2. L'élection de Dimitri Medvedev à la présidence de la Russie et l'accent mis sur la modernisation

Après la disparition de l'URSS en 1991, la Russie avait été confrontée dans les années 1990, sous la présidence de Boris Eltsine, à une situation anarchique, à un effondrement de l'économie, à un véritable « pillage » de ses ressources et à une déliquescence de l'État.

Depuis 2000, date à laquelle il a succédé à Boris Eltsine à la tête de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine s'est employé à restaurer l'autorité de l'État, tant à l'intérieur, qu'à l'extérieur, en renforçant la « verticale du pouvoir » et la « dictature de la loi ».

Ce renforcement du pouvoir et du rôle de l'Etat a alimenté un débat sur l'évolution du régime : faut-il parler d'une restauration de l'autorité de l'Etat ou bien, comme certains commentateurs, d'une dérive plébiscitaire, voire autoritaire du régime ?

La Constitution russe interdisant au Président de la Fédération d'exercer plus de deux mandats consécutifs, Vladimir Poutine ne pouvait se représenter et il s'était toujours refusé à réviser la Constitution pour obtenir la possibilité de briguer un troisième mandat, bien que disposant d'une forte popularité et de la majorité qualifiée nécessaire au Parlement.

Le 10 décembre 2007, Vladimir Poutine a donc désigné son successeur en la personne de Dimitri Medvedev, l'un de ses proches, originaire comme lui de Saint-Pétersbourg, ancien professeur de droit romain, président du Conseil d'administration de Gazprom et premier Vice-Premier ministre.

Celui-ci a été élu sans difficulté lors des élections du 2 mars 2008, avec plus de 70 % des voix et un niveau de participation suffisant (67,7%) pour valider cette élection dès le 1 er tour. Dès le lendemain de son investiture, le 7 mai 2008, Dimitri Medvedev a désigné Vladimir Poutine au poste de Premier ministre.

Plus de trois ans après l'arrivée au pouvoir de Dimitri Medvedev, le tandem Medvedev-Poutine fonctionne toujours et ne semble pas avoir connu d'accroc majeur.

Le Président Dimitri Medvedev semble incarner la « face moderne » du régime, en mettant en avant dans ses discours la nécessaire « modernisation » de la Russie, devenue le nouveau slogan des autorités russes, et en se montrant beaucoup plus ouvert à l'égard des Etats-Unis et de l'Union européenne.

Cependant, l'essentiel du pouvoir semble se concentrer dans les mains du Premier ministre Vladimir Poutine, qui jouit d'une très grande popularité dans l'opinion et qui peut s'appuyer notamment sur les structures de force.

A l'approche des prochaines élections présidentielles russes, qui devraient se tenir en mars 2012, de nombreux observateurs spéculent sur une candidature de Vladimir Poutine à un troisième mandat à la tête de l'Etat et sur une éventuelle compétition entre Dimitri Medvedev et Vladimir Poutine, en particulier depuis leurs déclarations de l'automne 2009.

On peut toutefois penser que, dans toutes les hypothèses, Vladimir Poutine continuera de jouer un rôle clé.

Vladimir Poutine paraît représenter aujourd'hui aux yeux des Russes, volontairement ou malgré lui, la figure d'un « leader national », ayant permis de restaurer l'autorité de l'Etat, y compris au travers des manifestations d'autorité dont il a fait preuve, de redresser l'économie russe et de retrouver à la Russie son rang sur la scène internationale.

Force est de constater que la personnalité de Vladimir Poutine continue d'alimenter les interrogations sur l'évolution de la Russie vers les valeurs démocratiques occidentales ou, à l'inverse, vers la restauration de pratiques autoritaires 5 ( * ) .

Les institutions de la Fédération de Russie

La Constitution de la Fédération de Russie a été adoptée par référendum le 12 décembre 1993. Conformément à celle-ci, la Russie est un Etat fédéral qui repose sur une séparation des pouvoirs, législatif et exécutif, tant à l'échelon fédéral, qu'à l'échelon local. La Fédération de Russie compte actuellement 83 « sujets ».

Tant dans les textes que dans la pratique, le président de la Fédération dispose de larges pouvoirs. Il est élu au suffrage universel direct au scrutin majoritaire à deux tours pour un mandat de quatre ans, renouvelable une fois. Par une révision constitutionnelle, le mandat présidentiel a été prolongé à six ans à compter des prochaines élections.

Au sommet de la hiérarchie du pouvoir, il dirige la politique intérieure et extérieure, contrôle l'action du gouvernement et détient un pouvoir d'initiative législative. Il a à sa disposition l'administration présidentielle forte de plusieurs milliers de fonctionnaires à Moscou et dans les capitales des sept districts fédéraux. Il préside également le Conseil d'Etat, ainsi que le conseil du Service fédéral de sécurité (FSB). Il est en outre le chef du Conseil national de sécurité et le chef des armées.

Le président de la Fédération nomme le Premier ministre, « président du gouvernement » selon la dénomination officielle, nomination qui doit ensuite être approuvée par la majorité des députés. Au troisième rejet du candidat du président de la Fédération, ce dernier peut dissoudre la Douma. Il dispose en effet d'importantes prérogatives par rapport à celle-ci, en particulier du droit de veto et de dissolution.

Le président de la Fédération dispose également de moyens d'action dans le domaine législatif. Il peut adopter des décrets et des ordonnances. La décision de la Cour constitutionnelle du 30 avril 1996 lui reconnaît le droit d'adopter des décrets dans des matières devant faire l'objet d'une loi, mais seulement à titre provisoire, pour combler un vide législatif.

Le président de la Fédération lui-même ne peut être destitué que par un vote à la majorité des deux tiers dans chaque chambre et après une procédure longue et complexe qui associe notamment la Cour suprême et la Cour constitutionnelle fédérale.

Le gouvernement de la Fédération de Russie est composé du Premier ministre et des vice-Premiers ministres, des ministres fédéraux et des vice-ministres. Le Premier ministre est responsable devant la Douma d'Etat. Le gouvernement exerce le pouvoir exécutif, mais son action est placée sous le contrôle du président de la Fédération. L'article 113 de la Constitution précise que le Premier ministre détermine les orientations fondamentales de l'activité du gouvernement et coordonne l'activité des organes fédéraux, mais il doit le faire « conformément à la Constitution de la Fédération de Russie, aux lois fédérales et aux décrets du président de la Fédération de Russie ».

Le parlement russe est une Assemblée fédérale bicamérale composée du Conseil de la Fédération (chambre haute) et de la Douma d'Etat (chambre basse).

Les lois sont adoptées par l'Assemblée fédérale. Un projet de loi doit d'abord obtenir la majorité des votes des députés, puis être approuvé par la majorité au Conseil de la Fédération et enfin être promulgué par le président de la Fédération. Un projet de loi du Conseil de la Fédération peut être rejeté à la majorité des deux tiers de la Douma. Le rejet d'un projet de loi du président de la Fédération peut être obtenu à la majorité des deux tiers des deux chambres.

La Douma d'Etat, composée de 450 membres, était élue jusqu'aux dernières élections législatives au suffrage universel direct selon un scrutin mixte, pour moitié avec un scrutin de liste à la proportionnelle, pour moitié avec un scrutin uninominal de circonscription. Le mandat des députés est de quatre ans. La loi électorale a été modifiée le 15 avril 2005. Les dernières élections législatives de décembre 2007 ont été les premières à appliquer un scrutin purement proportionnel, avec un nouveau seuil minimal porté à 7 % et sans possibilité de constituer des coalitions ni de modifier en cours de législature le nom et la composition des groupes parlementaires.

Le Conseil de la Fédération est la chambre haute du Parlement. Elle représente les sujets de la Fédération. Elle comprend deux représentants par sujet, l'un de l'exécutif, l'autre de l'organe législatif.

Selon la Constitution, le rôle du Conseil de la Fédération est de contrôler l'action des autorités fédérales, et, en particulier, celle du président. Les réformes entreprises depuis l'arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir en 2000 ont modifié la composition et le mode de désignation des représentants au Conseil de la Fédération : Depuis 2004, les gouverneurs des régions et les présidents des républiques ne sont plus élus au suffrage universel direct mais désignés. Une nouvelle loi fédérale modifie, à compter du 1er janvier 2011, la composition du Conseil de la Fédération. La principale nouveauté tient à l'obligation pour les membres de la chambre haute de disposer au moment de leur nomination d'un mandat électif local.

Sur proposition de Vladimir Poutine, un nouvel organe consultatif a été créé en 2005 : la Chambre sociale. Celle-ci est composée de 126 représentants « non partisans » issus des organisations non gouvernementales de dimension fédérale et régionale. Elle constitue une sorte de Conseil économique et social.

Depuis les années 1990, le système judiciaire russe est en constante évolution. Les réformes judiciaires ont conduit à une spécialisation plus poussée des tribunaux par la création de nouvelles instances ou de sections spécialisées au sein des tribunaux existants. Elles se sont également traduites par l'adoption de nouveaux codes -fiscal, civil, du travail et de procédure pénale.

La Cour constitutionnelle est composée de 19 juges désignés par le président et approuvés par le Conseil de la Fédération. Elle veille à la constitutionnalité des actes normatifs et des traités, au respect des droits constitutionnels des citoyens et peut interpréter la Constitution. Elle résout les conflits de compétence entre organes.

La Cour suprême de la Fédération de Russie est la plus haute instance du système judiciaire pour tous les tribunaux de compétence générale, tant civils que militaires. Les juges de ces tribunaux sont également désignés par le président de la Fédération et approuvés par le Conseil de la Fédération de Russie.

La Haute Cour d'arbitrage est la juridiction la plus élevée pour le règlement des litiges commerciaux entre personnes morales, et entre des personnes morales et l'Etat.

Le procureur général, chef de la Prokuratura, est également nommé par le Conseil de la Fédération sur proposition du président de la Fédération.

A la suite de la fusion de plusieurs entités, la Fédération comprend 83 « sujets » relevant de six statuts différents, dont 21 républiques, 9 territoires (kraï), 46 régions (oblast), 2 villes à statut fédéral (Moscou et Saint-Pétersbourg), 6 districts autonomes (okrug).

Le décret présidentiel du 13 mai 2000 a institué 7 nouveaux districts fédéraux -Moscou, Saint-Pétersbourg, Rostov, Nijni Novgorod, Ekaterinbourg, Novossibirsk et Khabarovsk- couvrant l'ensemble du territoire de la Fédération, dirigés par un représentant plénipotentiaire du Président (Polpred). Dotés de larges prérogatives, ces représentants sont chargés de mettre en conformité les législations des « sujets » de la Fédération avec le droit fédéral, mais également de superviser et de contrôler l'action des gouverneurs. Ils disposent d'une administration propre.

Au niveau de chaque sujet de la Fédération, il existe des organes législatifs et exécutifs. Le pouvoir exécutif est exercé par une administration régionale, dit « gouvernement régional », qui comprend différents ministères régionaux. Le pouvoir législatif revient à une Douma régionale, mais les lois régionales ne peuvent pas contredire les lois adoptées au niveau fédéral.

Dans les villes de taille importante, il existe une Douma municipale (un conseil municipal) qui prend toutes les décisions locales ou une Assemblée au niveau des arrondissements.


* 5 Voir à ce sujet l'audition de Son Exc. M. Jean de Gliniasty, ambassadeur de France en Russie, devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, le 18 octobre 2010.

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