gestion des crises, l'intégration économique via la convergence règlementaire et les coopérations sectorielles, dans le domaine énergétique par exemple.
Si le paquet politique a été défini lors du Sommet de Paris le 9 septembre 2008, les discussions concernant l'accord de libre-échange, menées séparément, sont restées longtemps bloquées en raison de la situation politique ukrainienne notamment. Aujourd'hui, tant la Commission européenne que l'Ukraine souhaitent que l'accord d'association soit signé avant la fin de l'année 2011 .
1. Vers une signature de l'accord d'association avant la fin 2011
Concernant le volet politique de l'accord d'association ; le consensus au Conseil a été très difficile à trouver. Et aujourd'hui encore, les ukrainiens savent gré à la France, qui exerçait la présidence de l'Union, de cette avancée « qualitative » . Les États membres étant partagés sur la question, il avait été décidé de ne pas offrir de perspective européenne à l'Ukraine contrairement à sa demande. Les négociation sur le contenu de l'accord ont continué en 2009 et sont presque bouclées. Lors des sommets qui ont suivi, le Conseil à veiller à ne pas rouvrir le « paquet politique » adopté au Sommet de Paris.
La Déclaration conjointe prend acte de ce que « le partenariat entre l'Union européenne et l'Ukraine [a] avancé considérablement dans tous les domaines d'intérêt commun : coopération dans la politique étrangère et dans la gestion des crises, coopération économique et énergétique, coopération dans le domaine de la justice, de la liberté et de la sécurité y compris dans la politique des visas, et bien d'autres secteurs ». Le texte indique que « les présidents [Iouchtchenko, Sarkozy et Barroso] , conscients de l'importance stratégique de la relation entre l'Union européenne et l'Ukraine, ont décidé, à l'occasion du sommet de Paris, de donner une impulsion décisive au développement de nos relations. Ils ont reconnu que l'Ukraine, pays européen, partage avec les pays de l'Union européenne une histoire et des valeurs communes. Ils se félicitent que le nouvel accord entre l'Union européenne et l'Ukraine sera un accord d'association, qui laissera la voie ouverte à des développements progressifs supplémentaires dans les relations UE-Ukraine. L'Union européenne prend acte des aspirations européennes de l'Ukraine et se félicite de son choix européen. [...] » La Déclaration commune note aussi que « la mise en place d'une zone de libre-échange complète et approfondie, accompagnée d'une large convergence réglementaire de l'Ukraine vers les normes européennes, contribuera à une intégration graduelle de l'Ukraine au marché intérieur de l'UE ».
Par ailleurs, les présidents «
ont
également décidé de lancer un dialogue sur les visas,
visant à développer les conditions pertinentes, dans la
perspective de long terme d'établir un régime d'exemption de
visas entre l'UE et l'Ukraine
».
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L'accord de libre-échange approfondi et complet (ALEAC) vise à supprimer les barrières douanières entre l'Union européenne et l'Ukraine et à favoriser la reprise de l'acquis communautaire par celle-ci, ce qui implique de sa part de nombreuses et importantes adaptations législatives pour se mettre aux normes européennes. Par cet accord, l'Ukraine démontre qu'elle envisage bel et bien son avenir économique en Europe.
Alors que les négociations avaient pris beaucoup de retard à la fin de l'ère Iouchtchenko, elles ont repris un rythme soutenu depuis l'élection du président Ianoukovitch, voire élevé depuis le début de l'année 2011. Alors que jusque-là elle annonçait la conclusion de l'accord sans se donner les moyens de le faire, la partie ukrainienne semble avoir compris les exigences qu'il requière. C'est la raison pour laquelle les négociateurs de la Commission européenne pensent avec optimisme que l'accord peut être signé avant la fin de l'année. Le dispositif envisagé est même une fin des négociations techniques durant l'été, les points les plus sensibles étant renvoyés aux discussions politiques, à la fin de l'année.
Certains points encore sensibles à ce jour méritent d'être mentionnés. Tandis que l'Union européenne plaide depuis le début pour une libéralisation maximale, l'Ukraine souhaite protéger certains secteurs particulièrement vulnérables, comme l'agriculture ou l'automobile. L'accord devrait autoriser, dans certains domaines, une période de transition dite « raisonnable ».
En premier lieu, la question de la sécurité énergétique et des problèmes de transit du gaz ou du pétrole par le territoire ukrainien. Une garantie de transit pourrait être accordée afin de créer une libre circulation de l'énergie en termes d'exportation et d'importation.
En second lieu, l'agriculture . Si l'Ukraine semble prête aujourd'hui à accepter les propositions européennes sur l'accès au marché agricole (quotas, fin des droits de douane ukrainiens à l'exportation sur les céréales), des difficultés demeurent sur certains produits clés comme le blé, l'huile ou encore les produits laitiers.
Troisièmement, la question du transport routier de marchandises inquiète particulièrement certains États membres comme l'Autriche. L'Ukraine est très concurrentielle pour le transport en camions, alors que ses transporteurs ne sont pas soumis aux mêmes règles que les transporteurs européens. Si ce sujet a d'abord rencontré l'incompréhension de la partie ukrainienne, celle-ci semble avoir évolué et proposerait des accords bilatéraux aux États membres après l'entrée en vigueur de l'ALEAC.
Enfin, une question intéresse particulièrement la France (mais aussi l'Italie et le Portugal), c'est celle des indications géographiques . Il se produit en Ukraine depuis des années des boissons appelées Cognac, Champagne ou Cahors. Non seulement, les Ukrainiens comprennent mal qu'il s'agit d'une usurpation d'appellations d'origine contrôlée, mais de plus, ces vins sont désormais largement distribués et appréciés en Ukraine. Un compromis semble se dessiner, Kiev mettant fin aux usurpations d'indications géographiques en échange de périodes de transition et d'une assistance technique pour mieux vendre leurs produits en Europe. Cependant, ce compromis ne s'appliquera pas au Cahors, utilisé lors des cérémonies orthodoxes en Ukraine. Une solution devra être trouvée à moyen terme.
D'une manière générale, le travail accompli incite à l'optimisme quant à la signature avant la fin de l'année de l'ALEAC . Il s'agit d'un accord ambitieux, le premier du genre. L'expérience montre que tous les problèmes ne seront pas résolus en un jour. Une aide financière de l''Union européenne sera certainement nécessaire et des solutions techniques (phases de transition pour certains secteurs, quotas dégressifs, protocoles d'accord, etc.) devront être trouvées.
2. Quelle perspective européenne pour l'Ukraine ?
Avec la conclusion des négociations de l'ALEAC, c'est la signature de l'accord d'association tout entier qui est envisageable avant la fin de l'année. Commission européenne et Ukraine le souhaitent et la conjoncture s'y prête : la Pologne qui assurera la présidence tournante de l'Union européenne au deuxième semestre 2011 en a fait un des objectifs de son mandat et une majorité d'États membres pense que cet accord contribuera à la stabilisation politique et économique du pays.
A l'issue du sommet Union européenne-Ukraine du 22 novembre 2010, le président ukrainien s'est déclaré « certain » que les négociations sur l'accord d'association aboutiront en 2011. Pour lui, il ne s'agit cependant que d'une étape vers l'adhésion de son pays à l'Union européenne, qualifiée d' « objectif stratégique ». Dans un premier temps, l'Ukraine souhaite obtenir une perspective d'adhésion lors de la signature de l'accord d'association.
La question des perspectives européennes de l'Ukraine divise encore les États membres . Alors qu'à Paris en 2008, le Conseil avait reconnu que l'Ukraine est un pays européen et qu'acte était pris « des aspirations européennes de l'Ukraine » , il n'y a pas de majorité actuellement pour une avancée supplémentaire. La France, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg, l'Autriche et l'Espagne sont opposés à la mention d'une perspective d'adhésion. En revanche, la Suède, le Royaume-Uni et la plupart des nouveaux États membres (Pologne, Lettonie, Lituanie, Hongrie, Slovaquie, Slovénie, République Tchèque) souhaitent que le préambule de l'accord soit plus ambitieux dans la prise en compte des aspirations européennes de l'Ukraine.
Les réticences de certains États tiennent d'abord à l'Ukraine elle-même. L'Union européenne a rappelé que le respect des principes démocratiques, de l'État de droit et des droits de l'Homme était pour elle essentielle. Les récentes évolutions constatées par la Commission devront être infirmées et les réformes annoncées de la Constitution, de la procédure pénale et du secteur gazier devront être menées à terme.
Ces raisons tiennent aussi à l'Union européenne, qui doit d'abord gérer ses propres problèmes : crise dans la zone euro et plans d'aide à la Grèce, l'Irlande, le Portugal ; gestion de la situation politique dans le monde arabe et ses conséquences sur l'espace Schengen ; intégration difficile de la Bulgarie et de la Roumanie ; entrée de la Croatie et négociations avec les Balkans occidentaux...
A ce jour, il n'est pas certain que l'Union européenne soit prête à un nouvel élargissement . Ses capacités d'absorption sont mises à rude épreuve. Et l'Ukraine n'est pas la Croatie : peuplée de 46 millions d'habitants, sa superficie est supérieure à celle de la France. Située entre l'Union européenne et la Russie, et en partie russophone, elle occupe une place stratégique sur l'échiquier énergétique international. Enfin, la question d'un élargissement ne peut être évoquée aujourd'hui sans que soit posée la question de l'adhésion éventuelle de la Turquie.
Les négociateurs ukrainiens font valoir que l'absence de perspective de l'Ukraine sur son avenir européen rend très difficile l'élaboration d'une stratégie de politique intérieure et extérieure et que leur pays a besoin d'un signal fort pour engager les réformes difficiles attendues de lui. A mots couverts, les négociateurs européens partagent ce constat : on demande plus aujourd'hui à l'Ukraine que ce qu'on a demandé à la Pologne pour son adhésion, sans lui offrir les mêmes perspectives.
Une mise en perspective incite à un appel à la patience . La démocratie ukrainienne n'a que vingt ans. Il y a vingt-et-un ans, elle était encore « le grenier à blé » de l'Union soviétique. Depuis la proclamation de l'indépendance le 24 aout 1991, l'évolution de ce pays vers la démocratie mérite le respect de l'Union européenne. Pour sa part, l'Ukraine peut mesurer le chemin parcouru vers l'Union européenne, les coopérations déjà en place et l'immense pas en avant que constitue la signature de l'accord d'association.
Il importe cependant de tenir compte des évolutions récentes de l'Ukraine et d'encourager ses efforts . Si depuis 2008, son ambition européenne n'a jamais été mise en cause, elle n'a pas toujours fait la preuve qu'elle voulait se donner les moyens d'entrer dans l'Union européenne jusqu'à récemment. Mais le programme de réformes adoptées ou en cours, l'adoption du plan d'action sur les visas et les évolutions rapides des négociations de l'ALEAC sont autant de signes que l'Ukraine semble aujourd'hui prête aux efforts importants que nécessite une perspective européenne .
L'article 49 sur Traité sur l'Union européenne définit clairement les critères conférant le statut de pays candidat à l'adhésion :
- des critères politiques: la stabilité des institutions doit garantir la démocratie, l'État de droit, les droits de l'homme ainsi que le respect et la protection des minorités;
- des critères économiques: l'existence d'une économie de marché viable, la capacité à faire face à la pression de la concurrence et aux forces du marché à l'intérieur de l'UE;
- la capacité à assumer les obligations d'État membre, découlant du droit et des politiques de l'UE (ou acquis communautaire), y compris l'adhésion aux objectifs de l'Union politique, économique et monétaire.
Votre rapporteur considère que l'Ukraine ne remplit pas encore les conditions d'une perspective d'adhésion. Néanmoins il propose que la Commission européenne, dans la continuité du dialogue instauré pour l'adoption de l'accord d'association, s'engage à travailler avec l'Ukraine afin de lui permettre de satisfaire aux critères lui permettant de prétendre, le moment venu, au statut de pays candidat à l'adhésion.