IV. UNE AUGMENTATION DES INÉGALITÉS EN ALLEMAGNE PLUS FORTE QU'EN FRANCE
On pourrait arguer de l'évolution relativement satisfaisante du PIB par habitant en Allemagne pour estimer que, la trajectoire économique empruntée par le pays exerçant des effets favorables sur la richesse des allemands, ceux-ci ne percevaient pas d'incitations particulières à en changer.
La richesse par habitant appréciée à partir de données nominales est plus élevée en France qu'en Allemagne.
PIB/habitant en prix courant (en euro/habitant)
Allemagne (A) |
France (B) |
A - B |
|
2001 |
25 700 |
24 500 |
+ 1 200 |
2002 |
26 000 |
25 100 |
+ 900 |
2003 |
26 200 |
25 400 |
+ 500 |
2004 |
26 800 |
26 600 |
+ 200 |
2005 |
27 200 |
27 400 |
- 200 |
2006 |
28 200 |
28 500 |
- 300 |
2007 |
29 600 |
29 700 |
- 100 |
2008 |
30 200 |
30 400 |
- 200 |
2009 |
29 300 |
29 600 |
- 300 |
Source : Eurostat
Cette situation résulte d'un processus d'inversion continue au cours des années 2000 puisqu'en début de période le PIB/habitant de l'Allemagne était supérieur de 1 200 euros.
Toutefois, les comparaisons de richesse par habitant ne sont pas entièrement significatives si l'on ne prend pas en compte les éléments déterminants du pouvoir d'achat, notamment le niveau des prix.
C'est pourquoi on recourt généralement à une comparaison en standards de pouvoir d'achat. À son tour, ces comparaisons posent des problèmes de méthode liées en particulier au partage entre les volumes et les prix et à l'appréciation des structures de consommation des pays.
Sous ces importantes réserves, il ressort du tableau ci-dessous qu'apprécié à partir du critère du pouvoir d'achat, les PIB/habitant en Allemagne et en France présentent une image inversée de celle associée à des informations strictement nominales.
PIB/habitant en prix courant (en euro/habitant)
Allemagne (A) |
France (B) |
A - B |
|
2001 |
25 700 |
24 500 |
+ 1 200 |
2002 |
26 000 |
25 100 |
+ 900 |
2003 |
26 200 |
25 400 |
+ 500 |
2004 |
26 800 |
26 600 |
+ 200 |
2005 |
27 200 |
27 400 |
- 200 |
2006 |
28 200 |
28 500 |
- 300 |
2007 |
29 600 |
29 700 |
- 100 |
2008 |
30 200 |
30 400 |
- 200 |
2009 |
29 300 |
29 600 |
- 300 |
Source : Eurostat
Autrefois supérieur, le PIB/habitant est désormais nettement inférieur en France au niveau atteint en Allemagne.
On sait que cette inversion ne résulte pas d'une croissance supérieure. Elle provient des évolutions démographiques des deux pays, mais l'écart s'est creusé.
Cependant, il ne faut pas déduire des données relatives au PIB/habitant des conclusions qu'elles n'autorisent pas à tirer.
Théoriquement, elles donnent une certaine idée du potentiel de richesses pouvant être dispensées aux ménages.
Mais le pouvoir d'achat des ménages, a fortiori quand il s'agit d'en apprécier la distribution effective ne peut pas être décrit par ces informations.
De fait, ainsi qu'on l'a indiqué, le pouvoir d'achat des ménages allemands n'a pas suivi l'évolution du PIB, puisque sa répartition s'est déformée tandis que les ménages subissent des transferts moins favorables dans leurs relations avec les administrations publiques.
Par ailleurs, la trajectoire économique se traduit par une forte augmentation de la dispersion des revenus dont la hausse du taux de pauvreté témoigne.
La différence entre les deux pays a augmenté dans les années 2000.
Les inégalités et la pauvreté en Allemagne
Les inégalités et la pauvreté en France
Le coefficient de Gini qui mesure les inégalités dans la distribution des revenus (plus le coefficient est élevé plus les revenus sont inégalement distribués) est plus élevé en Allemagne qu'en France. Par ailleurs, son évolution montre que les inégalités augmentent en Allemagne notamment dans les années 2000 alors qu'elles se stabilisent en France.
L'augmentation des inégalités de revenu est nettement plus forte en Allemagne que dans l'ensemble des pays de l'OCDE.
Il en va de même pour le taux de pauvreté (ici calculé comme regroupant les personnes vivant avec moins de la moitié du revenu médian). Il a presque doublé en Allemagne où il dépasse dans les années 2000 le niveau moyen des pays de l'OCDE. En France, il ressort comme à peu près stabilisé et l'écart entre les deux pays atteint 4 points.
Une partie de ces évolutions est attribuable aux inégalités salariales. Les inégalités entre déciles ont été stabilisées en France et ont augmenté en Allemagne.
Inégalités salariales inter déciles
D9/D1 |
D9/D5 |
D5/D1 |
||||
France |
Allemagne |
France |
Allemagne |
France |
Allemagne |
|
1990 |
3,3 |
2,8 |
2 |
1,7 |
1,6 |
1,6 |
1995 |
3,1 |
2,8 |
1,9 |
1,8 |
1,6 |
1,6 |
200 |
3,0 |
2,9 |
2 |
1,8 |
1,5 |
1,6 |
2005 |
2,9 |
3,3 |
2 |
1,7 |
1,5 |
1,9 |
Les inégalités ont augmenté en Allemagne principalement du fait de la réduction des bas salaires dans les années 2000 ce que traduit l'étirement de la hiérarchie salariale entre les bas salaires d'un côté et les salaires élevés ou médians.
Mais l'augmentation des inégalités de revenu et le creusement de l'écart entre les deux pays ont été également tributaires de la dynamique exceptionnelle des revenus de la propriété en Allemagne (dont le poids dans la valeur ajoutée est passé de 15 à plus de 20 %) et d'une réduction de la redistribution.
* *
*
Au total, l'évolution des salaires et des revenus a pesé en Allemagne sur une croissance économique que stimulaient les résultats du commerce international.
En outre, la hausse de la part des profits dans la valeur ajoutée favorable à une élévation du rendement du capital n'a pas suscité le surcroît d'investissement escompté.
La demande intérieure est restée atone suggérant que le régime de croissance est en Allemagne à somme nulle sur fond d'un niveau de chômage structurel restant élevé et d'une montée des inégalités.