II. LES RELATIONS ENTRE L'UNION EUROPÉENNE ET LA RUSSIE N'ONT GUÈRE PROGRESSÉ CES DERNIÈRES ANNÉES

Malgré un contexte beaucoup plus favorable qu'il y a quatre ans, le sentiment qui domine est que les relations entre l'Union européenne et la Russie n'ont guère progressé ces dernières années.

Certes, ces relations ont connu certaines avancées, comme le lancement des négociations sur un nouvel accord de partenariat, qui remplacerait l'actuel accord de partenariat et de coopération, ou encore l'adoption du « Partenariat pour la modernisation ».

Mais, dans l'ensemble, les relations entre l'Union européenne et la Russie n'ont pas beaucoup évolué depuis 2007.

A. DES AVANCÉES LIMITÉES

1. Le lancement des négociations sur le nouvel accord de partenariat

Les relations entre l'Union européenne et la Russie restent aujourd'hui fondées sur un accord de partenariat et de coopération , signé en 1994 et entré en vigueur en 1997, pour une période initiale de dix ans, mais qui est reconduit d'année en année.

Comme je l'avais indiqué dans mon précédent rapport, le bilan de cet accord de partenariat et de coopération apparaît mitigé.

L'accord de partenariat et de coopérationentre l'Union européenne et la Russie : un bilan mitigé

Acte fondateur des relations entre l'Union européenne et la Russie, l'Accord de partenariat et de coopération a été signé en juin 1994 et est entré en vigueur le 1 er décembre 1997, pour une période initiale de dix ans.

Ce volumineux document de 178 pages constitue le fondement juridique qui régit actuellement les relations entre l'Union européenne et la Russie.

Ainsi, l'accord institue un cadre pour le dialogue politique .

Ce cadre institutionnel comprend notamment :

- un Sommet qui réunit, deux fois par an, le Président de la Fédération de Russie, ainsi que, depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le Président du Conseil européen, le Président de la Commission européenne, ainsi que le Haut Représentant pour la politique étrangère et la politique de sécurité, et qui est chargé de définir les orientations stratégiques du partenariat ;

- un Conseil de coopération, rebaptisé en 2003 « Conseil de partenariat permanent », qui réunit, aussi souvent que nécessaire et en différentes formations, les ministres des pays de la « troïka » (c'est-à-dire le ministre du pays exerçant la présidence de l'Union européenne et le ministre du pays exerçant la présidence suivante) ainsi que le commissaire européen compétent et le ministre de la Fédération de Russie et qui est chargé d'examiner l'ensemble des questions relatives à l'application de l'accord ainsi que tous les sujets d'intérêt commun ;

- des réunions régulières sont également organisées entre les directeurs politiques des pays de la « troïka », des représentants de la Commission européenne, du Secrétariat général du Conseil et du ministère russe des Affaires étrangères pour évoquer les sujets de politique internationale ;

- des comités de coopération et des sous-comités au niveau des hauts fonctionnaires ainsi que des groupes d'experts, peuvent aussi se réunir pour approfondir des sujets spécifiques ;

- enfin, une coopération au niveau parlementaire est également prévue avec une commission conjointe réunissant des représentants du Parlement européen et du parlement de la Fédération de Russie.

Si l'accord de partenariat et de coopération a pour objectif de renforcer la coopération dans les domaines politiques, économiques et culturels, c'est toutefois l'approche économique qui y est privilégiée.

L'accord vise, en effet, à la promotion du commerce et à l'amélioration de la qualité de l'environnement pour les investissements avec pour finalité une intensification des relations économiques entre l'Union européenne et la Russie. A terme, l'objectif est d'instaurer une zone de libre échange entre la Communauté et la Russie, l'accession de la Russie à l'Organisation mondiale du commerce étant toutefois considérée comme un préalable.

Ainsi, en matière commerciale, la Russie bénéficie de la clause de la « nation la plus favorisée » et de la suppression de la plupart des restrictions quantitatives aux importations, à l'exception de certains secteurs comme l'agriculture, l'acier et les matières nucléaires, qui doivent donner lieu à la conclusion d'accords spécifiques.

Outre le champ économique, d'autres domaines de coopération sont également prévus, notamment en matière de transport, d'éducation, de recherche, de culture, d'environnement ou encore de lutte contre la criminalité.

Plus de dix ans après son entrée en vigueur, le bilan de l'accord de partenariat et de coopération apparaît mitigé.

Certes, cet accord a eu des résultats satisfaisants, notamment en matière commerciale. Il a incité la Russie à rapprocher sa législation avec celle de l'Union européenne en matière de normes et de certifications, de droit de la concurrence, ou encore en matière de protection de la propriété intellectuelle. Dans ces domaines, l'accord a permis de réelles avancées. En novembre 2002, l'Union européenne a d'ailleurs reconnu à la Russie le statut d'économie de marché. Toutefois, cet accord n'a pas permis de résoudre toutes les difficultés.

Le dialogue politique a ainsi montré ses limites. Le Sommet Union européenne-Russie s'est tenu avec régularité deux fois par an, mais il n'a pas réussi véritablement à donner les impulsions nécessaires pour renforcer les relations entre les deux partenaires. Au contraire, la volonté des présidences successives de l'Union européenne d'afficher des résultats à tout prix a souvent provoqué des tensions inutiles.

Pour sa part, le Conseil de partenariat permanent ne s'est réuni que dans trois formations (Affaires étrangères, Justice et Affaires intérieures et Énergie) et il n'a pas permis d'entrer dans des discussions plus approfondies.

Mais c'est surtout au niveau technique que l'accord s'est révélé décevant. Ainsi, depuis 2003, aucune réunion ne s'est tenue au niveau des groupes d'experts, à l'exception du groupe sur les affaires douanières, et il en a été de même, depuis 2004, pour les comités de coopération.

Le mécanisme de règlement des différends n'a pas fonctionné de manière satisfaisante . La plupart des différends commerciaux (comme la question des droits de survol de la Sibérie par exemple) se sont réglés non pas dans le cadre de cette procédure, mais de manière autonome.

Surtout, l'accord apparaît daté car, depuis 1994, tant l'Union européenne que la Russie ont beaucoup évolué . Ainsi, l'accord de partenariat et de coopération a été signé à un moment où l'Union européenne ne comptait que douze États membres et où elle n'avait pas encore développé certaines politiques, notamment en matière de politique étrangère et de défense ou dans le domaine de la Justice et des Affaires intérieures.

La relation entre l'Union européenne et la Russie s'est d'ailleurs enrichie d'une nouvelle dimension. En effet, lors du Sommet de Saint-Pétersbourg, de mai 2003, l'Union européenne et la Russie ont décidé d'établir quatre « espaces communs » : un « espace économique commun » ; un « espace commun de liberté, de sécurité et de justice » ; un « espace commun de coopération dans le domaine de la sécurité extérieure » ; un « espace commun de recherche et d'éducation, incluant les aspects culturels ». Or, ces aspects ne sont pas pris en compte par l'accord de partenariat et de coopération.

Plus fondamentalement, on peut se demander si le maigre bilan de l'accord ne résulte pas de son ambiguïté originelle .

En effet, cet accord revêt une forme singulière dans la mesure où il ne peut être assimilé, ni aux accords d'association négociés avec les pays candidats, ni aux accords d'association partenariale signés avec les pays de la rive Sud de la Méditerranée.

Négocié dans l'urgence par la Commission européenne et avec déjà des approches divergentes entre les États membres, l'accord avec la Russie fut d'abord défini par opposition aux accords signés avec les pays d'Europe centrale, tout en reproduisant paradoxalement le même schéma.

De plus, les attentes des deux partenaires à l'égard de l'accord n'étaient pas identiques, dans la mesure où l'Union européenne était surtout attachée à la stabilité du continent et à favoriser la transition en Russie vers la démocratie et l'économie de marché, tandis que celle-ci attendait une véritable intégration économique. Dès lors, il n'est pas surprenant que cet accord ait donné lieu à des désillusions réciproques.

Bien qu'il était prévu que cet accord arrive à échéance fin 2007, il a été convenu de le renouveler automatiquement d'année en année jusqu'à ce qu'il soit remplacé par un nouvel accord.

La réflexion sur l'élaboration d'un nouvel accord, qui remplacerait l'accord de partenariat et de coopération, a commencé dès 2005.

Toutefois, l'adoption du mandat de négociation en vue de l'élaboration de ce nouvel accord a été bloqué jusqu'en mai 2008, d'abord par la Pologne, puis par la Lituanie. Ainsi, le Sommet d'Helsinki du 24 novembre 2006 devait marquer le lancement officiel des négociations sur le nouvel accord. Toutefois, la Pologne avait opposé son veto au mandat de négociations proposé par la Commission européenne, en raison de l'embargo russe sur la viande et les végétaux en provenance de son territoire et du refus de la Russie de ratifier le traité sur la Charte de l'énergie.

Malgré la levée du veto polonais, la Lituanie, s'était à son tour opposée au lancement des négociations sur le nouvel accord, à cause notamment des conséquences des crises gazières entre la Russie et l'Ukraine et entre la Russie et la Biélorussie.

Après la levée du veto polonais puis lituanien, le lancement des négociations sur le nouvel accord a été annoncé lors du Sommet Union européenne-Russie de Khanty-Mansijk du 27 juin 2008.

La première session de négociation s'est déroulée en juillet 2008 dans une ambiance « positive et constructive », au cours de laquelle les deux parties sont parvenues à un accord sur le champ d'application et la structure des négociations et sont convenues de créer quatre groupes de travail mixtes correspondants aux quatre « espaces communs ».

A la suite du conflit russo-géorgien d'août 2008, sous présidence française de l'Union européenne, la deuxième session, initialement prévue en septembre, a été reportée lors du Conseil européen extraordinaire du 1 er septembre, et « suspendue » tant que le retrait des troupes russes sur leurs positions antérieures à celles du 7 août n'aurait pas été réalisé. Compte tenu des progrès réalisés sur ce dossier, les négociations ont repris lors du Sommet Union européenne-Russie de Nice du 14 novembre 2008.

A ce jour, douze sessions de négociations ont eu lieu. Cependant, depuis le lancement des négociations sur le nouvel accord en juin 2008, les discussions piétinent.

Ce constat a d'ailleurs été partagé lors de mes entretiens à Bruxelles par les deux principaux négociateurs, pour la partie européenne, le Secrétaire général du service européen pour l'action extérieure, M. Pierre Vimont, et, pour la partie russe, le représentant de la Russie auprès de l'Union européenne, Son Exc. M. Vladimir Chizhov.

Il existe, en effet, une divergence fondamentale d'approche entre l'Union européenne et la Russie en ce qui concerne ce nouvel accord. L'Union européenne souhaiterait parvenir à un accord global (incluant un volet énergétique) et contraignant (reprise de l'acquis communautaire), alors que la Russie privilégie un accord succinct, centré sur les principes, complété ultérieurement par des accords sectoriels.

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