III. EN ALLEMAGNE, UN NIVEAU NÉCESSAIREMENT ÉLEVÉ D'IMPORTATIONS
Si le niveau des exportations allemandes est particulièrement élevé, celui des importations l'est aussi.
Cette caractéristique est, en même temps qu'un choix, une nécessité pour « équilibrer » le régime de croissance allemand.
A. UN NIVEAU ÉLEVÉ D'IMPORTATIONS EN ALLEMAGNE
Singulière par le niveau de ses exportations, l'Allemagne l'est également par celui de ses importations.
L'Allemagne importe près de deux fois plus que la France (805,8 milliards d'euros en 2008 contre 486,5 milliards d'euros).
Exprimées en points de PIB, les importations allemandes représentent 32,5 % du PIB en 2008 contre 24,9 % pour la France.
Entre 2000 et 2008, les importations allemandes en valeur ont augmenté de 29,6 % contre une croissance de 32,6 % en France.
Évolution des importations de l'Allemagne et de
la France (2000-2008)
(en milliards d'euros)
(1) UE à 27 Source : Eurostat
Le différentiel entre les deux pays est d'autant plus modéré qu'au cours de cette période, la croissance ayant été plus élevée en France qu'en Allemagne, cette situation aurait dû s'accompagner d'une évolution nettement plus rapide qu'en Allemagne des importations en France.
Cette énigme s'explique par le rôle joué par les importations allemandes - v. plus loin - qui conduit à estimer que, derrière le même mot, se cachent deux réalités bien distinctes.
Pour les deux pays, les importations sont majoritairement issues de l'Europe elle-même.
Mais, la part des importations intra-européennes de la France est plus élevée (68,1 % contre 63,6 %) et en légère augmentation (+ 1,1 point).
En valeur, l'Allemagne importe toutefois deux fois plus que la France des pays extérieurs à l'Europe à 27.
Le différentiel des dynamiques d'importation n'est pas la cause principale de l'augmentation de l'écart existant entre les deux pays sous l'angle du taux de couverture des importations par les exportations, mais s'est ajouté à celui des exportations pour augmenter cet écart.
Taux de couverture des importations par les exportations
2000 |
2008 |
Variation 2000-2008 |
|
Allemagne |
111 |
130 |
+ 19 |
France |
97,4 |
86,1 |
- 11,3 |
C'est sur des dimensions plus qualitatives que les deux pays diffèrent sous l'angle du régime de leurs importations.
B. DES IMPORTATIONS CORRESPONDANT À UN CHOIX INDUSTRIEL : L'EXTERNALISATION DES PROCESSUS DE PRODUCTION
Le fractionnement de la production - en lien avec le passage d'entreprises intégrées à des entreprises en réseau - semble avoir été pratiqué avec un grand systématisme en Allemagne. Celle-ci recourt de plus en plus à des importations de consommations intermédiaires, provenant, qui plus est, de manière croissante de pays à coûts salariaux relativement bas. Dans ce mécano industriel, qui démontre que l'Allemagne joue pleinement le jeu de la nouvelle division internationale du travail, l'intégration avec les PECO occupe une place singulière.
1. Une externalisation particulièrement poussée en Allemagne
Les coûts salariaux, directement supportés par les entreprises ne sont pas les seuls coûts nécessaires à leur production. S'y ajoutent dans des proportions qui varient selon les branches, les coûts des consommations intermédiaires 37 ( * ) .
Dans l'industrie, les consommations intermédiaires peuvent parfois excéder les coûts salariaux de sorte que l'analyse comparée de la compétitivité des firmes suppose d'étudier autant ce poste que les charges salariales.
Cette étude est d'autant plus indispensable que l'économie contemporaine est caractérisée par un processus de fractionnement de la chaîne de production qui aboutit à augmenter les consommations intermédiaires des entreprises. Des productions auparavant effectuées au sein des entreprises sont externalisées par elles dans le but d'optimiser leur productivité. Le processus consiste à se fournir auprès d'entreprises extérieures, qui peuvent, ou non, appartenir à un même groupe afin de bénéficier d'économies de coûts.
En outre, cette externalisation s'accompagne de plus en plus d'un recours à des entreprises situées en dehors du territoire où réside la firme qui la pratique.
Les données disponibles montrent qu' environ la moitié des importations totales de biens manufacturés est constitué de biens intermédiaires.
On mesure ainsi l'importance des importations destinées à des productions dans l'importation de biens manufacturés.
Source : Bulletin de la Banque de France
n° 173 Mai-Juin 2008
Eurostat-Comext, calculs de l'auteur
Leur importance diffère selon les pays et l'Allemagne arrive en tête du classement des pays ici envisagés .
Autour de 57 % de ses importations de biens manufacturés sont consacrés à la production nationale. Pour la France, l'ordre de grandeur est de 51 % tandis qu'au Royaume-Uni, les importations de biens manufacturés sont majoritairement destinées à satisfaire directement la demande domestique. Seules 44 % d'entre elles entrent dans le processus de production national.
Si la France et l'Allemagne ne sont pas très éloignées l'une de l'autre sous l'angle de la proportion des importations de biens intermédiaires dans le total de leurs importations, en revanche, elles diffèrent nettement sous d'autres auspices.
En premier lieu, la part des consommations intermédiaires importées dans la production est en Allemagne nettement supérieure à ce qu'elle est en France. Par ailleurs, elle s'accroît plus rapidement.
PART DES CONSOMMATIONS INTERMÉDIAIRES
IMPORTÉES DANS LA PRODUCTION
EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE ENTRE 2000 ET
2006 (EN VALEUR)
|
Sources : TES symétriques - Insee. Eurostat
On observe que la proportion de biens intermédiaires dans le total des biens manufacturés importés n'augmente sensiblement qu'en Italie et surtout, en Allemagne. Au Royaume-Uni elle baisse de plus de 10 points tandis qu'en France son niveau est inchangé en 2007 par rapport à 2000.
Cependant, ces évolutions ne proviennent nulle part d'une inflexion des importations de biens intermédiaires. Dans tous les pays, celles-ci augmentent mais plus ou moins fortement.
Source : Bulletin de la Banque de France
n° 173 Mai-Juin 2008
Eurostat-Comext, calculs de l'auteur
Dans tous les pays considérés, on relève une tendance à recourir à plus de biens intermédiaires importés. Mais si dans certains pays le rythme d'augmentation des importations de ce type de biens n'excède pas celui des autres importations de biens manufacturés (au Royaume-Uni, il lui est très nettement inférieur), en Allemagne c'est sur un rythme beaucoup plus rapide que pour les autres biens que se développent les importations de biens intermédiaires (comme le montre la nette augmentation de la part de ces importations dans le total des importations industrielles du pays).
De fait, entre 1994 et 2000 le montant de ces importations a doublé en valeur en Allemagne, et après une pause au début du nouveau siècle, cette progression a repris ; les importations de biens intermédiaires ont encore augmenté de l'ordre de 50 % entre 2003 et 2007.
L'écart entre la France et l'Allemagne a considérablement augmenté à partir de 2000 alors qu'il était resté constant dans les années 90, période où l'augmentation du poids des importations de biens intermédiaires dans le total des importations de produits manufacturés en Allemagne était compensée par une croissance moins rapide des importations allemandes.
En outre, alors qu'en Allemagne l'évolution des consommations intermédiaires domestiques suit celle de la production en volume, les consommations intermédiaires importées progressent à un rythme beaucoup plus rapide.
Source : IXIS - Flash n° 243 - 5 juillet 2005
En fin de période, l'Allemagne importe près de deux fois plus que la France cette catégorie de biens alors que son produit intérieur brut n'excède le PIB français que de l'ordre de 25 %.
Même si cet écart est probablement, en grande partie, le résultat d'une industrie allemande plus développée et fortement consommatrice de ces biens, il témoigne d'un degré de dépendance des productions allemandes aux importations supérieur à ce qu'il est en France.
Les deux pays diffèrent également sous l'angle de la provenance des biens intermédiaires importés.
* 37 Les consommations intermédiaires sont les biens et services qui sont utilisés - et « détruits » - au cours de la production. Celle-ci, diminuée de consommations intermédiaires donne la valeur ajoutée de l'entité considérée. La somme des valeurs ajoutées donne le produit intérieur brut (le PIB).